Protestataires pour le désinvestissement

Pourquoi «désinvestir» et comment gagner?

Dans le cadre de l’un des développements les plus audacieux du mouvement contre l’assaut israélien sur Gaza, des dizaines de milliers d’étudiants, d’étudiantes, de professeurs, de travailleuses et de de travailleurs ont occupé des campus universitaires dans tout le pays. Uni⋅es non seulement par leur opposition à la violence, les campements ont exigé que les universités rompent leurs liens financiers avec Israël, plus précisément que leurs fonds de dotation «désinvestissent» des entreprises qui font des affaires en Israël. Cette demande a été présentée de différentes manières par différentes parties du mouvement. 

Socialist Alternative demande l’arrêt de toute aide militaire américaine à Israël ainsi que le désinvestissement des fonds placés dans les institutions publiques et privées liées à l’occupation brutale des terres palestiniennes.

Ces demandes s’inspirent en partie des luttes passées pour le désinvestissement des combustibles fossiles, de celle contre le régime d’apartheid sud-africain ou de celle contre le complexe militaro-industriel pendant la guerre du Viêt Nam. Ce printemps, certains campements universitaires ont obtenu des concessions limitées de la part de l’administration de campus. Mais pourquoi le mouvement se concentre-t-il sur le désinvestissement des universités, et à quoi ressemble réellement le «désinvestissement» d’une université?

Les fonds de dotation universitaires ne rendent pas de comptes et sont inégaux

Derrière leurs tours d’ivoire, les universités sont de grandes entreprises. Outre les sommes exorbitantes qu’elles prélèvent des étudiantes et étudiants à titre des droits d’inscription, les universités disposent également d’énormes trésors financiers appelés «fonds de dotation». La valeur totale des dotations des universités américaines s’élève à plus de 839 milliards $, soit à peu près le budget prévu en 2024 pour l’ensemble de l’armée américaine. Ces montagnes d’argent sont censées compléter le budget de l’établissement et protéger l’enseignement supérieur contre les exigences du marché. Mais la réalité est tout autre.

Tout d’abord, les dotations de nombreuses universités privées proviennent de la fortune des marchands d’esclaves, des propriétaires de plantations, des voleurs et des profiteurs de guerre des débuts de l’histoire américaine. Les universités publiques ne sont guère mieux loties. Les deux universités les plus riches étant situées au Texas et tirant l’essentiel de leur fortune de l’exploitation du pétrole et du gaz. Les écoles n’ont jamais été et ne seront jamais exemptes de l’influence tordue de la cupidité capitaliste. En outre, il existe une incroyable disparité de richesse entre les écoles les plus riches et les plus pauvres. Les dix écoles les plus riches (dont huit sont privées) détiennent plus de 35% de l’ensemble des dotations des universités américaines. Les écoles les mieux dotées sont en fait des sociétés de gestion de portefeuilles d’actions auxquelles sont rattachées des salles de classe.

Ces riches universités gèrent leurs fonds de dotation en investissant dans l’immobilier et la bourse, cherchant à obtenir le meilleur retour sur investissement afin de pouvoir le consacrer à des centres de recherche prestigieux, à l’amélioration des infrastructures universitaires et (bien plus loin dans la liste) à l’octroi de bourses d’études. En outre, de nombreux établissements ne répertorient pas leurs investissements, ce qui signifie que la plupart des fonds de dotation sont de véritables boîtes noires, les corps étudiants et enseignants n’ayant aucun moyen de savoir d’où vient ou va leur argent.

De quoi avons-nous besoin pour obtenir le désinvestissement?

Une chose est extrêmement claire: les chanceliers et les conseils d’administration des universités ne divulgueront pas, ne désinvestiront pas et ne s’engageront même pas dans un dialogue sans une pression énergique. Les occupations et les campements sur les campus sont un bon début, mais ne suffisent pas à obtenir le désinvestissement. La plupart des victoires remportées jusqu’à présent en utilisant uniquement cette tactique ont été des «promesses de discuter du désinvestissement» et d’autres concessions aussi molles.

Pour obtenir un désinvestissement réel et concret, les mouvements étudiants doivent perturber le fonctionnement habituel des campus. Ils devront également travailler en étroite collaboration avec les travailleuses et les travailleurs universitaires, en particulier les étudiantes et les étudiants diplômés syndiqués ou organisés, afin d’arrêter l’enseignement sur le campus et de donner un poids réel à notre menace de ne pas relâcher nos efforts jusqu’à ce que les demandes du mouvement soient satisfaites. Ces efforts devront être coordonnés au niveau national, afin de rendre le mouvement plus résistant face à la répression policière. Une fois de plus, les travailleuses et les travailleurs des campus, par l’intermédiaire de leur syndicat national, peuvent jouer un rôle essentiel en reliant les différents efforts des campus à travers le pays.

Le désinvestissement doit également être ciblé pour être le plus efficace possible. Un désinvestissement général de «tout ce qui est israélien» peut alimenter des récits extrêmement faux sur l’antisémitisme et repousser les Israéliennes et les Israéliens de la classe ouvrière qui sont par ailleurs favorables à la fin de la guerre et de l’occupation. Un désinvestissement ciblé obligerait également les universités à se retirer des entreprises militaires américaines telles que Lockheed Martin et General Dynamics, qui soutiennent la guerre et en tirent profit. Un désinvestissement ciblé serait plus efficace et montrerait plus clairement aux travailleuses et aux travailleurs d’Israël que le désinvestissement est dirigé contre l’establishment israélien plutôt que contre eux et elles.

Nous devons aller plus loin que le désinvestissement

Le désinvestissement peut jouer un rôle important en ralliant les personnes qui étudient et qui travaillent sur les campus autour d’une revendication concrète pouvant être gagnée. Mais la réalité du désinvestissement est que, dans notre système capitaliste, pour chaque dollar universitaire retiré de la guerre et de l’occupation israéliennes, un autre dollar lucratif provenant d’ailleurs le remplacera. Il y a des limites réelles à ce que le désinvestissement peut accomplir.

Pour aller plus loin, les mouvements sur les campus devront s’associer à des luttes plus larges contre l’oppression et la guerre dans l’ensemble de la société. Plus important encore, les étudiantes et les étudiants peuvent jouer un rôle considérable dans les mouvements de la classe ouvrière qui luttent contre la guerre et l’exploitation inhérentes au capitalisme, que ce soit en Israël ou aux États-Unis.

Enfin, tout mouvement visant à mettre fin à la guerre et à l’exploitation devra être international. La force motrice centrale de la lutte pour la libération de Gaza, de la Cisjordanie et d’Israël sera l’action de masse des travailleuses et des travailleurs de la région, que ces personnes soient israéliennes ou palestiniennes. Un mouvement de la classe ouvrière au Moyen-Orient, dépassant les clivages religieux et nationaux et s’associant à un mouvement international, sera bien plus efficace pour faire avancer leur lutte que n’importe quelle action de désinvestissement venant de l’extérieur.

Des manifestants posent avec le drapeau du Bangladesh sur un canapé pillé dans la résidence de la Première ministre. Photo: REUTERS

Vague de grèves au Bangladesh après la chute du gouvernement

Le gouvernement capitaliste «intérimaire» prépare la répression.

La lutte de masse au Bangladesh est à un point décisif. Un mois après que le mouvement de masse a contraint la première ministre Sheikh Hasina à démissionner et à s’exiler, une confrontation se dessine entre une vague croissante de grèves ouvrières et le nouveau gouvernement. Le gouvernement «intérimaire» qui représente les propriétaires capitalistes d’entreprises multinationales prépare la répression.

«Le gouvernement intérimaire a annoncé des mesures sévères contre l’anarchie, alors qu’environ 200 usines ont suspendu leur production hier sur fond d’agitation ouvrière à Gazipur, Savar et Ashulia», a rapporté le Daily Star, le dimanche 8 septembre. Une réunion d’urgence des ministres, des chefs de police et des officiers de renseignement s’est tenue le même jour. «Des mesures sévères doivent être prises à l’encontre de certaines personnes afin de sauver les usines, les travailleurs et l’économie. Nous en avons discuté», a déclaré un conseiller du gouvernement aux médias.

Les grèves s’étendent

La semaine dernière a été marquée par une forte recrudescence des manifestations de travailleurs et de travailleuses dans l’industrie dominante de l’habillement, où les femmes sont majoritaires, mais aussi dans les usines pharmaceutiques et les fabriques de chaussures. Les grèves se sont propagées d’une usine à l’autre par des marches, des blocages de routes et des manifestations de masse devant les bureaux des entreprises et des autorités. Le mouvement et les méthodes sont clairement inspirés par le mouvement aux caractéristiques révolutionnaires de cet été.

De nombreuses entreprises ont fermé leurs usines, sur les conseils de la police. Au cours de la fin de semaine, «la police, l’armée et les gardes-frontières ont été déployés» pour assurer la reprise de la production. La police tente également «d’identifier et d’arrêter les personnes à l’origine des troubles». Le gouvernement et les entreprises accusent des «étrangers» d’en être à l’origine. Mais le conseiller du gouvernement admet qu’«il était difficile de distinguer les travailleurs des étrangers».

Un autre site web, bdnews24.com, a titré Qu’est-ce qui motive la soudaine augmentation des protestations des travailleurs de l’industrie de l’habillement au Bangladesh?, commentant que «tout à coup, les travailleurs de l’habillement font des demandes que personne n’a jamais entendues auparavant».

«Le groupe Sharmin, l’une des plus grandes usines de confection d’Ashulia, emploie environ 20 000 travailleurs. Après deux jours consécutifs d’attaques contre les portes de l’usine, celle-ci a été déclarée fermée. Une liste de 20 revendications a été soumise aux autorités de l’usine, la plupart d’entre elles étant nouvelles pour l’industrie.»

Salaires, congé de maternité et nationalisation

Sur d’autres lieux de travail, des listes de 10 à 15 revendications ont été présentées. Ces listes comprennent:

  • des augmentations de salaire de 15 à 20%,
  • des augmentations de salaire pour les heures supplémentaires et les équipes de nuit,
  • des indemnités de déjeuner et de transport,
  • des traitements médicaux,
  • le transport si un travailleur ou une travailleuse est malade,
  • un congé et une rémunération de maternité,
  • un avancement de grade pour les employé⋅es permanents ou permanentes tous les deux ans,
  • des primes et des jours de congé pour l’Aïd el-Fitr
  • la fin du harcèlement et des punitions dans le milieu de travail (y compris le fait d’être inscrit ou inscrite sur une liste noire).

L’un des principaux problèmes à l’origine des grèves est le non-paiement des salaires dans de nombreuses usines. Ces conditions ne sont pas nouvelles. La surexploitation brutale des travailleuses et des travailleurs du Bangladesh existe depuis des années. Elle constitue en fait la base du «miracle économique» du capitalisme bangladais, ayant attiré les multinationales. C’est l’impact de la lutte de masse qui a enhardi les travailleuses, les travailleurs et les masses pauvres à refuser d’accepter ces injustices plus longtemps et à s’engager sur la voie de la lutte militante.

L’augmentation du coût de la vie est à l’origine d’une nouvelle revendication réclamant davantage de travailleurs masculins dans l’industrie de l’habillement. Dans de nombreuses familles, les travailleuses du textile sont les seules à disposer d’un revenu. Cette demande souligne la nécessité de disposer de deux revenus.

Pour protéger les emplois dans une période de fermetures d’usines et de réductions d’effectifs, la revendication de nationalisations a été soulevée. Il s’agit d’une revendication essentielle dans un pays qui compte autant d’entreprises multinationales et de sous-traitants. Elle devrait être liée à la création d’organisations de travailleuses et de travailleurs capables de jeter les bases d’un contrôle de l’industrie par ces derniers et dernières.

Dans certains cas, les entreprises ont fait des promesses qu’elles n’ont pas tenues lorsque le travail a repris. En général, les capitalistes attendent leur moment et menacent les protestataires. Comme le rapporte un média, «Mohammad Hatem, président de l’Association des fabricants et exportateurs de tricots du Bangladesh, a déclaré que certaines revendications étaient “illogiques” […] “S’ils viennent avec de simples revendications, nous pouvons en discuter à la table, mais ils descendent plutôt dans la rue”, a déclaré Hatem, blâmant les “groupes d’intérêt” qui veulent nuire à l’industrie, sans donner d’autres détails.»

L’escalade

Au cours de la semaine dernière, les grèves et les manifestations ont continué de s’intensifier. Les travailleuses et les travailleurs exigent des réponses immédiates à leurs revendications et refusent de reprendre le travail malgré les menaces et les fermetures d’usines. L’expérience d’autres luttes ouvrières et mouvements de masse montre que cela ne peut pas durer indéfiniment – de nouvelles étapes dans la lutte sont nécessaires.

Le mouvement de grève doit être organisé et coordonné démocratiquement. Il n’y a pas seulement un risque d’intervention de la police. Plus grave encore, il n’y a pas d’organisation et de direction adéquates pour la classe ouvrière. Les syndicats ne regroupent que 5% de la main-d’œuvre du pays et sont dans la plupart des cas contrôlés par les deux principaux partis politiques pro-capitalistes (la Ligue Awami de Hasina et le Parti nationaliste du Bangladesh). Ils disent ouvertement qu’ils «n’ont pas les ressources» pour organiser des réunions dans les usines et certains dirigeants syndicaux ont remis en question le mouvement actuel.

L’absence de leaders expérimenté⋅es ainsi que d’une véritable organisation crée un vide qui peut être comblé par d’autres forces et semer la confusion. Par exemple, des politiciens corrompus se battent pour conserver leur influence, notamment sur le marché lucratif du «jhoot», c’est-à-dire la vente de déchets de tissus de vêtements. Il existe également des organisations non gouvernementales (ONG), souvent financées par l’étranger, qui ont la fâcheuse habitude de s’opposer à la «politisation» et de faire dérailler les luttes vers le «compromis».

Le mouvement de masse initié par les manifestations étudiantes contre le système des quotas s’est transformé en peu de temps en une révolte contre le gouvernement autocratique et corrompu, culminant avec la participation de centaines de milliers de personnes à la «Longue Marche vers Dhaka» le 5 août. Face à l’échec de la répression – bien que des centaines de manifestants aient été tués, plus de 20 000 personnes blessés et 11 000 arrêtées – les militaires ont conseillé à Sheikh Hasina de démissionner et les généraux ont mis en place un nouveau gouvernement afin de garder le contrôle de la situation pour le compte de la classe capitaliste.

Le nouveau gouvernement

Le mouvement étudiant a donné lieu à des confrontations physiques avec la police ainsi qu’avec les fiers-à-bras de l’aile étudiante de la Ligue Awami de Hasina. Des manifestations de masse ont incendié des postes de police, protesté devant les domiciles des leaders de l’Awami, défié les couvre-feux et le verrouillage de l’Internet et des systèmes de transport. Ces luttes explosives et l’apparence de victoire, du moins avec la défaite de l’aile la plus ouvertement réactionnaire du système capitaliste, ont clairement inspiré les manifestations actuelles de travailleuses et de travailleurs.

Les manifestations de masse du mouvement étudiant ont également interrompu la production de l’industrie de l’habillement du pays. Elle représente 85% des exportations et se classe au deuxième rang des exportations mondiales de textile, derrière la Chine.

La tâche du nouveau gouvernement est donc de «rétablir le calme» (c’est-à-dire le contrôle), a conclu le International Crisis Group (CPI), un groupe de réflexion de l’establishment capitaliste mondial. «Le gouvernement intérimaire devra rapidement restaurer la confiance dans l’économie et, en particulier, remettre le secteur de l’habillement – qui représente 85% des recettes d’exportation du pays – sur les rails.»

Le conseil donné aux militaires, qui ont organisé le nouveau gouvernement en très peu de temps, est que «sans le soutien des étudiants, le gouvernement intérimaire n’aurait eu qu’une crédibilité limitée et aurait même pu être confronté à de nouvelles manifestations». Le CPI poursuit : «ils ont également besoin d’une certaine expérience, ils ont nommé le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, pionnier du microcrédit et figure chevronnée de la société civile, pour diriger le gouvernement intérimaire». La CPI a également préconisé l’abolition de la règle constitutionnelle prévoyant l’organisation de nouvelles élections dans un délai de 80 jours. En fait, deux semaines seulement après le début de son mandat, Yunus a déclaré qu’il ne serait lié à aucun calendrier électoral et a souligné qu’il devait d’abord mener à bien des «réformes vitales».

Les luttes qui ont mis fin au régime de Hasina ont sans aucun doute donné confiance aux travailleuses et travailleurs. Mais la contradiction fondamentale de la «Révolution de juillet» est qu’en dépit de nombreuses caractéristiques extrêmement progressistes et importantes en termes d’organisation et d’héroïsme, la lutte a abouti – du moins pour l’instant – à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement souhaité par les capitalistes internationaux et nationaux. Il est là pour maintenir et restaurer l’ordre du système.

Tel qu’exigé par le mouvement, deux leaders étudiants ont rejoint le gouvernement. Ils l’ont fait en tant que ministres des postes, des télécommunications et de l’informatique ainsi que de la jeunesse et des sports. Cela a pour effet de donner au gouvernement une plus grande crédibilité auprès des masses. Parmi les autres ministres figurent un ancien général de brigade et un ancien gouverneur de la Banque du Bangladesh. Yunus dirige lui-même 27 ministères, dont ceux de la défense, de l’éducation, de l’alimentation, du textile et des femmes. Il ne s’agit pas d’un gouvernement de la Révolution de juillet, mais d’un gouvernement d’exploitation capitaliste continue. Le mouvement de masse ne doit pas se faire d’illusions. Elle doit lutter pour un gouvernement révolutionnaire basé sur la classe ouvrière et les masses pauvres.

La lutte de masse au Bangladesh a lancé un avertissement aux capitalistes et aux multinationales du monde entier. Elle est un signe des explosions sociales qui peuvent éclater dans toutes les parties du monde dans cette nouvelle ère de crise. Les racines de la révolte de masse sont communes à de nombreux autres pays:

  • forte inflation et hausse des prix,
  • emplois précaires,
  • longues heures de travail et chômage croissant,
  • gouvernement de plus en plus autoritaire.

L’impérialisme, par l’intermédiaire des multinationales, exploite depuis des décennies une classe ouvrière de plus en plus nombreuse au Bangladesh. Cependant, la forte croissance économique n’a en aucun cas profité aux travailleurs et aux travailleuses qui produisent les richesses. Le changement de gouvernement a donné un sentiment temporaire de liberté, mais n’a pas modifié les conditions fondamentales.

Une étape démocratique?

À l’instar de nombreux mouvements de protestation dans d’autres pays, une question apparemment restreinte – celle des quotas d’emploi – s’est rapidement transformée en un mouvement contre le gouvernement et les forces de l’État. Les revendications initiales contre les quotas ont été plus ou moins mises en œuvre lorsque le tribunal (c’est-à-dire le gouvernement) a reculé à la mi-juillet. Mais à ce moment-là, les revendications étaient dirigées contre la répression massive exercée par le gouvernement et les forces de l’État à l’encontre de manifestations initialement pacifiques. La principale revendication à partir de la fin du mois de juillet a été la démission du gouvernement, la libération des leaders étudiants arrêtés et l’arrestation des officiers de police responsables. Lorsque le gouvernement a proposé des pourparlers, la dynamique était telle que les leaders étudiants ont refusé d’y participer.

Le mouvement a également montré comment les revendications peuvent être mises en œuvre par la base, sans attendre le gouvernement ou les tribunaux. Le mouvement a exigé l’interdiction de la branche étudiante du parti au pouvoir, la Ligue Chhatra, mais il l’avait déjà chassé de nombreux campus, les déclarant Chhatra free. Le mouvement ne s’est pas limité aux universités et aux collèges, mais a également défilé dans les villes et bloqué les autoroutes et les voies ferrées.

Les manifestations du mois de juillet au Bangladesh ont présenté de nombreuses caractéristiques communes avec les révoltes d’autres pays. Elles ont été menées par des jeunes, des étudiants et des étudiantes, avec de nombreuses jeunes femmes en première ligne. Ils ont été rejoints, d’abord par le corps enseignant, puis par des avocats et des avocates ainsi que des couches plus larges de travailleuses et de travailleurs. La répression de l’État est rapidement devenue la question la plus importante, éclipsant les autres.

Ce mouvement a ébranlé la classe dirigeante. Les orientations suivantes ont été données par le mouvement étudiant du 3 août, un ultimatum pour la démission du gouvernement:

  • non-paiement des impôts et des factures de services publics
  • fermeture de toutes les institutions (tribunaux, bureaux)
  • appel à l’arrêt de tout travail dans les ports, les transports collectifs et les usines.

Il a même appelé à l’arrêt des transferts de fonds provenant de l’étranger, une source importante de revenus.

Après la victoire contre le gouvernement, même les forces de police tant détestées se sont mises en grève du 6 au 11 août dans le but d’éviter les représailles et de rejeter l’entière responsabilité de leurs actions sur le gouvernement.

Le mouvement au Bangladesh présente certaines des caractéristiques d’une révolution politique: un mouvement de masse qui chasse un gouvernement autoritaire. Toutefois, comme l’ont montré tant d’autres luttes historiques, il ne peut s’agir que du début d’un processus révolutionnaire.

Lorsque le président Hosni Moubarak a été renversé en Égypte en 2011, l’ISA a souligné la victoire et la force des masses. Mais elle a également mis en garde contre la contre-révolution dans le contexte de l’absence d’une alternative politique révolutionnaire. L’impérialisme et l’establishment militaire, qui constituent au Bangladesh une partie essentielle de la classe capitaliste, prépareront inévitablement une contre-révolution. La question de savoir si cela réussira dépend du degré d’organisation de la classe ouvrière en tant que force la plus révolutionnaire de la société. Cela dépend aussi du fait qu’elle soit armée d’une stratégie de combat et d’une direction socialiste consciente. Au Bangladesh aujourd’hui, cette tâche commence par la reconnaissance du fait que les travailleuses, les travailleurs, les étudiantes et les étudiants ne doivent pas soutenir le gouvernement intérimaire du dirigeant capitaliste Yunus, soutenu par les États-Unis, ni lui accorder leur confiance.

La leçon la plus importante pour les luttes révolutionnaires peut être tirée de la Révolution russe de 1917. La révolution de février a renversé le tsar détesté, créant un espoir massif de changement et de démocratie. Cet état d’esprit a même touché les leaders bolcheviks, dont Staline, qui a d’abord apporté un soutien «critique» au nouveau gouvernement provisoire. Aujourd’hui encore, les staliniens prônent une théorie étapiste, qui commencerait par une soi-disant «étape démocratique» préalable à une prétendue lutte pour le socialisme par la suite. Lénine, cependant, a souligné les limites de la révolution de février et la nécessité pour la classe ouvrière de construire son propre parti révolutionnaire et de prendre le pouvoir par l’intermédiaire de ses propres comités, les soviets, afin d’obtenir la paix, la terre et le pain. Le gouvernement provisoire, fondé sur le capitalisme et l’État tsariste, ne changerait pas fondamentalement la société et deviendrait plutôt, comme l’a prévenu Lénine, le «centre d’organisation» de la contre-révolution.

Aujourd’hui au Bangladesh, les travailleuses et les travailleurs devraient exiger la création d’une véritable assemblée constituante du peuple pour remplacer le Parlement national (la Chambre des nations), corrompue et dominée par l’élite. Une telle assemblée devrait avoir le pouvoir de prendre le contrôle des plus grandes entreprises dans le cadre d’une propriété publique démocratique ainsi que de mettre en œuvre des réformes sociales de grande envergure telles:

  • l’augmentation des salaires et des pensions,
  • la protection des emplois et des soins de santé.

Cela ne peut être gagné que si la classe ouvrière, soutenue par les étudiants, les étudiantes et les autres secteurs de la population, s’organise pour forcer la convocation d’un nouveau pouvoir de la base, à travers la création de comités d’usine de travailleurs et de travailleuses, de véritables syndicats de masse et d’un parti politique de la classe ouvrière.

Free Daniel Akande

Libérez Daniel Akande! Manifester n’est pas un crime!

Agissons pour exiger la libération de Daniel Akande et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la campagne de répression de l’État nigérian.

Le dimanche 1er septembre, le camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.

La répression et les arrestations se concentrent sur la capitale, Abuja, ainsi que sur les États de Kaduna et de Kano. Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis trois semaines, avec la fin de la manifestation #EndBadGovernancceProtest le 10 août. Parmi elles se trouvent des activistes et des socialistes.

Dix d’entre eux, dont Michael Tobiloba Adaramoye du DSM, ont été traduits en justice le 2 septembre. Les documents judiciaires (FHC/ABJ/CR/454/2024) indiquent que le régime du président Tinubu réclame la peine de mort pour chacun d’entre eux, car ils ont pris la tête des manifestations organisées par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes pour exprimer leur opposition à la faim et à la pauvreté croissante. Ils sont accusés à tort de trahison et de complot visant à renverser le gouvernement.

Les rapports indiquent que les personnes arrêtées sont torturées pour qu’elles donnent les noms d’autres militants. Cela a conduit à l’arrestation de Daniel Akande. Nous savons que d’autres camarades figurent sur la liste des personnes a arrêter par la police. Elle tente désespérément d’attraper d’autres personnes organisatrices et participantes aux manifestations.

Les syndicats sous attaque

La principale fédération syndicale, le Nigeria Labor Congress (NLC), et son président, Joe Ajaero, ont également été attaqués. Le bureau central a été perquisitionné et vandalisé par la police. La semaine dernière, lorsque Joe Ajaero a été convoqué par la police, le syndicat a menacé d’organiser une grève nationale s’il était placé en détention. Nous devons appeler les syndicats à ne pas abandonner les jeunes de la classe ouvrière arrêtés par la police, à défendre le droit de manifester en tant que droit démocratique et à mobiliser le soutien et organiser les actions de solidarité nécessaires pour libérer toutes les personnes qui ont été arrêtées. Il faut même insister sur l’indemnisation des familles de toutes les personnes tuées par la police et les agents de sécurité au cours des manifestations.

Les accusations portées contre les personnes arrêtées sont totalement infondées. C’est la position adoptée par le NLC lorsqu’il a été accusé de «financement du terrorisme». Les militants et militantes arrêté⋅es sont également accusé⋅es d’avoir reçu de l’argent de sources suspectes provenant de l’étranger. Le gouvernement a également accusé un certain M. Povey, citoyen britannique, d’être impliqué dans une tentative de coup d’État et l’a déclaré «recherché».

Cette campagne menée par l’État nigérian est fondée à la fois sur la crainte gouvernementale des manifestations et sur une tentative de coup de force visant à susciter la peur et à paralyser le mouvement sur le terrain. On ne sait pas encore jusqu’où elle ira, avec les procès, les condamnations, etc.

Lorsque Bola Tinubu est devenu président du Nigeria en mai de l’année dernière, le prix d’un litre d’essence était de 167 Naira (0.13$ CAN). L’augmentation du prix de 300% décrété par l’État, le fixant à 670 Naira (0.55$ CAN), n’a rien fait pour mettre de l’essence dans les stations-service. La pénurie actuelle a fait monter le prix du litre entre 800 et 1 200 Naira (0.66 et 1$ CAN) sur le marché noir, où le carburant est plus facile à obtenir que dans les stations-service!

Les prix des denrées alimentaires augmentent de la même manière. Le Naira est la deuxième monnaie la moins performante au monde. Une série de grèves, dont beaucoup ont été reportées par les directions syndicales, a contraint le gouvernement à augmenter le salaire minimum mensuel de 30 000 à 70 000 Nairas (25$ et 58$/mois). Cette mesure n’a pas encore été mise en œuvre et la majorité des gouverneurs de l’État ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de payer.

Le Movement for a Socialist Alternative (MSA), l’ensemble du mouvement syndical et les organisations sympathisantes mènent une campagne pour que les charges soient abandonnées et que toutes les personnes militantes détenues soient libérées.

Agissez maintenant pour la solidarité ! Envoyez des lettres de protestation à la police et aux autorités!

 

Envoyez-les:

Au bureau du président Tinubu

info@osgf.gov.ng

 

À la police d’Abuja

pressforabuja@police.gov.ng

 

Exemple de lettre 

Free Daniel Akande and all arrested!

On Sunday, 1 September, Daniel Akande, member of MSA (ISA in Nigeria) was arrested by police in Abuja, the Nigerian capital. We demand his immediate release, with all charges dropped.

We demand the release of all protesters arrested and held in custody since the #EndBadGovernanceProtest ended on August 10. In total hundreds have been arrested.

We are closely following events in Nigeria, where the huge price increases on fuel, transport and food caused mass protests this year, latest and largest in early August. We have also noted the new minimum wage not being implemented.

The response of the regime under president Tinubu has been increased repression against activists and labor, with completely unfounded charges.

We urge labor, left wing and democratic grassroot organisations to engage and spread information and protests for the immediate release of all arrested.

City and date:

Names and organisation:

Des membres de Lutte socialiste durant les protestations du 2 et 3 septembre en Israël

L’outrage des otages tués entraîne une grève générale historique

Les protestations de ces derniers jours en Israël ont atteint des proportions historiques. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche et une grève générale s’est déroulée ce lundi. Une décision de justice a mis fin prématurément à la grève. Le premier ministre Netanyahou s’est vivement opposé aux grévistes. Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un tract de nos camarades de Lutte Socialiste, la section de l’ISA en Israël/Palestine.

Après une grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours!

  • Stoppons la guerre maintenant!
  • Pour l’échange de tous les otages d’un côté contre tous les otages de l’autre!
  • Pour la reconstruction et le bien-être pour tout le monde!
  • Pour le renversement du gouvernement israélien sanguinaire!

L’assassinat des six personnes enlevées à la suite de la décision du «cabinet de la mort» israélien de perpétuer l’occupation du «corridor de Philadelphie» entre Gaza et l’Égypte a porté l’indignation générale de la société israélienne à son comble. Face à l’insistance du gouvernement minoritaire de Netanyahou et de l’extrême droite à torpiller un accord et à poursuivre la guerre – qui n’était pas destinée à défendre la sécurité de millions d’Israéliens et d’Israéliennes, mais bien les intérêts du régime d’occupation et la domination du capital, au prix de rivières de sang – l’indignation et la mobilisation de masse ont réussi à déclencher une grève générale sans précédent dans le contexte de guerre.

De la base de la classe travailleuse, à la fois juive et arabe, est né un mouvement de grève générale politique «non autorisé». L’élément déclencheur immédiat a été le torpillage illégitime des ministres du gouvernement sanguinaire d’un accord de cessez-le-feu, et donc d’un échange d’otages et de prisonniers. Les grévistes voulaient plutôt contraindre le gouvernement à signer un accord. Quelque 300 000 personnes ont afflué à Tel-Aviv, la plus grande manifestation depuis le 7 octobre 2023 et l’une des plus importantes jamais organisées dans la société israélienne.

Le président de la principale fédération syndicale israélienne Histadrut, Arnon Bar-David, a finalement succombé à la pression des masses. Il était jusqu’à très récemment totalement opposé à la mobilisation de la force organisée de la classe travailleuse en faveur d’un accord de cessez-le-feu. Cela s’est passé de la même manière que lors de la grève générale de mars 2023. Comme à l’époque, Bar-David n’a pas l’intention de mener une lutte sérieuse dans le but de renverser le gouvernement, mais plutôt de protester et de laisser la pression sortir, tout en se présentant comme le seul responsable de la prise de décision au nom de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs.

Certains capitalistes, profitant du fait que le ministre des finances Smotrich et le gouvernement sanguinaire sont occupés à répercuter les coûts économiques de la guerre sur les travailleurs et les travailleuses, ont exprimé leur soutien à la grève générale de protestation. Mais ils le font pour des raisons de «relations publiques» et parce qu’ils reconnaissaient que la grève était un moyen d’accroître la pression sur Netanyahou afin qu’il fasse preuve de souplesse sur la question d’un accord. Ultimement, ces capitalistes estiment nécessaire un cessez-le-feu dans l’intérêt de la stabilité. Ils étaient convaincus que la grève se limiterait à une opération de défoulement. Ils étaient donc prêts à y participer.

D’autres secteurs de la classe dirigeante israélienne craignent que la légitimation d’une grève générale politique contre le gouvernement, même dans le contexte de crise d’une guerre, se retourne contre eux dans le cadre de futures luttes sociales. Ainsi, le procureur général libéral Baharav-Miara, soi-disant champion de la «démocratie», s’est joint à Smotrich pour tenter de mettre fin à la grève en exigeant la délivrance d’une ordonnance anti-démocratique. Elle a effectivement été délivrée par le président du tribunal régional du travail de Tel-Aviv-Jaffa. Elle a ordonné la fin de la grève à 14h30, après 8 heures et demie de grève, dans une décision destinée à dissuader légalement toute future grève générale politique.

Le gouvernement ne bougera pas après une grève de protestation de quelques heures

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes se sont mis en grève et sont descendus en masse dans les rues pour changer une réalité horrible. Cet élan combatif pour un «accord dès maintenant» ne doit pas céder à un relâchement de la pression, à un retour à la routine et à l’idée que «rien ne peut être fait» face à la puissance de ce gouvernement sanguinaire.

Après cette importante grève d’avertissement, le gouvernement doit recevoir un ultimatum clair de deux jours de grève générale dans le cadre d’un plan d’escalade de la lutte. Entre-temps, les délégations et les syndicats devraient organiser les employé⋅es dans chaque milieu de travail pour renforcer les manifestations. Tous les syndicats doivent adopter un plan d’action clair et le soumettre aux personnes élues de la Histadrut pour discussions et adoption, ainsi aux organes similaires des autres syndicats et organisations.

Cette lutte appartient aux masses qui y participent. La mobilisation de masse nous a même permis d’aboutir à une grève générale. Aujourd’hui, les réunions (virtuelles ou en personne) dans les milieux de travail, dans les écoles et les campus, et parmi les groupes de protestation, peuvent contribuer à renforcer les discussions qui évaluent la situation afin de prendre des décisions démocratiques pour construire la lutte.

La lutte met également à l’ordre du jour la question de la fin de la guerre. Il est important de se méfier des voix de droite qui tentent de réduire l’horizon de la lutte à la question d’un accord qui n’a soi-disant rien à voir avec la poursuite de la guerre. Sans la fin de la guerre et le retrait des troupes de Gaza, la possibilité d’un accord est très faible. Et de toute façon, sans la fin de cette guerre de destruction, l’horrible spirale sanglante de ces derniers mois se poursuivra, à grands frais. Des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes, toute la bande de Gaza a été détruite et la quasi-totalité de la population a été déplacée sous des tentes. Des communautés en Israël et au Liban restent déplacées. Pendant ce temps, le gouvernement Netanyahu et l’extrême droite poussent vers une guerre régionale.

Par conséquent, cette lutte doit être dirigée sans équivoque contre la violence de la guerre – à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et dans toute la région – et contre le gouvernement capitaliste sanguinaire qui la dirige, et pour une alternative de changement socialiste face à l’occupation et à la domination sanglantes du capital.

Lutte socialiste demande :

  • Après cette grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours comme étape d’un plan d’escalade de moyens de pression. Paralysons l’économie israélienne. Exigeons la fin de la guerre et le retour de tous les otages (All for All) dans le cadre d’une lutte générale contre le gouvernement capitaliste sanguinaire de Netanyahou et de l’extrême droite. Lutton contre leur agenda qui sert la domination du capital et du régime d’occupation. Pour le retrait complet de toutes les troupes de la bande de Gaza. Pour l’arrêt des attaques militaires et des colons en Cisjordanie. Pour l’arrêt de la politique d’assassinats et de bombardements. Refusons une guerre régionale sous les auspices des puissances impérialistes de l’Ouest et de l’Est.
  • Pour des manifestations et des grèves à travers toutes les communautés nationales, les campus et les milieux de travail. Luttons contre les tentatives de restriction du droit de grève. Oui aux actions de protestation et de grève de masse des deux côtés de la Ligne verte, dans toute la région et dans le monde entier pour mettre fin au massacre à Gaza. Pour des actions syndicales visant à arrêter l’armement d’Israël et des manifestations pour mettre fin au soutien politique, économique et militaire impérialiste des gouvernements et des entreprises du monde entier au massacre à Gaza. Oui au refus du service militaire au sein de la population israélienne pour protester contre la guerre. Oui à l’appel des syndicats palestiniens pour des actions de solidarité internationale et à des mesures organisationnelles pour aider à arrêter le carnage à Gaza. Oui aux manifestations et aux grèves de protestation palestiniennes, telles que la «grève de la dignité» de mai 2021, des deux côtés de la Ligne verte, dans le cadre d’une lutte de masse organisée démocratiquement par des comités d’action élus, y compris des aspects d’autodéfense organisée, pour la libération nationale et sociale.
  • Pour la fin de la persécution politique et de la violence policière de Ben-Gvir. Elle vise à protéger le gouvernement, à perpétuer l’oppression nationale et à «diviser pour mieux régner». Elle veut faire taire la lutte pour un «accord dès maintenant» et pour mettre fin à la crise de la guerre et aux massacres à Gaza. Non au retrait des libertés démocratiques et à la hausse de la persécution politique. Non à l’émission d’ordonnances d’urgence. Exigeons que des comités ouvriers et que toutes les organisations de travailleurs et de travailleuses protègent les personnes persécutées par la chasse aux sorcières nationaliste contre les opposants et opposantes à la guerre. Non à la campagne de persécution du syndicat national des étudiants et étudiantes: pour le blocage de la loi visant à faire taire les voix dans le monde universitaire.
  • Pour la fermeture du centre de détention et de torture au Yémen, le «Guantanamo israélien». Pour la fin de la détention massive de Palestiniens et Palestiniennes, y compris des enfants, avec ou sans procès militaires. Pour la fin des détentions administratives, de la torture et des mauvais traitements infligés aux prisonniers de Palestine. Pour la fin de la légitimation, par l’extrême droite, de la torture et du viol, dans le cadre d’un programme réactionnaire qui promeut l’oppression nationale extrême et le meurtre de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de l’oppression fondée sur le genre et le sexe, et contre l’imposition des inégalités et de la pauvreté.
  • Assurons plus de préparation aux mesures d’autodéfense lors des manifestations. Oui à la prise de mesures de sécurité indépendantes de la police, à l’organisation de l’autodéfense et au maintien de la paix entre les personnes manifestant contre le gouvernement capitaliste sanguinaire, la guerre et l’occupation. Oui aux comités de défense créés sur une base démocratique dans les communautés, et à la coopération intercommunautaire au niveau local et national. Oui au droit à l’autodéfense organisée des résidents et résidentes sous occupation militaire et en état de siège, y compris avec l’aide d’une sécurité armée, organisée démocratiquement par des comités de défense élus.
  • Pour la fin du carnage, pour la fin de la famine de masse et pour des investissements massifs dans la reconstruction de Gaza et de toutes les communautés aux frais des capitalistes. Pour le transfert massif de nourriture, d’eau potable, de produits de base et d’équipements médicaux sans frais pour les habitants et habitantes de Gaza dans le cadre d’investissements massifs dans la reconstruction sous le contrôle démocratique de ces derniers et dernières, aux dépens des capitalistes des pays qui ont financé la guerre. Pour l’expropriation des banques, des grandes chaînes et des infrastructures clés de l’économie israélienne et leur intégration dans le secteur public, sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs et travailleuses. Pour des investissements massifs dans l’indemnisation et la reconstruction des deux côtés de la barrière.
  • La paix passe par la lutte pour une transformation socialiste de la société. Pour la fin de cette guerre qui cherche à restructurer et à perpétuer la dictature du siège de Gaza, de l’occupation, des colonies, de la pauvreté et de l’oppression nationale extrême imposée à des millions de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de la domination du capital. Luttons pour une solution qui va à la racine, basée sur la fin de l’oppression nationale, l’égalité des droits à l’existence, à l’autodétermination et à une vie de dignité, de bien-être et de sécurité pour tout le monde. Oui à la lutte pour un État palestinien indépendant, démocratique, socialiste et doté de droits égaux. Oui à la lutte pour la démocratie et le changement socialiste en Israël et dans la région. Oui à deux capitales à Jérusalem. Pour la réalisation d’une solution juste à la question des personnes réfugiées par le biais d’un accord reconnaissant l’injustice historique et le droit au retour des personnes qui souhaitent revenir d’où elles ont été chassées, tout en garantissant une vie de prospérité et d’égalité à tout le monde.
  • Pour la solidarité internationale, dans les luttes des travailleurs, des travailleuses et des gens ordinaires à travers la région, dans le cadre d’une lutte pour le changement socialiste et la paix dans la région. Pour la création d’une confédération de pays socialistes de la région, qui promouvra la démocratie et la sécurité et utilisera les ressources clés, dans le cadre d’une propriété publique démocratique, pour le bien commun, tout en garantissant l’égalité des droits pour toutes les nations et toutes les minorités.
  • Pour la promotion de mesures visant à construire une alternative politique de classe, internationaliste et combative de gauche, sous la forme de partis de lutte larges des deux côtés de la Ligne verte. Pour une coopération des uns avec les autres dans la lutte contre la domination israélienne du capital et de l’occupation et pour un changement socialiste. Pour la coopération face aux politiques capitalistes nationalistes et à l’agression impérialiste qui défendent des régimes oppressifs et tout un système d’inégalité et de crises multiples, qui ont causé l’actuel bain de sang à Gaza.
Cheminots des Teamsters en grève

Solidarité avec les cheminots!

Le gouvernement canadien, avec l’appui du CCRI, a forcé les 9 300 cheminots, membres du syndicat des Teamsters, à reprendre le travail le 26 août. Cette mesure bafoue le droit démocratique des syndiqué⋅es à faire grève. Les travailleurs et travailleuses ont voté à 99% en faveur d’un mandat de grève en mai dernier. La Cour suprême du Canada a pourtant statué qu’ils et elles avaient le droit de faire la grève.

Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a ordonné le 22 août que le conflit soit soumis à l’arbitrage. Le 24 août, le CCRI a ordonné la fin des grèves au Canadien National (CN) et au Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) d’ici le 26 août.

Il s’agit d’une attaque contre tous les travailleurs et travailleuses. Si les employeurs bloquent les négociations et demandent ensuite au gouvernement d’intervenir, le droit de grève n’a plus aucun sens.

Le syndicat des Teamsters s’est conformé à la décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), mais il fera appel de la décision devant les tribunaux. Il a déclaré à juste titre que la décision «crée un précédent dangereux» et que «les droits des travailleurs canadiens ont été considérablement réduits aujourd’hui».

Il est important de se rappeler que les préoccupations du syndicat portent essentiellement sur les projets des entreprises de modifier les horaires et les modalités de travail, ce qui rendra le transport ferroviaire encore plus dangereux. Les trains transportent déjà de nombreuses marchandises à haut risque et déraillent parfois. C’est une préoccupation pour tous les Canadiens et Canadiennes, car les trains de marchandises circulent dans presque toutes les villes et villages du pays.

Le réseau ferroviaire canadien a été paralysé. Les deux sociétés, le CN et le CPKC, qui contrôlent les chemins de fer du pays, ont mis en lock-out leurs 9 300 travailleurs et travailleuses peu après minuit le 22 août, au moment où la grève des Teamsters débutait. Cette décision fait suite à des mois d’impasse dans les négociations. Les travailleurs et travailleuses, membres de la Conférence ferroviaire Teamsters Canada, ont voté à 99% en faveur d’une grève. Ce mandat écrasant démontre leur détermination à obtenir un contrat solide et à résister aux grandes sociétés ferroviaires.

Le gouvernement intervient dans les négociations

Les grandes entreprises ont demandé au gouvernement fédéral de soumettre le conflit au Conseil canadien des relations industrielles pour un arbitrage exécutoire, ce qu’elles ont refusé de faire avant le lock-out. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a demandé avec insistance aux deux parties de «parvenir à une entente . Le gouvernement a souligné que les travailleurs et les travailleuses ont le droit de faire la grève en vertu de la loi canadienne et que la meilleure approche est de mener de véritables négociations. Après avoir rencontré Teamsters Canada, le CN et la CPKC, la ministre du Travail a qualifié les négociations «d’une lenteur inacceptable».

Pourtant, 17 heures seulement après le début de la paralysie, le gouvernement a ordonné que le conflit soit soumis à un arbitrage exécutoire. Le gouvernement a agi comme le voulaient les employeurs et les grandes entreprises. Le syndicat avait refusé l’arbitrage exécutoire, qui donnerait l’illusion d’un «accord équitable pour les deux parties», mais qui donnerait très probablement aux compagnies ferroviaires ce qu’elles veulent.

Le lock-out aurait menacé considérablement les profits des grandes entreprises, car il touche presque tous les grands secteurs d’activité. Comme on pouvait s’y attendre, les gouvernements provinciaux, les chambres de commerce et les associations d’entreprises ont supplié le gouvernement fédéral d’agir, que ce soit par une loi de retour au travail, en déclarant le transport ferroviaire comme service essentiel, ou en recourant à l’arbitrage exécutoire. Les patrons sont unanimes pour ne pas demander aux sociétés ferroviaires de présenter une offre constructive, car les entreprises et leurs politiciens et politiciennes agissent dans l’intérêt de leur classe.

Le gouvernement de la Saskatchewan a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une loi de retour au travail. Plusieurs chambres de commerce ont demandé que les chemins de fer soient considérés comme un service essentiel. Cependant, les sociétés ferroviaires ne sont pas d’accord et le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a déclaré que le transport ferroviaire n’était pas un service essentiel.

Il semble que dès le départ, les compagnies ferroviaires espéraient que le gouvernement agirait en leur nom plutôt que de négocier sérieusement. Cette approche est similaire à celle des employeurs lors de la grève de l’an dernier dans les ports de la Colombie-Britannique. Toutefois, dans ce cas-là, les compagnies portuaires ont dû négocier une entente.

Les chemins de fer privilégient les profits à la sécurité

Le conflit de travail ne porte pas seulement sur les salaires, mais aussi sur des conditions de travail sécuritaires. Les compagnies ferroviaires ont fait passer la rentabilité avant la sécurité des employé⋅es et de tous ceux et celles qui vivent à proximité d’une voie ferrée. Cela comprend des changements dans le pointage de fin des heures de travail. Si les employé⋅es terminent leur travail plus tôt que prévu, ils et elles peuvent être réaffecté·es à de nouvelles tâches.

Les Teamsters ont souligné le danger que représentent des travailleurs et travailleuses fatigué·es. Dans le même temps, les entreprises veulent limiter les intervalles de 10 à 12 heures entre les quarts de travail. Les chemins de fer veulent s’assurer que les travailleurs et les travailleuses passent chaque instant de leur journée sur les voies, ce qui leur laisse à peine assez de temps pour dormir et se déplacer. De plus, il y peu de limites quant au moment où les employé⋅es peuvent être appelés pour une période de travail, ce qui accroît les risques de fatigue.

Les capitalistes se préparent à l’impact

On ne saurait trop insister sur le pouvoir dont disposent les travailleurs et les travailleuses du rail dans cette grève : des marchandises d’une valeur d’un milliard de dollars circulent chaque jour par train. Une grève ou un lock-out ferroviaire peut mettre un terme aux activités capitalistes habituelles, en raison de la nature de l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement canadienne. Et contrairement aux conflits ou aux grèves ferroviaires précédents, le CN et la CPKC ont tous deux mis en lock-out les travailleurs et les travailleuses en même temps.

Les deux entreprises ont commencé à réduire leurs approvisionnements en début de mois, en prévision d’un lock-out. Les messages creux des patrons du rail, qui accusent le syndicat d’être responsable de la fermeture, contredisent leurs propres actions. Les patrons se sont préparés à une confrontation.

De nombreuses industries ont tiré la sonnette d’alarme : les secteurs des engrais et de l’agriculture ont mis en garde contre les effets potentiels sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Le secteur de l’élevage a signalé les effets sur les viandes périssables. Les industries du chlore, utilisé pour traiter l’eau potable, allaient être touchées. Les industries non alimentaires, comme l’automobile, la médecine, les matières dangereuses et le fret allaient également être touchées.

Sur le plan international, les entreprises canadiennes craignent une détérioration des relations commerciales. Le président de l’Association canadienne de gestion du fret a déclaré que cette grève «est très néfaste pour notre réputation en tant que nation commerçante». De nombreuses entreprises ont des liens étroits avec les entreprises américaines et certaines craignent que des contrats soient supprimés en raison du lock-out. «D’un point de vue international, si vous perdez un contrat… qui sait s’il reviendra.»

Solidarité avec les cheminots

Les entreprises ont utilisé les effets d’une grève sur les travailleurs et travailleuses et les petites entreprises comme un argument dans l’espoir de mobiliser un soutien massif contre une grève. La réalité est tout autre.

Le président des Teamsters, Paul Boucher, a déclaré que les entreprises (le CN en particulier) «se soucient peu des agriculteurs, des chaînes d’approvisionnement ou des petites entreprises. Cette entreprise très rentable joue dur avec l’économie canadienne, faisant tout ce qu’elle peut pour remplir les poches de ses dirigeants et de ses actionnaires, peu importe les conséquences.»

Le CN et la CPKC privilégient les profits au détriment de la sécurité et des bonnes conditions de travail, préférant mettre les travailleurs et les travailleuses en lock-out et paralyser l’économie. Les travailleurs et travailleuses doivent être solidaires des cheminots et s’opposer à la cupidité des entreprises.

La décision du gouvernement libéral de soumettre le lock-out au CCRI pour arbitrage est un cadeau fait aux autres employeurs et une attaque contre les droits des travailleurs, des travailleuses et des syndicats. Chaque employeur sera tenté de mettre ses travailleurs et travailleuses en lock-out, en espérant que le gouvernement interviendra. C’est un problème qui concerne tous les syndicats.

L’issue de l’arbitrage pourrait constituer un défi pour les travailleurs et travailleuses si elle se prononce en faveur des patrons. Le syndicat a le pouvoir d’obtenir un bon contrat. Contrairement aux patrons, il est nécessaire à la gestion de la société. Pour gagner, il devra rester uni et fort.

Les cheminots ne doivent pas lutter seuls. La solidarité des autres travailleurs et travailleuses renforcerait leur pouvoir. Organisé·es et luttant ensemble, les travailleurs et les travailleuses ont le pouvoir de gagner. Solidarité avec les cheminots!

Pour la libération queer! Pas le capitalisme arc-en-ciel!

Pourquoi la Fierté est-elle passée d’une manifestation soulignant une émeute contre la brutalité policière à une énorme campagne publicitaire commerciale qui s’étale sur plus d’un mois? L’année dernière, les spectatrices et les spectateurs de la marche des Fiertés sont restés debout pendant des heures sous une chaleur accablante, alors que le lent défilé commercial avançait […]

La CAQ met la table pour de l’austérité

L’an dernier, la CAQ prédisait un regain économique pour le Québec. La réalité a été  moins positive qu’espérée. Le PIB réel a stagné en 2023, avec une hausse de 0,2%. Le budget a été réduit de 2,4 milliards $. Mais le gouvernement nous promet quand même une «reprise durable dès le deuxième semestre de l’année […]

Joe Biden et Kamala Harris au Democratic National Committee de 2023 à Philadelphie. Photo: AP Photo/Patrick Semansky

Pour un nouveau parti, pas une autre démocrate

La campagne présidentielle de 2024 a pris une tournure sans précédent. Le 21 juillet, Joe Biden a annoncé qu’il met un terme à sa campagne de réélection et soutient la vice-présidente Kamala Harris comme candidate présidentielle démocrate. Ce cycle électoral, qui promettait à l’origine une répétition peu enthousiasmante du duel Biden-Trump, a été secoué par des événements historiques au cours du mois dernier: d’un débat angoissant à une tentative d’assassinat, et maintenant le premier président sortant à se retirer depuis plus d’un demi-siècle.

Les partis et les institutions capitalistes traditionnels sont en crise partout dans le monde. Au Royaume-Uni, les conservateurs viennent de subir leur pire défaite depuis 190 ans. Les élections anticipées en France ont vu la montée en puissance de la gauche et de la droite, les électrices et les électeurs ayant abandonné le président Emmanuel Macron et les «centristes». Au Kenya, des manifestations de masse ont fait échouer un plan d’austérité parrainé par le Fonds Monétaire International (FMI). Les travailleuses et les travailleurs sont impatients d’aller de l’avant. Les partis, les politiciens et les politiciennes de l’establishment n’ont rien à offrir. La folie de l’élection présidentielle américaine de 2024 s’insère dans le cadre de cette tendance mondiale.

Jusqu’à récemment, la direction du parti démocrate a misé sur Biden, le seul candidat capable de battre Trump. Il est vrai que les candidatures sortantes remportent généralement la nomination de leur parti. Mais la véritable raison pour laquelle les élites dirigeantes ont soutenu Biden, en plus d’éviter le tenue d’une primaire présidentielle, c’était pour repousser la possibilité même qu’une contestation progressiste s’oppose à lui. Cela aurait menacé de révéler la servitude totale de Biden envers les entreprises. Face à Biden comme seule option, plus de 650 000 électrices et électeurs ont choisi de rester «sans engagement», tandis que d’autres ont déposé des votes de protestation en écrivant ou en laissant leur bulletin blanc. Dans de nombreux États, le principal opposant à Biden était essentiellement un espace vide.

Le Parti républicain est encore plus énergique et uni derrière Donald Trump à l’issue de sa convention nationale et de la tentative d’assassinat. Pendant ce temps, les démocrates se démènent pour convaincre leur chef de 81 ans de se retirer et sont maintenant obligé·es de trouver un candidat moins d’un mois avant leur propre convention. Mais qui va choisir ce nouveau candidat? Comme toujours, le parti est porté par les gros capitaux et les donateurs du secteur privé qui veulent exercer leur contrôle sur le processus politique.

Après le débat raté de Biden, les sondages ont immédiatement montré que d’autres candidatures s’en sortaient mieux face à Trump. Mais ce n’est que lorsque certains des plus gros donateurs du parti démocrate ont commencé à retenir leurs chèques que Biden a finalement jeté l’éponge, comprenant que, du point de vue du parti, une campagne viable est celle qui peut convaincre les donateurs. Dans un exemple nauséabond de l’influence des méga-donateurs sur le processus politique, le super PAC Future Forward a retenu 90 millions de dollars de financement, y compris plusieurs engagements de plus de 10 millions de dollars, jusqu’à ce que Biden se retire.

Après avoir reçu le soutien de Biden, Kamala Harris s’est immédiatement mise au travail pour galvaniser les soutiens, en organisant une série de conversations privées avec des personnes fortunées, notamment des dirigeants de la Silicon Valley, le cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman et les méga-philanthropes de Wall Street George et Alex Soros. La campagne de Harris met déjà en avant avec insistance sa collecte de fonds record auprès d’un grand nombre de petits donateurs qui ont donné à la campagne dans ses premières heures.

Mais lorsqu’elle dit qu’elle compte «gagner et remporter la nomination», la vice-présidente sait que cela signifie courtiser les méga-riches. En 2019, Kamala Harris a connu un succès précoce en exploitant les «bundlers» d’Obama et de Clinton, des personnes très riches qui collectent des fonds auprès de leurs réseaux afin de transmettre d’importants dons à six ou sept chiffres. Ce sont ces personnes envers lesquelles Harris doit vraiment rendre des comptes, et non pas envers les électrices et les électeurs démocrates de la classe ouvrière.

Harris est-elle meilleure que Biden?

Si plusieurs sont soulagé·es de constater que le Parti démocrate ne fonde plus ses espoirs sur un «vieil homme à la mémoire défaillante», l’âge de Biden n’a jamais été le principal problème. Le véritable problème est son bilan pro-entreprises et pro-guerre en tant que président, et l’impasse du Parti démocrate dans son ensemble. L’administration actuelle a financé une offensive génocidaire menée par un gouvernement israélien de droite. Elle n’a pas réussi à résoudre une crise historique du coût de la vie. Elle a poursuivi la politique d’immigration de l’ère Trump et a intensifié le conflit inter-impérialiste avec la Chine. Elle a abandonné complètement toute prétention à lutter pour l’action climatique ou la réforme des soins de santé. Elle a révoqué le droit de grève des cheminots peu avant qu’un déraillement de train ne provoque une catastrophe chimique dans l’Ohio. Elle a augmenté les forages pétroliers sur les terres publiques. Voilà ce que représentent les démocrates.

Une partie de la base du Parti démocrate est revigorée par le passage à Harris, prête à investir du temps et de l’argent pour la faire élire. Les démocrates ont maintenant l’occasion de relancer leur campagne en difficulté. Ils et elles pourraient ainsi connaître un certain succès auprès des électrices et des électeurs qui n’aiment pas Trump, mais qui n’avaient pas l’intention d’aller voter pour un Joe Biden en déclin évident. La question est de savoir si cet enthousiasme initial se traduira par un ticket présidentiel capable de dépasser les échecs de l’administration Biden et la capacité de Trump à se présenter comme un outsider de Washington capable de briser le système.

Le véritable problème avec Kamala Harris est que, tout comme Biden, elle est une démocrate pro entreprise dans l’âme, avec un historique de promotion de politiques anti-travailleurs et pro-milliardaires.

Harris, qui s’est autoproclamée «meilleure policière» (Top Cop) de Californie de 2011 à 2017, a mené un mandat controversé et souvent contradictoire en tant que procureure générale. Elle s’est toujours présentée comme une progressiste, militant pour le droit à l’avortement et l’abolition de la peine de mort. Mais dans la pratique, elle s’est alliée aux élites au détriment des besoins des citoyennes et des citoyens ordinaires. Bien qu’elle ait lancé des programmes visant à aider les délinquants à trouver un emploi plutôt qu’à les envoyer en prison, son bureau a maintenu des innocents en détention pour des raisons techniques.

Elle a présidé à une vague de condamnations pour des délits non violents liés à la drogue, qui ont alimenté l’incarcération de masse (dont l’architecte, Bill Clinton, a déjà soutenu Harris). Elle a également mené une campagne de plusieurs années pour pénaliser les parents dont les enfants s’absentent des cours, promettant qu’ils «feraient face à toute la force et aux conséquences de la loi» avec des amendes ou des peines de prison. L’absentéisme est essentiellement un «crime de pauvreté», qui touche de manière disproportionnée les familles de la classe ouvrière à faible revenu et est souvent lié à des problèmes de logement, de garde d’enfants, de transport ou de santé physique et mentale.

Les avocats et avocates de son équipe se sont vivement opposés à la libération de prisonniers non violents qui recevaient des salaires de 8 à 37 cents de l’heure, affirmant que cela diminuerait un important bassin de main-d’œuvre . Harris a mis en place une formation contre les préjugés raciaux, mais a également défendu les agents des forces de l’ordre accusés de mauvaise conduite et n’a pas enquêté sur les meurtres commis par la police. Elle a notamment obtenu des indemnités plus élevées de la part des banques responsables de la crise des prêts hypothécaires, mais a refusé de poursuivre les banques coupables comme OneWest, dont le PDG Steven Mnuchin deviendrait plus tard secrétaire au Trésor sous Donald Trump.

Ces exemples ne visent pas seulement à ternir le bilan de Harris. Les mêmes contradictions qui existaient il y a des décennies continuent de ternir Harris et le Parti démocrate dans son ensemble, qui a montré à maintes reprises qu’il n’était pas disposé à se battre pour les travailleuses et travailleurs. En tant que vice-président, Harris était principalement chargée de superviser la réforme de l’immigration, mais cela ne s’est pas fait par le biais de mesures législatives progressistes ou en s’opposant à la droite.

Au lieu de cela, Harris s’est concentrée sur la sécurisation des investissements du secteur privé dans les pays d’Amérique centrale, tout en disant aux migrantes et migrants guatémaltèques en quête de conditions plus sûres et plus stables de simplement «ne pas venir». Cette décision est d’autant plus grotesque si l’on tient compte du rôle joué par l’impérialisme américain dans la création de ces conditions économiques et sociales désastreuses en Amérique centrale, à travers des décennies d’accords commerciaux, la « guerre contre la drogue » et le soutien direct aux coups d’État visant à affaiblir les gouvernements de gauche. Dans l’ensemble, l’administration Biden a promis une approche plus humaine, mais a poursuivi les politiques de l’ère Trump comme le Titre 42. Elle a conduit les personnes migrantes dans un système juridique fondamentalement défaillant tout en augmentant considérablement les arrestations et les expulsions aux frontières.

Si Kamala Harris remporte la nomination et bat Trump en novembre, les États-Unis auront élu non seulement leur première femme, mais aussi la première personne d’origine noire caribéenne et indienne à la Maison Blanche. Bien que ce soit une étape historique, serait-ce suffisant pour créer le changement dont les travailleuses et les travailleurs ont besoin ou pour freiner la montée de la droite? Nous avons vu à maintes reprises les limites de la politique basée sur les identités. Être jeune ou être une personne de couleur ne signifie pas en soi que l’on a à cœur les intérêts des travailleuses et des travailleurs.

Pour illustrer cela, nous pouvons tirer des leçons de l’activité de l’aile gauche du Parti démocrate. Alexandra Ocasio-Cortez (AOC) et le Squad ont été élus dans le sillage d’une vague d’organisations dans la classe ouvrière visant à «réformer le Parti démocrate» en lui donnant une image plus jeune et plus diversifiée. Mais jusqu’à présent, elles ont été complètement corrompues et poursuivent une stratégie sans issue consistant à changer le système de l’intérieur. Elles se sont éloignées d’une approche de construction de mouvement à la base pour se tourner vers des négociations en coulisses. Cela a finalement servi de couverture à l’establishment du parti.

Deux jours seulement avant que Biden n’annonce son retrait, AOC a donné un monologue d’une heure en direct sur Instagram, soutenant pleinement le président, en s’appuyant sur des arguments alarmistes et légalistes pour expliquer pourquoi il ne devrait pas être remplacé. Pendant ce temps, Bernie Sanders a écrit un éditorial dans le New York Times intitulé Biden for President. Ils soutenaient Biden alors que même les riches donateurs n’en voulaient plus! La position où ont atterri Bernie et le Squad est la conclusion logique de leur tentative de réformer le Parti démocrate. Ce n’est pas vous qui changez le Parti démocrate, mais le Parti démocrate qui vous change. Cette vague éphémère de démocrates de gauche réformistes a pris fin de manière décisive, laissant des millions d’électrices et d’électeurs mécontents, se sentant trahis et vulnérables face à la posture «pro-travailleurs» de l’aile droite.

Harris peut-elle battre la droite?

Avec Kamala Harris en tête de liste, les démocrates devraient s’en sortir mieux en novembre, mais il leur sera toujours extrêmement difficile de battre Trump. Kamala Harris ne s’écartera pas de l’approche générale de la campagne de Biden Elle devra défendre son administration très impopulaire.

Trump est une menace réelle et terrifiante. Il suffit de jeter un œil au contenu du Projet 2025 pour s’en rendre compte. Cette proposition, créée par la Heritage Foundation, prévoit d’étendre les pouvoirs du président pour créer un régime autoritaire, ainsi que de démanteler le ministère de l’Éducation, d’abolir le droit à l’avortement et de remplacer des milliers de fonctionnaires par des conservateurs radicaux. Les démocrates comptent sur cette peur pour faire avancer leur campagne.

Mais c’est le programme pro-entreprise des démocrates qui a permis à la droite de se développer, depuis qu’Obama a renfloué Wall Street alors que des millions de familles ouvrières perdaient leur maison à la suite de la récession de 2008. La droite prétend proposer des réponses aux problèmes très réels auxquels sont confrontés les travailleurs et les travailleuses aujourd’hui. Ce sont les mauvaises réponses, mais pour des millions d’Américains et d’Américaines, cela peut paraître mieux que ce qu’ils et elles obtiennent des démocrates, qui répètent sans cesse que l’économie va bien, mais que vous êtes trop bêtes pour le voir.

Une candidature qui  voudrait vaincre Trump de manière décisive devra rompre de manière décisive avec la politique capitaliste des démocrates et proposer aux travailleuses, aux travailleurs et aux jeunes des solutions concrètes. Cela signifie aller à l’encontre des intérêts des donateurs milliardaires du Parti démocrate et à l’encontre des intérêts du système capitaliste, qui exige que le reste d’entre nous travaille de longues heures pour maintenir au sommet une petite minorité incroyablement riche.

Les démocrates ne peuvent pas arrêter la droite, précisément à cause de leur politique pro entreprise et de leur incapacité à rompre avec le capitalisme. Ils sont l’un des deux principaux partis capitalistes. Cela signifie non seulement qu’ils ne combatteront pas la droite, mais surtout qu’ils ne peuvent fondamentalement pas le faire. Cela signifie que les travailleuses, les travailleurs et les gens ordinaires ne peuvent pas continuer à voter pour les démocrates comme le «moindre mal» et espérer que cela suffira. Même une victoire de Harris basée sur la peur de Trump donnera à la droite populiste de nouvelles opportunités basées sur la poursuite des politiques démocrates.

Comme l’a souligné Socialist Alternative dans des articles précédents, le fait que les démocrates ne proposent pas de véritables solutions aux travailleuses et aux travailleurs n’est pas seulement insuffisant, cela encourage et fait grandir la droite. Harris peut bien parler de son soutien au droit à l’avortement. Mais les gens ordinaires ont été témoins de sa réticence – et de celle de son parti – à codifier l’arrêt Roe v. Wade ou à faire quoi que ce soit pour reconquérir les droits depuis son annulation.

Malgré des déclarations creuses de solidarité, les démocrates n’ont pris aucune mesure concrète pour freiner l’assaut des projets de loi anti-LGBTQ proposés à travers le pays, y compris les centaines de projets de loi anti-trans proposés pour la seule année 2023. Le Parti démocrate est en crise, faiblement soudé par la peur de Trump, et incapable de proposer une stratégie gagnante pour le battre et résoudre la myriade de crises auxquelles sont confrontés les travailleuses et les travailleurs.

Nous avons besoin d’un nouveau parti, pas d’une nouvelle démocrate

L’aile gauche du Parti démocrate ne viendra pas sauver les travailleuses, les travailleurs et les jeunes. Il est temps d’abandonner complètement ce parti et de construire quelque chose de nouveau. Les États-Unis sont le seul pays capitaliste avancé au monde qui n’a jamais eu de parti ouvrier.

Alors que la société passe d’une catastrophe à une autre, les travailleuses et les travailleurs se rendent compte plus clairement que les ultra-riches et leurs serviteurs politiques n’ont aucune réponse aux crises constantes du capitalisme. La montée de la droite n’est pas un phénomène arbitraire dont nous pouvons attendre la disparition, à la manière d’un pendule qui fera automatiquement revenir la société plus «à gauche». La montée de la droite, c’est l’expression de travailleuses, de travailleurs et de jeunes désabusé·es et privé·es de leurs droits et privé·es d’une force organisée qui puisse montrer la voie à suivre pour déraciner ce système pourri et construire un avenir basé sur les besoins des gens, pas sur le profit.

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes doivent s’organiser de toute urgence pour construire un parti indépendant qui luttera réellement pour nos besoins, sur une base de classe, contre les capitalistes. Cela signifie une rupture définitive avec le Parti démocrate. Cela signifie se concentrer plutôt sur la construction de mouvements autour des syndicats, contre la guerre à Gaza ainsi que soutenir et initier des luttes autour d’autres questions qui préoccupent les travailleuses et les travailleurs. Nous pourrions utiliser les campagnes électorales de ce nouveau parti, menées par de véritables candidatures de gauche, opposées à la guerre, pour construire ces mouvements, au lieu de soutenir le système bipartisan agonisant actuel.

Un nouveau parti se heurtera aux limites de ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. Il devra adopter un programme socialiste pour répondre aux besoins de notre classe. Le capitalisme créera inévitablement des crises qui donneront à l’extrême droite un terrain fertile pour se développer, si la gauche n’offre pas une voie à suivre. Ultimement, nous devons déraciner le système capitaliste qui nous d’un désastre à l’autre.

Ce que nous demandons:

  • Pour une lutte de masse contre le trumpisme et la droite, pas seulement Trump lui-même. Pour la construction d’une alternative de gauche viable dans les rues, les écoles et les milieux de travail.
  • Pas de vote pour les démocrates! Inscrivez un vote de protestation en faveur de candidatures indépendantes de gauche et anti-guerre telles Jill Stein ou Cornel West.
  • Au lieu de flirter avec les grands donateurs républicains au RNC ou de soutenir les démocrates, les leaders syndicaux comme Sean O’Brien et Shawn Fain devraient convoquer une conférence cet automne pour lancer un nouveau parti pro-syndical et anti-guerre!
  • Socialist Alternative manifestera à la Convention nationale démocrate à Chicago, et vous devriez nous y rejoindre!

 

Donald Trump entouré par les services secrets lors d'un rassemblement à Butler en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. Photo: Evan Vucci/AP

Tenter d’assassiner Trump aide la droite

La tentative d’assassinat de Donald Trump, à laquelle ont assisté des milliers de personnes lors d’un rassemblement, a été extrêmement choquante. Mais pas nécessairement surprenante. 

Pour les millions de personnes qui s’opposent profondément aux politiques de plus en plus à droite de Trump, le désespoir grandit à l’approche du 5 novembre. C’est d’autant plus vrai que l’establishment démocrate enfonce la candidature catastrophique de Biden au fond de la gorge de l’électorat. Le Parti démocrate refuse maintenant de prendre des mesures décisives pour le remplacer1, même après son échec lamentable lors du débat du mois dernier.

Ces dernières semaines, les médias sociaux ont été envahis de messages mettant en garde contre le Projet 2025, un livre de droite rédigé notamment par plusieurs collaborateurs de Trump. Il détaille les plans d’une prise de pouvoir présidentielle autoritaire et d’une attaque massive contre les syndicats, les personnes opprimées et la gauche. Trump 2.0 sera plus organisé, plus à droite et plus dangereux pour les personnes opprimés, les travailleuses et les travailleurs que la première présidence Trump.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les médias n’ont pas encore révélé les motivations du tireur qui a tenté de tuer Donald Trump lors d’un rassemblement à l’extérieur de Pittsburgh. Un jeune homme utilisant une arme à feu pour exprimer son angoisse ou sa rage n’est, tragiquement, pas nouveau dans ce pays qui est inondé d’armes à feu, d’angoisse et de rage. Ce qui est nouveau, ou du moins nouveau au cours des dernières décennies, c’est la violence politique à l’encontre d’un candidat à la présidence. Cela nous rappelle la réaction de Malcolm X à l’assassinat de John F. Kennedy quant à l’effet boomerang de ses politiques: « Les méfaits passés d’une personne reviennent l’atteindre négativement »2. La calamité que représente l’élection présidentielle de 2024 reflète la profonde crise politique et sociale du capitalisme américain.

Quelle que soit la motivation spécifique du tireur, le terrorisme individuel est contre-productif et doit être totalement combattu par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes de gauche. Il ne changera pas le cours politique de la droite. Il justifiera le renforcement de la répression et sèmera la confusion dans de larges couches de la population au lieu de les mobiliser.

Ce remake de la course présidentielle opposant l’extrême droite à la classe capitaliste libérale et à leurs porte-drapeaux gériatriques respectifs ressemblait jusqu’ici à une plaisanterie de très mauvais goût. Mais elle pourrait maintenant se transformer en cauchemar. Trump, toujours en quête de spectacle même lorsqu’il vient d’être touché par une balle d’AR-15, sera considéré comme un héros par l’aile droite. Et encore plus qu’avant, grâce à son poing provocateur brandi lorsqu’il a été évacué précipitamment de la scène, le visage ensanglanté. Il est difficile d’imaginer un contraste plus frappant qu’avec un Biden confus et ayant perdu ses moyens. Trump, qui bénéficie d’une attention positive alors que Biden a mis sa campagne en pause, est complètement aux commandes à l’approche des élections de novembre.

Le noyau dur de la base de Trump, déjà immergé dans de fausses théories du complot, sera encore plus excité contre la «gauche radicale». Les groupes d’extrême droite connus pour leur violence, comme les Proud Boys, ont été temporairement repoussés après que l’État les ait poursuivis en justice à la suite de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2020. Mais ils sont apparus lors des récents rassemblements de Trump. Il existe un risque réel que l’extrême droite organisée et les groupes fascistes soient galvanisés par cette attaque contre Trump, à la fois dans les urnes et potentiellement dans les rues. La droite au Congrès utilisera la fusillade pour justifier l’adoption de mesures répressives à l’encontre des protestataires de gauche et des syndicats. La polarisation politique, qui est déjà une caractéristique majeure de la société, va encore s’accentuer dans un contexte de tensions accrues.

Ce qui fonctionne ou non dans la lutte contre la droite

Il est important de faire le point sur les tactiques qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas marché pour repousser la droite et l’extrême droite, ici et à l’étranger, à la fois lorsqu’elles sont au pouvoir et lorsqu’elles se mobilisent dans les rues. L’aile libérale de la classe capitaliste s’en est prise à Trump avec le Russiagate, l’affaire des pots-de-vin et plusieurs autres affaires judiciaires en cours depuis le 6 janvier 2020. Mais non seulement aucune de ces tactiques n’a eu l’impact souhaité par les libéraux, mais elles n’ont abouti qu’à une augmentation des dons de la part de la base de Trump. Avec la récente décision de la Cour suprême selon laquelle les présidents bénéficient d’une immunité présumée pour tout acte officiel, il n’est pas évident de savoir jusqu’où peuvent aller les procès intentés contre lui. Les démocrates et les partis similaires au niveau international ne peuvent pas arrêter Trump et l’extrême droite. Au contraire, leurs politiques ouvrent la voie à la réaction.

Ce qui a permis de repousser l’agenda de Trump au cours de son premier mandat, c’est l’action de masse dans les rues et le refus de travailler des travailleurs et des travailleuses de secteurs clés. Après l’entrée en vigueur de la loi interdisant l’entrée au pays de personnes musulmanes (imposée par Trump une semaine seulement après le début de son mandat), des manifestantes et des manifestants se sont précipités dans les aéroports du pays. À l’aéroport JFK de New York, les chauffeurs et chauffeuses de taxis ont organisé un arrêt de travail. Avant la fin de la nuit, un juge de Brooklyn a suspendu l’ordre présidentiel, et l’administration Trump a été contrainte de revenir sur son interdiction des détenteurs de cartes vertes originaires de pays musulmans.

Dans un épisode qui a montré le pouvoir potentiel de la classe ouvrière, l’arrêt des activités  gouvernementales en 2018-19 par le gouvernement Trump, la plus longue de l’histoire, a pris fin après que la dirigeante du syndicat des agents et agentes de bord, Sara Nelson, a brandi le spectre d’une grève générale. Quand les agents et agentes de l’Administration de la Sécurité des Transports (TSA) ainsi que les contrôleuses et contrôleurs aériens ont arrêté le travail en organisant leur absence (sick-out), cette menace a totalement bouleversé, en quelques minutes, les horaires et les profits des compagnies aériennes commerciales.

Ce sont les travailleurs, les travailleuses et les jeunes qui, en menant une action collective par le biais de manifestations et de grèves, ont le plus réussi à faire reculer le programme de Trump au cours de son premier mandat. Ce ne sont ni le parti démocrate au Congrès ni les actes individuels de violence ou de terreur. Un autre exemple a été le rassemblement de masse de 40 000 personnes à Boston en 2017 pour empêcher l’extrême droite de défiler. C’était suite à l’horrible nuit de Charlottesville, en Virginie, où la manifestante Heather Heyer a été brutalement tuée par un suprémaciste blanc. À la suite de la tentative d’assassinat de Trump, si l’extrême droite organise des rassemblements et des marches et que des sections de la gauche ne parviennent qu’à organiser de petites contre-manifestations, le risque de nouvelles violences sera réel. Comme toutes les expériences historiques l’ont montré, partout dans le monde, c’est une action de masse qui est nécessaire.

Comme un second mandat de Trump est désormais probable, il faut créer de nouvelles organisations larges de lutte – indépendantes du Parti démocrate – pour combattre la droite. Les syndicats doivent se préparer à se mobiliser contre les attaques de l’extrême droite qui vont s’abattre sur les personnes migrantes, LGBTQ+, les activistes de gauche et les syndicats eux-mêmes.

Alternative Socialiste est totalement opposée aux tactiques de terreur individuelle comme la tentative d’assassinat d’un milliardaire exploiteur et bigot comme Donald Trump. Non pas pour des raisons morales, mais parce que c’est une impasse politique et stratégique. Les travailleurs, les travailleuses et les jeunes se sont déjà battus avec succès contre Trump.

Maintenant nous devons le faire avec un niveau plus élevé d’organisation et de coordination. L’extrême droite organisée est dépassée par les millions de personnes qui s’opposent aux attaques contre les personnes migrantes, opprimées et les syndicats. Comme l’a écrit Léon Trotsky, le leader de la Révolution russe, en 1911, le terrorisme individuel «déprécie le rôle des masses», qui sont la force réelle pour arrêter la droite. Le rôle des masses sera le facteur clé qui déterminera si une deuxième présidence Trump sera en mesure de faire passer son programme de droite vicieux ou s’il sera bloqué.

Pas de temps à perdre

La tentative d’assassinat aura tendance à enhardir Trump et la droite et à affaiblir l’establishment démocrate. Ce dernier peut difficilement continuer à condamner l’évolution de Trump vers l’autoritarisme en même temps qu’il fait des déclarations en faveur de Trump. À présent, les directions syndicales et les autres dirigeants et dirigeantes progressistes devraient entamer une riposte contre la droite en organisant des rassemblements contre Trump et en faveur d’une véritable alternative de gauche aux Démocrates.

Le projet de Bernie Sanders et d’autres démocrates de gauche de réformer le Parti démocrate a été un échec cuisant. Il s’est maintenant transformé en son contraire, alors que Sanders s’obstine à soutenir Biden malgré tous les faits qui indiquaient la défaite probable de Biden avant même la tentative d’assassinat. L’administration Biden, avec son cortège de promesses non tenues et ses tentatives pathétiques de convaincre un électorat surmené, sous-payé et endetté que l’économie va bien et que «l’Amérique est déjà grande» (America is already great), a été le plus grand bâtisseur du trumpisme et de la droite.

La classe ouvrière a besoin de son propre parti politique, indépendant des partis Démocrates et Républicains dominés par les capitalistes. Un nouveau parti qui lutte pour un programme pro-ouvrier et anti-guerre, qui s’attaque également à l’oppression anti-immigration, raciste, sexiste et anti-LGBTQ+. Un pas important dans cette direction serait que des dirigeantes et les dirigeants syndicaux progressistes comme Shawn Fain et Sara Nelson rompent avec le Parti démocrate et appellent le reste du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux à les rejoindre. Un premier pas concret serait que Fain et Nelson convoquent une conférence réunissant les syndicats et les organisations progressistes pour discuter de la construction d’une alliance pour combattre la droite et prendre des mesures pour former un nouveau parti politique.

Nous appelons à un vote de protestation en novembre pour la candidature présidentielle indépendante de gauche la plus forte, Jill Stein ou Cornel West. Mais malheureusement, aucune d’entre elles n’est claire sur la nécessité d’un nouveau parti de masse. Néanmoins, les travailleurs, les travailleuses et les jeunes ne devraient voter pour aucun des deux partis du capitalisme. Ils sont la source de toute exploitation et oppression, et le terreau fertile pour la croissance de l’extrême droite.

Les assassinats n’offrent aucun moyen d’avancer. Nous avons besoin d’une révolution pour démanteler le système malade du capitalisme, nous débarrasser des serviteurs capitalistes comme Trump et Biden et transformer la société dans une optique socialiste.


Notes
1. Article écrit le 15 juillet avant que Biden ne soit incité à quitter pour être remplacé par Kamala Harris comme nouvelle candidate démocrate
2. Citation exacte de Malcolm X :  » The chickens come home to roost ».

Est-ce que voter pour le «moins pire» arrêtera Trump?

Il est difficile de croire que quatre années se sont écoulées depuis l’élection de 2020. Mais il est encore plus difficile de croire que peu de choses ont changé. Donald Trump et Joe Biden sont toujours les personnes les plus âgées à se présenter à la présidentielle américaine, battant leur propre record. Trump est toujours un odieux fraudeur animé des pires intentions à l’égard des travailleuses, des travailleurs et des personnes opprimés. Biden est toujours un centriste vétéran de l’establishment qui n’a pas grand-chose à offrir aux personnes qui l’ont alors élu dans un élan de désespoir visant à éviter le despotisme de droite.

En fait, il est possible que la seule chose importante qui ait changé sur la scène électorale américaine soit le peu de gens qui ont foi en Biden, ou du moins qui font preuve d’un optimisme prudent envers lui. Non seulement Biden a présidé à une augmentation considérable du coût de la vie, mais il a également réduit les sources d’aide financière aux travailleuses et travailleurs en mettant fin aux programmes pandémiques, tels que le crédit d’impôt pour les enfants et l’extension du chômage. C’est le président sous lequel le jugement Roe v Wade a été renversé, qui a brisé la grève des cheminots et qui n’a pas réussi à réduire sérieusement l’endettement des ménages ou à élargir l’accès aux soins de santé, comme il l’avait promis.

Plus récemment, les jeunes se sont révoltés contre Joe Biden en raison de son soutien indéfectible à Israël, financé par des milliards de dollars en fonds publics. Cela a sans aucun doute encouragé le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans son assaut génocidaire de plusieurs mois contre Gaza. Cette situation a été aggravée par le fait que Biden s’est prononcé en faveur de la répression policière extrême contre les manifestations étudiantes le mois dernier.

Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit enthousiaste à l’idée de voter pour Joe Biden. Seules 28% des personnes qui vivent aux États-Unis estiment qu’il est un «bon» ou un «grand» président, 50% estiment qu’il est «mauvais» ou «terrible». Les jeunes sont écœuré⋅es par les choix offerts, 63% d’entre eux et elles se déclarent insatisfaits des options proposées. Il est probable que la plupart des jeunes ne voteront pas en novembre. Mais pour ceux et celles qui prévoient voter pour Biden cet automne, l’attitude la plus courante est de «se boucher le nez» avant de voter pour lui afin d’empêcher une prise de pouvoir par le «pire» des deux maux: Donald Trump.

Mais cette approche est-elle réellement efficace pour empêcher la droite de prendre le pouvoir?

Qui est responsable du trumpisme?

Ces dernières années, nous avons assisté à la montée d’un populisme de droite brutal (et même d’idées carrément fascistes) dans le monde entier. En Argentine, aux Pays-Bas, en Grèce, au Brésil et ailleurs, les politiciens et les politiciennes d’extrême droite ont pris de l’importance.

Ce n’est pas une évolution naturelle de la société que de se rapprocher de plus en plus de la droite. La montée de ces idées est directement liée à des crises plus larges du système. Lorsque l’establishment politique ne parvient pas à résoudre de manière significative les problèmes majeurs auxquels est confrontée la majorité de la société, le soutien à des idées plus radicales – y compris des idées tout à fait réactionnaires – peut croître. Aux États-Unis, en 2016, c’est précisément l’incapacité du Parti démocrate à répondre aux besoins des travailleurs, des travailleuses et de la classe moyenne pendant les années Obama qui a permis à Trump de séduire de manière démagogique des millions de personnes dont le niveau de vie baissait depuis des années.

Depuis l’élection de Biden en 2020, Alternative socialiste a soutenu qu’à moins qu’une alternative de gauche sérieuse aux Démocrates ne soit construite, l’espace pour Trump et son populisme de droite bien à lui continuerait à croître.

Il ne fait aucun doute que Trump représente un désastre pour les classes populaires. Il est, à bien des égards, plus destructeur que Biden dans l’immédiat. Son imprévisibilité pourrait avoir des résultats désastreux sur la scène mondiale dans le contexte de la nouvelle ère de guerres qui a émergé depuis qu’il a quitté ses fonctions.

Mais alors pourquoi, si Trump est si mauvais, certains des groupes démographiques les plus marginalisés des États-Unis ont-ils décidé de le soutenir plutôt que Biden?

Le soutien à Trump parmi les personnes noires a considérablement augmenté depuis 2020. Lors de cette élection, seuls 4% des électrices et électeurs noirs le soutenaient. Mais au cours des quatre dernières années, ce chiffre a augmenté de 19%, selon un sondage du New York Times. Ce chiffre est encore plus élevé parmi la population latino, avec 39% de soutien à Trump, battant les 34% de Biden.

À première vue, cela n’a pas de sens, étant donné les clins d’œil de Trump aux suprémacistes blancs et le fait qu’il attise constamment le sentiment d’hostilité à l’égard des personnes immigrées. Mais la suppression par Biden des programmes d’aide financière, son refus de soutenir un salaire minimum fédéral de 15$/h et son incapacité de faire face à l’augmentation rapide du coût de la vie ont un impact viscéral sur les communautés de couleur pauvres. Nombreuses sont les personnes qui, pour des raisons découlant de leur expérience concrète, n’ont tout simplement pas l’impression que leur situation s’est améliorée sous la présidence de Joe Biden.

En bref, en ne proposant pas de véritable alternative au programme de la droite, la présidence de Biden a renforcé la position de Trump à bien des égards.

De plus, les immenses échecs de Biden ont permis à Trump de faire campagne contre lui. Trump n’est pas un ami de la population de Gaza et a récemment fait une déclaration encourageant Israël à «finir le travail». Qu’à été sa réponse lorsqu’un chant «Joe le génocidaire» a éclaté lors d’un de ses rassemblements? Un haussement d’épaules et un «ils n’ont pas tort» qui a déclenché les acclamations de la foule.

Grâce à Biden, Trump peut se présenter comme le candidat anti-guerre, notamment en ce qui concerne la guerre en Ukraine, de plus en plus impopulaire. C’est un énorme obstacle pour le mouvement anti-guerre actuel, qui doit se battre pour se différencier du nationalisme America-first de la droite.

Les jeunes, les travailleuses et les travailleurs se sont investis corps et âme pour faire élire Joe Biden en 2020 afin de chasser Trump du pouvoir. Mais leurs efforts ont été trahis par Biden et sa politique indéfectible envers l’establishment. Elle a donné à Trump un énorme élan. Voter pour Biden en 2024 ne résoudra pas plus le problème.

Le combat le plus important se situe bien au-delà de l’élection de novembre. Il réside dans la construction d’un parti de la classe ouvrière dans lequel les travailleuses, les travailleurs et les jeunes peuvent participer démocratiquement. Un parti composé par ces personnes, les syndicats et les mouvements sociaux. C’est la voie qu’il faut emprunter pour éviter de s’enfoncer davantage dans le marais du droitiste de Trump.

Comment neutraliser un menteur

Alors comment neutraliser la politique de Trump?

Trump est le modèle du populiste de droite réussi. Sa principale compétence consiste à juger une foule et à lui dire exactement ce qu’elle veut entendre. Il se plie généralement aux impulsions de la gauche et de la droite, sans se soucier de savoir si on lui reproche ou non d’avoir menti par la suite. Qui s’en soucie de toute façon, considérant que ses adversaires ne tiennent jamais leurs promesses électorales?

Mais cette stratégie ne peut pas fonctionner contre quelqu’un qui se bat véritablement dans l’intérêt des travailleuses et des travailleurs. Si une candidature présidentielle sérieuse ne se contentait pas seulement de parler de la protection de la sécurité sociale et du Medicaid (assurance maladie), mais menait plutôt une campagne active pour taxer les riches afin de financer les services sociaux – s’aliénant volontairement les grandes entreprises pour construire un mouvement de la classe ouvrière – cela mettrait en évidence la longue escroquerie de Trump. Trump ne pourrait pas se présenter comme un candidat anti-guerre à côté de quelqu’un qui a réellement fait campagne pour mettre fin aux guerres et à l’aide militaire américaine. Il serait contraint soit de soutenir matériellement les revendications, à l’encontre de sa politique réelle, soit d’admettre qu’il n’est pas sérieux.

Le fait de voter, élection après élection, pour l’option du moindre mal demeure une mauvaise option qui ne nous a pas rapprochés de la défaite de la droite. En fait, cela a permis à la droite de devenir beaucoup plus effrayante.

Voter pour Biden n’est pas «un pas dans la bonne direction», même si l’on reconnaît que ce pas est insuffisant. C’est un pas de plus dans la spirale descendante qui renforce l’extrême droite. Le meilleur choix pour les classes populaires et les jeunes lors des élections de 2024 n’est pas Biden. C’est une candidature indépendante avec un vrai programme pour la classe ouvrière.

Les candidatures indépendantes de Cornel West et de Jill Stein ont toutes deux fait campagne contre l’aide militaire américaine à Israël et pour la fin du massacre à Gaza. Stein a d’ailleurs été arrêtée par la police lors d’un campement étudiant en avril. Ces deux campagnes doivent se battre pour impliquer le plus grand nombre possible de travailleuses et de travailleurs afin de mettre sur pied une infrastructure de campagne capable de rassembler des milliers de volontaires, pas simplement des centaines. Voter pour l’une ou l’autre de ces candidatures, même si elles ont des faiblesses, est une grande amélioration par rapport à la stratégie ratée qui consiste à voter pour Biden.

Si Trump gagne en novembre, ce ne sera pas la faute des travailleuses et des travailleurs qui n’ont pas pu se résoudre à voter pour Biden. Ce sera la faute des démocrates. Les démocrates ont échoué à chaque occasion où ils devaient faire quelque chose pour améliorer la vie des travailleuses et travailleurs des États-Unis en plus d’avoir approuvé la destruction et la mort de personnes innocentes à l’étranger.

  • Nous appelons à un vote de protestation pour Jill Stein ou Cornel West, les candidatures indépendantes de gauche les plus viables.
  • S’il y a un autre débat, tous les candidats, y compris RFK Jr, Stein et West devraient être sur la scène.
  • Les principaux syndicats qui ont soutenu Biden devraient immédiatement annuler leur soutien et soutenir un candidat pro-ouvrier comme Stein ou West.
  • Organisez des manifestations de masse lors de la Convention nationale du Parti démocrate à Chicago contre les Démocrates et leur guerre génocidaire contre Gaza!
  • Les syndicats, les mouvements sociaux et les organisations anti-guerre, les groupes religieux progressistes et les groupes de jeunes devraient s’associer pour organiser une assemblée de masse afin de fonder un nouveau parti pour la classe ouvrière.
  • Des rassemblements de masse dans tout le pays le 20 janvier, jour de l’investiture, pour montrer immédiatement que la classe ouvrière est unie contre les politiques pro-entreprises et pro-guerre de celui ou celle qui siégera à la Maison Blanche.
  • Il y en a assez du système politique capitaliste bipartisan et de toute l’exploitation et l’oppression qu’il engendre. Rejoignez Alternative socialiste pour construire le mouvement socialiste!