Le gouvernement canadien, avec l’appui du CCRI, a forcé les 9 300 cheminots, membres du syndicat des Teamsters, à reprendre le travail le 26 août. Cette mesure bafoue le droit démocratique des syndiqué⋅es à faire grève. Les travailleurs et travailleuses ont voté à 99% en faveur d’un mandat de grève en mai dernier. La Cour suprême du Canada a pourtant statué qu’ils et elles avaient le droit de faire la grève.
Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a ordonné le 22 août que le conflit soit soumis à l’arbitrage. Le 24 août, le CCRI a ordonné la fin des grèves au Canadien National (CN) et au Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) d’ici le 26 août.
Il s’agit d’une attaque contre tous les travailleurs et travailleuses. Si les employeurs bloquent les négociations et demandent ensuite au gouvernement d’intervenir, le droit de grève n’a plus aucun sens.
Le syndicat des Teamsters s’est conformé à la décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), mais il fera appel de la décision devant les tribunaux. Il a déclaré à juste titre que la décision «crée un précédent dangereux» et que «les droits des travailleurs canadiens ont été considérablement réduits aujourd’hui».
Il est important de se rappeler que les préoccupations du syndicat portent essentiellement sur les projets des entreprises de modifier les horaires et les modalités de travail, ce qui rendra le transport ferroviaire encore plus dangereux. Les trains transportent déjà de nombreuses marchandises à haut risque et déraillent parfois. C’est une préoccupation pour tous les Canadiens et Canadiennes, car les trains de marchandises circulent dans presque toutes les villes et villages du pays.
Le réseau ferroviaire canadien a été paralysé. Les deux sociétés, le CN et le CPKC, qui contrôlent les chemins de fer du pays, ont mis en lock-out leurs 9 300 travailleurs et travailleuses peu après minuit le 22 août, au moment où la grève des Teamsters débutait. Cette décision fait suite à des mois d’impasse dans les négociations. Les travailleurs et travailleuses, membres de la Conférence ferroviaire Teamsters Canada, ont voté à 99% en faveur d’une grève. Ce mandat écrasant démontre leur détermination à obtenir un contrat solide et à résister aux grandes sociétés ferroviaires.
Le gouvernement intervient dans les négociations
Les grandes entreprises ont demandé au gouvernement fédéral de soumettre le conflit au Conseil canadien des relations industrielles pour un arbitrage exécutoire, ce qu’elles ont refusé de faire avant le lock-out. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a demandé avec insistance aux deux parties de «parvenir à une entente . Le gouvernement a souligné que les travailleurs et les travailleuses ont le droit de faire la grève en vertu de la loi canadienne et que la meilleure approche est de mener de véritables négociations. Après avoir rencontré Teamsters Canada, le CN et la CPKC, la ministre du Travail a qualifié les négociations «d’une lenteur inacceptable».
Pourtant, 17 heures seulement après le début de la paralysie, le gouvernement a ordonné que le conflit soit soumis à un arbitrage exécutoire. Le gouvernement a agi comme le voulaient les employeurs et les grandes entreprises. Le syndicat avait refusé l’arbitrage exécutoire, qui donnerait l’illusion d’un «accord équitable pour les deux parties», mais qui donnerait très probablement aux compagnies ferroviaires ce qu’elles veulent.
Le lock-out aurait menacé considérablement les profits des grandes entreprises, car il touche presque tous les grands secteurs d’activité. Comme on pouvait s’y attendre, les gouvernements provinciaux, les chambres de commerce et les associations d’entreprises ont supplié le gouvernement fédéral d’agir, que ce soit par une loi de retour au travail, en déclarant le transport ferroviaire comme service essentiel, ou en recourant à l’arbitrage exécutoire. Les patrons sont unanimes pour ne pas demander aux sociétés ferroviaires de présenter une offre constructive, car les entreprises et leurs politiciens et politiciennes agissent dans l’intérêt de leur classe.
Le gouvernement de la Saskatchewan a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une loi de retour au travail. Plusieurs chambres de commerce ont demandé que les chemins de fer soient considérés comme un service essentiel. Cependant, les sociétés ferroviaires ne sont pas d’accord et le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a déclaré que le transport ferroviaire n’était pas un service essentiel.
Il semble que dès le départ, les compagnies ferroviaires espéraient que le gouvernement agirait en leur nom plutôt que de négocier sérieusement. Cette approche est similaire à celle des employeurs lors de la grève de l’an dernier dans les ports de la Colombie-Britannique. Toutefois, dans ce cas-là, les compagnies portuaires ont dû négocier une entente.
Les chemins de fer privilégient les profits à la sécurité
Le conflit de travail ne porte pas seulement sur les salaires, mais aussi sur des conditions de travail sécuritaires. Les compagnies ferroviaires ont fait passer la rentabilité avant la sécurité des employé⋅es et de tous ceux et celles qui vivent à proximité d’une voie ferrée. Cela comprend des changements dans le pointage de fin des heures de travail. Si les employé⋅es terminent leur travail plus tôt que prévu, ils et elles peuvent être réaffecté·es à de nouvelles tâches.
Les Teamsters ont souligné le danger que représentent des travailleurs et travailleuses fatigué·es. Dans le même temps, les entreprises veulent limiter les intervalles de 10 à 12 heures entre les quarts de travail. Les chemins de fer veulent s’assurer que les travailleurs et les travailleuses passent chaque instant de leur journée sur les voies, ce qui leur laisse à peine assez de temps pour dormir et se déplacer. De plus, il y peu de limites quant au moment où les employé⋅es peuvent être appelés pour une période de travail, ce qui accroît les risques de fatigue.
Les capitalistes se préparent à l’impact
On ne saurait trop insister sur le pouvoir dont disposent les travailleurs et les travailleuses du rail dans cette grève : des marchandises d’une valeur d’un milliard de dollars circulent chaque jour par train. Une grève ou un lock-out ferroviaire peut mettre un terme aux activités capitalistes habituelles, en raison de la nature de l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement canadienne. Et contrairement aux conflits ou aux grèves ferroviaires précédents, le CN et la CPKC ont tous deux mis en lock-out les travailleurs et les travailleuses en même temps.
Les deux entreprises ont commencé à réduire leurs approvisionnements en début de mois, en prévision d’un lock-out. Les messages creux des patrons du rail, qui accusent le syndicat d’être responsable de la fermeture, contredisent leurs propres actions. Les patrons se sont préparés à une confrontation.
De nombreuses industries ont tiré la sonnette d’alarme : les secteurs des engrais et de l’agriculture ont mis en garde contre les effets potentiels sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Le secteur de l’élevage a signalé les effets sur les viandes périssables. Les industries du chlore, utilisé pour traiter l’eau potable, allaient être touchées. Les industries non alimentaires, comme l’automobile, la médecine, les matières dangereuses et le fret allaient également être touchées.
Sur le plan international, les entreprises canadiennes craignent une détérioration des relations commerciales. Le président de l’Association canadienne de gestion du fret a déclaré que cette grève «est très néfaste pour notre réputation en tant que nation commerçante». De nombreuses entreprises ont des liens étroits avec les entreprises américaines et certaines craignent que des contrats soient supprimés en raison du lock-out. «D’un point de vue international, si vous perdez un contrat… qui sait s’il reviendra.»
Solidarité avec les cheminots
Les entreprises ont utilisé les effets d’une grève sur les travailleurs et travailleuses et les petites entreprises comme un argument dans l’espoir de mobiliser un soutien massif contre une grève. La réalité est tout autre.
Le président des Teamsters, Paul Boucher, a déclaré que les entreprises (le CN en particulier) «se soucient peu des agriculteurs, des chaînes d’approvisionnement ou des petites entreprises. Cette entreprise très rentable joue dur avec l’économie canadienne, faisant tout ce qu’elle peut pour remplir les poches de ses dirigeants et de ses actionnaires, peu importe les conséquences.»
Le CN et la CPKC privilégient les profits au détriment de la sécurité et des bonnes conditions de travail, préférant mettre les travailleurs et les travailleuses en lock-out et paralyser l’économie. Les travailleurs et travailleuses doivent être solidaires des cheminots et s’opposer à la cupidité des entreprises.
La décision du gouvernement libéral de soumettre le lock-out au CCRI pour arbitrage est un cadeau fait aux autres employeurs et une attaque contre les droits des travailleurs, des travailleuses et des syndicats. Chaque employeur sera tenté de mettre ses travailleurs et travailleuses en lock-out, en espérant que le gouvernement interviendra. C’est un problème qui concerne tous les syndicats.
L’issue de l’arbitrage pourrait constituer un défi pour les travailleurs et travailleuses si elle se prononce en faveur des patrons. Le syndicat a le pouvoir d’obtenir un bon contrat. Contrairement aux patrons, il est nécessaire à la gestion de la société. Pour gagner, il devra rester uni et fort.
Les cheminots ne doivent pas lutter seuls. La solidarité des autres travailleurs et travailleuses renforcerait leur pouvoir. Organisé·es et luttant ensemble, les travailleurs et les travailleuses ont le pouvoir de gagner. Solidarité avec les cheminots!