Durant la dernière année, des pays comme l’Irlande, l’Espagne, le Brésil et les États-Unis ont connu des mouvements d’une ampleur inédite pour le droit à l’avortement, contre le sexisme des tribunaux et des écoles ainsi que contre le sexisme au travail. Au Québec aussi, nous avons besoin de grandes mobilisations pour arracher des réformes aux gouvernements et aux patron·ne·s en faveur de l’émancipation des femmes.
De la dénonciation à la contre-attaque
À partir de 2014, une vague de dénonciations d’agressions sexuelles a touché le Québec. Des campagnes de sensibilisation au consentement ont été mises sur pied dans certaines institutions scolaires. Trois ans plus tard, le phénomène #MeToo a provoqué un raz-de-marée mondial de dénonciations des violences sexuelles. Les têtes de Québécois puissants comme Gilbert Rozon et Éric Salvail ont alors roulé. Les libéraux de Philippe Couillard ont soudainement fait adopter une loi obligeant les entreprises québécoises à se doter d’une politique pour contrer le harcèlement sexuel. La toute nouvelle ministre caquiste de la Condition féminine, Isabelle Charest, doit d’ailleurs piloter un projet de tribunal spécial pour les victimes présumées d’agressions sexuelles.
Ces réformes ne changeront toutefois rien aux conditions qui permettent le développement des violences sexuelles: la pauvreté et le manque de ressources croissant. Les politiques d’austérité mise en place depuis la crise de 2008 ne font qu’aggraver ce problème. De 2008 à 2015, les infractions sexuelles déclarées ont augmenté d‘environ 9% au Québec pour s’établir à 5 806 cas. Le nombre officiel d’agressions sexuelles commises dans un contexte conjugal est en hausse constante depuis 2005, en particulier au Nunavik.
L’égalité formelle existe déjà. Pourtant, nous sommes confronté·e·s tous les jours au sexisme et aux injustices. #MeToo a clairement démontré que le problème est d’ordre social et qu’il exige une réponse collective.
Lutter pour l’émancipation des femmes, c’est combattre l’austérité
Les mesures d’austérité touchent principalement les femmes. D’une part, elles représentent la majorité des employées des services publics. Les coupures dans les conditions de travail du personnel infirmier, enseignant ou en éducation à la petite enfance les touchent majoritairement. D’autre part, les femmes sont les bénéficiaires principales des services publics. Les coupes budgétaires dans les services publics aggravent la charge du travail domestique, celle des femmes en particulier. Par exemple, les nouvelles places en garderies et en résidence pour personnes âgées se retrouvent dans le privé et coûtent de plus en plus cher. Les femmes sont alors majoritaires à renoncer à une carrière pour assurer la garde des enfants ou à assumer un rôle d’aidante naturelle.
Battons-nous
• Pour des investissements massifs dans les services publics (éducation, santé, CPE, transport en commun, logement abordable, etc.) qui répondent aux besoins existants de manière universelle et gratuite, et où le personnel suffisant jouit de bonnes conditions de travail!
• Pour une éducation sexuelle qui aborde toute la diversité sexuelle!
• Pour le droit complet à l’avortement et à une contraception accessible!
Lutter contre la violence faite aux femmes, c’est lutter pour leur indépendance financière!
Les femmes travaillent souvent dans des secteurs sous-payés, aux emplois temporaires et flexibles et aux contrats très précaires. Au Canada, les femmes gagnent encore seulement 0,87$ pour chaque dollar gagné par les hommes (soit 13% de moins) et sont surreprésentées (58%) parmi les travailleurs et travailleuses au salaire minimum. L’incertitude et la pauvreté augmentent les risques de violence. Tant au travail que dans la famille. Que faire si l’on a peur de perdre son emploi ? D’autre part, les bas salaires rendent plus dépendant de son partenaire et donc plus vulnérable en cas de violence domestique. De plus, les femmes sans-papiers sont exposées aux risques d’une exploitation et de violences encore plus extrêmes.
Battons-nous
• Pour une augmentation immédiate du salaire minimum à 15$/h indexé au coût de la vie!
• Pour la semaine de travail de 30h, sans perte de salaire, avec embauches compensatoires et réduction des cadences pour combiner travail, vie de famille, étude et loisirs!
• Pour les allocations sociales décentes et individualisées tout au long de la vie!
• Pour la régularisation des sans-papiers!
Luttons ensemble!
Ne nous laissons pas diviser! Ce ne sont pas les hommes qui gagnent trop ni les personnes immigrées qui volent nos emplois. Une société où le 1% le plus riche possède plus de richesses que le reste de la population ne laisse aucune chance à l’égalité! Les mouvements féministes doivent rejoindre les mobilisations syndicales afin de défendre, tout le monde ensemble, nos revendications pour l’égalité des sexes. Seul le mouvement des travailleuses et des travailleurs dans son ensemble a le pouvoir d’imposer nos revendications aux gouvernements et aux patron·ne·s.
Durant l’automne, des débrayages contre le harcèlement sexuel se sont tenus dans des restaurants McDonald’s des États-Unis ainsi que dans des bureaux de Google partout dans le monde. À Glasgow, en Écosse, une grève historique pour l’équité salariale a été menée par les employées des services publics les moins bien payées. Le combat a été gagné, notamment avec la solidarité des balayeurs de rues, pour la plupart des hommes, qui n’étaient pas officiellement couverts par le préavis de grève.
Le 8 mars 2018, une grève pour les droits des femmes a mobilisé 6 millions de personnes en Espagne. Les syndicats ont rejoint la vaste campagne menée par des organisations femmes, jeunes, LGBTQIA+, des comités de quartiers et des organisations sociales contre l’austérité. La classe travailleuse a montré son pouvoir en faisant de cette grève une lutte des femmes et des hommes contre un système reposant fondamentalement sur l’inégalité et la discrimination.
Appel à l’action
Pour ce 8 mars 2019, plusieurs syndicats en Irlande, en Espagne ou encore en Belgique organiseront des arrêts de travail pour défendre les droits des femmes. Au Québec, AS appelle ses membres et sympathisant·e·s à organiser une action où cela est possible. Elle peut prendre la forme d’une marche, d’une manifestation, d’une grève ou d’une assemblée de discussion sur les luttes à mener pour mettre fin aux inégalités et construire la solidarité entre tous et toutes. C’est ensemble qu’il faut se battre et dépasser le stade de l’indignation.
• Pour que les syndicats organisent la lutte contre le sexisme dans les milieux de travail : à travail égal, salaire égal! Non aux agressions sexuelles!
• Pour des campagnes de syndicalisation pour lutter collectivement contre l’austérité, les emplois précaires et le harcèlement sexuel!
Nous appelons les syndicats et les organisations à la reconstruction de la journée du 8 mars telle qu’elle a vu le jour : une journée de combat pour les travailleuses dans le cadre du mouvement socialiste international de la classe travailleuse. Nous croyons que le processus de lutte par des grèves de masse amène les gens à tirer davantage de conclusions politiques, dont celles de la nécessité de construire de véritables partis politiques anti-austérité basés sur des mesures socialistes.
• Luttons contre le capitalisme et pour une société socialiste démocratique où les richesses sont gérées démocratiquement pour satisfaire les besoins de toute la population!