Rassemblement intersyndical à l'Université McGill le 20 mars 2024

Solidarité avec les auxiliaires de McGill en grève!

Rassemblement intersyndical à l'Université McGill le 20 mars 2024

Les auxiliaires d’enseignement de l’Université McGill ont entamé le 25 mars une grève audacieuse pouvant aller jusqu’à huit semaines. Couplée à des stratégies syndicales innovantes, cette perturbation de la session ouvre la voie à l’établissement d’un rapport de force sérieux face à une administration intransigeante.

Les 1 600 membres de l’Association des étudiantes et étudiants diplômé-e-s employé-e-s de McGill (AÉÉDEM-AGSEM) sont sans contrat de travail depuis août 2023. Débutées en septembre, les négociations de renouvellement de leur convention collective ont conduit à 18 séances infructueuses.

Pourtant, les auxiliaires d’enseignement effectuent des tâches cruciales à la mission d’enseignement de l’université: correction et commentaires constructifs des devoirs, examens, projets, essais, mise sur pied de tutoriels, de sessions d’aide et de révision, etc.

«McGill fonctionne parce que nous travaillons!»

À la mi-mars, les auxiliaires d’enseignement ont voté à 87,5 % en faveur d’un mandat de grève de huit semaines lors d’une ronde de votes en personne et en ligne s’étendant sur quatre jours. Un taux de participation record a été enregistré par le syndicat.

«Ça a pris l’annonce d’un vote de grève pour avoir une offre de McGill», soutient Dallas Jokic, candidat au doctorat en philosophie et membre du comité de négociation. Nous l’avons rencontré le 20 mars dernier lors d’un rassemblement intersyndical devant les bureaux de l’administration universitaire.

Malgré la neige, le vent et le ciel gris, plus de 200 auxiliaires d’enseignement et chargé⋅es de cours se sont rassemblé⋅es pour lancer un message clair à McGill. Face à la stagnation des négociations, les membres sont motivé⋅es à construire un mouvement de grève. Quand Irene Pender, une étudiante à la maîtrise en génétique humaine, a lancé l’appel «êtes-vous prêts et prêtes à faire la grève?», un tonnerre de cris enthousiastes a suivi!

«Nos conditions de travail sont vos conditions d’apprentissage!»

Face au coût de la vie qui augmente, les membres de l’AÉÉDEM revendiquent une indexation de leurs salaires au coût de la vie. L’entente intervenue entre Québec et les syndicats du Front commun cet hiver (une augmentation de 6% la première année et entre 2.5 à 4.5% les années subséquentes) est un strict minimum pour le syndicat. McGill lui propose plutôt 4.25% la première année, 2.25% la seconde et 2% pour les deux dernières.

Les auxiliaires de l’AÉÉDEM demandent aussi un rattrapage salarial par rapport à leurs collègues des autres grandes universités canadiennes. En moyenne, le salaire des auxiliaires s’y établit à environ 46$/h, alors qu’il est de 33$/h à McGill.

Rappelons que ces personnes ne travaillent en moyenne qu’une dizaine d’heures par semaine, étant aux études à temps plein dans des programmes exigeants de deuxième et troisième cycle. Selon leur programme d’étude et leur provenance, les étudiantes et étudiants peuvent recevoir des bourses d’études qui viennent soi-disant compléter une bien maigre enveloppe financière. Ces bourses ne sont souvent ni indexées ni incluses dans les conventions collectives.

Lors du rassemblement du 20 mars, Irene a parlé de sa propre expérience pour aborder la précarité économique des auxiliaires: «Pour la première fois, j’ai été obligée d’aller dans une banque alimentaire cette année».

Cela n’empêche pas l’administration mcgilloise de faire peser une charge de travail toujours plus importante sur les épaules des auxiliaires. Nada El Baba, une doctorante en biologie nous explique: «Comme auxiliaire, je supervise les laboratoires des étudiants et étudiantes de première année. Avant, il y en avait une trentaine. Maintenant, c’est 60 personnes. Il y a des matières dangereuses dans les labos. On devrait être deux.»

Les conditions de travail laissent aussi souvent à désirer: manque de formation et de soutien, correction de plusieurs centaines de copies d’examen d’un coup, trop de personnes inscrites aux sessions d’aide, heures travaillées sous pression de manière bénévole, etc.

Afin de pallier ces problèmes, les travailleurs et travailleuses demandent d’indexer les heures de cours en fonction du nombre d’étudiantes et d’étudiants concernés. Les membres du syndicat demandent également des soins de santé payés par l’employeur.

La formation politique: un atout pour un syndicat

Le syndicat se bat depuis des années pour ce type de revendications. Mais pour cette négociation, les membres ont décidé de faire les choses autrement.

Durant les derniers mois, Dallas a proposé aux membres les plus militantes et militants l’étude du livre de stratégies syndicales combatives, No Shortcuts: Organizing for Power in the New Gilded Age, de Jane McAlevey. Ce livre soutient qu’un changement social significatif ne peut se produire que si l’organisation d’une lutte s’articule démocratiquement autour du rôle proactif des travailleurs, des travailleuses et des gens des communautés concernées.

Une première au Québec: des négociations ouvertes

«Nous sommes le premier syndicat au Québec a effectuer une négociation ouverte», estime Dallas. Cette approche consiste à faire participer le plus grand nombre possible de membres de l’AÉÉDEM dans la délégation syndicale présente à la table de négociation. De plus, les négociations sont diffusées sur ZOOM pour les membres voulant les suivre à distance.

Cette approche tranche radicalement avec les traditions syndicales qui misent sur des négociations se déroulant loin des regards. Des négociations ouvertes ont pour avantage d’impliquer davantage de membres dans la lutte.

«Ce qui m’a convaincu de faire la grève, souligne Irene, c’est ma présence à une séance de négociation ouverte. J’ai vu les membres de l’administration McGill rouler des yeux et regarder leur téléphone alors que nos membres témoignaient de leurs problèmes à joindre les deux bouts.»

Un comité de soutien à la négociation

La réalité syndicale dans un contexte étudiant pose le défi du roulement. La majorité des personnes à la maîtrise demeure dans l’établissement un maximum de deux ans, alors que celles au doctorat restent entre trois et six ans.

«Personne n’avait d’expérience en négociation, mentionne Nada. Il était impératif de mettre sur pied une équipe de soutien d’une dizaine de personnes supplémentaires.» Ainsi, le comité de négo bénéficie de l’aide d’autres membres pour la recherche, la contre-vérification des déclarations de l’employeur, la prise de notes ou le remplacement d’absences (très communes dans le monde académique où les étudiants et étudiantes participent régulièrement à des congrès à l’extérieur de la ville).

Solidarité et syndicalisation

Les grévistes savent que McGill mettra tout en œuvre pour faire graduer ses étudiants et étudiantes à la fin de la session, quitte à diminuer la qualité de l’enseignement. Selon Dallas, c’est la raison pourquoi la solidarité et le soutien des autres syndicats et groupes est si déterminant pour la victoire de l’AÉÉDEM.

Le syndicat dirige beaucoup d’informations et d’appels vers le corps professoral afin d’éviter qu’il ne réalise le travail des auxiliaires à leur place. Cela nuirait à leurs efforts et «brise» la ligne de piquetage (scabbing). D’autres pourraient être tentés d’utiliser le travail d’étudiantes et étudiants contractuels, payés moitié moins, pour compenser. Mais l’AÉÉDEM dirige déjà une campagne de syndicalisation pour enrôler les personnes qui corrigent ou font du tutorat de manière contractuelle.

La manière dont est conduite cette grève a de quoi inspirer les auxiliaires d’enseignement d’autres universités québécoises qui seront en négociation prochainement. Solidarité avec les auxiliaires d’enseignement de McGill!


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