Travailleuses et travailleurs pour la Palestine Montréal en manifestation le 25 février 2024

Comment mettre fin à la guerre génocidaire?

Plus que jamais, ceux et celles prêtes à se mobiliser pour l’émancipation de la classe ouvrière palestinienne doivent se mettre d’accord sur un programme politique et des méthodes de luttes qui maximisent notre rapport de force. Où en sommes-nous avec la mobilisation au Québec?

La destruction de la bande de Gaza dépasse désormais les 70%, soit près des trois quarts. Plus de 30 000 personnes, majoritairement des femmes et des enfants, se sont fait tuer par l’armée d’Israël. À ce nombre s’ajoutent 250 meurtres de plus par jour. Le trois quarts de la population de Gaza a été forcé de se déplacer vers la ville de Rafah. La ville est passée d’une population de 280 000 à 1,5 million de personnes en l’espace de trois mois. Rafah est littéralement le dernier refuge pour ces Palestiniens et Palestiniennes. Mais cela n’empêche pas Israël de planifier son invasion, sinon sa destruction.

La boucherie israélienne pousse les gens vers la lutte

La réplique populaire massive contre ce massacre est inspirante partout dans le monde, dont à Montréal. Des groupes comme PYM Montréal (Palestine Youth Movement) utilisent Instagram pour partager leurs événements. Plusieurs manifestations de dizaines de milliers de personnes ont déferlé dans les rues de Montréal à plusieurs reprises durant l’automne.

D’autres groupes comme Montréal4Palestine et les différents chapitres universitaires de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) ravivent leurs activités. Des associations étudiantes, des organisations communautaires et différents groupes de gauche comme Alternative socialiste organisent aussi des actions chaque semaine, comme des marches, des actions de perturbation et des blocages.

Grâce à cette mobilisation, certaines personnalités publiques ont dû modérer leur soutien à Israël ou prendre parti pour la Palestine. Le massacre à Gaza a créé des conflits dans le parti au pouvoir en Colombie-Britannique, le Nouveau Parti démocratique. Des corporations ont perdu une part de leurs profits, des institutions en lien avec Israël se sont fait bloquer. C’est effectivement un gain. Mais si l’objectif est de retirer tout soutien de l’État canadien envers l’impérialisme et à la colonisation israélienne, bien du chemin reste à faire.

Aucune confiance envers les élites politiques

Pour Alternative socialiste internationale, le conflit principal qui affecte les relations économiques mondiales est la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine. Dans ce contexte, la stratégie des États-Unis est de consolider la région de l’Asie de l’Ouest en un seul bloc contre l’impérialisme chinois. C’est principalement pour cette raison que nos voisins du sud poussent pour des processus de normalisation entre Israël et ses voisins arabes.

Au niveau régional, l’Asie de l’Ouest pullule de contradictions économiques, historiques et culturelles. En 2020, le prince des Émirats arabes unis, Mohammed Bin Zayed, a tenté de pousser une entente avec Israël pour arrêter l’annexion des territoires Palestiniens en échange d’une normalisation des relations binationales. Le premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou a accepté l’entente, tout en réitérant son engagement de promouvoir l’annexion.

Or, sous couvert de se montrer solidaire du peuple palestinien, Bin Zayed tentait plutôt de sécuriser l’achat d’avions de chasse F-35 provenant des États-Unis. Ces mêmes États-Unis qui soutiennent inconditionnellement Israël et ses annexions. Ce type d’exemple est récurrent parmi les régimes de la région.

Un conflit géopolitique majeur

Ce n’est pas un hasard si l’un des objectifs principaux du Hamas lors de ses attaques du 7 octobre était de stopper le processus de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. Afin de rétablir la marche vers cette normalisation, les journaux des capitalistes américains, comme le Wall Street Journal, appellent aussi à un cessez-le-feu.

Après son attaque du 7 octobre, certains dirigeants du Hamas ont voyagé vers la Russie pour rencontrer des politiciens russes et iraniens. La Chine, elle, supporte l’Iran. En réponse au conflit à Gaza, l’Iran finance ou est responsable de la hausse de la fréquence des attaques contre les États-Unis dans la région. Bref, pour Israël et les États-Unis, l’anéantissement du Hamas représente bien plus que les bénéfices d’une future colonisation. C’est un conflit géopolitique pour le contrôle économique et politique de la région.

Les boycott et les vrais revenus

L’orientation vers les organisations de la classe ouvrière israélienne, palestinienne et mondiale est nécessaire pour construire un mouvement antiguerre. Seule la prise de contrôle du pouvoir politique par les classes ouvrières et populaires de toutes les communautés, organisées autour d’un programme politique mettant fin à tout colonialisme, tout impérialisme et qui respecte le droit à l’autodétermination des peuples, pourra sortir le peuple palestinien de la situation actuelle.

Les campagnes de boycott comme BDS peuvent avoir un certain impact lorsqu’elles s’inscrivent dans des actions de masse. Mais les pertes économiques qu’elles peuvent engendrer pour les multinationales ne sont que des gouttes dans l’océan de leurs revenus. D’autre part, l’économie d’Israël ne dépend pas des revenus de multinationales comme Pepsi.

Selon l’Institut d’études pour la sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv, la présente guerre à Gaza coûtera 200 milliards de Shekels (75 milliards CAD) à l’économie israélienne, soit 10% de son produit intérieur brut (PIB). Comment le pays fera-t-il pour financer cette guerre? En continuant de vendre de l’armement et des technologies de pointe à l’étranger. Israël est l’un des 10 premiers exportateurs de produits de défense dans le monde.

Le Canada et le Québec possèdent de nombreuses usines qui fabriquent les composantes du plus grand arsenal du monde, celui des États-Unis. Les exportations officielles de matériel militaire canadien à destination d’Israël et d’autres pays de l’Asie de l’Ouest sont déjà importantes. Si l’on considère toutes les composantes canadiennes qui servent au matériel militaire américain exporté en Israël, le rôle du Canada  devient primordial dans la continuation de la guerre. S’organiser pour perturber cette industrie est essentiel pour bâtir un mouvement anti-guerre.

PYM Montreal publie déjà des statistiques sur les exportations militaires du Canada vers Israël afin de tenter un lobbying sur les député⋅es. Compte tenu de l’importance primordiale qu’a cette industrie pour l’économie canadienne et québécoise, il n’y a pas de discours assez fort pour convaincre les capitalistes et leurs élu⋅es de renoncer à leur argent. Il n’y a pas de boycottage qui arrêtera ces ventes d’armes. L’impérialisme n’est pas une question de choix personnel.

Au-delà des tactiques individuelles

Les déclarations en ligne, les choix de consommation personnels ou les actions spontanées sont toutes des tactiques qui permettent d’exprimer notre colère, ce qui est une partie importante de la lutte. Elles sont moins utiles quand vient le temps d’élaborer des stratégies pour détruire l’impérialisme et émanciper les peuples opprimés.

Pour y arriver, il faut bâtir un rapport de force social contre les élites capitalistes, et l’utiliser.

Pas besoin d’attendre le «grand soir». Chaque manifestation pour la Palestine rassemble de nombreuses personnes prêtes à mettre la main à la pâte pour construire le mouvement. Ce potentiel ne doit pas être gaspillé. On doit pousser notre lutte vers ses prochaines étapes.

Se former et s’organiser

On a besoin d’éducation politique aux quatre coins du Québec: des cercles de discussion, des formations et des ateliers dans tous les établissements scolaires. Pour ça, on a besoin d’aller chercher les premières personnes prêtes à bâtir la lutte dans leur milieu: prendre leurs noms, les rassembler par établissements et les outiller pour faire leurs premières activités politiques.

Même chose du côté des syndicats. Les personnes syndiqué⋅es ont la responsabilité de reprendre à leur compte la demande formulée par les syndicats palestiniens le 16 octobre dernier. Ces derniers demandent de «mettre fin à toute complicité et d’arrêter d’armer Israël» ainsi qu’aller plus loin dans les actions de solidarité de masse.

Les actions du groupe Travailleurs et travailleuses pour la Palestine et du Centre international de solidarité ouvrière sont un bon début. Ça nous prend maintenant des objectifs concrets qui aboutissent à une croissance du soutien actif parmi les personnes syndiquées. Par exemple, avec la coordination de motions, de plans de formation et de plans d’action communs dans un établissement ou un secteur.

Construire une résistance démocratiquement

Pour motiver toutes ces personnes, et surtout donner au mouvement la capacité de s’adapter à une situation qui évolue rapidement, il faut démocratiser ses débats, ses décisions et son organisation. Les assemblées publiques sont centrales pour proposer de nouvelles orientations et priorités. Il faut être capable d’apprendre de nos meilleures pratiques et de généraliser les stratégies qui fonctionnent et changer de cap quand ça ne marche pas.

Pour ça, il faut donner aux gens la capacité de discuter ouvertement, de critiquer constructivement, de proposer et surtout décider. Pour l’instant, le mouvement large ne dispose pas de structures démocratiques redevables et transparentes. C’est fondamental pour avoir un pouvoir sur l’orientation des activités.

Par exemple, certaines actions ont déjà été tentées pour bloquer des usines de composantes militaires ou le transport de matériel israélien par conteneur ZIM. Toutefois, elles atteindront leur objectif de perturbation – pas seulement de symbole – lorsqu’elles rassembleront des masses de gens de manière systématique. Il faut en discuter! Réussir à prendre en otage l’économie capitaliste et obliger le monde politique à écouter nos demandes nécessitent une organisation démocratique sérieuse et massive.

Dégageons les élites politiques!

Finalement, les décisions qui concernent l’industrie militaire et le soutien à Israël sont prises par les député⋅es de la Chambre des communes. Depuis trop longtemps, tous les partis politiques nous démontrent leur rôle actif, sinon leur impuissance, face à l’engagement canadien dans les conflits guerriers qui ravagent les peuples et l’environnement. Nous n’avons pas besoin de ce type de politiciens et de politiciennes pour décider de notre futur.

Si la lutte pour la Palestine se structure davantage parmi les travailleurs et travailleuses, plusieurs militants et militantes réaliseront que la politique parlementaire est utile pour donner plus de traction au mouvement. Les meilleurs militants et des militantes n’ont pas à se gêner d’utiliser la période d’élections fédérales de 2025 comme un porte-voix pour l’autodétermination du peuple palestinien et contre toutes les guerres actuelles.

Afin de se battre collectivement pour des changements politiques socialistes, pas seulement pour résister, la classe des travailleurs et travailleuses doit combattre les élites jusque dans leur château de la colline parlementaire. Aucun parti capitaliste ne peut offrir la paix et le respect des droits des peuples.

  • Pour le blocage systématique de tout matériel militaire en destination d’Israël!
  • Pour l’ouverture des frontières à toute personne fuyant la guerre, les persécutions, les catastrophes ou la misère!
  • Pour la construction de centaines de milliers d’unités de logement public et abordable, financés par l’expropriation des terrains et immeubles vacants et des propriétaires véreux!
  • Pour des services gratuits liés à l’immigration, financés par les patrons à travers une forte taxation du capital et la récupération de l’argent caché dans les paradis fiscaux et les grandes fondations!
  • Pour des candidatures ouvrières issues des mouvements de lutte pour l’autodétermination des peuples aux prochaines élections fédérales!

 


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