Revers électoral majeur pour la coalition gouvernementale aux élections locales

Pedro Sanchez et Pablo Iglesias à l'époque de la constitution de la coalition gouvernementale.

Le gouvernement de coalition PSOE – Unidos Podemos est en état de choc, après des élections régionales et locales désastreuses. La tactique du chef du gouvernement Pedro Sánchez de convoquer rapidement des élections générales (le 23 juillet) repose sur la peur à la perspective d’un gouvernement PP-VOX.

La gauche a perdu les gouvernements régionaux « autonomes » d’Aragon, de Cantabrie, des Canaries, des îles Baléares, de Valence, d’Estrémadure et de La Rioja, tout en conservant Castille-La Manche, les Asturies et la Navarre. Le Partido Popular (droite) continuera à gouverner la région de Murcie et la Communauté de Madrid, avec une majorité absolue pour le populiste de droite Ayuso à Madrid.

L’arithmétique électorale est très claire. Il y a quatre ans, lors des élections municipales, 22 964 058 personnes ont voté, avec un taux de participation de 65,2 %. Parmi eux, 6 657 119 électeurs (29,26%) ont voté pour le PSOE et 5 058 542 (22,23%) pour le PP. Aujourd’hui, le PP a plus de 31,5% des voix et le PSOE moins de 28%. Cette année, 22 452 378 personnes ont voté pour leurs conseils locaux, soit 63,92% de l’électorat. Le fait que 37% de la population n’ait pas voté reflète la désillusion de la classe ouvrière et des jeunes face au bilan des différents partis qui se réclament de la gauche mais qui, au pouvoir – aux niveaux national, régional et local – n’ont pas réussi à apporter de réelles améliorations à la vie des travailleurs au cours des années de crise.

Le PP de droite, dirigé par Alberto Feijóo, gouvernera avec le parti d’ultra-droite VOX, dirigé par Santiago Abascal, en Aragon, en Estrémadure, à Valence, dans les îles Baléares et en Cantabrie. Le parti d’Abascal consolide sa position en tant que force de gouvernement, au niveau régional et local. Dans la région de Murcie également, le PP pourrait partager le gouvernement avec VOX.

La polarisation de la situation politique a presque rayé de la carte le parti populiste de droite plus modéré Ciudadanos (Parti des citoyens), qui était à l’origine un projet de la classe dirigeante visant à semer la confusion et à bloquer les mouvements vers la gauche après la croissance initiale de Podemos.

Le fantôme de l’ETA

Les élections ont été marquées par des slogans démagogiques et vides de sens de la part de la droite. À Madrid, Ayuso a affirmé que Sánchez n’était au pouvoir que grâce aux « votes de l’ETA » (les paramilitaires nationalistes basques dissous), tandis que la coalition PSOE – UNIDOS Podemos s’appuie sur les votes du parti nationaliste de gauche Baque BILDU. L’ETA a abandonné la lutte armée il y a plus de dix ans et BILDU – qui comprend de nombreux anciens membres de Batasuna, le parti qui soutenait l’ETA – poursuit une voie électorale. D’anciens prisonniers figurent sur leurs listes électorales. Il est significatif que le discours stérile de la droite s’appuie sur l’évocation des fantômes du passé pour tromper l’électorat.

Cette tactique n’a pas fonctionné au Pays Basque. La gauche a conservé la Navarre et, dans la capitale basque Vitoria-Gasteiz, BILDU a obtenu pour la première fois le plus grand nombre de voix dans la ville. VOX n’a pas atteint le seuil de voix nécessaire pour obtenir un siège au conseil municipal. Dans l’ensemble du Pays basque, BILDU a obtenu les meilleurs résultats de son histoire et a porté son nombre de conseillers à un niveau record. Auparavant, le parti nationaliste basque néolibéral PNV dominait les institutions basques. La montée en puissance de BILDU s’inscrit dans le contexte d’une classe ouvrière de plus en plus combative au Pays basque.

La lutte des classes se poursuit au Pays basque

Une grève générale des travailleurs et travailleuses de la santé a eu lieu les 18 et 19 mai contre le démantèlement du service public de santé basque Osakidetza, mené par le parti nationaliste bourgeois au pouvoir, le PNV. Le BILDU et les syndicats indépendantistes ELA et LAB sont considérés comme de fervents défenseurs des services de santé et ont électoralement bénéficié de cette position. La lutte acharnée pour la défense des services de santé se poursuit.

De même, en Navarre, 10 000 enseignants et enseignantes étaient en grève pour réclamer la réduction des contrats d’emploi temporaire à moins de 8%, la réduction de la surcharge de travail avec plus de ressources et la récupération du pouvoir d’achat après avoir perdu 20% depuis 2010, ce qui nécessite des améliorations salariales.

Des vagues de travailleuses, comme les femmes de ménage, déclarées « essentielles » pendant la pandémie, se mobilisent pour lutter contre la paupérisation des conditions de vie. Deux jours avant les élections, la capitale basque a été paralysée par une grève des tramways qui a bénéficié d’un soutien massif.

Au Pays basque, BILDU a réussi à attirer d’anciens électeurs de Podemos et a ainsi obtenu des résultats au-delà de toutes les attentes. Le facteur clé est que Podemos, bien que né du mouvement des Indignés en 2011 et de la vague de mouvements de masse qui a suivi, s’est résolument tourné vers la politique purement électorale et les alliances de circonstance, ce qui leur a fait perdre leur base au Pays basque, où une alternative plus combative est offerte par Bildu, en particulier aux jeunes.

Lehendakari (président) du PNV au Pays Basque, Iñigo Urkullu, a déclaré que le Pays Basque est le « leader en matière de grèves et de manifestations » – et a ajouté que 50% de toutes les grèves en Espagne se concentrent dans cette région – alors qu’il s’agit d’une communauté « leader » en termes de revenus, de faible pauvreté et de cohésion sociale. Ce commentaire révèle que même le dirigeant d’un parti nationaliste bourgeois comprend que la lutte des classes a affecté le soutien à son parti et laisse entendre que les travailleuses et travailleurs devraient être reconnaissants de ce qu’ils et elles ont et accepter les réductions de moyens. Cependant, les travailleurs et travailleuses du Pays Basque comprennent que la classe ouvrière basque s’est battue pour obtenir un niveau de vie relativement plus élevé et de meilleurs services publics et qu’ils ne vont pas y renoncer sans se battre.

Il est également significatif qu’au Pays Basque, un mouvement de jeunesse important, combatif et socialiste soit en train de se développer. Gazte Koordinadora Sozialista. GKS critique les positions plus réformistes adoptées par BILDU et sa politique consistant à essayer de construire un « consensus national » avec le parti nationaliste bourgeois au pouvoir, PNV. Ils critiquent également le manque d’orientation forte du BILDU vers la classe ouvrière avec des solutions socialistes claires. La récente percée électorale de BILDU dans le contexte des luttes industrielles signifie qu’un débat important et significatif sur la voie à suivre pour la gauche aura lieu au moins au Pays Basque.

Ada Colau perd le pouvoir à Barcelone

En Catalogne, Ada Colau ne restera pas maire de Barcelone, où le parti de centre-droit Junts, le parti indépendantiste le plus associé à la lutte pour l’indépendance, a remporté le plus grand nombre de conseillers ; la coalition d’Ada Colau, En Comú (qui comprend l’affilié catalan de Podemos) est arrivée en troisième position avec neuf conseillers. Il s’agit d’un autre exemple de l’incapacité des forces de gauche à profiter du pouvoir lorsqu’elles ont été soulevées par le mouvement dans les rues. Ada Colau était l’un des membres fondateurs et porte-parole de la Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH) (Plateforme des personnes affectées par les prêts hypothécaires), créée à Barcelone en 2009 en réponse à l’augmentation des expulsions causées par des prêts hypothécaires impayés et à l’effondrement du marché immobilier espagnol dans le sillage de la crise financière de 2008. Ce mouvement avait créé l’espace nécessaire à l’élection d’Ada Colau. Malheureusement, l’édulcoration progressive de son programme de gauche s’est traduite par une déception et une défaite.

Cette défaite de la gauche en Catalogne s’est également produite dans le cadre de batailles et de mouvements industriels en cours. Six petits syndicats ont appelé à une grève générale à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femme de cette année. Bien que l’UGT et les CCOO n’y aient pas participé, il s’agit d’une indication de la conscience des travailleurs et travailleuses et d’un rapprochement des luttes industrielles et des femmes qui se battent contre leur double exploitation. Cependant, Ada Colau et En Comú sont largement déconnectés de ces développements.

Un processus similaire a eu lieu dans la ville de Valence, avec de mauvais résultats pour la gauche. Le nouveau maire appartient au PP, qui a obtenu la majorité absolue en concluant un pacte avec Vox. Unides Podem (qui comprend Podemos à Valence) a perdu tous ses sièges à Valence, tant au niveau local que régional.

Pourquoi?

Comment se fait-il que la droite ait pu faire des gains compte tenu de la situation de l’État espagnol, avec 2,8 millions de personnes en situation de pauvreté absolue et des prix de l’énergie et des denrées alimentaires qui montent en flèche ?

Il ne faut pas croire que les travailleuses et travailleurs espagnols sont passifs ou qu’ils et elles ne se battent pas. Il n’y a pas qu’au Pays basque que des conflits sociaux éclatent.

Selon les statistiques du gouvernement espagnol, dans toutes les tranches d’âge, il y a eu beaucoup plus de femmes en grève que d’hommes, 62% contre 38%. La plupart des grèves (94,9%) ont eu lieu dans le secteur des services, y compris les services de santé.

Alors que les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux ont mené des grèves massives et acharnées contre les différents gouvernements provinciaux espagnols qui gèrent les services de santé, des luttes ont été menées dans d’autres secteurs, notamment l’éducation et l’industrie manufacturière.

L’ampleur des grèves dans l’État espagnol est considérable. Le 17 avril, 45 000 fonctionnaires du ministère de la justice se sont mis en grève illimitée. Le service de santé de Madrid est de son côté en proie à une lutte acharnée. En raison des réductions budgétaires et des privatisations opérées par les administrations précédentes, les travailleurs des services de santé effectuent le même travail, mais 20% des emplois ne sont pas couverts. Le président populiste de la région de Madrid, M. Ayuso, qualifie les travailleurs de la santé d’ »agitateurs de gauche ». Les travailleurs et travailleuses sont soutenu·es par l’ensemble de la classe ouvrière. Le dimanche 12 février, près d’un million de personnes sont descendues dans les rues de Madrid pour défendre les services de santé. L’appel principal de la manifestation était : « Ayuso dehors ! »

Pourtant, Ayuso a remporté une victoire écrasante à Madrid lors des dernières élections. Sa rhétorique portant sur l’ETA a évidemment eu un effet, mais ces résultats reflètent surtout la déception de la classe ouvrière face à la coalition PSOE-UNIDOS Podemos et à ses équivalents locaux et régionaux, qui ne s’attaquent pas aux problèmes fondamentaux auxquels la population est confrontée.

De nouvelles élections générales

Pedro Sánchez a réagi à cette défaite électorale en convoquant des élections générales anticipées. Cette tactique a pour but de profiter de la peur suscitée par la perspective d’un gouvernement PP-VOX sans pour autant avoir à offrir d’alternative claire. Malheureusement, Podemos ne semble pas avoir tiré les leçons de son lent déclin. L’ancien leader Pablo Iglesias propose un front de gauche dirigé par Sánchez avec une autre scission de Podemos, Sumar, dirigé par la ministre de la coalition Yolanda Díaz et Mas País, une autre scission dirigée par Iñigo Errejón.

Malheureusement, cette unité ne reposerait pas sur un programme de gauche combatif et offensif. Des millions de travailleurs, travailleuses et de jeunes dans l’État espagnol s’opposent à la montée en puissance de la droite et à un éventuel gouvernement PP -VOX après le 23 juillet, mais ils ne sont pas inspirés par l’alternative de gauche qui leur est proposée.

En fin de compte, l’extrême droite et les idées franquistes ne seront vaincues que par l’unité de la classe ouvrière autour d’un programme de transformation de toute la société. Un appel à maintenir le statu quo capitaliste n’inspire pas et ne fera qu’enhardir la réaction.

La situation est complexe et contradictoire. Nombreux sont ceux et celles qui désespèrent devant ce qui semble être inéluctabilité d’un gouvernement d’extrême droite en Espagne. Cependant, la croissance de la droite et les revers continus d’Unidos Podemos ne doivent pas être considérés comme la preuve que les idées de gauche sont impopulaires. VOX progresse précisément parce que la gauche n’offre PAS d’alternative claire à destination de la classe ouvrière.

Podemos a été entaché par sa participation à la coalition du PSOE. Ils auraient dû critiquer le PSOE depuis la gauche au parlement et surtout dans la rue.

Quelle que soit l’issue de ces élections et des prochaines élections générales, la polarisation sociale et politique se poursuit dans l’État espagnol. Une victoire de l’extrême droite provoquera des fissures régionales et nationales. De nombreuses sections de la classe ouvrière et de la jeunesse n’accepteront pas les politiques réactionnaires du PP-VOX. Les attaques contre le droit à l’avortement et la rhétorique misogyne et raciste de VOX ne resteront pas sans réponse.


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