Donnons un nouveau souffle au mouvement!

Manifestation anti-réforme des retraites à Lyon le 8 mai 2023 / Photo : Jean-Philippe Ksiazek, AFP

Tract d’Alternative Socialiste Internationale (ISA) distribué en France à l’occasion de la 14e journée de grève et de manifestation contre la réforme des pensions


Préparons dès maintenant et pendant l’été une contre-offensive de grande ampleur contre la guerre de classe que mène Macron! Et cette fois, essayons plus consciemment d’impliquer dans la lutte davantage de travailleurs et travailleuses des secteurs précaires ou peu syndicalement organisés, et des couches plus larges de la jeunesse!

La colère est toujours là, les manifestations contre Macron se poursuivent et des grèves, y compris des grèves reconductibles comme actuellement chez Disney, ont récemment remporté des victoires importantes. Le soutien à la lutte contre Macron et Borne est absolument majoritaire, mais beaucoup ne savent pas toujours entrer eux-mêmes en action. Au 1er septembre, la réforme des retraites devrait très probablement être mise en œuvre par le gouvernement. Il est possible que cela relance alors une mobilisation plus large. Mais que ce soit sur ce thème à nouveau ou concernant une nouvelle attaque antisociale, la contestation nécessite davantage de préparation et de réflexion collective concernant la stratégie et le programme nécessaires.

Si l’Intersyndicale tient toujours bon – et c’est historique! – c’est par la pression de la colère dans les rangs syndicaux et dans la société. Sans cela, certaines directions syndicales (qui cherchent depuis janvier l’occasion de décrocher) auraient quitté le mouvement et commencé à négocier avec Macron pour tenter d’adoucir les conséquences sociales des prochains dossiers comme la Loi Travail. Mais l’agenda de mobilisation dicté par l’Intersyndicale est trop faible. La journée de grèves et de manifestations du 6 juin est hélas à nouveau une date de plus dans l’agenda “émietté” : des dates qui se succèdent sans aucun lien entre elles et sans volonté de frapper un coup décisif.

Le choix de cette date, deux jours avant le vote de la loi d’abrogation au Parlement, est lié à l’orientation des directions syndicales et de la NUPES vers les solutions institutionnelles. Mais ces derniers mois ont bien montré de quel côté sont les institutions. Emprunter cette voie servirait de prétexte pour faire atterrir la mobilisation dans la rue et par la grève. Cela laisserait Macron et les médias dominants distiller pleinement le racisme et d’autres éléments de division dans la situation, comme l’illustrent la loi JO 2024, la loi immigration et l’opération militaire Wuambushu à Mayotte.

À la France Insoumise, une volonté sincère de stimuler les luttes coexiste toutefois avec cette approche institutionnelle. Jean-Luc Mélenchon a souligné que «la lutte, c’est ce qui compte». Il avait également appelé l’intersyndicale à lancer une grève générale le 6 avril, comme en mai 68, par crainte «d’un étiolement de la lutte». «Ça serait unifiant et manifesterait la force», disait-il à juste titre. Il s’agit d’un pas concret dans la bonne direction de la part de la France Insoumise, en dépit des faiblesses et erreurs de la direction de la formation (illustrée notamment dans la gestion de l’affaire Quatennens).

Le mouvement a connu différentes phases, des flux et des reflux, voire un recul aujourd’hui. Il est normal qu’un tel mouvement ne puisse pas être maintenu à un haut niveau de mobilisation pendant des mois. Bien sûr, la question du portefeuille joue un rôle important : chaque jour de grève se traduit par une perte de salaire. Mais ce qui explique le plus ce reflux, c’est l’absence de perspectives pour imposer une victoire.

Le mouvement n’a pas encore gagné le retrait de la réforme des retraites et il est possible qu’il ne gagne pas cette victoire. Mais le rapport de force créé rend difficile pour les directions syndicales de se retirer de la lutte et de prendre les combats suivants trop à la légère. Cela rend et rendra très difficile à Macron et son gouvernement de faire passer ses autres projets antisociaux. Le potentiel de lutte va rester explosif, avec une avant-garde renforcée numériquement et qualitativement au côté de couches larges de travailleurs et travailleuses enrichies par ce combat historique et qui ont repris confiance dans la force de la lutte collective.

Des comités anti-macron : Utiliser les forces du mouvement pour en balayer les faiblesses

Les bastions du mouvement ouvrier organisé ont montré la voie durant cette lutte (énergie, pétrole/chimie, ports et docks, mais aussi récolte et traitement des déchets) en organisant des grèves reconductibles. Dans une forme de défiance, ils et elles ont dépassé l’agenda mou dicté par les directions syndicales. Ces bastions et d’autres – comme le personnel des transports en commun et de l’éducation – ont un rôle clé à jouer à l’avenir. Tout d’abord pour assurer la grève et les blocages sur leurs propres lieux de travail, avec la possibilité d’occuper ceux-ci et de gérer la production et l’outil de travail, au profit de la communauté, à l’image des actions ‘Robin des bois’.

Mais il faut exporter la grève reconductible, l’éparpiller, embarquer dans son sillage les couches moins impliquées : des segments de la classe travailleuse dans des secteurs et lieux de travail moins ou pas organisés syndicalement ; les larges couches de la jeunesse, dont une partie seulement est entrée en action sur certains lycées et facultés ; les jeunesses précarisées des quartiers populaires ; etc.

La constitution d’une multitude de comités de grève démocratiques anti-Macron serait idéale pour réunir tous et toutes les collègues sur les lieux de travail, syndiqués ou non, et pour faire de même dans les lycées, les universités, mais aussi dans les quartiers, les immeubles, les villages… Ces comités n’auraient pas pour but de contourner les organisations syndicales, mais au contraire de soutenir les grèves en cours et d’essayer d’impliquer des couches plus larges. Ils pourraient par exemple organiser des tournées de grévistes des raffineries et d’ailleurs dans les quartiers, dans les entreprises ou dans des écoles et salles municipales transformées le soir en lieux d’échange et d’évaluation du mouvement pour la rentrée. Ainsi, des comités pourraient peu à peu naître dans tous les lieux de vie et d’activité de la classe travailleuse.

De tels comités deviendraient autant de quartiers généraux pour construire la future grève générale reconductible et relier les différentes initiatives de lutte, mais aussi pour encourager les dons aux caisses de grève. Cela permettrait d’impliquer dans l’action et la réflexion tout le soutien dont dispose le mouvement, via la tenue d’assemblées générales démocratiques. La structuration à la base est cruciale pour vaincre les réticences des appareils syndicaux qui ont peur de perdre le contrôle.

Le développement à la base de pareils outils démocratiques permettrait de consolider le mouvement et de l’affiner, mais cela pourrait aussi, à terme, poser la question d’une assemblée constituante révolutionnaire démocratique reposant sur les délégués élus de ces comités de lutte dans les quartiers, les lieux de travail, les universités et les écoles. Ce serait une étape importante et nécessaire vers la constitution d’un gouvernement ouvrier véritablement démocratique.

Un programme révolutionnaire d’urgence anti-crise

Ce mouvement a déjà depuis de longs mois largement dépassé la seule réforme des retraites. Oui, il faut le retour de la retraite à 60 ans. Mais beaucoup plus est possible et surtout nécessaire. Une pension minimale alignée sur un salaire minimum augmenté à 2000€ net. Une augmentation immédiate de tous les salaires de 10% et le retour de l’échelle mobile des salaires supprimée par Mitterrand en 1983. Un salaire étudiant à hauteur du SMIC. Quant aux secteurs à bas salaires, plaçons-les sous contrôle public afin d’assurer un véritable statut au personnel, avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail. Il nous faut un emploi garanti et du temps pour vivre, et donc une réduction collective du temps de travail, sans diminution des salaires, avec embauches compensatoires et diminution des cadences. Ces mesures assureraient la fin de la précarité et garantiraient notamment l’indépendance économique de toutes les femmes.

Mais pour avoir une société à hauteur des besoins sociaux et des capacités existantes, il nous faut un plan d’investissements publics massifs dans les secteurs du soin et du lien, dans l’éducation, dans les logements sociaux, dans des transports publics durables et dans les mesures de protection de l’environnement. Les services publics ne doivent laisser personne de côté et être de qualité, accessibles à tous et toutes, à moins de 30 minutes de son lieu d’habitation.

Les moyens ne manquent pas : exproprions et saisissons les richesses des milliardaires et réintroduisons l’ISF! Pour éviter la fuite des capitaux et préserver l’économie du sabotage patronal, nationalisation les secteurs de la finance et de l’énergie sous contrôle et gestion démocratiques de la classe travailleuse.

La classe travailleuse et la jeunesse doivent combattre chaque attaque qui nous divise et toutes les lois oppressives et répressives. Mais en finir avec les oppressions sexistes, racistes et LGBTQIA+phobies de même qu’avec l’exploitation brutale des travailleurs et travailleuses et de la nature, cela exige une planification démocratique grâce à la mise sous propriété démocratique publique des secteurs clés de l’économie. Oui, c’est d’une société socialiste démocratique dont nous parlons, et ce n’est pas un objectif irréaliste.

L’inclusion de revendications contre la crise du coût de la vie et toutes les formes d’oppression contribuera à unifier la classe ouvrière et à élargir le mouvement, ce qui constitue également la meilleure assurance contre l’extrême droite et sa logique de division tout en démasquant l’hypocrisie de son “profil social“.


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