Que font toutes ces « Trad wife » sur mon fil d’actualité?

Comme c’est le cas pour de nombreuses jeunes femmes aujourd’hui, mes fils d’actualité sur les médias sociaux sont de plus en plus inondés de vidéos d’autres femmes, pour la plupart âgées d’une vingtaine d’années, vêtues de robes flottantes à l’esthétique des années 50, parfaitement maquillées et coiffées, pendant qu’elles cuisinent ou effectuent des tâches ménagères. Ces vidéos sont généralement accompagnées de l’explication «une journée dans la vie d’une petite-amie au foyer» ou «ma vie d’épouse traditionnelle».

Mais qu’est-ce qu’une épouse traditionnelle (Trad wife)? Pour reprendre les termes d’une trad wife très en vue, il s’agit d’une «femme qui choisit de vivre une vie plus « traditionnelle » avec des rôles ultra rigides pour les deux sexes. L’homme sort de la maison, travaille et subvient aux besoins de la famille. La femme reste à la maison, s’occupe du foyer et des enfants, s’il y en a. Les épouses traditionnelles croient également qu’elles doivent se « soumettre » à leur mari et le servir, ainsi que leur famille.» Si le contenu de bon nombre de ces vidéos semble banal, l’idéologie qui sous-tend le mouvement des épouses traditionnelles est sinistre. Elle joue sur l’idée que les femmes sont la propriété de leurs maris, qu’elles leur sont entièrement soumises. La culture de l’épouse traditionnelle est dominée par des opinions anti-avortement, anti-contrôle des naissances, transphobes et anti-sexe.

«L’épouse traditionnelle» est apparue parallèlement et fait partie du contrecoup sexiste et réactionnaire croissant contre les avancées du mouvement féministe au cours de la dernière décennie. Ce backlash est constitué d’attaques contre l’avortement, contre les droits des transgenres et présente un dénigrement misogyne des femmes qui dénonce la violence et le harcèlement sexistes – comme des personnalités telles Amber Heard et Meghan Markle. Il existe également des liens entre la rhétorique d’épouse traditionnelle et celle d’idéologie ultra réactionnaire comme celle du nationalisme blanc évangélique aux États-Unis et les opinions d’Andrew Tate.

Il n’est pas surprenant et facile de compatir à l’aspiration de tant de personnes à une alternative, littéralement n’importe quelle alternative, à l’exploitation et à la discrimination offertes par le capitalisme. Il y a un désir de stabilité, d’attention et de sécurité. Mais le fantasme vendu par les «épouses traditionnelles» de ce passé idéalisé où les femmes de la classe moyenne vivaient le «rêve de la banlieue» est exactement cela – un fantasme. L’après-guerre a entraîné une attaque implacable contre les acquis du mouvement féministe des années 30 et 40, qui a vu une augmentation considérable de la propagande véhiculant l’idée que l’épanouissement d’une femme était enraciné dans ses rôles «innés» : être une femme au foyer et une mère. Mais les chiffres concernant le nombre de femmes devenues dépendantes du valium et d’autres antidépresseurs au cours de cette période dépeignent une histoire bien différente. L’idée que le retour aux «valeurs traditionnelles» et aux rôles rigides des hommes et des femmes soit l’antithèse de l’exploitation, de la discrimination et de l’aliénation, ou une alternative logique au féminisme néolibéral/girlboss, est incroyablement erronée et néfaste.

La reprise du langage féministe par le mouvement des épouses traditionnelles, qui présente la décision comme un «choix individuel» libérateur de se retirer du marché du travail et d’être entièrement dépendante financièrement de son partenaire, masque la réalité. En effet, pour la grande majorité des femmes et des familles, le «choix» de ne pas travailler n’a jamais été un choix. Le manque criant de services de garde d’enfants, en particulier dans des pays comme le Royaume-Uni où le capitalisme a érodé l’État-providence jusqu’à l’os, signifie que les femmes de la classe ouvrière sont souvent contraintes de quitter leur emploi pour s’occuper de leurs enfants et de leurs parents âgés. Et qu’en est-il des familles qui ne peuvent pas rester à flot sans ce revenu supplémentaire? Ou des femmes monoparentales? Elles n’ont d’autre choix que de reprendre le travail dans un laps de temps cruellement court après l’accouchement, et se retrouvent alors coincées dans le cercle vicieux qui consiste à travailler pour payer des frais de garde d’enfants exorbitants afin de rester à flot.

La dépendance financière ou la «soumission» à un partenaire n’est pas non plus sans risque. Le contrôle financier et économique est un aspect essentiel de l’emprise coercitive, et cet abus se produit rarement de manière isolée. Le fait de dépendre complètement d’un partenaire pour vivre ouvre la porte à d’autres abus.

Les féministes socialistes se battent pour construire le mouvement le plus large possible et un soulèvement de la classe ouvrière et de tous les groupes opprimés pour un changement socialiste. Nous luttons pour un contrôle réel et une autonomie sur nos vies et nos corps. Les membres de ROSA et du Socialist Party luttent non seulement pour l’autonomie corporelle, contre le sexisme et l’oppression, mais aussi pour la construction d’une lutte internationale, active et organisée des femmes, des jeunes, de la classe ouvrière et des pauvres, capable de refonder la société.


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