Crises alimentaires et révoltes : Retour sur les «émeutes de la faim»

L’actuelle flambée des prix à l’échelle mondiale des denrées alimentaires provoquera immanquablement des bouleversements politiques dans les pays où la situation est critique. Ce n’est pas une situation inédite. Depuis le début du 21e siècle, le monde a déjà connu deux grandes crises des prix alimentaires : d’abord en 2007-2008 puis en 2010-2012.

La première de ces crises se développa en parallèle à celle des subprimes, laquelle déboucha sur la crise financière et économique de 2008-2009. La hausse des prix à l’époque était inégalée depuis le choc pétrolier de 1973. Entre 2006 et 2008, le prix avait monté de 217% pour le riz, de 136% pour le blé, de 125% pour le maïs et de 107% pour le soja.

2008

Parmi les multiples causes de cette crise, on trouve la hausse du prix de pétrole. Celui-ci eut des répercussions sur le coût de la production alimentaire (transports, engrais, etc.) et accéléra une demande déjà croissante pour les biocarburants. Aussi il y eut des chocs spéculatifs le marché des denrées alimentaires. Cela s’explique par une demande croissante, le sous-investissement dans l’agriculture et une dérégulation néolibérale des marchés.

Ces événements poussèrent des millions de gens à descendre dans la rue. 48 pays furent secoués par des troubles politiques, des émeutes, des manifestations et des grèves. Les pays touchés furent aussi divers que l’Égypte, le Cameroun, le Bangladesh ou Haïti.

Dans le bassin minier de Gafsa, en Tunisie, la crise alimentaire contribua au ras le bol d’une jeunesse sans futur. La révolte défia l’existence même du régime mais resta isolée et finit par être réprimée par la force.

La crise ayant connu son pic en avril 2008, les prix de l’alimentation retombèrent rapidement en raison de la récession provoquée par la crise financière.

2011

Toutefois, dès 2010, les prix montèrent à nouveau, provoquant une seconde crise alimentaire. Les causes structurelles une fois encore furent les mêmes. La situation concrète n’est pas sans nous rappeler 2022. La perte de récoltes à cause de la sécheresse eut comme résultat que la Russie décida d’interdire l’exportation des céréales. La spéculation fit le reste.

Cette nouvelle crise provoqua une nouvelle vague de protestations, surtout en Afrique. Toutefois, dans certains pays les retombées politiques furent bien plus profondes. Car les masses apprennent de leurs expériences et en tirent les conclusions. En Tunisie la révolte ne resta plus confinée à une seule région, et gagna tout le pays. Après la chute du dictateur Ben Ali, ce fut le tour de l’Égypte et d’autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La contestation ne se limitait désormais plus aux prix alimentaires mais exprima un rejet bien plus général des régimes en place.

2022

Aujourd’hui, la crise touchant l’approvisionnement alimentaire mondial est encore bien pire qu’en 2008-2009 ou 2010-2012. La crise du système capitaliste ne s’exprime pas uniquement à travers des marchés dérégulés, source de tant de misère, mais aussi de plus en plus à travers les conflits géopolitiques et la crise climatique. Pour mettre fin à ce chaos et assurer une alimentation adéquate à tous les habitants et les habitantes de la terre, il faudra faire tomber non seulement des régimes scélérats mais aussi le système capitaliste en tant que tel.


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