Bref retour sur le nationalisme identitaire de la CAQ

Le 3 octobre 2022, le Québec sera appelé aux urnes pour élire le prochain gouvernement de la province. Après la carte du «changement», le gouvernement Legault tentera de se faire réélire en utilisant l’écran de fumée du nationalisme identitaire. Il tente ainsi de masquer la dégringolade des conditions de vie et de travail de la vaste majorité de la population en ciblant ses minorités.

Depuis le mois de mai, le gouvernement dirigé par le Premier ministre François Legault joue la carte du nationalisme québécois «pure laine». Il crée des divisions inutiles et des débats peu urgents afin de polariser l’électorat en faveur ou contre lui. 

La CAQ préfère aller de l’avant avec des lois sur la supposée laïcité de l’État (PL-21) ou plus récemment sur le français comme langue officielle (PL-96). Ces dernières montent en épingle de faux problèmes et ne répondent pas aux vrais problèmes. Pendant ce temps, la détresse des gens ordinaires s’accentue avec l’inflation, la perte du pouvoir d’achat, les bas salaires ou encore le manque d’accès au logement, à l’éducation, à la santé et à un environnement sain.

Ce n’est pas la première fois que François Legault et son gouvernement nous embrouillent avec leur nationalisme identitaire.

Quelques faits saillants

Après son arrivée au pouvoir en octobre 2018, le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) n’a pas tardé à propager son agenda nationaliste. Avec la Loi-17, le gouvernement s’est attaqué aux chauffeurs de taxi où bon nombre sont des personnes racisées. C’était une «déclaration de guerre» contre des travailleurs et les travailleuses. Le ministre Bonnardel souhaitait abolir le système de quotas dans l’industrie du taxi pour laisser entrer dans un marché compétitif la compagnie Uber et son modèle entrepreneurial.

Cette façon de faire démontre un mépris pour les personnes du taxi qui se sont endettées considérablement pour obtenir leur permis. Mais, il démontre surtout le parti pris gouvernemental pour les pratiques économiques des géants comme Uber qui exploitent encore davantage les chauffeurs, donc dégage plus de valeur de leur travail. Si travailler dans l’industrie du taxi était déjà précaire, le faire avec Uber engendre un niveau d’exploitation encore inégalé.

Loi sur la «laïcité» de l’État

En 2019, le gouvernement Legault a fait adopter sa loi sur la «laïcité» de l’État (PL-21). Elle ciblait de manière à peine voilée les femmes musulmanes portant le foulard. Cette loi identitaire et nationaliste n’est d’aucune utilité pratique et ne relève d’aucune menace de prosélytisme fondée. Nous avons vu pendant la pandémie le cas d’une enseignante se voyant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions en raison de cette loi l’empêchant de porter des signes religieux. Le mécontentement est apparu non seulement chez le corps enseignant, mais aussi chez les parents. Les élèves ont été les premiers affectés par le retrait de leur enseignante. Si PL-21 a eu un impact concret, c’est d’avoir attaqué le droit au travail de nombreuses femmes musulmanes pratiquantes. Il a rendu leur vie encore plus précaire. Cela renforce paradoxalement l’attrait des organisations religieuses qui arrivent à leur secours avec leur charité.

Destruction de dossiers d’immigration et chemin Roxham

La CAQ ne s’est pas limitée à cela. Elle a procédé à la destruction de près de 18 000 dossiers en demande d’immigration. La raison? Diminuer le nombre de personnes immigrantes! «En prendre moins, mais en prendre soin», ne cessait de répéter le chef du gouvernement. Pourtant, les experts, les députés et même les membres du gouvernement ne cessent de crier au manque de personnel dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’industrie agroalimentaire, etc.

D’un côté, la CAQ démonise les personnes migrantes qui passent par le chemin Roxham. De l’autre, elle travaille en coulisse pour accommoder les compagnies qui dépendent du travail des personnes immigrantes pour rendre leur production profitable. Dès le début de son mandat, Legault a rassuré le patronat qui dépend des travailleurs et travailleuses migrantes temporaires, les personnes les plus exploitées au Québec. Elles ne sont même pas assujetties aux normes du travail ou aux autres lois québécoises.

Leur travail d’esclaves modernes est essentiel pour la profitabilité des fermes Savoura et Demers de ce monde. Le Conseil du patronat réclame d’ailleurs un seuil de 100 000 personnes immigrantes/an pour remédier à la «pénurie de main-d’œuvre». Mais on s’entend, personne ici n’est prêt à travailler dans ces secteurs sous-payés et éreintants opérés dans des conditions indécentes. Voilà pourquoi Québec va fortement miser sur l’arrivée des travailleurs et travailleuses temporaires au Québec cette année, malgré son discours xénophobe.

Loi sur le français

Au début de mai 2022, la CAQ a remis sur table son désir de modifier la Charte de la langue française (dite loi 101) avec son projet de loi 96. Une loi qui supposément renforcera le français comme langue commune et officielle. Il est tout à fait légitime de défendre l’usage du français au travail, dans les entreprises de juridiction fédérale et d’assujettir les entreprises de 25 à 49 employé⋅es au processus de francisation. Toutefois, le PL-96 est truffé de mesures discriminatoires qui, au bout du compte, n’assureront pas la protection du français. 

Les communautés autochtones dénoncent ce projet de loi qui consiste à nier leurs droits linguistiques pour imposer ceux des francophones. Certains soulignent le caractère néo-colonial de cette loi. Les Autochtones ont le droit à l’autodétermination, incluant le droit de gérer leurs affaires en matière de langue et de culture.

De son côté, la Fédération des administrations de cégeps publics s’oppose au fait d’obliger les jeunes à étudier en français, soulignant que «les cégeps ne sont pas la cause de l’anglicisation au Québec». Rappelons que 68% des personnes immigrantes reçues au Québec entre 2011 et 2016 préfèrent parler le français que l’anglais. 

Est-ce qu’il faut être blanc, francophone et de tradition chrétienne pour appartenir à la nation québécoise? Les socialistes refusent ce nationalisme identitaire et défendent une conception républicaine de la citoyenneté. Une identité basée sur des droits et des libertés politiques réciproques et non sur des critères identitaires et encore moins raciaux. Seule la solidarité des classes ouvrières francophones, anglophones, autochtones et de toutes les communautés nous permettra de défendre nos intérêts politiques, économiques et culturels dans un esprit internationaliste.

Pour la solidarité de classe et des peuples!

Défendre les intérêts de la classe travailleuse, c’est dénoncer le nationalisme identitaire de ces projets de loi. Du côté de Québec solidaire, le parti a d’abord appuyé le PL-21 avant que son conseil national ne l’oblige à faire marche arrière. L’aile parlementaire de QS a toutefois appuyé le PL-96 en formulant certaines critiques et en balayant ses critiques internes. QS n’avait aucune raison d’appuyer un projet de loi qui allait être adopté de toute manière par une CAQ majoritaire. Cette tentative de récolter un peu de vernis nationaliste laisse un goût amer à plusieurs membres. 

Ce n’est pas par la contrainte que l’on fait aimer ou pratiquer une langue. Défendre et gagner des droits linguistiques se fait par l’unité et la lutte. Ça signifie que les revendications d’un groupe, même majoritaire, ne sont pas prioritaires par rapport à celles des autres groupes. Toutefois, cela ne signifie pas l’uniformité totale des revendications. Au sein d’un mouvement large, les communautés linguistiques peuvent rester unifiées, quelles que soient leurs aspirations. Les luttes soutenues et organisées autour des principes de solidarité et de démocratie offrent une voie par laquelle les francophones, les anglophones, les autochtones et les autres communautés linguistiques minoritaires peuvent obtenir des gains réels.

Les vraies menaces

Ce qui met nos langues et nos identités en danger, c’est l’austérité budgétaire. La lutte pour la défense du français, c’est la lutte pour la gratuité scolaire pour tout le monde – du primaire à l’université – peu importe l’appartenance linguistique. Nous devons créer des programmes publics de francisation et d’intégration adaptés aux réalités des personnes immigrantes dans l’optique de leur assurer tous les moyens de bien vivre au Québec sans avoir à s’endetter ou perdre des revenus. C’est en assurant la capacité des personnes immigrantes à communiquer et à participer pleinement à la société que le français aura le meilleur terreau pour fleurir.

Ce qui met fondamentalement nos peuples en danger, c’est le capitalisme et l’impérialisme économique et culturel. Il faut prendre en main notre propre production culturelle et artistique de sorte à faire vivre les artistes de leur art. Des moyens de production et de diffusion publics, accessibles et démocratiques permettront de promouvoir les cultures autochtone et québécoise. Ne laissons pas aux Netflix de ce monde la propriété de créer du contenu culturel! Leur but premier est de faire du profit et non de faire découvrir les différentes cultures du monde. 

La CAQ tente de nous diviser les uns les autres, alors que la situation exige la plus grande solidarité possible. Un exploiteur francophone ou anglophone reste un exploiteur! Ne nous laissons pas distraire ni diviser! Seule une force politique socialiste qui défend les intérêts de toute la classe travailleuse sera en mesure de réellement combattre les nationalisme identitaires, de détruire l’État fédéral canadien néo-colonial tout comme le celui des élites capitalistes québécoises et ainsi assurer nos droits linguistiques!


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