Aida Gonçalves, présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Marriott Château Champlain–CSN. Photo: FC-CSN
Les millionnaires de Tidan Inc. bafouent les droits des employé·es du Marriott Château Champlain. Ils tentent de les intimider avec le congédiement injuste de la présidente de leur syndicat, en pleine période de négociation. Près de 200 syndiqué·es de la CSN se sont rassemblé·es devant l’hôtel, le 29 juillet dernier, en solidarité avec leurs collègues pour faire respecter leurs droits collectifs. Alternative socialiste était sur place.
Sans contrat de travail depuis plus d’un an, les employé·es de l’hôtel Marriott Château Champlain se tiennent debout face à une direction plus intransigeante que jamais. « L’arrogance des patrons est incroyable, lance Mélanie, une employée du Château Champlain qui travaille en hôtellerie depuis 25 ans. Aida a payé pour toutes nous autres. »
Aida Gonçalves est la présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Marriott Château Champlain–CSN. Elle explique: « Le 8 juillet, nous étions environ 75 personnes. Nous avons fait 20 minutes de bruit dans le lobby de l’hôtel, comme à chaque négo. » L’action de visibilité s’est déroulée sans anicroche dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la convention collective. La direction a toutefois accusé Mme Gonçalves de menaces et de voies de fait. La présidente a été la seule personne suspendue, puis congédiée le 14 juillet.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, l’employeur a ensuite refusé la présence de Mme Gonçalves à la table de négociation, au local syndical et sur les lieux de travail. C’est pourtant son droit en vertu de la loi. Le Tribunal administratif du travail a été saisi du dossier. Le 2 août dernier, il a ordonné à l’employeur de reconnaître Mme Gonçalves comme la présidente du syndicat et de lui redonner les accès à l’hôtel.
« Ce n’est pas à l’employeur de décider qui est présidente du syndicat, souligne la vice-présidente du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN, Chantal Ide. Il s’agit d’une attaque frontale aux droits syndicaux ». « C’est de l’ingérence », estime quant à lui le président de la Fédération du commerce-CSN (FC-CSN), Alexandre Boileau Laviolette, la fédération à laquelle le syndicat du Château Champlain est rattaché.
Tidan Inc. et le démantèlement syndical
Pour Michel Valiquette, trésorier de la FC-CSN, « l’objectif du boss, c’est de faire peur aux syndiqués. Aida est une vraie leader. Les gens lui font confiance. » M. Valiquette, lui-même serveur de métier avec 35 ans d’expérience, souligne la tradition de démantèlement syndical (union busting) de l’employeur Groupe hôtelier & immobilier Tidan. « À la Fédération du commerce, nous avons eu des démêlés juridiques concernant l’accréditation syndicale d’employés d’autres établissements de Tidan Inc. Mais nous avons gagné. Un des directeurs en place a d’ailleurs congédié deux fois un président de syndicat. »
Les deux fondateurs de Tidan Inc., Mike Yaval et Jack Sofer, sont deux fiers anciens militaires israéliens. Ils se sont lancés en affaires au Canada en 1970, notamment en revendant plus cher des propriétés rénovées rapidement. Au fil des ans, leur compagnie s’est constitué un portefeuille diversifié de propriétés nord-américaines. Tidan possède et opère 14 hôtels, dont le prestigieux Mount Stephen et le Méridien Versailles de Montréal.
MM. Yuval et Sofer ont acheté le Marriott Château Champlain en avril 2018. Ils ont ensuite complètement changé l’équipe de direction, dont certaines personnes qui y travaillaient depuis des décennies.
Aida Gonçalves souligne que les nouveaux propriétaires « ne reconnaissent pas le syndicat. Ils refusent de nous parler. Ils ne répondent même pas aux courriels. ». Pour celle qui travaille au Château Champlain depuis plus de 30 ans, c’est la première fois qu’on l’empêche de parler à ses propres membres. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg.
Des « voyous » et des profiteurs
Michel Valiquette de la FC-CSN n’a pas mâché ses mots pour taxer de « voyous » les propriétaires de Tidan Inc. « Ils se servent de la pandémie pour charcuter dans les conditions de travail », a-t-il lancé au micro, lors du BBQ militant du 29 juillet. Au début de la pandémie, le syndicat du Château Champlain a mis de l’eau dans son vin en baissant de moitié ses demandes salariales. Mais, rien n’y fait. L’employeur continue de demander des reculs à plusieurs niveaux en plus de ne pas respecter l’entente actuelle.
L’arrogance de la compagnie devient indécence lorsque l’on sait toute l’aide financière obtenue de Québec et Ottawa. Tidan est l’un des bénéficiaires du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), à hauteur de 10,8 millions $. Une partie de ce prêt sera pardonnable, donc se transformera en subvention. Du côté fédéral, Tidan Inc. perçoit la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC). Avec l’emploi de scabs au Château Champlain, nous sommes en droit de nous questionner sur l’utilisation de ces fonds publics.
Convention collective non respectée
Mme Gonçalves signale un nombre élevé d’infractions reprochées aux patrons. « Nous avons déposé plusieurs griefs parce qu’ils utilisent des sous-traitants pour nettoyer les chambres », mentionne-t-elle. Selon la convention collective, l’employeur doit plutôt rappeler au travail les employé·es temporairement mis à pied. Le syndicat reproche aussi le fait que le personnel-cadre réalise du travail destiné aux syndiqué·es. Ces entorses injustifiées se produisent alors que seulement une dizaine d’employé·es sur 213 sont revenu·es sur le plancher.
Quant à elle, Mélanie mentionne les retards dans la rénovation des infrastructures dédiées aux employé·es. « Les patrons ont fait rénover toutes les chambres, le resto, le bar, le lobby. C’est vraiment beau. Mais on n’a plus de vestiaire, plus de cafétéria, plus de machine à café, plus de repas chauds ». Elle dénonce aussi une politique arbitraire dans les rappels au travail fait par la direction.
Mme Gonçalves souligne également une situation très problématique : celle du maintien du lien d’emploi. « La majorité de mes collègues ne travaillent pas depuis plus d’un an. S’ils n’accumulent pas d’heures, leur lien d’emploi risque d’être brisé après 2 ans. Et l’échéance est mars 2022 pour plusieurs », explique-t-elle. Cette approche semble être l’ultime stratégie de l’employeur pour se débarrasser du personnel actuel, souvent en poste depuis des décennies. Il pourra ainsi faire entrer une nouvelle vague moins solidaire et avec moins d’expérience. Dans ces circonstances, « on est obligés de faire des moyens de pression », affirme Mélanie.
La solidarité pour faire respecter nos droits
Lors du BBQ militant, la 3e vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Katia Lelièvre, a souligné que la convention collective des employé·es de l’hôtel est le résultat de leurs efforts déployés sur des années. « Vous êtes plus forts que votre boss parce que vous êtes ensemble », a-t-elle lancé. « On ne se laissera pas intimider, a pour sa part scandé Chantal Ide du CCMM-CSN. Les 300 000 membres de la CSN sont derrière Aida! »
Plusieurs autres syndicats sont venus en solidarité, notamment le Syndicat des employés de magasins et de bureaux (SEMB-CSN) de la Société des alcools du Québec, le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs du Cimetière Notre-Dame-Des-Neiges (CSN), le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CISSS de Laval-CSN ainsi que celui des employé·es de l’hôtel Best Western de l’aéroport de Montréal. Le président de ce dernier, Fernando Almaraz, signale que ses membres ont aussi débuté les moyens de pression dans le cadre des négociations coordonnées dans l’hôtellerie.
Négociations coordonnées
Vingt-six syndicats participent à une plateforme de demandes communes pour cette 10e ronde de négociations coordonnées de l’hôtellerie à la Fédération du commerce (FC–CSN). Ces syndicats représentent plus de 2 500 professionnel·les de l’hôtellerie des régions de la Capitale-Nationale, de la Montérégie, de l’Estrie et du Grand Montréal. Ils ont le mandat de négocier avec leurs employeurs respectifs au cours des prochains mois.
La plateforme commune comprend quatre demandes de base que les syndicats participants se sont engagés à défendre coûte que coûte :
- une convention collective d’une durée de quatre ans;
- des améliorations aux régimes d’assurance collective;
- le maintien des liens d’emploi — et donc des droits de rappel et d’ancienneté — rétroactivement au 13 mars 2020;
- et des augmentations salariales raisonnables variant entre 2,1 % et 4 % par année.
En appui à ces négociations, en particulier avec celle des travailleurs et travailleuses du Marriott Château Champlain, Alternative socialiste vous invite à participer à la manifestation organisée par les syndicats de l’hôtellerie ce samedi 7 août à 13h devant les bureaux de Tidan Inc. (666, rue Sherbrooke Ouest)! Les syndiqué⋅es devront redoubler d’efforts militants pour vaincre l’arrogance et l’intransigeance de Tidan Inc. Cette lutte s’inscrit dans celle que mène actuellement l’ensemble de la classe ouvrière d’ici et d’ailleurs. Les patrons veulent faire reposer le poids de la crise économique et pandémique sur nos épaules en faisant appel à la sous-traitance et à la précarisation de nos conditions de travail. Pendant ce temps, ces mêmes patrons siphonnent l’argent des gouvernements pour rétablir leur marge de profits. Basta!
Pour la réembauche de la présidente Aida Gonçalves!
Contre l’intimidation; la solidarité!
Contre tout recul; la force du nombre!