Il y a une dizaine de jours, le Pape François a déclaré que face à la crise du coronavirus, le capitalisme a échoué. Et bien que le pape ne fasse pas forcement partie des figures citées le plus souvent par les socialistes révolutionnaires, il est difficile de ne pas être d’accord avec lui sur ce point…
Le système capitaliste n’a pas seulement ravagé notre environnement, exposant l’espèce humaine à l’émergence de nouveaux virus. Il n’a pas seulement laissé le secteur des soins de santé dans un état dilapidé pour répondre à cette pandémie. Il n’a pas seulement forcé des centaines de millions de travailleurs et leurs familles à travers le monde à risquer inutilement leur vies afin de préserver les marges des patrons et des actionnaires.
Piloté par la seule logique du profit, ce système s’est vu aussi incapable – malgré les sommes d’argent inédites injectées dans l’économie par les Etats et les banques centrales – d’utiliser le laps de temps qui nous sépare du début de la pandémie afin de réorienter son action vers la création des moyens nécessaires pour faire face à une deuxième vague d’infection. Cette deuxième vague se matérialise maintenant de plus en plus clairement dans toute une série de pays du globe.
En France, qui fait face à une nouvelle et rapide montée d’infections et d’hospitalisations, les médecins, infirmières et infirmiers et les autres travailleuses et travailleurs de la santé sont entrés en grève et descendus dans la rue ce jeudi 15 octobre. Ils et elles entendaient dénoncer le fait que plus d’une demi-année après le début de la pandémie, les investissements nécessaires n’ont toujours pas été réalisés pour combler le manque criant de moyens, de lits en soins intensifs, de personnel soignant et même de matériel de protection.
Un sondage auprès de 60 000 infirmières et infirmiers a révélé que déjà avant la crise, 33% se disaient en burn-out. Ce chiffre a presque doublé pour atteindre 57% aujourd’hui. Et ça, ce sont les conditions dans lesquelles le capitalisme a laissé les soins de santé en pleine pandémie dans un des pays ou le degré d’investissement public dans ce secteur est comparativement parmi les plus élevés au monde !
Une des caractéristiques de cette crise est à quel point les pays dits avancés, en particulier les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont graphiquement exposé l’inaptitude de ce système à faire face à la situation, aussi bien sur le plan sanitaire qu’économique. Ces pays ont historiquement été des piliers du capitalisme mondial et les chantres du néo-libéralisme !
Voilà ce que le capitalisme est capable d’offrir de mieux : 54 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire au Etats-Unis, des embouteillages de plusieurs kilomètres de long à cause du nombre de personnes qui font la queue pour se nourrir auprès de banques alimentaires, des fosses communes au plein cœur de New York, etc. Il est évident qu’il s’agit d’un système historiquement condamné.
Durant l’été, on nous faisait encore miroiter une soi-disant «reprise» économique rapide. Mais comme on l’avait prédit, ce discours a déjà fait long feu et est de plus en plus éclipsé par une remontée en puissance des mises en garde et des inquiétudes des classes dirigeantes elles-mêmes quant au fait que nous sommes sans doute partis pour une nouvelle longue agonie, avec la possibilité de nouvelles dégradations sévères de la situation économique dans les prochains mois.
Bien sûr si on veut parler de l’orgie spéculative sur les marchés boursiers, alimentée par les largesses monétaires et fiscales de ces derniers mois, celle-ci se porte assez bien. Mais en réalité, ce phénomène ne fait que poser les bases de nouveaux séismes financiers, contre lesquels même l’économiste en chef de la Banque Mondiale a récemment mis en garde. Ce n’est qu’un symptôme de la saturation du marché mondial, de la profondeur de la crise à laquelle est confrontée l’économie réelle, de même que du caractère hautement parasitaire du système capitaliste. Comme le soulignait déjà le révolutionnaire russe Léon Trotsky : «En période de déclin capitaliste, les crises ont un caractère prolongé et les booms sont limités, superficiels et de caractère spéculatif»
Le capitalisme mondial se trouve aujourd’hui dans une phase générale de déclin et de désordre sans commune mesure historique. Les chiffres publiés récemment sur la polarisation des richesses depuis le début de la pandémie donnent une indication assez claire de la proportion vertigineuse des contradictions atteintes par ce système. Toutes les contradictions présentent dans le système capitaliste ont été tout à la fois mises à nue, exacerbées et accélérées par la pandémie de Covid et la vague de dépression économique qu’elle a enclenché, qui est particulièrement aiguë et brutale dans le monde néocolonial.
Alors que plus de 400 millions d’emplois sont déjà passés à la trappe, que le nombre de personnes menacées de famine a doublé depuis le début de l’année, on voit une augmentation énorme de l’océan de richesses dans lequel baignent les milliardaires. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a augmenté sa richesse personnelle de 92 milliards de dollars depuis le début de la pandémie. Oxfam a calculé que cela suffirait à verser à chacun de ses 876 000 salariés une prime de 105 000 $ tout en conservant le même montant d’argent qu’il avait au mois de mars. Les sept plus grandes sociétés pharmaceutiques au monde vont terminer l’année avec au moins 12 milliards de dollars de bénéfices additionnels en raison de la pandémie.
La vaccination de masse est le meilleur moyen de pouvoir mettre fin au cauchemar de nouvelles vagues d’infections, de morts et de confinements répétés. Mais les intérêts financiers des actionnaires de ces compagnies privées – aux mains desquels la recherche d’un vaccin est confiée – et le refus de ces entreprises de mettre le savoir scientifique en commun dans le but d’être le premier à profiter de ce marché juteux, sont les principaux obstacles vers la mise à disposition d’un vaccin de qualité, sûr et accessible à tous.
La course au profit et la rivalité nationaliste croissante entre grandes puissances est aussi au cœur de la menace de nouvelles guerres, depuis la mère de Chine jusqu’à la mer Méditerranée en passant par le Caucase – un argument de plus sur l’urgence de s’organiser pour renverser un système qui nous mène droit vers de nouvelles catastrophes.
Ceci étant dit, il est clair que la réponse des masses face à cette crise ne s’est pas faite attendre non plus. La semaine dernière, l’Afrique du Sud a été traversé par une grève générale : c’était la première fois depuis la fin du régime de l’apartheid qu’une initiative de grève nationale était soutenue par toutes les fédérations syndicales, un moment historique qui a clairement été imposée par la pression de la base. L’Indonésie a connu trois jours de grève et de manifestations de masse contre une loi visant à démanteler toute une série de protections sociales et environnementales au profit du capital.
Et c’est sans parler des développements pré-révolutionnaires au Bélarus, de la révolte historique de la jeunesse en Thaïlande, des manifestations contre la brutalité policière en Tunisie, en Colombie et tout particulièrement au Nigeria. Dans ce dernier pays, le mouvement a été capable d’arracher une victoire contre l’Etat en obtenant le démantèlement d’une unité sécuritaire notoire responsable de nombreuses tueries, tortures et autres exactions envers la population locale.
En Tunisie, un des slogans brandis sur une pancarte faite par un jeune lycéen dans les manifestations la semaine dernière était: “vous vous en êtes pris à la mauvaise génération”. Une génération qui n’a connu que la crise comme horizon et qui voit ses espoirs et son futur sans cesse battus en brèche par cette société malade, en proie à une crise structurelle et multiforme sur le plan économique, sanitaire mais aussi climatique.
Une anecdote assez éloquente, c’est que récemment, en Angleterre, le département de l’éducation a donné des instructions aux écoles pour ne pas utiliser de matériel «critique envers le capitalisme». Il il est évident que la bourgeoisie a très bien compris que cette génération est susceptible d’être particulièrement perméable aux idées anticapitalistes et socialistes.
Et soyons en surs: la jeunesse est un baromètre assez fiable de ce qui vit parmi les couches plus larges de la société. L’augmentation du sentiment anti-système et la détermination avec laquelle on a vu la jeunesse descendre dans la rue dans toute une série de pays offrent une mesure des explosions de la lutte de classes qui nous attendent dans la période à venir, et dont 2019 nous avait déjà donné un avant-goût.
Bien sûr, comme le disait Gramsci, quand le vieux monde se meurt et que le nouveau monde tarde à apparaître, c’est aussi le temps des monstres ; le temps du racisme et du nationalisme, du populisme de droite, des théories conspirationnistes et d’autres idées et courants réactionnaires.
Mais l’exemple de la victoire, bien que provisoire, récemment imposée conte les néo-fascistes d’Aube Dorée en Grèce nous a encore une fois démontré là ou réside le potentiel pour en finir avec ces monstres : non pas dans les institutions, les partis et les politiciens du système en place, mais dans la mobilisation active et indépendante des forces vives de la classe ouvrière et de la jeunesse, sans laquelle cette décision juridique n’aurait jamais été obtenue.
Et la meilleure manière de nous préparer à se débarrasser de ce système dégénéré et de tous les monstres qu’il produit, c’est de redoubler d’efforts pour construire les forces du socialisme révolutionnaire au sein d’Alternative Socialiste Internationale et de ses sections, dont AS au Québec, et de développer sans relâche notre ancrage parmi les travailleurs et les jeunes, pour que les socialistes révolutionnaires soient les mieux positionnés possible pour orienter les luttes futures.