Élections 2018 : Le rôle des socialistes dans Québec solidaire

L’écrasante victoire de la CAQ et les gains importants de QS aux élections du 1er octobre sont les toutes dernières manifestations du phénomène de polarisation politique observé partout dans le monde. La nouvelle période politique qui s’ouvre à nous présente un potentiel énorme pour le développement des idées et des pratiques socialistes au Québec. Et QS peut être un important vecteur de ce développement.

Au terme de la campagne électorale, la colère populaire contre le statu quo ne bénéficiant qu’à l’élite s’est exprimée par un vote enthousiaste aux deux formations politiques principales les plus critiques de ce système: la Coalition Avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS). Face au discours de gauche de QS, les chiens de garde du capitalisme ont bien compris qu’on remettait publiquement en question leur système de privilèges. Les Bombardier et Lisée sont même allés jusqu’à brandir, sans succès, l’étendard décrépit de l’anticommunisme pour décrédibiliser QS.

Les travailleurs et les travailleuses ont toutefois voté massivement pour la CAQ, partout au Québec. Le discours de « changements » du parti de François Legault a été perçu comme le plus crédible et le plus près des considérations de centaines de milliers de personnes. Quant à eux, les enjeux soulevés par QS ont suscité un intérêt principalement dans la couche de personnes visée par le parti, c’est-à-dire les jeunes des villes.

Des revendications qui font tomber les masques
Les revendications utilisées par QS durant la campagne ont permis d’identifier des problèmes concrets vécus par une grande partie de la population. La défense d’un salaire minimum à 15$/h, d’une assurance dentaire gratuite ou du transport en commun gratuit a forcé les autres partis à se prononcer sur ces enjeux. Dans l’esprit de milliers de personnes, cette situation a permis de démasquer le désintérêt des élites pour ces problèmes ainsi que l’hypocrisie de leur système à fournir des conditions de vie décentes pour la majorité.

Construire des mouvements de lutte
Si QS n’a pas le rapport de force parlementaire pour faire adopter ses réformes, il possède toutefois la capacité d’organiser, de soutenir et d’outiller les mouvements de lutte extraparlementaires pour arracher ces réformes au gouvernement caquiste. Pour y arriver, les associations de circonscription de QS doivent demeurer actives en permanence, pas seulement en période électorale. Les socialistes ont un rôle à jouer dans l’orientation que prendront leurs luttes afin qu’elles répondent aux besoins des travailleurs et des travailleuses.

Si les nouveaux et les nouvelles députées de QS veulent réellement se mettre au service des travailleurs et des travailleuses qui les ont élus, il leur incombe de défendre leurs intérêts. Il s’agit pour les député·e·s QS d’être la courroie de transmission des mouvements de luttes émanant de la classe travailleuse. Compte tenu de la vague d’attaques néolibérales promise par François Legault, ces mouvements arriveront les uns après les autres durant la prochaine période. La manifestation contre le racisme et la CAQ du 7 octobre a déjà donné le ton, 6 jours après les élections, avec une participation d’environ 5 000 personnes issues en grande partie des communautés visibles. QS doit devenir un acteur politique structurant dans ces luttes.

Un programme inapplicable…
Contrairement à ce qu’a déclaré la nouvelle députée solidaire de Mercier, Ruba Ghazal, il n’y a rien a attendre d’une « refondation du capitalisme ». Tout ce que les travailleurs et les travailleuses arrachent aux patron·ne·s et au gouvernement peut leur être repris. Tout dépend du rapport de force établi entre les classes sociales. En ce moment, l’hégémonie de la CAQ met en évidence la nature de la classe qui domine les rapports sociaux! Or, la crise de son système capitaliste est si profonde, si polluante, que seule une lutte pour des mesures socialistes est en mesure de répondre durablement aux besoins de la majorité de la population.

… sans une approche de classe
Autrement dit, si QS et les mouvements sociaux veulent lutter efficacement et faire des gains, ils n’ont pas d’autre choix que d’opter pour un discours et une pratique de classe qui rompt avec le capitalisme. L’échec d’une approche réformiste, illustré de manière tragique par la trahison de SYRIZA en Grèce, ne laisse que l’option de la lutte socialiste pour rompre définitivement avec l’austérité et éviter la catastrophe environnementale.

Le mouvement syndical occupe une place fondamentale dans l’organisation d’un rapport de force en faveur de la classe travailleuse. Avec la déconfiture du Parti québécois (PQ) et le positionnement de QS comme seule véritable opposition aux projets de la CAQ, les directions syndicales n’ont plus d’excuses pour appuyer le PQ ou demeurer dans la non-partisanerie. Les syndiqué·e·s de la base peuvent désormais utiliser les élu·e·s solidaires pour pousser leur combat encore plus loin. Les socialistes ont ainsi un rôle important à jouer, spécialement dans le comité intersyndical de QS, pour faire adopter un discours et une pratique de classe dans QS.

Construire un parti de classe
Avec le développement de QS, les socialistes se voient offrir un cadre d’intervention très utile pour construire des mouvements de lutte enracinés dans les communautés et les syndicats. La construction de telles forces extraparlementaires vigoureuses est essentielle pour lutter contre la tendance à l’institutionnalisation des luttes dans le cadre étroit du parlement ou de la loi. Bien que QS ne soit pas un parti de classe proprement dit, son développement constitue une étape dans la construction d’un tel parti. En luttant pour un programme, des méthodes et des stratégies socialistes dans QS, les socialistes mettent ainsi les bases de ce futur parti de masses des travailleurs et des travailleuses.

Julien D.


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