Les récents propos de Donald Trump envisageant l’annexion du Canada ou du Groenland exposent ouvertement la volonté impérialiste des États-Unis. Il ne s’agit pas uniquement d’élargir le territoire contrôlé, mais bien de garantir l’enrichissement des multinationales occidentales des secteurs stratégiques sur notre dos et celui de l’environnement.
La montée des tensions entre les deux blocs impérialistes mondiaux actuels (le bloc États-Unis/OTAN et celui de la Chine/Russie/Iran) entraîne une course à la «sécurisation» des frontières à l’intérieur desquelles ces blocs exercent leur influence respective. Dans le cas des États-Unis, assurer la défense militaire des territoires de l’Arctique (Canada et Groenland compris) est d’une importance stratégique capitale. Les minéraux et les sources d’hydrocarbures, en plus de l’ouverture de voies navigables en raison du réchauffement climatique, sont l’objet de sa convoitise.
Ce type de situation explique la consolidation des alliances avec les pays auxiliaires des grandes puissances impérialistes. Ces pays secondaires se rangent de plus en plus dans l’un ou l’autre camp, que ce soit sur l’enjeu des conflits militaires ou des accords commerciaux. Le déploiement des intérêts impérialistes américains a des impacts majeurs pour ses économies auxiliaires que sont celles du Québec et du Canada.
Dépenses militaires en hausse
Par exemple, les dépenses militaires sont en hausse au Canada, comme dans tous les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le gouvernement fédéral libéral a annoncé en novembre qu’il veut accélérer l’atteinte de la cible de dépenses militaires de 2% du PIB canadien pour l’OTAN et le NORAD. Cela nécessite de tripler le budget de la défense. En outre, l’armée canadienne mène des opérations et construit depuis des années des bases militaires dans les pays comme la Lettonie, pour contrer une potentielle avancée russe en Europe de l’Est.
Alors que plus d’un million de Canadiennes et de Canadiens sont mal-logés, croulent sous les dettes et sont mal desservis par les services publics, des milliards de dollars sont sur la table pour que le Canada serve d’avant-poste militaire aux États-Unis.
Politiques protectionnistes
Sur le plan économique domestique, le Canada suit depuis cet été les politiques protectionnistes américaines concernant l’imposition de surtaxes sur les véhicules électriques chinois. Cette mesure a reçu un large soutien de l’industrie, des syndicats et des partis politiques. Les promesses d’emplois et de retombées économiques de l’industrie automobile pèsent lourd dans la balance en ces temps de stagnation économique.
Or, les «guerres commerciales» ont tendance à réduire la croissance économique de tous les côtés plutôt que de l’améliorer. Ces surtaxes nuisent également aux objectifs des «plans verts» gouvernementaux, déjà insuffisants. Il est possible que l’achat massif de véhicules électriques chinois bon marché permettrait d’aller plus vite vers «l’électrification des transports». Cependant, cet objectif reste secondaire face aux intérêts capitalistes locaux.
Il s’agit plutôt de protéger et de développer la chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques au Canada, à laquelle les gouvernements ont promis plus de 50 milliards $ en subventions. L’imposition de surtaxes est également justifiée par la «sécurité nationale», celle de faire barrière aux logiciels espions chinois qui pourraient entrer dans les voitures nord-américaines.
Investissements historiques dans la filière batterie
Le niveau historique des derniers investissements de Québec et Ottawa dans la filière des batteries et des supraconducteurs montre l’importance stratégique de ces secteurs. Ces subventions se concentrent principalement en Ontario et au Québec. Des arrangements sont d’ailleurs faits avec les grandes compagnies pour contourner les lois environnementales et les droits des populations autochtones afin de permettre aux secteurs de l’exploitation minière, des batteries et des voitures électriques de se développer, même si la demande n’est pas là.
Les problèmes financiers de Northvolt, l’entreprise la plus subventionnée du processus, montre comment l’élite politique dépense l’argent public sans garantie de rentabilité. La construction de la méga usine de Northvolt en Montérégie a déjà été reportée d’un moins 1 an et demi avant ses problèmes financiers.
L’objectif des élites d’ici est de s’intégrer, coûte que coûte, à la filière américaine des batteries et des supraconducteurs. Mais d’un point de vue nord-américain, les projets canadiens et québécois sont un ajout à ceux des États-Unis. Pour les multinationales, il est beaucoup plus intéressant de s’installer dans la battery belt américaine, où l’argent et les ressources sont également disponibles. Le fiasco économique de Lion Électrique montre comment les joueurs québécois ne font pas le poids dans ce nouveau marché, même si les gouvernements y ont englouti plus de 200 millions $.
Le gouvernement québécois a aussi annoncé que les tarifs de l’électricité seront augmentés cette année pour les consommateurs. La raison principale est le remaniement de la capacité nationale de production d’électricité qui a été mise en place pour accueillir Northvolt.
Couper là pour investir ici
En outre, les investissements massifs dans les secteurs stratégiques s’accompagnent de nouvelles mesures d’austérité dans les services publics. Les faibles gains obtenus par les employé⋅es du secteur public en 2024 sont déjà menacés par un gel drastique des budgets et des embauches dans les systèmes d’éducation et de soins de santé.
L’impérialisme, c’est quand nos gouvernements préparent et mènent la guerre du «bloc de l’Ouest» au profit des compagnies d’armement et d’aéronautique. L’impérialisme, c’est aussi lorsqu’ils dilapident notre argent pour des multinationales incapables de répondre à nos besoins en termes de transport, d’énergie, d’éducation ou de santé.
Appui tacite des directions réformistes
Sans le dire ouvertement, les directions syndicales réformistes québécoises et celles de Québec solidaire sont en faveur de la filière batterie. Elles ne veulent pas aborder son rôle économique, en tant que secteur stratégique, dans la consolidation des blocs impérialistes et le développement des conflits militaires. Pourtant, des hélicoptères électriques et des drones à potentiel militaire commencent à être fabriqués au Québec. Des subventions massives pleuvent également sur le secteur aéronautique, ce qui accélère la militarisation de l’industrie.
Bien que tous les grands syndicats québécois ainsi que Québec solidaire aient pris position contre la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient – dénonçant même l’aide militaire – ils n’ont fait que des gestes symboliques pour l’exprimer. Aucune action concertée n’a été entreprise pour empêcher Ottawa de verser des milliards de dollars d’argent public en aide militaire à l’Ukraine depuis 15 ans.
Rien n’a été fait pour arrêter la production des obus de General Dynamics utilisés en ce moment même par l’Ukraine et Israël. Les travailleuses et les travailleurs syndiqué⋅es de la multinationale ont négocié avec succès dans plusieurs usines du Québec cette année. Mais cela, sans que leurs syndicats ne fassent de liens entre la production des usines et les massacres qu’elle permet.
Peur de l’autre et nationalisme
La machine de guerre affecte négativement tous les aspects de notre vie: le climat, les droits des personnes migrantes, les droits des femmes, les droits du travail. Par exemple, le gouvernement du Canada et du Québec ont permis à un nombre record de personnes immigrantes de s’installer pour combler les emplois mal rémunérés dans certains secteurs jugés stratégiques.
Or, les gouvernements, les patrons et les propriétaires alimentent la peur de l’autre et le nationalisme pour légitimer les discriminations qu’ils font subir aux personnes immigrantes. D’abord qualifiées d’«anges gardiens» durant la pandémie de la COVID-19, les personnes immigrantes sont aujourd’hui pointées du doigt pour la crise du logement ou encore le déclin du français au Québec. Le fait qu’elles sont «étrangères» légitimeraient tous les abus des capitalistes à leur égard. La logique est la même lorsque les parlementaires ou les médias de masse déshumanisent les personnes que «nos» soldats tuent parmi les populations «ennemies».
L’incapacité des syndicats et des partis de gauche à répondre de manière anti-impérialiste aux questions d’immigration ou de déclin du français ouvre la voie aux discours de peur des partis xénophobes, sexistes et nationalistes.
Les conservateurs de Pierre Poilievre et les nationalistes xénophobes du Parti québécois (PQ) sont largement en tête des sondages. Ces deux partis promettent de baisser drastiquement les taux d’immigration comme solution pour améliorer les conditions de vie des gens qui sont déjà là. Le gouvernement libéral à Ottawa et celui de la CAQ à Québec n’ont pas voulu manquer l’occasion d’eux aussi agir sur un bouc-émissaire. Ils viennent de resserrer les possibilités d’immigration en octobre dernier.
Combattre l’impérialisme, organiser la classe ouvrière
L’approche des directions réformistes actuelles montrent à quel point il est inutile de prétendre agir sur les grands événements internationaux sans une orientation claire vers l’action directe généralisée contre l’impérialisme.
Les débats théoriques ou moraux sur la sortie du Canada de l’OTAN ou sur la libération de la Palestine et de l’Ukraine sont inutiles s’ils ne posent pas comme tâche immédiate la nécessité d’organiser la classe ouvrière pour sa prise du pouvoir politique. Seul le défi d’une lutte pour un Québec et un Canada socialistes est en mesure d’ébranler l’emprise de l’impérialisme américain ici et ailleurs. Cette lutte commence sur nos milieux de travail et doit s’étendre dans tous les lieux de pouvoir publics.
L’accélération des conflits interimpérialistes nous oblige à affiner et à formuler un programme concret sur la guerre et la libération nationale. Un programme en faveur des droits de tous les travailleurs et toutes les travailleuses, peu importe leur origine, langue ou leur religion. Un programme qui va au-delà du nationalisme exclusif de gauche comme de droite. Nous avons besoin d’un programme internationaliste contre le militarisme et toutes les guerres menées pour le profit d’une élite.