Bloquer l’extrême droite dans la rue et dans les urnes!

Un séisme. Et le mot est faible. Le Rassemblement National (RN) l’avait suggéré durant toute la campagne; Macron l’a fait: dissoudre le Parlement et ainsi provoquer l’organisation d’élections législatives anticipées. En considérant la progression des scores du RN lors des élections 2017 et 2022 et maintenant aux européennes (31,4%, à côté des 5,5% du parti d’Eric Zemmour), pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite pourrait réellement arriver au pouvoir.

Face à la menace du pire, le Nouveau Front Populaire éveille l’espoir

Dès l’annonce des élections anticipées, la confiance des individus et groupes d’extrême droite violents a été boostée: “Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut”’, disait l’un des quatre militants qui ont tabassé une personne LGBTQIA+ à Paris. L’un d’entre eux, Gabriel Loustau, leader local de la milice GUD est le fils d’un ancien cadre du Rassemblement national. Un gouvernement RN serait désastreux pour la classe travailleuse, mais particulièrement pour les personnes déjà discriminées, en raison des politiques instaurées, du déchaînement de violences policières et de la confiance accrue des groupes et individus violents.

L’éventuel avenir qui se dessine donne envie de vomir: droits syndicaux laminés; subsides publics rabotés pour les centres de plannings familiaux, les organisations socioculturelles et les organisations écologiques; atteintes à la liberté de la presse et privatisation de l’audiovisuel public; autoritarisme accru et avalanche de nominations pro-extrême droite dans l’administration et la magistrature… Tout cela aura de lourdes conséquences, possiblement pour très longtemps, même en cas de perte du pouvoir.

Le jeu aventureux de Macron

Les outils politiques de la classe dominante sont en piteux état après des décennies de casse sociale, cela a une fois de plus été souligné. Non seulement les partis pro-Macron ont fait un score historiquement bas aux européennes (14,6%, avec 48,5% d’abstention!), et de plus la nouvelle victoire électorale du RN et les élections anticipées ont fait voler en éclats le parti historique de droite Les Républicains.

En 2022, Macron était devenu le premier président nouvellement élu à ne pas gagner une majorité absolue de députés. Ses gouvernements ont dû jongler durant 2 ans avec une recherche permanente d’alliés à l’Assemblée nationale. Mais la politique de Macron est devenue si impopulaire que même Les Républicains n’arrivaient plus à justifier leur soutien occasionnel aux macronistes. Durant le puissant mouvement contre la réforme des retraites, en mars 2023, une motion de censure est passée à 9 voix près de faire tomber le gouvernement. Les Républicains commençaient à planifier de lancer eux-mêmes cette procédure à l’automne 2024, sur le budget. C’est une des choses qui a motivé Macron pour dissoudre l’Assemblée Nationale et donc appeler à des élections anticipées. Attendre l’automne, c’était assurer de perdre la main sur les évènements et de permettre aux oppositions d’être préparées.

Macron misait sur une gauche éclatée et sur l’avantage de se présenter à nouveau comme le seul rempart face à l’extrême droite. Mais il lui a ouvert la voie et déroulé le tapis rouge avec ses politiques antisociales (réforme des retraites…), mais aussi par ses politiques racistes (Lois “sécurité globale”, “contre le séparatisme” et “asile et immigration” ; “Opération Wuambushu” à Mayotte…) et sexiste (relégation du viol à un « sous-crime » en en retirant le jugement par jury populaire en cour d’assises). A cela s’ajoutent le langage et l’attitude des macronistes et de Macron lui-même: hommage à Pétain, accusations « d’islamo-gauchisme », stigmatisation permanente de la population musulmane, soutien à Depardieu… Le 18 juin, en pleine campagne électorale, Macron a encore passé un cap avec ses propos transphobes, en parlant du programme du Nouveau Front Populaire: “il y a des choses ubuesques, comme le droit de changer de sexe en mairie”. Les macronistes et les médias dominants (tout particulièrement ceux détenus par Bolloré) ont pavé la route permettant à Le Pen/Bardella d’être le plus grand parti et peut-être demain au pouvoir.

Le Nouveau Front Populaire

Macron misait sur une division de la gauche, mais la pression parmi les couches progressistes dans la société a été telle que les différents partis de gauche ont été poussés à trouver un accord en 24h, et à former le Nouveau Front Populaire.

La France Insoumise (FI), le Parti Socialiste (PS), Les Écologistes et le Parti Communiste Français (PCF) ont ainsi formé le Nouveau Front Populaire (NFP), avec un accord pour que chaque formation puisse avoir un “monopole” sur une grande majorité des circonscriptions, pour éviter une concurrence entre ces formations. A L’annonce des élections anticipées, une série d’associations militantes (notamment #NousToutes) avaient tout de suite appelé à la constitution d’une telle alliance. L’annonce d’un accord a éveillé l’espoir de millions de personnes pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir, et mener enfin des politiques dans l’intérêt de la classe travailleuse et des personnes opprimé.es. Elle a directement entraîné une vague d’adhésion de la part du monde associatif et syndical, certaines organisations rejoignant le NFP.

En 2022, le score de Jean-Luc Mélenchon au 1er tour des élections présidentielles avait acté l’hégémonie de La France Insoumise à gauche, qui s’était ensuite matérialisée sous la bannière de la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale). Depuis lors, l’union de la gauche a subi un rééquilibrage des forces symbolisé par la répartition des circonscriptions moins favorable à La France Insoumise et bien plus au PS.

Le programme commun du NFP comporte de très bonnes mesures, qui rompraient avec les années Macron et ses prédécesseurs, et permettraient clairement d’améliorer le quotidien de dizaines de millions de travailleurs.euses. Le NFP propose “20 actes de rupture dans les 2 premières semaines, pour que la vie change dès l’été 2024”, avec l’abrogation de la réforme des retraites et de la réforme de l’assurance-chômage, le blocage des prix de première nécessité, le SMIC à 1.600€ net (2.000€ brut), l’indexation des salaires sur l’inflation, l’engagement de fonctionnaires… Le NFP veut aussi à terme revenir vers l’âge de départ à la retraite à 60 ans, appliquer une réduction collective du temps de travail, refuser les traités européens d’austérité. Pour financer le programme, il défend le rétablissement de l’impôt sur la fortune, renforcé avec un aspect écologique; la taxation des superprofits ou encore le renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il s’agit de toute évidence d’un programme de rupture avec la politique actuelle, moins marqué toutefois que ne l’est celui de la FI ou que ne l’était celui de la NUPES.

Tous unis contre la FI et la cause palestinienne

Durant toute la campagne électorale pour les européennes, les médias dominants et les macronistes n’ont eu de cesse de faire le procès de la FI pour “antisémitisme” et “soutien aux terroristes du Hamas”, basé sur des mensonges répétés à longueur de plateau TV et d’interviews. Ce fut une véritable chasse aux sorcières stigmatisant toute personne souhaitant défendre la cause palestinienne. L’avocate franco-palestinienne Rima Hassan, surtout, a été la cible d’un harcèlement incessant. Hélas les 3 alliés de la FI dans le NFP se sont, au mieux, tus face à ces attaques ignobles et, souvent, les ont relayées, particulièrement au PS et son allié Place Publique, dont le leader Raphaël Glucksmann était tête de liste aux élections européennes.

La dynamique du NFP est importante et porte la possibilité d’empêcher le RN d’arriver au pouvoir et d’appliquer des mesures importantes pour notre quotidien. Mais le dégoût est réel et légitime envers des partis comme le PS, même purgé de ses éléments les plus à droite, Les Écologistes, et même dans une certaine mesure le PCF. Comme l’exprimait un syndicaliste désabusé : “la droite on a essayé et elle nous a fait mal, la gauche on a essayé elle nous a aussi fait mal, alors pourquoi pas essayer le RN.”

Le PS et Les Verts ont été éduqués à la cogestion du système et en sont profondément infectés. Il serait extrêmement surprenant que ces derniers, dans une situation de crise, soient préparés à prendre les mesures qui s’imposent en choisissant sans la moindre équivoque le camp des travailleuses et travailleurs sur celui des patrons et du marché. Les partisans du capitalisme sauront à qui parler. Le NFP a été formé par des appareils, il faut la pousser plus loin en mobilisant l’enthousiasme qui, heureusement, ne manque pas parmi d’importants segments de la population.

Construire des comités antifascistes démocratiques

Le vote pour la gauche n’est pas une alternative à la lutte. Il faut construire un mouvement dans l’esprit de la lutte contre la réforme des retraites, qui combine la force considérable du mouvement ouvrier organisé, grâce à l’arme de la grève reconductible, avec la volonté courageuse et inspirante de lutter en faveur d’un changement fondamental à l’avantage des jeunes et des opprimé·es, ce qui peut stimuler la lutte des classes dans son ensemble.

Des comités démocratiques de résistance antifasciste pourraient être créés dans tous les quartiers populaires, les banlieues, les écoles, les universités et les lieux de travail. De tels comités pourraient soutenir le vote pour le NFP et se préparer, une fois les élections passées, soit à entrer en résistance l’extrême droite au pouvoir, soit à assurer que les élu.es du NFP respectent bien leurs promesses.

Cela serait un excellent tremplin pour aller plus loin, car si le programme du NFP est intéressant, il reste insuffisant. Pour réellement répondre aux besoins de la classe travailleuse, la jeunesse et les personnes opprimées et en même temps défier les intérêts de la classe capitaliste, il est nécessaire de porter des revendications de nationalisation de secteurs-clés de l’économie sous la gestion et le contrôle de la collectivité, à commencer par les secteurs financier et énergétique, pour être capable d’avoir un réel contrôle sur les prix et en même temps financer la planification écologique.

Réunion ouverte – 1934-1936 : De la provocation fasciste au potentiel révolutionnaire

Le 6 février 1934, l’extrême droite manifesta dans les rues de Paris. La manifestation se termina par de violentes confrontations avec les forces de l’ordre. Le danger représenté par l’extrême droite en France devenait particulièrement évident. Mais la riposte antifasciste ouvrière ne se fit pas attendre et stoppa net le danger fasciste.

La dynamique enclenchée alors conduisit au mouvement de grèves avec occupation d’usines de 1936, mouvement qui a posé les bases d’importantes conquêtes sociales telles que la semaine des 40 heures et l’extension des congés payés à tous les travailleurs. Cette grève générale s’est spontanément développée à la suite de la victoire électorale du Front Populaire, une alliance des socialistes (SFIO), des communistes (PCF) et du Parti radical, le parti pivot des gouvernements de l’entre-deux-guerres. L’ambiance était festive dans les entreprises : les travailleurs savaient que leur moment était venu. Le journal “Le Temps”, que Trotsky décrivait comme la bourgeoisie sous forme de journal, décrivait avec horreur comment les ouvriers se comportaient dans les usines : comme s’ils en étaient déjà les maîtres.

Le retentissement du mouvement dépassa les frontières françaises, il influença notamment la dynamique de la grève générale de juin 1936 en Belgique qui a posé les bases de la sécurité sociale obtenue après-guerre. La réussite du mouvement de masse en France avait le potentiel non seulement de renverser le capitalisme, mais aussi d’approfondir le processus révolutionnaire en Espagne tout en portant un coup décisif au fascisme en Allemagne et en Italie. Cela aurait rendu inévitable le déclenchement d’une révolution politique en Union soviétique contre la dictature bureaucratique stalinienne et en faveur de la restauration de la démocratie ouvrière, cette fois-ci sans que la révolution soit isolée. L’horreur de la Seconde Guerre mondiale n’aurait probablement jamais eu lieu.

Mais la politique du gouvernement du Front populaire est finalement strictement restée dans les étroites limites du capitalisme. Et comme le soulignait Daniel Guérin dans son récit des événements « Une révolution qui cesse d’avancer est condamnée à refluer ». Le gouvernement de Front Populaire n’a finalement duré que deux ans et une fois de retour au pouvoir, la droite s’est sauvagement vengée de la peur panique qu’elle avait ressenti.

Quelles leçons en tirer pour les combats d’aujourd’hui? Venez en discuter avec nous !


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