Pride Trans et Intersex à Dublin en 2023

Les attaques contre les trans se multiplient dans le monde

Malgré la sensibilisation et la visibilité accrues de la communauté trans au cours des dernières années, les personnes trans font l’objet d’une réaction brutale et d’attaques contre leurs droits. Une guerre culturelle permanente est menée contre les personnes trans et de diversité de genre.

En 2020, sous couvert de la pandémie de COVID-19, la Hongrie a adopté une loi interdisant aux personnes trans et intersexuées de changer légalement de genre. Cette loi, qui est entrée en vigueur en janvier 2021, exige que le genre figurant sur les papiers d’identité légaux d’une personne corresponde à celui qui lui a été assigné à la naissance. La Hongrie a également adopté un projet de loi interdisant aux personnes LGBTQ+ d’apparaître dans le matériel pédagogique des écoles et dans les émissions de télévision destinées aux moins de 18 ans.

La Pologne a récemment approuvé une nouvelle loi qui permet aux superviseurs régionaux d’interdire l’enseignement inclusif des LGBTQ+ dans les salles de classe. Cette loi fait suite au projet de loi «Stop à la pédophilie», qui visait à criminaliser toute personne considérée comme promouvant l’éducation sexuelle auprès des mineurs. Il aurait interdit l’enseignement sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre à toute personne de moins de 18 ans et devait être voté en avril 2020, en même temps que le projet de loi «Stop à l’avortement». Ce dernier aurait supprimé l’accès légal à l’avortement en cas d’anomalie fœtale grave ou mortelle. Les deux projets de loi ont été renvoyés en commission pour «travaux complémentaires». Cela signifie qu’ils pourraient bien être réintroduits à une date ultérieure.

Au Royaume-Uni, la rhétorique transphobe croissante dans les médias s’est accompagnée d’attaques continues contre les droits des trans. Au beau milieu d’une vague de grèves ouvrières historiques pour de meilleurs salaires et conditions de travail, le parlement britannique a utilisé pour la première fois l’article 35 du Scotland Act 1998 pour bloquer le projet de loi écossais sur la reconnaissance du genre. Ce projet de loi aurait permis aux personnes trans de modifier légalement leur genre sur leur certificat de naissance sans avoir besoin d’un diagnostic médical de dysphorie de genre. Le projet de loi aurait réduit à six mois le temps nécessaire à «vivre selon le genre acquis» et aurait ramené de 18 à 16 ans l’âge requis pour l’obtention de cette autorisation. Ces réformes sont très similaires à la loi sur la reconnaissance du genre adoptée en Irlande en 2015.

Plus récemment, la Commission britannique pour l’égalité et les droits de l’homme a adressé une lettre au gouvernement britannique recommandant que la loi sur l’égalité de 2010 soit modifiée afin de supprimer les protections accordées aux personnes trans. Cet amendement viserait à redéfinir le sexe légal d’une personne comme étant le seul sexe biologique plutôt que le genre, ce qui obligerait les personnes trans à utiliser les installations correspondant au genre qui leur a été attribué et priverait les femmes trans d’une protection importante contre la violence trans-misogyne. Cette rhétorique TERF (Trans-exclusionary radical feminist ou féministe radicale excluant les personnes trans) et transphobe croissante a eu un effet dramatique sur la santé mentale des personnes trans, tout en provoquant une augmentation des crimes de haine transphobes. Dans le pire des cas, elle a conduit à des décès comme celui de Brianna Ghey, une jeune fille trans de 16 ans poignardée à mort par deux adolescents en février.

Ces attaques ne se produisent pas seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis. Fin mars 2023, plus de 430 projets de loi anti-LGBTQ+ ont été déposés. Les soins de santé pour les personnes trans de moins de 18 ans ont été interdits dans des endroits comme l’Arkansas, la Floride et le Tennessee. Des États comme l’Oklahoma, le Texas et la Caroline du Sud envisagent même d’interdire les soins d’affirmation de genre pour les personnes trans de moins de 26 ans. Depuis le début de l’année, des projets de loi visant les spectacles de drag ont été déposés dans au moins 32 États. Le Tennessee a été le premier État à adopter une loi interdisant les «spectacles de cabaret pour adultes» dans le domaine public et dans les lieux où ils peuvent être vus par des enfants. Ce projet de loi mentionne notamment l’interdiction des «personnificateurs de femmes et d’hommes».

Ces attaques contre les personnes trans sont portées par l’idée que les personnes trans, et en particulier les femmes trans, sont des prédateurs sexuels. Les trans et la communauté LGBTQ+ au sens large ont été dépeints par les TERF et l’extrême droite comme des déviants et des pédophiles. La «protection des femmes et des enfants» est souvent le motif invoqué pour justifier ces attaques politiques, qui sont pourtant souvent le fait d’hommes politiques conservateurs dont le bilan en matière de droits des femmes est épouvantable.

Même dans les pays où les soins de santé pour les trans ne sont pas interdits, de nombreuses cliniques spécialisées dans les questions de genre sont bloquées par de longues listes d’attente et des modèles de soins médiocres. Les personnes trans sont touchées de manière disproportionnée par l’austérité, les emplois à faible revenu, l’itinérance et la violence sexiste. Même en dehors des attaques politiques ciblées, le capitalisme n’a jamais joué en faveur de la communauté trans.

Qu’est-ce qui se cache derrière les attaques contre les personnes trans?

Si, dans de nombreux pays, un nombre croissant de personnes s’identifient comme LGBTQ+, en particulier dans les jeunes générations, les personnes trans et les personnes queers en général ne représentent encore qu’une infime partie de la population globale. Cela signifie que les attaques ciblées de la droite contre les personnes trans visent une minorité minuscule et déjà marginalisée.

Par exemple, 12 États américains ont interdit les soins d’affirmation de genre pour les mineurs, y compris les bloqueurs de puberté et la thérapie hormonale, en les présentant comme une vague rampante d’erreurs médicales qui «défigurent» toute une génération d’enfants. En réalité, il faut souvent des années de procédure d’approbation par les médecins et les thérapeutes pour recevoir des soins visant à affirmer son genre, et une étude récente a révélé que seulement 4 500 personnes de moins de 17 ans suivent une thérapie hormonale aux États-Unis.

Pourquoi une telle colère est-elle dirigée contre si peu de personnes? C’est d’autant plus déconcertant que ces attaques contre les personnes trans ne sont pas vraiment populaires parmi les classes populaires. Selon Pew Research, 64% des Américains et Américaines estiment que les personnes trans devraient être protégées contre la discrimination. Les attaques contre les personnes trans n’ont pas non plus entraîné de gains électoraux significatifs pour le Parti républicain. En fait, un candidat républicain a perdu une course électorale à la Cour suprême du Wisconsin en avril après avoir dépensé 45 millions de dollars pour des publicités qui accusent principalement son adversaire de travailler avec des responsables scolaires pour rendre les enfants trans.

Mais si les attaques contre les personnes trans ne permettent pas de gagner des élections, elles profitent à la droite d’une autre manière. Nous vivons dans un paysage politique dominé par l’augmentation massive du coût de la vie, les guerres, les maladies et les catastrophes provoquées par le changement climatique. Les conséquences sociales du définancement des logements publics, des soins de santé et des services publics des dernières décennies se font sentir pour des millions de personnes. Le sentiment que la société a en quelque sorte «déraillé» est omniprésent et s’exprime par une certaine pression sur les institutions et les élites politiques pour qu’elles fassent quelque chose à ce sujet.

Il existe de véritables solutions à ces problèmes, mais elles nécessitent un transfert massif de richesses des plus riches vers la classe ouvrière, des investissements dans les besoins fondamentaux de la société et, en fin de compte, le renversement du capitalisme pour passer à un monde socialiste. Cela est incompatible avec la raison d’être de la droite. Au lieu de cela, comme elle le fait depuis d’innombrables années déjà, la droite s’appuie sur la désignation de boucs émissaires pour expliquer à sa base pourquoi la vie semble soudain vaguement et apathiquement «pire». Les discours alarmistes sur «l’idéologie du genre» empêchent la droite d’apporter une réponse aux véritables problèmes de la société.

La droite jouit actuellement d’un formidable élan politique, mais cette situation n’est pas totalement due à elle-même. Non seulement les classes populaires soutiennent une large majorité le droit des personnes trans à vivre comme elles l’entendent, mais des majorités significatives soutiennent également des solutions de gauche aux problèmes qui affligent notre monde, telles que l’imposition des riches pour financer le logement, les soins de santé et les services sociaux.

Aux États-Unis, le Green New Deal reste populaire, soutenu par une majorité de 31 points de la part des électeurs et électrices en général et même par un tiers des Républicains. Mais les partis capitalistes qui ont prétendu défendre des solutions progressistes les ont constamment abandonnées lorsqu’ils étaient au pouvoir, et ont trompé et fait dérailler les mouvements visant à les gagner. En l’absence de véritables institutions de lutte de la gauche – comme des partis de masse de la classe ouvrière – pour mobiliser cet énorme soutien, il ne reste plus que la droite pour combler ce vide.

Malgré la gravité de la situation, il y a lieu d’être déterminé⋅e. La base politique nécessaire pour faire échouer les attaques contre les personnes trans existe ; la question est de savoir comment y parvenir.

Sensibilisation croissante aux États-Unis

Les attaques contre les droits légaux des personnes trans poussent de nouvelles couches de personnes à devenir des activistes – en particulier les élèves trans du secondaire et leurs parents. Le point d’entrée de ces nouveaux et nouvelles militantes est souvent de se lier avec des organisations non gouvernementales LGBTQ+ locales, comme celles liées à la Human Rights Campaign, qui (en particulier dans certaines régions du sud des États-Unis) peuvent être les seules organisations actives lorsqu’il s’agit de se mobiliser contre les attaques contre les droits des LGBTQ+.

Malheureusement, ces militants et militantes en herbe sont souvent immédiatement entraîné⋅es dans une stratégie inefficace qui consiste à faire pression sur des individus élu⋅es – soit par des conversations individuelles, soit en participant à des assemblées publiques sur des projets de loi discriminatoires – dans l’espoir qu’un ou plusieurs politiciens «écoutent» et «fassent ce qu’il faut». En réalité, cette stratégie n’est pratiquement jamais efficace et, lorsqu’elle est menée à titre individuel, les représentants et représentantes peuvent mentir (et le font), comme l’ont expérimenté deux activistes du secondaire au Kentucky en début d’année.

Cela ne signifie pas que la confrontation avec les élu⋅es est une tactique inutile. Lorsqu’elle est bien utilisée, elle peut être extrêmement puissante, mais il faut savoir que les élu⋅es qui soutiennent la législation anti-trans ne seront pratiquement jamais «convaincus», que ce soit par des arguments moraux ou par la réfutation factuelle de leur raisonnement erroné. La droite ne crée pas une panique trans par peur réelle, mais parce qu’elle peut l’utiliser cyniquement à son avantage politique. Pour dissuader les politiciens et politiciennes de droite de proposer une législation discriminatoire et de faire des trans des boucs émissaires, il faut leur montrer rapidement les conséquences politiques de leurs actes.

Il ne suffit pas de mobiliser les gens en masse à leurs bureaux et aux séances de consultation publique. Il faut le faire avec l’intention de mettre un terme au business as usual et intégrer les manifestations et les débrayages à grande échelle dans la réponse immédiate à leurs projets de loi, et non comme un dernier recours après l’échec du lobbying.

Nous devons tirer les leçons des victoires du passé. Dans les années 1980, ACT UP, un mouvement composé en grande majorité de membres queers de la classe ouvrière, s’est battu pour que les personnes atteintes du VIH/sida aient accès à un traitement, notamment en élaborant une stratégie appelée inside/outside (intérieur/extérieur). Dans le cadre de cette stratégie, certains membres d’ACT UP allaient «à l’intérieur» et assistaient à des réunions de la Food and Drug Administration (FDA) et d’autres organismes gouvernementaux pour exiger des discussions sur les médicaments et les traitements. Mais ces personnes savaient qu’elles avaient peu de chances d’être entendues. Lorsqu’elles étaient exclues, elles retournaient «à l’extérieur», où un groupe plus important d’ACT UP attendait pour organiser une grande manifestation bruyante. Grâce à cette stratégie de combativité publique et de perturbation, ACT UP a transformé la vie de milliers de personnes atteintes du VIH/sida.

Aussi longtemps que la stratégie politique visant à faire des personnes trans des boucs émissaires sera utile pour la droite, elle se poursuivra. Nous devons construire un mouvement capable de faire en sorte que les attaques contre les personnes trans causent beaucoup plus d’ennuis qu’elles n’en valent la peine.

Comment riposter

Face à l’augmentation significative de la violence transphobe d’extrême droite, quelques personnes transgenres cherchent une solution sous la forme d’une autodéfense armée. Dans un cri de désespoir, beaucoup voient une solution rapide dans une riposte individuelle contre l’extrême droite. Mais la libération trans doit être menée en solidarité avec toutes les minorités opprimées et plus largement avec la classe ouvrière multigenre et multiraciale.

En Irlande, nous assistons non seulement à l’enhardissement de l’extrême droite contre la communauté trans, mais aussi contre le personnel des bibliothèques qui présente des livres positifs envers les LGBTQ+. À deux reprises, des transphobes d’extrême droite ont harcelé et filmé le personnel de bibliothèques à Cork et à Dublin. L’un d’entre eux s’est emparé d’un exemplaire de This Book Is Gay et l’a détruit.

Bien qu’il y ait eu un effort de contre-protestation à l’extrême droite dans une bibliothèque de Dublin – ainsi que des contre-manifestations organisées contre les conservateurs qui perturbaient les Drag Time Story Hours aux États-Unis et au Royaume-Uni – il est essentiel que le militantisme trans ne s’enlise pas dans une simple réaction aux protestations de l’extrême droite. La communauté trans et ses alliés ont été plus nombreux que Posie Parker, sympathisante connue des TERF et des fascistes, lors de sa tournée en Nouvelle-Zélande et en Australie. Si nous pouvons organiser des manifestations contre l’extrême droite afin de perturber les événements queers, il est également de notre devoir de mobiliser ce soutien et cette solidarité en faveur d’un programme plus large pour les droits et la libération trans.

La lutte pour la libération trans ne sera pas menée par des organisations non gouvernementales ou des individus, mais en s’organisant avec la classe ouvrière. Les travailleuses et travailleurs de l’enseignement et de la santé sont attaqué·es au même titre que la communauté trans, en raison de la transphobie croissante du capitalisme. Les syndicats devraient suivre les traces de l’Irish National Teachers’ Organisation, le plus grand syndicat de l’enseignement en Irlande. Lors de son récent congrès, le syndicat a adopté une motion condamnant la position de l’Association catholique de gestion des écoles primaires contre l’enseignement des identités trans dans les écoles. Les syndicats doivent soutenir fermement les personnes trans et mobiliser activement leurs membres pour qu’ils et elles soient solidaires de leur communauté.

Il est temps de créer un mouvement organisé pour la libération trans!


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