+30 000$/an en pleine inflation!

C’est fait, les député⋅es de l’Assemblée nationale du Québec se sont voté une augmentation de salaire de 30% le 6 juin dernier. Cette augmentation est si scandaleuse que trois personnes sur quatre sont contre au Québec!

En mai, le gouvernement de François Legault a annoncé son désir d’augmenter le salaire de base des député⋅es de 30 000$/an. Il passera ainsi de 101 561 à 131 766$/an. À titre de comparaison, le revenu moyen au Québec s’établit à environ 51 200$/an (26$/h). Le premier ministre a justifié sa volonté en s’appuyant sur les conclusions du comité chargé de cette question. Or, il n’y a qu’une dizaine de députées qui se contentent du salaire de base. La centaine d’autres jouit déjà d’une panoplie de primes en tout genre. La hausse atteint plus de 60 000$/an pour le poste de premier ministre (208 200$ à 270 120$/an). De leur côté, les ministres, chefs d’opposition, présidents d’assemblée et leaders auront désormais un salaire oscillant entre 150 000 et 230 000$/an.  

Des privilèges pour les élu⋅es, les miettes pour le reste

Pendant que les propriétaires de logements nous escroquent, pendant que les compagnies d’alimentation en profitent pour hausser les prix, pendant que le gouvernement sous-finance les services publics, pendant que le coût de la vie atteint des sommets et que de plus en plus de gens se tournent vers les banques alimentaires, les parlementaires nous montrent de quel côté ils et elles se situent. Du côté des personnes qui s’enrichissent.

La hausse du salaire des député⋅es est d’autant plus scandaleuse qu’elle coïncide avec la  «généreuse situation» des grands PDG québécois qui augmentent de façon importante leurs richesses! Citons l’exemple d’une compagnie subventionnée en secret par Québec, Lightspeed. Le salaire de son PDG, Jean-Paul Chauvet, est passé à 27,6 millions de dollars canadiens (+153,6%) cette année!

Pour les travailleuses et les travailleurs du Québec, les prévisions d’augmentation salariale sont estimées à 4,4% en 2023 selon l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Pour les personnes qui gagnent le salaire minimum, la hausse a été de 7% pour atteindre 15,25$/h le 1er mai dernier. C’est toujours en dessous de 18$/h nécessaire pour avoir un salaire viable. 

Une insulte aux syndiqué⋅es le secteur public

Il y a actuellement plus de 500 000 syndiqué⋅es du secteur public et parapublic en période de négociations de renouvellement de leur convention collective. Les syndicats sont en train de lutter pour que le gouvernement accepte un rattrapage salarial, l’égalité salariale homme-femme et des salaires indexés au coût de la vie. À la différence des membres de l’Assemblée nationale, ces syndiqué⋅es ne pourront pas se lever un matin et s’octroyer une augmentation qui répondrait à leurs besoins de base.

L’État du Québec offre 9% d’augmentation sur cinq ans à ces employé⋅es. Cela ne permettra pas de couvrir les prévisions d’inflation des prochaines années. Les syndiqué⋅es continueront de s’appauvrir, puisque leurs salaires ne suivent plus la hausse du coût de la vie depuis des années.

C’est donc cela la le gouvernement capitaliste de la CAQ : les PDG peuvent s’enrichir allègrement, les député⋅es peuvent se voter une augmentation selon leur bon vouloir alors que les travailleurs et les travailleuses du secteur public doivent négocier pour ne pas s’appauvrir davantage! Le mouvement syndical a un rôle majeur à jouer contre les privilèges matériels des élites, l’exploitation et le mépris du gouvernement et des grandes entreprises capitalistes qui font des profits faramineux sur notre dos!

Une opposition entre faiblesse politique et opportunisme

Parallèlement au monde syndical, la hausse des salaires a suscité des «malaises» chez l’opposition parlementaire. Cela dit, ces «malaises» et cette «opposition» relèvent davantage de l’opportunisme et des relations publiques que d’une réelle volonté de rediriger l’argent vers les bonnes personnes.

Les député⋅es du Parti libéral du Québec (PLQ) ont voté avec la CAQ, sans grande surprise. Pascal Bérubé du Parti Québécois (PQ) a bien exprimé l’incompréhension du moment: «On connaît les revenus disponibles dans nos comtés, on est très mal à l’aise (avec la hausse)». Le PQ a effectivement voté contre le projet d’augmentation. Mais qu’a-t-il à perdre maintenant qu’il est au tapis avec trois députés? Comme le PLQ, le PQ est tombé en disgrâce après avoir été le parti de coupes budgétaires et des élites économiques. Il ne fait que chercher désespérément un appui populaire en vue des élections futures.

Charité bien ordonnée commence par soi-même

Québec solidaire (QS) a aussi été une voix d’opposition au projet de la CAQ. Avec raison, QS et le PQ ont voté contre la hausse de 30%. Manon Massé s’est insurgée avec justesse de la situation: «Les députés, qui ont le grand privilège de voter leur salaire, augmentent leur salaire de 30%. Voyons donc!». Vous l’avez dit, madame Massé, «c’est un grand privilège». Toutefois, l’approche de son parti a été beaucoup moins tranchée. 

Le parti a plutôt choisi de proposer un amendement visant à reporter la hausse pour 2026. Dans la même foulée, QS a proposé non pas une hausse de 30%, mais de 20%. La dénonciation de principe du «grand privilège» s’est vite transformée en tentative ratée de négocier les formalités. Faute de ligne de parti cohérente, les député⋅es de QS ont finalement tenu à spécifier qu’ils et elles redonneront une partie ou l’entièreté de cette hausse à des organismes de charité, selon leur bon vouloir.

Cette stratégie qui souffle le chaud et le froid apparaît pour ce qu’elle est aux yeux du public: une opération de relations publiques. Les participants des lignes ouvertes de certaines radios commerciales n’ont pas manqué de souligner que les gens ordinaires n’ont pas besoin de publicité sur les réseaux sociaux ou dans les médias lorsqu’ils font un don de charité.

La faiblesse de l’opposition parlementaire s’est révélée d’elle-même. Elle s’est limitée à dénoncer et à chercher un aménagement «politiquement correct» pour ses privilèges. Par populisme, le réactionnaire Parti conservateur du Québec (PCQ) d’Éric Duhaime a demandé de «limiter les hausses salariales des élus à l’indice des prix à la consommation d’ici la fin de l’actuel mandat». De leur côté, les élus du PQ se sont engagés à limiter leur augmentation à celle qu’obtiendront les salarié⋅es du secteur public. 

Faire le lien entre les luttes salariales

QS a correctement établi le parallèle entre les hausses salariales élevées des député⋅es et celles insuffisantes proposées par l’État aux syndiqué⋅es du secteur public. Mais plutôt que de simplement mentionner au passage cette bataille salariale du Front commun – la plus importante des dernières décennies – le parti lui rendrait davantage service en martelant sa revendication principale: l’indexation automatique des salaires au coût de la vie.

La grogne populaire contre les privilèges des élites politiques peut être canalisée en appui aux revendications justes des syndiqué⋅es du secteur public. Au-delà du port de t-shirts en solidarité, on parle ici de ramener systématiquement dans le discours la revendication de l’indexation du salaire des infirmières, des préposées aux bénéficiaires, du corps enseignant ou des fonctionnaires provinciaux.

Une force politique qui défend les intérêts des travailleurs et des travailleuses sur le terrain pourrait aider à organiser la lutte des forces syndicales et sociales pour gagner l’indexation. Une telle victoire serait un levier formidable pour stimuler toutes les luttes sociales au Québec. La présence ou non d’une solidarité dans les communautés sur cette enjeu jouera un rôle déterminant pour le succès des moyens de pression du Front commun à l’automne.

Redevabilité et absence de privilèges

Manifestement, la «politique» s’avère être une source d’ascension sociale et d’enrichissement! Cela n’a rien à voir avec une démocratie au service des gens ordinaires. Une autre société réellement démocratique et gérée par les travailleurs et les travailleuses est possible!

Dans l’optique d’empêcher le carriérisme et l’opportunisme en politique, Alternative socialiste revendique plutôt une baisse des salaires des député⋅es. Ces personnes ne devraient pas gagner plus que le salaire moyen en vigueur dans leur propre circonscription. C’est d’ailleurs ce que fait notre camarade Kshama Sawant, élue socialiste au conseil municipal de la ville de Seattle. De son salaire de 140 000$/an, elle ne garde que 45 000$ (le salaire moyen) et redistribue le surplus pour financer les mouvements de luttes ouvriers et sociaux.

Nous n’avons pas besoin «d’attirer» les gens d’affaires ou les banquiers dans un gouvernement qui défend réellement les intérêts de la classe travailleuse. Nous n’avons pas besoin d’entendre de nouveaux députés se plaindre que leur salaire baisse lorsqu’ils entrent à l’Assemblée nationale. Si une personne prétend représenter les gens d’une circonscription, elle se doit de partager leurs conditions matérielles, sans quoi on parle d’une situation privilégiée. Gageons qu’avec une telle mesure, certains dossiers changeront vite d’ordre de priorité!

Les électeurs et électrices devraient aussi pouvoir révoquer les élu⋅es à tout moment, incluant les membres du gouvernement. Leurs votes sont légitimes en tout temps et sur tous sujets, pas juste aux quatre ans.

Face aux partis à l’aise dans le système capitaliste, nous militons pour la formation d’une force politique autonome de la classe des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse. Une force politique qui porte un programme réellement démocratique, républicain et socialiste! Ce projet rompt avec les avantages qu’offrent les postes privilégiés entretenus par la classe dominante. Les luttes militantes des syndicats et des associations étudiantes contre la classe capitaliste et ses avantages illégitimes sont fondamentales pour créer cette force politique!


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