Pourquoi l’indépendance du Québec en 2023?

Le capitalisme mondial est en crise. Cette crise s’exprime sous la forme de guerres d’accaparement de ressources comme celle de Vladimir Poutine en Ukraine. Mais elle s’exprime aussi par la montée de la droite populiste et ultranationaliste, voire néofasciste comme en Suède, en Norvège et en Italie.

Les questions nationales resurgissent en temps de crise aiguë. En Palestine, en Catalogne, en Écosse ou dans certains pays d’Amérique latine, la classe ouvrière des nations opprimées tente de trouver une façon de lutter contre les capitalistes qui s’attaquent à leurs conditions de vie. Mais c’est la voie de la droite, celle de la xénophobie et de l’ultranationalisme, qui a le haut du pavé en ce moment. Le Trumpisme et Bolsonarisme sont des symboles de cette tendance. 

Les discours radicaux de droite font désormais partie de notre quotidien. Ils sont décomplexés et attirent des couches de la population larguées par le système. On observe le recul des droits des femmes et des personnes trans mené par cette droite. Elle ne cesse de pointer l’autre, mais jamais la propriété capitaliste ni l’ensemble du système. Elle dénonce l’immigration, mais ne va pas à la source du problème: l’impérialisme capitaliste qui voit le monde en termes de profits et de marchés économiques. Pour les capitalistes, la Nation, la Patrie et les Peuples ne sont que des marchés et des masses de consommateurs potentiels.

Des luttes interreliées

De l’autre côté, il y a un discours qui se présente comme progressiste, voire socialiste. Durant la dernière décennie, les partis de la nouvelle gauche n’ont pas réussi à organiser la classe ouvrière, à gagner la lutte politique et celle de la libération. Il en va autant du fédéralisme de PODEMOS dans l’État espagnol que du nationalisme du dimanche de Québec solidaire. 

Sur la question des mouvements nationaliste, ces partis relèguent la question de l’indépendance aux calendes grecques ou la présentent comme illégitime. Mais même sur des sujets comme l’immigration ou la lutte au racisme, la question de l’indépendance est importante. Son projet ne doit pas être porté par une élite blanche chrétienne et francophone, mais bien par la classe ouvrière dans toute sa diversité, armée d’un programme républicain et socialiste de transformation de la société. 

Il n’y a pas d’opposition entre la libération individuelle et la libération collective. Par exemple, il n’y a pas d’un côté la lutte pour les droits des femmes et de l’autre celle de la nation québécoise. Les deux vont  ensemble. Les droits démocratiques, notre travail quotidien dans la société capitaliste comme notre représentation politique s’ancrent dans le cadre de l’État du Québec et de l’État fédéral canadien.

Ottawa n’est pas capable d’assurer des tribunaux adaptés, de protéger les droits fondamentaux ou de fournir les conditions matérielles nécessaires à l’épanouissement des minorités et des personnes précaires. Il ne peut y avoir que nous, la majorité travailleuse, qui pouvons prendre réellement les choses en main. Il ne peut y avoir que nous, la majorité travailleuse, qui pouvons prendre réellement les choses en main. Il n’y a que nous qui pouvons bâtir une république où toutes les personnes exploitées et opprimées seront plutôt respectées, participeront à la direction de la production publique ainsi qu’à la gestion politique du Québec.

Plus encore, il ne faut pas tomber dans le piège de la lutte anglos contre francos, chrétiens contre musulmans, etc.  Cela occulte ce qui nous est commun: l’appartenance au peuple et à la classe ouvrière. Les Patriotes de 1837 comportaient des francophones, mais aussi des anglophones (Américains, Écossais et Irlandais). Ils étaient en lien avec les chefs rebelles du Haut-Canada et des radicaux américains.

Ce sont les tyrans, les fondamentalistes religieux et les capitalistes qui tirent profit de la division de notre classe sur la base de la langue, de la couleur de la peau ou de la religion. Nous voulons l’unification de la classe ouvrière québécoise francophone et anglophone (et de toutes les autres langues) contre les patrons et leurs gouvernements (peu importe leur langue). Pour y arriver, les droits politiques et économiques de chaque peuple doivent être assurés. Notre lutte de libération doit être une lutte pour briser tous les États capitalistes et impérialistes, à commencer par ceux du Québec et du Canada.

Cette logique de luttes interreliées s’oppose à la logique étapiste de plusieurs organisations de gauche. Certaines proposent l’indépendance d’abord et le socialisme ensuite, alors que d’autres proposent l’inverse: le socialisme d’abord et la fin de l’oppression nationale ensuite. Luttons plutôt pour les deux, dès maintenant!

Le fédéralisme canadien de nos jours

Le Canada est un bon seigneur vassal des intérêts américains et de ceux de l’OTAN. La guerre en Ukraine démontre l’union entre le nationalisme canadien, ukrainien et les politiques de défense militaire des États-Unis, de l’Allemagne, mais aussi du Québec. On nous enrobe cela de bons sentiments et de vertus démocratiques, mais la raison #1 des investissements militaires, c’est le profit en temps de crise.

Le gouvernement canadien honore son rapport à l’OTAN contre le géant autocratique russe. Il se lance par intérêt dans les bras de Zelenski qui en réalité ne fait pas autant l’unanimité que les médias le supposent. Le don d’hélicoptères achetés aux États-Unis résume toute l’absurdité du Canada. On va acheter aux États-Unis pour faire passer ça comme de la générosité canadienne.

Rappelons-nous la participation à la guerre en Afghanistan. Le Canada s’est aussi embarqué dans de la vente d’armes à des pays répressifs comme l’Arabie Saoudite qui les utilisent pour la Guerre au Yémen. On parle de char d’assaut ici.

Par-delà le discours généreux du fédéralisme canadien, comment se fait-il qu’en 2023, il y a des communautés autochtones sans réponses pour leures disparues ou qui n’ont pas encore d’eau potable ou d’électricité? L’État canadien est une entité historique méprisante envers les peuples qui sert les intérêts des minières et des pétrolières. Des minières canadiennes sont aussi responsables de mauvaises conditions de travail et de destruction environnementale au Chili, par exemple. Les avantages fiscaux et les subventions font du Canada un État propice pour ce genre d’industrie polluante.

Avec les Premiers Peuples, les francophones du Canada, les Acadiens et le Québec, force est d’admettre que l’État canadien est incapable de satisfaire les droits et les besoins nationaux. Pourtant, comme au début de la pandémie de COVID-19, ce sont les industries polluantes mentionnées plus haut qui ont d’abord reçu l’attention financière du premier ministre Trudeau.

L’État canadien participe aussi au cheap labour avec ses programmes de main-d’œuvre étrangère. Les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui viennent en Ontario ou au Québec pensant améliorer leurs conditions et celles de leurs familles se retrouvent à être exploités, à vivre dans l’insécurité, voire la peur, et dans des logements souvent peu recommandables.

Que fait le Canada pour la défense des cultures? Il s’est assis avec Netflix pour dire qu’il aimerait avoir un peu plus de contenu canadien. Si l’on veut prendre en charge l’intégration, la francisation et les investissements nécessaires pour la culture et les arts au Québec, il faut prendre tous les leviers économiques nécessaires des mains du fédéral: la finance, les télécommunications, les secteurs clés de l’économie et les leviers politiques.

L’indépendance politique, c’est se donner les moyens de sa pleine existence et de sa reproduction dans le temps et l’histoire.

L’hypocrisie du nationalisme québécois

Toutefois, il ne faut pas se laisser berner par le sentimentalisme du nationalisme québécois. L’État québécois et ses gouvernements sont aussi les responsables de notre oppression nationale lorsqu’ils allongent notre séjour dans le fédéralisme canadien.

Aucun des partis nationalistes à l’Assemblée nationale n’est en mesure de répondre correctement aux aspirations nationales de la classe ouvrière. On peut dire aujourd’hui que Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ) sont dans des logiques légalistes et constitutionnelles nationalistes. Mais c’est un cul-de-sac: les nationalistes qui pensent avoir le droit de leur côté se frappent à la répression brutale de leurs États fédéraux. Le fédéral est prêt à tout pour empêcher l’indépendance. Parlez-en aux Catalans et aux Catalanes. 

Quant à la CAQ de François Legault, elle préfère reproduire les éternelles chicanes entre le fédéral et le provincial que de faire l’indépendance. Nous l’observons en ce moment avec la question des transferts budgétaires en matière de santé. L’accession à l’indépendance provoquerait beaucoup trop d’instabilité pour les capitalistes qui dictent la conduite de la CAQ. Pour eux, mieux vaut un nationalisme autonomiste. Ces nationalistes préfèrent casser du sucre sur le dos de minorités racisées et les obliger à accepter des conditions de travail exécrables que de risquer leur marge de profits. 

Les capitalistes savent qu’un peuple qui opte véritablement pour son indépendance politique opte pour une rupture économique et politique avec l’État bourgeois et les compagnies capitalistes.

D’où vient la vraie menace?

La CAQ parle de l’immigration comme d’une menace existentielle à la culture du Québec. Pour assurer la vitalité de la culture québécoise et francophone, il faut avoir tous les leviers de distribution et de financement. Pour faire aimer une langue, ça prend des moyens financiers pour investir dans la culture, mais aussi en francisation et en intégration.

Il faut des programmes publics pour les nouvelles personnes désirant devenir citoyennes du Québec. Pour pratiquer une langue, il faut du temps. Il faut procurer une aisance matérielle aux personnes immigrantes ne parlant pas la langue pour les débarrasser de l’angoisse et de l’accumulation abrutissante d’heure de travail. 

Offrir du divertissement, des voyages au Québec, des sociabilités avec le monde francophone québécois, voilà comment on fait aimer une langue. Pas en adoptant une posture Speak québécois.

La meilleure façon de résister au Québec Bashing, c’est de faire aimer notre langue québécoise aux travailleuses et travailleurs de toutes les origines. C’est de les inclure en faisant notre propre État, une République socialiste réellement démocratique. La lutte pour la langue québécoise et la lutte antiraciste doivent marcher ensemble. C’est l’indépendance qui nous apportera cette aisance de faire les choses correctement.

L’inflation, la crise du logement, la précarité chez les jeunes ou la crise des services en éducation et en santé se produisent ici et maintenant. Les gouvernements capitalistes ne s’attaquent jamais aux spéculateurs, aux gentrificateurs et aux grandes compagnies du pétrole, des mines et de la culture. Et cela, peu importe si ces gouvernements sont dirigés par des francophones, des femmes ou des personnes issues de la diversité.

Compter sur nous-mêmes

C’est pourquoi on ne peut compter que sur nos propres moyens, comme nos syndicats, nos associations étudiantes et nos forces politiques ouvrières autonomes. Officiellement, on nous présente l’histoire du mouvement indépendantiste comme gravitant autour d’organisations comme le RIN, le PQ ou de grands tribuns. Avons-nous oublié que ce sont les luttes ouvrières de masse pour les droits nationaux, en particulier sur les milieux de travail, qui ont réellement rythmé la lutte récente pour l’indépendance du Québec?

Avons-nous oublié la jeunesse qui a porté en son cœur les espérances d’une république libre, démocratique et égalitaire? Avons-nous oublié le combat des femmes féministes et indépendantistes? C’est la preuve qu’il y a un salut en dehors des partis nationalistes bourgeois et petit-bourgeois. C’est le temps d’investir les organisations de la jeunesse et du mouvement ouvrier en lutte pour y  amener  un programme politique socialiste et indépendantiste!

Ultimement, ce qu’il faut pour réaliser l’indépendance et le socialisme, c’est bâtir un large parti des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse avec un programme politique et économique socialiste, pour une république du XXIe siècle. Pour se faire, il faut unifier la classe sans égard pour la couleur de la peau, la religion, la langue maternelle ou l’âge.

Les luttes pour des salaires indexés à l’inflation, pour les logements publics abordables, pour des services publics gratuits et accessibles, pour la transition écologique ou pour les droits humains et démocratiques fondamentaux sont indissociables de la lutte pour les pleins contrôles politiques, économiques et culturels du Québec.

Ne laissons pas les autres écrire l’histoire pour nous. À nous de la faire en s’organisant sur la base de nos propres moyens et intérêts! Nous vaincrons!


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