Plutôt que d’appuyer sur le bouton pause de la guerre froide impérialiste entre les États-Unis et la Chine, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a accéléré le processus.
« L’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies », déclare Larry Fink, président de Blackrock, le plus grand spéculateur financier du monde. De très nombreux capitalistes, comme Fink, sont en train de rattraper les nouvelles réalités de la situation mondiale. Jusqu’au début de cette année, ils parlaient encore au futur d’une guerre froide entre les deux superpuissances, la Chine et les États-Unis.
Mais en fait, les grandes lignes du conflit actuel entre les États-Unis et la Chine ont commencé il y a dix ans avec le « tournant vers l’Asie » du président Obama. Dans le même temps, en 2012, Xi Jinping est arrivé au pouvoir et a adopté une politique étrangère plus agressive et nationaliste. C’était le revers de la médaille d’une répression considérablement accrue et d’un contrôle plus strict à l’intérieur du pays. Xi a abandonné la doctrine diplomatique pragmatique des gouvernements chinois précédents, résumée par la phrase de Deng Xiaoping, « hide and bide » (cachez vos capacités et attendez votre heure). L’approche de Xi se distingue par sa vantardise et l’exagération des capacités de la Chine. Les résultats décevants de la Chine dans la production de vaccins contre le COVID-19, malgré les centaines de milliards de dollars investis dans son secteur biopharmaceutique ces dernières années, en sont un exemple.
Le conflit avec l’impérialisme américain s’est intensifié en 2018 sous la présidence de Trump, populiste de droite, avec le lancement de la plus grande guerre commerciale depuis les années 1930. Lorsque Trump a perdu contre Biden en 2020, nous avons expliqué que la guerre froide se poursuivrait et s’intensifierait sous la nouvelle administration. En effet, le conflit est enraciné dans des processus objectifs, la crise historique du capitalisme mondial, et ne dépend pas en fin de compte du parti capitaliste qui est au pouvoir.
Dans la résolution du congrès 2020 d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) concernant les perspectives mondiales, nous avons déclaré que « le conflit entre les États-Unis et la Chine est désormais l’axe principal autour duquel tourne la situation mondiale ». Comme cette résolution l’a précisé : « Le capitalisme mondial sort de l’ère de la mondialisation néolibérale, la tendance dominante depuis près de quatre décennies, et entre dans l’ère de la « géo-économie » dans laquelle le conflit d’intérêts entre les grandes puissances impérialistes est le facteur dominant. »
L’État et le marché
Ce texte a été écrit avant la pandémie et avant la guerre en Ukraine, qui ont toutes deux renforcé ces processus. Aujourd’hui, la tendance est au militarisme et à une lutte de pouvoir géopolitique encore plus âpre, les tendances économiques ayant tendance à suivre plutôt qu’à diriger les développements. Les États nationaux – les outils de coercition du capitalisme – plutôt que les « forces du marché » sont de plus en plus aux commandes. L’expansion militaire et la démondialisation stratégique sont désormais les principales tendances. Il ne s’agit pas seulement de l’augmentation des budgets d’armement, même si cette évolution est dramatique et alarmante, le Japon et l’Allemagne en étant les exemples les plus marquants.
La Chine possède désormais la plus grande marine du monde, avec 355 navires contre 297 pour les États-Unis, et a lancé en juin son troisième porte-avions, le Fujian, qui est aussi le plus avancé. Le plan de modernisation de Xi envisage une armée « à égalité avec les États-Unis » d’ici 2027, date du 100e anniversaire de l’Armée populaire de libération. De nombreux commentateurs préviennent qu’il pourrait s’agir du calendrier de Xi pour une invasion de Taïwan, qu’il est déterminé à placer sous le contrôle de Pékin. Cependant, la Chine n’a pas mené de guerre navale depuis 100 ans. Les experts militaires préviennent qu’une invasion de Taïwan serait encore plus compliquée que le débarquement de 1944 en Normandie.
Un climat politique frénétique est orchestré par les classes dirigeantes, en Europe mais aussi dans certaines régions d’Asie, avec en parallèle la préparation d’attaques massives contre la classe ouvrière pour financer des armées plus grandes et plus meurtrières. Partout, la solution des capitalistes et de leurs gouvernements est « plus d’armes ! ». Le nationalisme, une certaine frénésie et la désorientation, sont très courants dans les premiers stades d’une guerre. Mais le vent va inévitablement tourner avec le soutien croissant pour une alternative anti-guerre, anticapitaliste et internationaliste.
Le récent sommet de l’OTAN en Espagne, la réunion du G7 en Allemagne et le sommet des dirigeants du Dialogue quadrilatéral (« Quad ») (Japon – Australie – Inde – États-Unis) au Japon ont tous été des exemples historiques d’un nouveau niveau de riposte coordonnée de l’Occident, non seulement contre la Russie mais aussi, et surtout, contre la Chine. Le nouveau niveau de rhétorique contre la Chine, qui est pour la première fois qualifiée de « défi systémique » dans le concept stratégique 2022 de l’OTAN, est la preuve que l’émoussement de la puissance chinoise est l’objectif primordial à long terme de l’impérialisme américain et, désormais, de l’OTAN. Cette orientation stratégique a été soulignée dans un récent discours du commandant de la marine britannique, l’amiral Sir Ben Key, qui a averti que « si l’on se concentre uniquement sur l’ours russe, on risque de manquer le tigre ». Le propos est clair, même s’il y a très peu de tigres en Chine (de toute évidence, il n’est pas nécessaire de connaître la zoologie pour diriger une marine).
L’invasion de l’Ukraine par la Russie était bien sûr le premier point à l’ordre du jour de ces réunions, à l’exception du sommet du Dialogue quadrilatéral, où l’implication de l’Indien Modi a nécessité un message différent de la part des autres membres de ce groupe, les États-Unis, le Japon et l’Australie. L’Inde refuse de se ranger du côté des opposants à la Russie, en partie parce qu’elle craint de pousser ainsi Poutine à se rapprocher encore plus de la Chine. Pendant des années, le régime chinois a fait pression sur la Russie pour qu’elle réduise ses ventes d’armes à l’Inde, avec laquelle Pékin entretient un différend frontalier de longue date. En accordant son soutien de facto à l’invasion de la Russie, Xi veut en partie utiliser cette invasion comme un levier contre l’Inde et permettre à la Chine de mettre la main sur la technologie militaire russe, y compris celle des armes nucléaires.
Armageddon
Les sanctions paralysantes imposées à la Russie, qui a effectivement été éjectée de l’économie mondiale, ont un double objectif : servir d’avertissement et de répétition générale en vue d’une future épreuve de force avec la Chine. Dans ce cas, l’impact mondial serait d’une toute autre ampleur. L’économie chinoise est dix fois plus importante que celle de la Russie et joue un rôle essentiel dans les chaînes d’approvisionnement, le commerce et les flux financiers mondiaux. « Appliquez à la Chine ce que nous avons vu en Russie, et vous obtenez un Armageddon pour l’économie chinoise et pour l’économie mondiale », a déclaré un chef d’entreprise occidental au Financial Times.
Les deux parties veulent éviter ou retarder un tel scénario. Mais les deux parties se préparent également pour le jour où il se produira. Même Henry Kissinger, qui a négocié pour faire entrer la Chine de Mao dans le camp occidental pendant la première guerre froide contre la Russie stalinienne, convient que la Chine capitaliste d’aujourd’hui ne doit pas être autorisée à devenir un « hégémon ». Et ce, malgré les avertissements de Kissinger selon lesquels les hostilités entre les États-Unis et la Chine pourraient déclencher une « catastrophe mondiale comparable à la Première Guerre mondiale. »
Le contrecoup de la guerre en Ukraine a permis à l’impérialisme américain d’aligner un plus grand nombre de ses alliés autour de sa stratégie anti-Chine. Des divergences persistent, par exemple avec le gouvernement allemand, qui, aux yeux de l’administration Biden, traîne encore les pieds à l’égard de la Russie et de la Chine. Mais par rapport à la position des gouvernements respectifs avant l’invasion de février, l’écart s’est considérablement réduit.
La nouvelle situation a également apporté une manne financière à l’industrie américaine de l’armement. Lorsque le gouvernement allemand a décidé de doubler son budget militaire quelques jours seulement après l’invasion russe, le faisant passer de 47 milliards d’euros en 2021 à 100 milliards d’euros en 2022, son premier achat a été 35 avions de combat américains F-35 capables de transporter des armes nucléaires (coût estimé à 4 milliards d’euros). L’industrie américaine de l’énergie devrait également engranger d’énormes gains à mesure que l’Allemagne et l’Europe se détournent du pétrole et du gaz russes. Au cours des quatre premiers mois de l’année, les expéditions de gaz naturel liquéfié des États-Unis vers l’Europe ont triplé par rapport à la même période en 2021.
L’OTAN et ses amis
Au sommet de l’OTAN de Madrid, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont été invités pour la première fois à participer. Il ne s’agissait pas simplement d’envoyer un message à Pékin, mais aussi d’une étape vers une plus grande coordination militaire entre ces États indo-pacifiques et l’OTAN. Par conséquent, si Xi Jinping a peut-être calculé que son régime pourrait tirer des avantages de la confrontation de la Russie avec l’Occident, il risque en fin de compte de perdre encore plus que Poutine, car les enjeux pour l’économie chinoise sont bien plus importants.
Il s’agit du processus plus large de démondialisation et de formation de deux blocs antagonistes, la Chine risquant d’être évincée de secteurs clés du marché et de l’accès aux nouvelles technologies. Le milliardaire américain de la technologie Vinod Khosla prédit une « guerre techno-économique » entre les États-Unis et la Chine qui, selon lui, durera deux décennies. Les États-Unis ont déjà imposé des contrôles stricts sur des technologies d’importance stratégique telles que les équipements de télécommunications 5G et les semi-conducteurs, et leurs contrôles technologiques ne feront que s’étendre. Le Congrès est saisi de plusieurs projets de loi visant à renforcer le contrôle des investissements américains dans un large éventail de secteurs commerciaux chinois. D’autres mesures visent à financer la production américaine de semi-conducteurs, de métaux de terres rares, de technologies de batteries améliorées et d’autres secteurs où la Chine domine ou l’économie américaine est vulnérable aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
L’assaut réglementaire de Trump contre le géant chinois des télécommunications Huawei a plongé l’entreprise dans une grave crise. Bloquée par les sanctions américaines pour accéder aux semi-conducteurs les plus récents, sa position même sur le marché intérieur chinois des smartphones est passée de la première à la sixième place depuis 2018, avec une baisse des ventes de 64 % l’année dernière. Pour ajouter à ses malheurs, Huawei a été contraint de réduire ses activités en Russie, l’un de ses rares marchés de croissance, pour éviter de tomber sous le coup des sanctions occidentales.
La « liste d’entités » américaine, ou liste noire des entreprises chinoises établie sous l’administration Trump, est devenue depuis un modèle pour la conduite de la guerre économique américaine à l’époque de la guerre froide. Sous Biden, la « liste des entités » a été étendue et les médias chinois affirment que 260 entreprises chinoises figurent désormais sur la liste. Plus de 100 entreprises russes ont été ajoutées en février.
Des réductions douanières?
Une nouvelle escalade est à l’ordre du jour. « Si les États-Unis persuadent l’UE et le Japon de relancer le Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations (CoCom) afin d’étouffer les flux technologiques vers la Chine – une perspective rendue plus probable par la guerre en Ukraine – la Chine aura peu de chances de gagner la course technologique avec les États-Unis », affirme Minxin Pei, un commentateur sino-américain.
Ce n’est pas contredit par les informations selon lesquelles Biden délibère sur la suppression éventuelle de certains droits de douane sur les produits chinois imposés par Trump en 2018. Si cela se produit, la réduction sera probablement « modeste », peut-être en supprimant moins de 3 % des droits de douane, qui couvrent totalement plus de 300 milliards de dollars de biens chinois. L’objectif serait d’atténuer les pressions inflationnistes dans l’économie américaine à l’approche des élections de mi-mandat de novembre, bien que cela puisse n’avoir aucun effet sur l’inflation.
Des déclarations contradictoires suggèrent qu’il y a une lutte de pouvoir au sein du gouvernement de M. Biden entre les départements du Trésor et du Commerce, toute réduction des droits de douane risquant d’exposer le président à des attaques de la part des deux côtés du Congrès pour avoir été indulgent envers la Chine. Ce n’est pas seulement en Chine que le nationalisme maniaque constitue une contrainte pour la capacité du gouvernement à affiner sa politique. Janet Yellen, qui semble favorable à un certain « recalibrage » des tarifs douaniers, soutient que ceux-ci ne sont pas particulièrement efficaces comme arme contre la Chine et que des tarifs plus « stratégiques » sont nécessaires. Ce débat porte donc sur la manière d’infliger des souffrances à l’économie chinoise de manière plus intelligente, et rien d’autre.
Les relations UE-Chine
Pendant une grande partie de la dernière décennie, Pékin a entretenu l’espoir que l’Union européenne, sous la direction de facto de l’Allemagne, s’en tiendrait à une position de « neutralité stratégique » dans le conflit entre les États-Unis et la Chine. Cet espoir reposait sur la conviction que le capitalisme allemand ne ferait rien pour mettre en péril les plus de 100 milliards de dollars d’exportations allemandes vers la Chine chaque année. Mais les tentatives de Xi Jinping d’inoculer les relations UE-Chine de la guerre froide américano-chinoise ont commencé à s’autodétruire avant même la guerre en Ukraine.
Les tensions au sujet du Xinjiang ont torpillé l’accord global UE-Chine sur les investissements (ACI) en mars de l’année dernière. Si cet accord avait été ratifié, il aurait constitué un coup diplomatique important pour Pékin et une rebuffade pour Washington. Mais l’ACI est maintenant mort. Cette année, le gouvernement allemand exerce une pression financière et politique sur ses plus grandes entreprises, dont le constructeur automobile Volkswagen, en invoquant les violations des droits humains commises par la dictature chinoise dans le Xinjiang à majorité musulmane.
La question du Xinjiang est utilisée pour signaler une nouvelle approche plus dure de Berlin, à l’égard de la Chine mais aussi des capitalistes allemands, afin de leur forcer la main pour « diversifier » leurs investissements et leurs chaînes d’approvisionnement et mettre fin à une dépendance déséquilibrée vis-à-vis de la Chine. Il s’agit d’une tendance mondiale. Elle reflète les politiques des États-Unis et d’autres pays où les gouvernements dictent de plus en plus les décisions d’investissement aux entreprises privées pour des raisons de « sécurité nationale ». Elle imite certaines caractéristiques du modèle chinois.
Une telle approche « étatiste » était impensable à l’apogée de la mondialisation néolibérale. Mais aujourd’hui, chaque classe dirigeante doit protéger son pouvoir national afin de survivre à ce que Martin Wolf du Financial Times appelle la « nouvelle ère de désordre mondial ». C’est cela, plutôt que les inquiétudes liées à la répression et à la torture, qui se produisent à grande échelle au Xinjiang, qui oblige l’Allemagne et d’autres économies occidentales à freiner une plus grande interdépendance économique avec la Chine. Ce découplage de l’économie chinoise n’en est encore qu’à ses débuts, mais il s’accélère, comme certains des critiques internes de Xi avaient prévenu qu’il se produirait, rejetant la faute sur son alliance « sans limites » avec Poutine.
Le processus a en fait commencé il y a près de dix ans, sous l’effet d’autres facteurs, notamment une hausse des salaires chinois par rapport à ceux des autres économies asiatiques et même d’Europe de l’Est. Mais au cours du premier semestre de cette année, 11 000 entreprises étrangères ont été désenregistrées en Chine, contre une augmentation nette de 8 000 nouveaux enregistrements étrangers l’année dernière.
Everbright Securities estime qu’environ 7 % des commandes de meubles chinois ont été perdues au profit du Vietnam et d’autres pays entre septembre 2021 et mars 2022, 5 % pour les produits textiles et 2 % pour l’électronique. Ces tendances ont été masquées par le boom temporaire des exportations chinoises pendant la pandémie, mais comme celui-ci s’estompe, nous risquons d’assister à l’évidement de l’industrie manufacturière chinoise, à l’instar de ce qui s’est passé au Japon il y a trente ans.
Droits démocratiques
Le camp dirigé par les États-Unis présente sa position sur l’Ukraine comme une défense de la « démocratie » contre l’ »autocratie ». La même hypocrisie s’applique au Xinjiang et à Taïwan. La propagande des impérialismes chinois et russe s’appuie sur un nationalisme agressif (« l’approche guerrière du loup » en Chine). Ils accusent l’Occident de chercher à affaiblir et à détruire la mère patrie, en utilisant la « démocratie » comme l’une de ses armes insidieuses. Tous les ennemis du régime – travailleurs et travailleuses, militants et militantes anti-guerre et pour la démocratie, personnes LGBT+ et féministes – sont qualifiés d’ »agents étrangers ». Le projet nationaliste consiste à devenir une puissance forte et à reconquérir les « territoires volés ».
Les marxistes et ASI s’opposent à toutes les puissances ou blocs impérialistes et à leur propagande. Nous avertissons que le fait de soutenir l’un ou l’autre camp ou de croire qu’un impérialisme est moins dangereux que l’autre aurait des conséquences désastreuses pour la lutte des travailleurs et travailleuses contre le capitalisme.
L’impérialisme n’est jamais un allié dans la lutte pour la libération des peuples et nations opprimés, et pas du côté des droits démocratiques pour les masses. Les libertés politiques qui existent actuellement dans les démocraties capitalistes occidentales mais qui sont totalement absentes en Chine et de plus en plus en Russie, comme le droit de vote, le droit de s’organiser, la liberté d’expression et le droit de grève – ces droits ont toujours et partout été gagnés par la pression et la lutte des masses, et non par la bienveillance de la classe dirigeante.
L’attaque féroce de l’État américain contre le droit à l’avortement tourne en dérision la tentative de Washington de se placer sur le terrain de la « démocratie ». Ces dernières années, les pays capitalistes occidentaux ont lancé vague après vague des attaques contre les libertés civiles et les droits syndicaux. Dans les pays dotés d’une démocratie formelle ou bourgeoise, ce n’est pas l’État capitaliste qui est le dépositaire des droits démocratiques.
Léon Trotsky a expliqué que si la classe ouvrière n’est pas immédiatement capable de renverser le capitalisme, elle défend la démocratie bourgeoise contre la réaction fasciste ou autoritaire : « Les travailleurs et travailleuses défendent la démocratie bourgeoise, cependant, non pas par les méthodes de la démocratie bourgeoise … mais par leurs propres méthodes, c’est-à-dire par les méthodes de la lutte de classe révolutionnaire. » (Réponses aux questions sur la situation espagnole, 1937).
De « bons autocrates » ?
Les travailleurs et travailleuses ne peuvent jamais se tourner vers l’État capitaliste, les tribunaux, la police ou les armées capitalistes pour défendre nos droits démocratiques. Les droits démocratiques qui existent dans les États capitalistes occidentaux sont le résultat de la lutte et du rapport de forces des classes dans la société, plutôt que ce qui est écrit dans les lois ou les constitutions. Seule une lutte de masse liée à l’échelle internationale et dirigée par un mouvement ouvrier revitalisé qui se bat pour remplacer le capitalisme par un véritable socialisme peut garantir de véritables droits démocratiques. C’est la seule force qui peut mettre fin aux guerres et à l’oppression nationale. Les socialistes s’opposent à la répression d’État orwellienne des États capitalistes chinois et russes et se tiennent aux côtés de la classe ouvrière de ces pays, qui est la seule force capable de mener une véritable lutte contre la dictature.
Lorsque l’OTAN a besoin de la Turquie pour approuver les demandes d’adhésion de la Suède et de la Finlande, ses dirigeants « démocratiques » n’ont aucun scrupule à s’allier à l’autocrate impitoyable Erdogan, qui prépare de nouvelles guerres contre les Kurdes et s’attaque aux droits des syndicats, des femmes et des personnes LGBT+.
Les mêmes doubles standards à couper le souffle s’appliquent à la récente visite de Biden en Arabie saoudite pour serrer la main du dictateur Mohammed bin Salman. Il y a deux ans, lors de la campagne électorale, Biden s’était vanté de faire de l’Arabie saoudite un « paria », mais aujourd’hui, il a besoin d’un accord sur l’approvisionnement en pétrole alors que l’embargo pétrolier russe comprime les marchés mondiaux. Il en va de même pour la mission de Blinken visant à charmer le dictateur thaïlandais, le général Prayut, en juillet. Washington est soucieux de ne pas voir le régime thaïlandais passer complètement du côté de la Chine.
Une analyse claire
Le conflit impérialiste entre les États-Unis et la Chine s’insère dans presque tous les mouvements et toutes les luttes qui se déroulent dans le monde. Nous en avons vu un élément au Myanmar l’année dernière, où d’un côté le coup d’État de l’armée était soutenu par Pékin et Moscou, tandis que de l’autre côté une partie de la jeunesse et des travailleurs et travailleuses qui ont monté une incroyable lutte de résistance et un mouvement de grève de masse ont malheureusement commencé à se tourner vers la pression occidentale et même l’intervention (de la soi-disant communauté internationale) pour les aider à vaincre la junte. Il s’agissait d’une cruelle illusion qui n’a fait que semer la confusion dans la lutte. La même chose s’est produite sous une forme différente à Hong Kong lors des manifestations démocratiques de masse de 2019, et à nouveau en Thaïlande l’année suivante.
Il y a des leçons politiques importantes à tirer de ces expériences dans l’environnement mondial modifié créé par la nouvelle guerre froide. Dans les exemples précités, une variante du « moindre mal » s’est installée et a désorienté une partie de ces mouvements, entraînant ou renforçant un repli de la lutte. Dans des pays comme l’Indonésie, les Philippines, la Malaisie, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud, des sections du mouvement ouvrier et de la gauche peuvent également être désorientées et divisées par ces complications. Il s’agit bien entendu d’un avertissement pour le mouvement ouvrier naissant en Chine également.
La guerre froide, avec les deux blocs impérialistes qui exploitent et polarisent davantage des situations déjà volatiles pour accumuler les victoires géopolitiques, représente un grave danger pour les travailleurs et travailleuses et la jeunesse. C’est le cas même sans une autre guerre chaude reproduisant et peut-être éclipsant les horreurs de l’Ukraine. Une perspective, une analyse et un programme clairs qui rejettent le « moindre mal » et le nationalisme pour une position internationaliste et ouvrière d’opposition implacable à tous les gouvernements capitalistes et impérialistes, c’est la seule façon de s’assurer que les luttes importantes des opprimés ne sont pas déraillées par la réaction.