Multinationales pharmaceutiques : La Bourse au détriment de la vie

Après deux ans d’épidémie et un an de vaccination, le capitalisme n’offre pas d’issue sérieuse. Nous ne sommes plus au Moyen Âge: les technologies, le savoir et les moyens de communication devraient nous permettre d’en finir avec cette pandémie. Qu’est-ce qui nous en empêche? L’économie de marché reposant sur la propriété privée des moyens de production. Le capitalisme, en bref.

Au lieu de mobiliser les ressources existantes pour assurer la vaccination la plus rapide et efficace possible sur toute la planète, les actionnaires préfèrent planquer le savoir derrière des brevets. C’est bien facile d’accuser les non-vaccinés, ça permet de passer sous silence que l’émergence de nouveau variant est avant tout liée à la pénurie de doses pour les pays néocoloniaux, incapables de mettre autant d’argent sur la table que l’Union européenne ou les États-Unis (le variant Delta est d’ailleurs né en Inde et l’Omicron en Afrique). Selon l’OMS, fin novembre 2021, les pays à faibles revenus n’avaient reçu que 0,6% des doses fabriquées dans le monde!

« Ne jamais gaspiller une bonne crise »

Selon une étude du projet AccessIBSA (qui vise à améliorer l’accès aux médicaments en Afrique du Sud, au Brésil et en Inde), plus de 120 entreprises en Afrique, en Amérique latine et en Asie disposent de la capacité de fabriquer des vaccins à ARN-m. Elles pourraient le faire en ayant accès aux recettes technologiques et aux licences de Pfizer et Moderna. Il y a quelques mois, Joe Biden avait ouvert, d’une certaine manière, le débat sur la levée des brevets. Entre-temps, les vaccins contre le coronavirus ont permis aux actionnaires de s’en mettre plein les poches. D’un côté, cela alimente la méfiance envers les multinationales, qui rejaillit sur le principe de la vaccination. De l’autre, cela empêche toute campagne offensive de lutte contre la maladie en limitant les possibilités de production.

Autre manne de billets: les tests de dépistages. Eurofins, le numéro un mondial des analyses biologiques, entré en septembre dernier au sein du CAC40 (le principal indice boursier de la Bourse de Paris). L’entreprise réalise 60 000 tests PCR par jour en France. Sur les 9 premiers mois de 2021, la multinationale a réalisé un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros (dont un milliard uniquement dû au covid). Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise disait Winston Churchill. Les actionnaires l’ont bien compris.

Selon AccessIBSA, si les brevets sautent et que les plus de 120 entreprises du monde néocolonial susmentionnées s’engageaient immédiatement dans la production, la population mondiale pourrait être vaccinée en 6 mois. Et encore, ce calcul ne tient pas compte des autres géants du secteur pharmaceutique qui ne produisent pas de vaccins contre le corona. Pour défendre sa cause, AccessIBSA fait remarquer à juste titre que ces vaccins ont largement été financés par les moyens publics: à hauteur de 500 millions de dollars du gouvernement allemand pour BioNTech et de plus d’un milliard du gouvernement étasunien vers Moderna par exemple. Cette estimation de 6 mois est toutefois peut-être légèrement optimiste en considération des diverses pénuries, notamment dans le secteur pharmaceutique, qui ont explosé avec la crise du coronavirus.

Cette étude a l’immense mérite de donner un aperçu de ce qui serait possible dans une société débarrassée du profit. Aujourd’hui, même si les brevets disparaissaient pour les vaccins sous pression d’une lutte intense, les multinationales récupéreraient les sommes perdues sur d’autres médicaments. On n’apprend pas à un tigre à devenir végétarien. Dans cette société capitaliste, bien que l’humanité soit matériellement bien capable de sortir rapidement de la pandémie, les actionnaires sont tels ces personnages du film Dont Look Up qui observent une comète foncer sur la Terre et ne voient pas plus loin que leur bout de leurs comptes en banques. Comme Marx le disait: «Ce sont généralement les capitalistes les plus inutiles et les plus misérables qui tirent le plus grand profit de tous les nouveaux développements du travail universel de l’esprit humain et de leur application sociale par le travail combiné.» Une fois de plus, l’Histoire lui donne raison.

La levée des brevets sur les vaccins contre le coronavirus représenterait une certaine avancée, c’est certain. Mais il nous faudra cependant bien plus pour en finir avec l’épidémie, notamment en investissant massivement dans les soins de santé et dans l’enseignement. Alternative socialiste défend la mise sous propriété publique sous contrôle et gestion démocratiques l’entièreté du secteur pharmaceutique, de même que des secteurs-clés de l’économie, pour organiser la production sur une base démocratiquement planifiée. Cela permettrait de répondre aux besoins sociaux et environnementaux du moment tout en ayant une perspective à plus long terme.


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