La crise du logement étudiant s’accentue

Résidence étudiante de l'UQAM

Comme pour la majorité des gens, le logement est en train de devenir une dépense de plus en plus impossible à couvrir pour la population étudiante. Pourtant le premier ministre du Québec et son gouvernement nient l’existence de la pire crise du logement depuis 20 ans.

Durant la pandémie covidienne, la classe ouvrière a particulièrement écopé d’une gestion gouvernementale qui a priorisé les profits privés avant la santé. La rapidité avec laquelle les gouvernements fédéraux et provinciaux se sont empressés d’accommoder les compagnies privées du secteur des mines, des hydrocarbures et de la construction n’a pas amélioré les conditions de vie de la population. Au contraire.

Les personnes qui étudient ont vécu les conséquences néfastes du confinement et l’absence de ressources conséquentes à leurs besoins. C’est le cas en matière d’aide psychologique, mais aussi en termes de logement! La majorité de la population étudiante est locataire. C’est une tendance qui date de plusieurs années déjà.

En 2017, un rapport de l’Unité de travail pour l’implantation du logement étudiant (UTILE) estimait que 70% des étudiantes et des étudiants consacrent plus de 30% de leur revenu au paiement d’un loyer. Pour la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), dépenser plus que 30% pour se loger signifie qu’on a des besoins impérieux en matière de logement.

Hausse du coût des loyers étudiants

Récemment interrogé par Radio-Canada, le directeur général de l’UTILE a affirmé que le coût médian du loyer par mois est passé de 575$ à 680$ entre 2017-2021, soit une hausse de 18%! Non seulement cette hausse est rapide, mais elle témoigne d’une augmentation du coût de la vie en général.

Cette hausse rapide démontre une tendance générale observée dans toutes les grandes villes du monde: les propriétaires bénéficient d’une demande qui leur permet d’augmenter le prix de leurs loyers plus rapidement que le taux d’inflation. Les nouvelles constructions luxueuses s’inscrivent dans cette tendance. La vaste majorité des personnes qui travaillent ou qui étudient se retrouvent devant une offre de logements inabordables ou alors sont contraintes d’accepter des logements mal entretenus, en colocation ou loin du lieu d’enseignement.

Comme le rappelle l’UTILE, ces hausses frappent particulièrement la population étudiante, car elle « est peu fortunée et [..] ses revenus moyens se situent en-dessous du seuil de pauvreté ».

Logement précaire

Selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLAQ), les augmentations de loyer ne surviennent pas seulement à Montréal ou à Québec, mais aussi dans d’autres villes comme Trois-Rivières et Sherbrooke.

Dans un avis sur le logement étudiant, l’Union étudiante du Québec (UEQ) souligne que les résidences étudiantes logent une faible proportion des universitaires (8.5%). L’offre insuffisante de résidences étudiantes pousse environ 219 000 locataires universitaires à se disputer les différents logements près des universités québécoises.

L’UEQ mentionne aussi que plus de 70% des universitaires louent un logement, en contraste avec le reste de la population québécoise qui compte 38,7 % de locataires. Ne passons pas sous silence le désarroi des étudiants et des étudiantes internationaux qui doivent trouver des appartements à distance ou qui n’ont pas accès à une résidence universitaire. Cela peut laisser place à des arnaques ou à la location de logements insalubres.

Des revenus insuffisants

D’après l’Institut de la statistique du Québec, les jeunes de moins de 25 ans qui travaillent à temps plein gagnaient 15 564$/an en 2018. L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) calcule à 21 132$/an le seuil de faible revenu évalué à partir de la Mesure du panier de consommation (MPC) pour une personne seule dans une grande ville comme Montréal. 

La MPC, calculée par Statistique Canada, est utilisée pour déterminer le montant couvrant la somme des besoins essentiels tels l’habillement, l’alimentation, le logement, le transport, etc. Toutefois, un revenu de cet ordre ne permet pas de sortir de la pauvreté, encore moins d’épargner.

Selon l’IRIS, un revenu viable pour une personne seule varie entre 24 433$ à Saguenay et 32 607$ à Sept-Îles. Il est de 28 783 $ à Montréal, soit près de 1,3 fois le seuil MPC. On parle ici d’un salaire minimum à 18$/h pour un travail à temps plein.

Les jeunes de moins de 25 ans représentent le groupe d’âge avec le plus haut taux d’emplois atypiques (à temps partiel, sans possibilité de carrière, temporaire). Ces emplois « étudiants » sont liés à la restauration, à la vente au détail, etc. Ils offrent souvent le salaire minimum qui n’est tout simplement pas viable (13,50$/h).

Même avant la COVID-19, la situation économique précaire a poussé de plus en plus de jeunes étudiants et étudiantes à temps plein à occuper un emploi pendant leurs études. La proportion est passée de 29 % en 1996 à 47 % en 2018

Des solutions jusque-là non envisagées

Étant donné la fermeture des restaurants, des bars et autres établissements durant la pandémie, plusieurs ont eu recours à des stratégies qui n’avaient jamais été sur la table. Certaines étudiantes se sont tournées vers la publication de photos, de vidéos ou de streaming érotiques sur le web pour améliorer leur situation financière.

Ces étudiantes risquent une stigmatisation sociale ainsi que les aléas néfastes du web: menaces, chantage, cyberintimidation, etc. Dans le cas de celles qui se sont tournées vers le travail du sexe pour payer leur loyer (étudiantes ou non), les risques de violences psychologiques ou physiques ont augmenté avec la pandémie.

Source d’endettement accrue

Selon l’UEQ, le loyer est l’une des plus grandes sources d’endettement étudiant. Cette situation pousse environ 64 % des universitaires à habiter en colocation. C’est 33 % qui habitent dans un logement de trois personnes ou plus.

Cela découle du fait que le logement étudiant est exclu des programmes de logement gouvernementaux. Il n’est pas pris en compte par les programmes d’éducation et les différents paliers de gouvernement se renvoient la balle de sa responsabilité.

Pourtant, l’amélioration de la condition résidentielle étudiante est essentielle pour favoriser la réussite scolaire, faire baisser le stress financier et garantir un meilleur accès aux études pour les personnes de la classe ouvrière.

Des luttes à construire, des batailles à gagner

C’est un enjeu crucial sur lequel les associations étudiantes doivent lutter et mobiliser leurs membres. Les revendications de gel des loyers, de contrôle universel et automatique des coûts de loyers ainsi que d’arrêt des évictions mobilisent déjà. Mais la pression devra monter d’un cran pour obtenir la réalisation nécessaire de 50 000 nouveaux logements – 100% publics, abordables et écoénergétiques – au Québec. Ces nouvelles constructions devront comprendre des dizaines de résidences étudiantes. Il est dès maintenant possible d’organiser des campagnes visant l’expropriation de bâtiments inutilisés pour leur transformation en logements publics.

Il est également essentiel de lutter sur le tableau des inégalités économiques qui touchent les jeunes. Si une personne doit être payée pour faire un travail, pourquoi les jeunes le seraient moins qu’une personne plus âgée? L’augmentation immédiate du salaire minimum à 18$/h – et indexé au coût de la vie – permettra à la population étudiante et à tout le monde de mieux affronter chaque 1er du mois.

À cela s’ajoute la nécessité d’une gratuité scolaire, de la maternelle à l’université. La gratuité scolaire est à la fois un droit fondamental et un moyen d’alléger le fardeau des étudiants et des étudiantes, peu importe la tranche d’âge, le genre, la couleur de la peau, etc. C’est aussi un allègement pour les parents! Tout comme la hausse du salaire minimum, les investissements massifs requis pour assurer la gratuité scolaire doivent se faire à travers une forte taxation des grandes entreprises et l’abolition des paradis fiscaux.

Seules des associations étudiantes démocratiques et combatives organisées à l’échelle nationale, supportées par un parti de masse avec un programme socialiste pour la classe des travailleurs et des travailleuses, seront capables d’obtenir des victoires conséquentes et durables contre la classe des patrons.

Ne comptons que sur nos propres moyens!


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