Stop à l’extorsion impérialiste du peuple soudanais! Stop à l’occupation et à l’oppression des Palestiniens! Pour la solidarité internationale et la lutte commune de la classe ouvrière et des pauvres contre le système capitaliste qui perpétue la pauvreté, l’oppression et les conflits nationaux! Luttons pour une alternative socialiste!
Le vendredi 23 octobre, une déclaration commune au nom des gouvernements des États-Unis, du Soudan et d’Israël a commencé par des éloges cyniques sur la façon dont «après des décennies de vie sous une dictature brutale, le peuple soudanais prend enfin les choses en main». Suite à la décision de Trump de retirer le Soudan de la liste américaine des «États qui parrainent le terrorisme», les États-Unis et Israël «ont convenu de s’associer au Soudan dans son nouveau départ», et le Soudan et Israël ont déclaré entamer une «normalisation» progressive de leurs relations, en commençant par le plan économique. Les nouveaux alliés promettent également de faire progresser la «l’abandon de la dette» et «l’amélioration de la sécurité alimentaire» pour le Soudan. La déclaration se termine par les félicitations des signataires des trois pays pour leur «approche audacieuse et visionnaire», et en particulier l’approche pragmatique et unique de Trump pour mettre fin à un vieux conflit et construire un avenir de paix et d’opportunités pour tous les peuples de la région.
En réalité, ces représentants impopulaires d’oligarchies corrompues et oppressives enveloppent leur nouvelle alliance officielle d’une propagande de «paix» visant à renforcer leurs positions et à surmonter l’opposition populaire à leurs gouvernements. Dans le contexte de la pandémie, de la récession mondiale et des conflits mondiaux et régionaux qui font rage, ce nouvel accord est le produit d’un chantage impérialiste pur et simple de la part des gouvernements capitalistes américain et israélien. Ils ont profité de la fragilité de la situation politique au Soudan et de l’état calamiteux de son économie pour satisfaire leurs propres intérêts géopolitiques – ainsi que du besoin de Trump de réaliser un nouveau coup de publicité à l’approche des prochaines élections présidentielles.
L’extorsion impérialiste du Soudan
L’annonce de Trump sur le retrait du Soudan de la liste des «États qui parrainent le terrorisme» a été utilisée comme l’instrument ultime de cette opération de chantage. Cette décision est censée permettre au Soudan d’accéder pleinement aux prêts des agences financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Il a été convenu en échange d’une compensation de 335 millions de dollars, par le gouvernement soudanais, aux familles des victimes américaines des attaques terroristes qui ont eu lieu dans les années 1990 sous la supervision du régime dictatorial d’Omar el-Bechir.
Les travailleurs et les pauvres du Soudan ont souffert pendant de nombreuses années des sanctions américaines punitives en plus de la misère et de la tyrannie infligées par le régime d’Omar el-Bechir. Mais le gouvernement américain, bien sûr, n’offre aucune compensation pour les années de délabrement économique, ni pour le bombardement de l’usine a-Shifa en 1998. Pourtant, même l’accord de compensation n’a pas été suffisant pour l’administration Trump, qui a également posé comme condition l’établissement de relations officielles avec l’Etat israélien, révélant sans vergogne la manipulation de cette question pour imposer un accord par-dessus de la tête du peuple soudanais. Ce chantage ne cessera pas après cet accord de normalisation, car il implique des relations néocoloniales de soumission vis-à-vis de l’agenda des puissances impérialistes mondiales et régionales, les États-Unis et Israël, en plus de l’intervention en cours de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
L’idée selon laquelle cet accord livrerait des avantages économiques substantiels aux travailleurs et aux pauvres soudanais n’est que poudre aux yeux. Ces arguments sont utilisés par la même élite politique et militaire qui a présidé à l’appauvrissement continuel de la société soudanaise au cours de l’année écoulée, marquée par une inflation record, un chômage en hausse, des pénuries croissantes de produits de base essentiels et une série de mesures anti-pauvres, telles que la suppression des subventions aux carburants. Ces politiques ont été encouragées par le FMI. Aujourd’hui, emprunter de l’argent sur les marchés internationaux ne fera qu’aggraver les problèmes, car cela est assorti de «conditions». Malgré la suppression des sanctions internationales, le nouvel accord avec l’impérialisme américain facilitera l’exploitation économique du Soudan par les multinationales ainsi que l’extorsion financière par les spéculateurs étrangers.
Nourrir les conflits régionaux et l’oppression
Cette fausse paix de Trump ne représente qu’une couverture marketing pour des politiques visant à alimenter les conflits régionaux de ces dernières années par l’ingérence impérialiste, dont l’escalade délibérée du conflit avec l’Iran, le soutien à l’agression saoudienne et israélienne, et le lancement d’attaques contre les Palestiniens. Ce dernier point n’est même pas mentionné dans la déclaration conjointe signée par les dirigeants des Etats-Unis, d’Israël et du Soudan.
Le nouvel ami des généraux soudanais, Netanyahu, a été le fer de lance d’innombrables attaques militaires contre la population de Gaza. Il porte la responsabilité du meurtre de manifestants et de civils palestiniens de tous âges. Il a poursuivi l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Il est responsable de politiques racistes à l’encontre des citoyens arabo-palestiniens d’Israël. Netanyahou n’a accepté que de «reporter» sa récente menace d’annexer officiellement de larges parties de la Cisjordanie à l’État israélien, tout en se vantant que son régime n’avait pas à faire de réelles concessions aux Palestiniens.
Du côté soudanais, Al-Burhan est l’homme qui dirigeait le Conseil militaire l’année dernière lors du massacre de juin, lorsque des dizaines de manifestants révolutionnaires ont été impitoyablement assassinés, torturés et violés par les milices des Forces de soutien rapide (FRS), elles-mêmes héritières des Janjawids, tristement célèbres pour les crimes de génocide au Darfour (dans lesquels Al-Burhan lui-même était impliqué). Ces forces sont maintenant intégrées dans le «nouvel» appareil d’État prétendument «réformé». Sous le régime d’al-Burhan et de ses partenaires civils au pouvoir, les FSR et d’autres mercenaires soudanais continuent également d’intervenir dans les guerres civiles du Yémen et de Libye, en accord avec les intérêts de l’Arabie saoudite et de ses alliés.
Les «Accords d’Abraham» dirigés par Trump (une série d’accords de normalisation, à des degrés divers, entre le capitalisme israélien et les États arabes) sont conformes aux politiques réactionnaires de Trump, Netanyahu et des dirigeants arabes qui sapent la paix et les moyens de subsistance des masses pauvres et ouvrières du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’irruption soudaine de ce processus régional a suivi le «deal of the century» (accord du siècle) de Trump. Ce prétendu «plan de paix» visant à résoudre le conflit israélo-palestinien revient à renforcer l’occupation israélienne et à couvrir les mouvements officiels de «normalisation» entre Israël et les États arabes.
Ces nouveaux accords représentent une nouvelle étape dans un long processus de convergence stratégique entre les régimes capitalistes pro-américains israéliens et arabes, notamment autour de la rivalité commune avec le régime iranien. Ce processus est impopulaire parmi les masses arabes, principalement en raison de la solidarité massive contre l’oppression des Palestiniens. Mais les crises profondes et l’instabilité régionale auxquelles les régimes arabes sont confrontés ont poussé deux monarchies du Golfe, et maintenant le Soudan en tant que «maillon faible», à saisir cette opportunité politique en échange d’avantages économiques et militaires promis par les États-Unis et Israël.
La contre-révolution piétine des millions de Palestiniens
Ainsi, la prétendue condition préalable essentielle à la normalisation fixée par la soi-disant «Initiative de paix arabe» de 2002 – le retrait israélien de la Cisjordanie et de Gaza, et la création d’un État palestinien avec sa capitale à Jérusalem-Est – est révoquée. C’est à Khartoum que la Ligue arabe a déclaré, après l’occupation impérialiste lors de la guerre israélo-arabe de 1967, «pas de réconciliation, pas de reconnaissance, pas de négociation» avec Israël. Même cette rhétorique anti-impérialiste ne visait pas à répondre aux intérêts des masses opprimées de la région, et les dirigeants de la Ligue arabe eux-mêmes n’y ont même pas pleinement cru. Le sort des masses palestiniennes a finalement été cyniquement exploité par les régimes réactionnaires arabes pour détourner et canaliser le mécontentement des masses arabes. Aujourd’hui, même cette prétention est abandonnée.
La propagande impérialiste présente la nouvelle donne comme faisant partie d’un processus progressiste réalisé par la révolution soudanaise. Ce changement d’alliance a toutefois débuté il y a longtemps, sous le règne d’el-Bechir. Le bilan de l’intervention israélienne dans les guerres civiles soudanaises et, plus tard, les frappes aériennes militaires attribuées à Israël sur le sol soudanais, n’ont pas dérangé l’ancien régime d’el-Bechir lorsqu’il a précisé, dès janvier 2016, qu’il souhaitait une normalisation avec Israël. Cela s’est fait dans le contexte d’un changement d’alliance avec l’Iran pour s’aligner sur l’axe régional dirigé par les Saoudiens. Le régime a alors cherché à surmonter les sanctions impérialistes internationales et américaines, et à obtenir un meilleur accès aux armes et aux technologies de sécurité israéliennes, tout comme son homologue du Sud-Soudan. Le régime de Netanyahou, pour sa part, a fait pression pour le régime d’el-Bechir à Washington et ailleurs.
Après le renversement d’el-Bechir, les généraux soudanais qui ont détourné la révolution, soutenus par l’Arabie Saoudite et les UAE, ont continué à examiner une alliance officielle avec Israël, dans le cadre d’un accord plus large avec l’impérialisme américain. Ainsi, le général al-Burhan a rencontré Netanyahu en février dernier, avec la participation des UAE. Ce n’est que la crainte d’une opposition populaire de la part de la branche civile du gouvernement soudanais qui a bloqué le mouvement. Mais à la fin, ils ont capitulé.
Le nouvel accord signifie que le gouvernement soudanais fermera les yeux sur l’occupation israélienne et les crimes commis contre la population palestinienne en échange de faveurs économiques et politiques discutables. Nous n’avons jamais eu d’illusions envers le gouvernement antidémocratique soudanais concernant sa participation à la solidarité vis-à-vis de la lutte du peuple palestinien contre l’occupation. Avec cet accord, la classe dirigeante soudanaise a ouvertement exposé son véritable rôle contre-révolutionnaire. Elle a ouvertement rejoint la contre-révolution régionale en tant qu’ennemie de la lutte de libération palestinienne et de la lutte des masses de toute la région.
Le danger pour les demandeurs d’asile
Le gouvernement capitaliste israélien fait maintenant pression pour un accord visant à transférer au Soudan 6.285 demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan vers Israël. Nombre d’entre eux ont été persécutés et ont subi un génocide durant les années du règne d’el-Bechir. Ils ont été victimes de racisme de la part du régime de droite israélien qui utilise la logique de «diviser pour régner» envers les communautés locales appauvries. Pendant plus d’une décennie, une seule (!) de leurs 4.500 demandes individuelles d’asile politique a été approuvée. Des milliers d’autres ont été contraints par le régime israélien de quitter le pays sous la pression des emprisonnements, de la persécution et de la pauvreté, prétendument «volontairement». Beaucoup ont fini par retourner au Soudan. Certains y ont été torturés, assassinés ou ont trouvé la mort en essayant à nouveau de fuir le pays.
Malgré l’accord de paix officiel déclaré en août et finalisé en octobre entre le gouvernement de transition du Soudan et le «Front révolutionnaire soudanais» (SRF), une guerre civile fait toujours rage dans la région du Darfour, des attaques meurtrières contre des civils ayant été enregistrées ces dernières semaines. Tout retour forcé des demandeurs d’asile, y compris des enfants nés et élevés dans la société israélienne, ne ferait qu’infliger de nouveaux traumatismes et mettre davantage de vies en danger.
Pas de mandat pour les généraux soudanais
Cet accord de normalisation avec Israël ne fait que souligner davantage le fait que le gouvernement «transitoire» de Hamdok au Soudan ne parle pas au nom de la majorité du peuple soudanais, qui rejette massivement une telle démarche. Le processus de «normalisation» doit se traduire à ce stade par des relations officielles de faible niveau entre les deux États précisément en raison du manque de soutien démocratique au Soudan. Selon l’»Arab Opinion Index» 2019-2020, seuls 13 % des Soudanais interrogés sont favorables à la normalisation des relations entre le Soudan et le régime d’occupation israélien. Quelques heures après l’annonce de l’accord, des protestations spontanées ont éclaté dans plusieurs localités du Soudan, et d’autres ont suivi depuis lors.
Cet accord fait suite à l’annonce du gouvernement soudanais selon laquelle la normalisation était du ressort du «Conseil législatif» (qui n’a pas encore été mis en place) et que, par conséquent, il n’irait pas de l’avant, selon le porte-parole officiel du gouvernement. L’accord expose complètement les manœuvres du gouvernement et ses mensonges continuels aux masses soudanaises.
La confusion et l’apparente volte-face dans la prise d’une telle décision illustrent également les tensions entre les deux ailes du conseil de souveraineté conjoint, et l’équilibre des pouvoirs entre elles. L’accord de partage du pouvoir signé l’année dernière entre le Conseil militaire et les «Forces de la Déclaration de liberté et de changement», auquel les partisans d’Alternative Socialiste Internationale au Soudan se sont fermement opposés dès le début, était un accord permettant aux militaires contre-révolutionnaires, liés aux crimes et aux guerres de l’ancien régime, de participer directement au gouvernement, de prendre des décisions politiques et de maintenir leur emprise sur la façon dont le pays est dirigé après le renversement d’el-Bechir.
Le fait que la timide «résistance» au processus de normalisation initialement affichée par l’aile civile du gouvernement ait été si rapidement contournée permet de savoir clairement qui détient réellement le pouvoir dans le pays. Le Premier ministre Hamdok, qui n’a cessé d’insister sur le fait que les autorités de transition n’avaient pas le «mandat populaire» pour mener à bien une telle décision, a complètement capitulé devant les généraux.
Le gouvernement de Hamdok lui-même n’a jamais reçu de «mandat populaire» pour commencer. Certains des dirigeants des «Forces de la liberté et du changement» ont rejeté la décision de normalisation, menaçant même de mettre fin à l’arrangement gouvernemental actuel si l’accord se concrétisait. À vrai dire, cette décision n’aurait jamais dû être prise au départ ! Alors qu’ils ont apporté leur soutien aux politiques pro-capitalistes du gouvernement pendant plus d’un an, ces dirigeants craignent maintenant, pour de bonnes raisons, la réaction de la rue. Ils craignent que cet accord pourri ne jette une allumette sur les flammes de la révolte contre ce même gouvernement de plus en plus impopulaire, qui doit faire face à une opposition et une colère croissantes dans les rues pour son incapacité à répondre aux aspirations et aux exigences de la révolution de décembre.
L’alternative internationaliste et socialiste
Toutes celles et ceux qui aspirent à s’attaquer aux difficultés économiques des masses et aux schismes et conflits nationaux, ethniques et religieux dans la région doivent s’opposer à la campagne de «paix» régionale frauduleuse menée par Trump et l’impérialisme américain. Qu’est-ce que ce processus «normalise» ? Les relations entre un camp des classes dominantes qui défend ses propres intérêts étroits alors qu’il repose sur l’extorsion impérialiste, nourrit les conflits régionaux et renforce l’oppression des masses palestiniennes.
La diplomatie secrète antidémocratique, les intrigues impérialistes et les régimes oligarchiques corrompus constituent une menace quotidienne pour la vie, la santé, les revenus, le bien-être et l’avenir des masses dans toute la région. Aux alliances entre les oligarchies de la région devrait s’opposer la solidarité inter-communautaire et internationale des mouvements de la classe ouvrière, des opprimés et des jeunes de toute la région.
Les socialistes se battent pour les intérêts de la classe ouvrière et des masses opprimées de toutes les nations, pour un bon niveau de vie, des droits démocratiques pleins et égaux et la paix. Nous sommes favorables à la poursuite de la révolution au Soudan sur la base des aspirations des masses à un changement réel. Nous appelons à s’opposer sans relâche à l’oppression des masses palestiniennes et à soutenir leurs aspirations démocratiques à la libération nationale de l’occupation militaire, du siège et de l’agression, des colonies de peuplement, de l’asservissement économique et de la suppression des droits par le capitalisme israélien. C’est aussi la seule façon pour les travailleurs et les pauvres israéliens – qui ont lutté face à la crise capitaliste actuelle – de trouver une issue à un conflit sanglant, pour le remplacer finalement par une paix véritable, sur base de droits égaux à l’existence, du droit à l’autodétermination, à la démocratie et à un niveau de vie élevé. En outre, nous sommes solidaires des demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan et nous demandons la reconnaissance de leurs droits, y compris un retour au Soudan uniquement sur une base volontaire.
La transformation globale et urgente de la vie de centaines de millions de personnes dans la région ne peut être réalisée sur la base du système d’exploitation en crise du capitalisme, des grands propriétaires et de l’impérialisme. Il appartient à la classe ouvrière et aux opprimés de la région de s’organiser en partis politiques indépendants de lutte autour d’une stratégie socialiste de sortie de la crise, du conflit et de la misère de masse du capitalisme. En tant que membre d’Alternative Socialiste Internationale, nous nous engageons à faire avancer la lutte pour renverser les oligarchies corrompues. Le contrôle de toutes les ressources naturelles, des banques et des principales méga-corporations locales et impérialistes doit être pris en main par le secteur public, pour permettre une transition vers le contrôle démocratique, la planification et l’exploitation des ressources, des richesses et des technologies au service de tous, plutôt que pour l’enrichissement et les luttes de pouvoir et les guerres des élites de la région.
Vous pouvez également accéder à cette déclaration en arabe et en hébreu.