Manifestation à Gdansk contre la nouvelle loi sur l'avortement
Suite à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle de Pologne selon lequel l’avortement en cas de malformation du fœtus est anticonstitutionnel, les protestations et les manifestations de masse ont balayé le pays en gagnant en nombre jour après jour. Après l’annonce, une manifestation spontanée s’est dirigée vers le siège du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), à Varsovie, puis vers le domicile privé de Jarosaw Kaczyński, leader du PiS. Les manifestations et les protestations se sont poursuivies chaque jour depuis la décision, prenant de l’ampleur et s’étendant à tout le pays. Des milliers de manifestants ont pris d’assaut les églises et ont dû faire face à un affrontement avec la police dans de nombreuses villes. Des barrages dans plus de 50 villes ont paralysé la circulation dans le pays.
L’avortement est déjà presque impossible
Actuellement, l’avortement est toujours légal en Pologne en cas de viol, d’inceste, ou lorsque la vie ou la santé de la femme est en danger. Cependant, dans la pratique, le droit à l’avortement dans ces cas est généralement bloqué par un «cas de conscience» du médecin. Il existe des régions dans le pays où aucun hôpital ne pratiquera d’avortement. L’autre cas où l’avortement est légal, c’est lorsque le fœtus est endommagé. Ce droit a été attaqué pour la première fois il y a quatre ans, lorsqu’un projet de loi introduisant une interdiction a été discuté au Parlement. À l’époque, un mouvement de masse de plusieurs mois avait culminé en une grève «des femmes» qui a également impliqué des étudiants des écoles et des universités. Craignant que le mouvement ne devienne incontrôlable, le PiS avait décidé de placer le projet de loi interdisant l’avortement au «frigo» parlementaire.
Le PiS a toutefois décidé de revenir à la charge contre le droit à l’avortement en exploitant cyniquement les restrictions en matière de pandémie qui empêchent les rassemblements publics de plus de cinq personnes. La colère est d’autant plus forte que cet arrêté, rendu par la Cour constitutionnelle inféodée à Kaczyński, intervient à un moment où la pandémie échappe à tout contrôle avec plus de 16 000 nouvelles contaminations en Pologne chaque jour. Mais si le PiS pensait pouvoir introduire cette interdiction avec un minimum d’agitation, il a sérieusement sous-estimé la sensibilité à ce sujet dans le pays. L’éruption de colère est similaire au lâcher d’une bombe dans un volcan en sommeil. Le mouvement est beaucoup plus large aujourd’hui, avec des protestations beaucoup plus importantes et plus furieuses qu’il y a quatre ans, en particulier dans les petites villes.
La jeunesse et dans la rue
Tout comme il y a quatre ans, la jeunesse est fortement impliquée dans la mobilisation, des étudiants d’université mais aussi des écoliers. Mais cette fois, la colère dirigée contre le PiS, l’Église catholique et le parti d’extrême droite Konfederacja a atteint un point d’ébullition. De plus, il s’agit d’un mouvement beaucoup plus important et spontané qu’il y a quatre ans. Bien que les groupes Facebook qui organisaient les manifestations il y a quatre ans soient les mêmes, sur le terrain, il n’y a ni organisateurs, ni orateurs, et personne ne sait où va chaque manifestation ni combien de temps elle va durer.
Il y a quatre ans, les libéraux de la Plateforme civique et du KOD (Comité pour la défense de la démocratie) ont réussi à se placer à la tête du mouvement et à faire taire les voix les plus radicales, allant jusqu’à expulser les manifestants qui avaient des slogans «vulgaires» sur leurs pancartes ou qui exigeait le droit à l’avortement à la demande. Les organisations politiques de gauche avaient même été interdites de distribuer des tracts lors de nombreuses manifestations.
Ici, le niveau de colère est tel que le slogan central est désormais «Wypierdalać !». (F**k off !). Un autre slogan populaire, mais plus subtil, est “J’aimerais pouvoir avorter de mon gouvernement”. Il est clair que les manifestants ne veulent pas simplement abroger la décision de la Cour constitutionnelle : ils veulent se débarrasser du gouvernement Droit et Justice et de la hiérarchie de l’Église corrompue qui domine l’État.
Une grève «des femmes» a été appelée pour le mercredi 28 octobre. Alternatywa Socjalistyczna (la section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale) et sa campagne féministe socialiste ROSA Polska appellent les syndicats à se prononcer clairement contre l’interdiction de l’avortement, à soutenir activement la grève de mercredi et à se préparer à une grève générale d’une journée sur cette question. Nous demandons également à tous les élèves et étudiants d’abandonner leurs cours à distance mercredi, de manifester leur opposition et de s’organiser. Nous invitons les étudiants et les élèves à créer des comités de lutte démocratiques autour de leurs classes, de leurs écoles et de leurs universités.
Nous ne luttons pas seulement contre l’attaque actuelle contre le droit à l’avortement. Nous exigeons le droit des femmes à pouvoir choisir et décider dans toutes les situations par l’avortement et la contraception sur demande, sans questions, gratuit, libre et facile d’accès. L’influence des fondamentalistes religieux doit être retirée de l’État, des services de santé et des écoles.
Nous revendiquons une augmentation massive du budget de la santé pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et pour améliorer les droits reproductifs des femmes. Nous exigeons que la garde des enfants soit gratuite. Nous exigeons une augmentation massive de l’allocation pour les parents d’enfants et d’adultes handicapés. Nous exigeons la séparation de l’Église et de l’État. Nous refusons l’enseignement religieux dans les écoles et exigeons qu’il soit remplacé par une éducation sexuelle dispensée par des éducateurs spécialisés correctement formés. Enfin, ce gouvernement de droite fondamentaliste religieux doit être renversé : il faut avorter du gouvernement PiS et du système qu’il représente. Mais nous ne devons pas nous arrêter là, pour que les femmes aient vraiment le choix, nous devons considérablement améliorer les conditions sociales et nos conditions de vie, ce qui nécessite une transformation socialiste de la société.