Entrevue : des résidentes permanentes abandonnées par le gouvernement

Avec la fermeture des frontières Canada/États-Unis liée à la crise sanitaire (Covid-19), le retour au Canada pour les résident·es permanent·es a été un réel problème. Le gouvernement de Trudeau leur a refusé ce retour.

Au mois de mars 2020, le monde s’est vu bouleversé par l’accélération du phénomène Covid-19. Bien que le virus ait commencé à se propager en janvier, le caractère alarmant s’est manifesté à la fin février et début mars. Dès lors, le premier ministre François Legault avait commencé à organiser la quarantaine. À côté des problèmes qui se manifestaient déjà dans le système de la santé, nombreuses et nombreux ont été les résident·es permant·es à demander de l’aide. La crise a révélé les discours contradictoires de nos gouvernements.

Alternative Socialiste (AS) a eu l’opportunité de recueillir un témoignage de deux sœurs résidentes permanentes d’origine française qui n’ont pu rentrer à Montréal. Leurs plans ont complètement été bouleversés. Elles se sont senties abandonnées et ignorées malgré les promesses du gouvernement fédéral.

AS : Merci d’avoir accepté de témoigner pour notre journal. Premièrement, où étiez-vous lorsque la crise a commencé à dégénérer? Est-ce que le gouvernement vous a aidé?

Alice : J’étais en voyage en Colombie. Naturellement, la crise est venue mettre fin au voyage. Les annonces du gouvernement colombien se sont faites rapidement. Je me suis rendue à Bogota afin de prendre un vol pour rentrer chez moi à Montréal. Mais Air Canada m’a refusé l’embarquement à la suite des annonces de Trudeau du 16 mars autorisant uniquement les citoyens à revenir. On nous a laissés puisque les citoyens et les résidents permanents étaient autorisés à rentrer. Dans ce cas, j’ai dû rentrer en France. Ça fait depuis mars que je n’ai pas vu mon copain.

Clara : Ma sœur s’était rendue en Colombie avant moi et je suis allée la rejoindre le 10 mars. Donc, j’étais en Colombie au moment où la crise s’est révélée majeure. Le 18 mars, le fédéral annonçait que les travailleurs temporaires pouvaient rentrer au Canada. Comme ma sœur l’a dit, on a été refusé par la compagnie aérienne. Nous avons pris la direction de la France.

AS : Maintenant où en êtes-vous dans tout cela?

Alice : Comme je l’ai mentionné, je suis de retour en France. Je suis sans aucune source de revenus. Je ne peux pas recevoir aucune forme d’allocations puisque je ne suis pas sur le territoire canadien. Pourtant, la situation était hors de notre contrôle. J’aimerais que les gouvernements et que l’agence du revenu du Canada fasse preuve de souplesse pour nous aider.

Clara : Dans mon cas, je suis chômeuse partielle. Mon emploi est suspendu jusqu’à la sortie de crise. Cela étant dit, je reste en contact avec mes collaborateurs. On se parle par télécommunication tous les lundis pour discuter de la fin de la crise. Depuis avril, je touche du chômage, mais comme je suis en dehors du territoire, je ne peux pas l’utiliser.

AS : Que recherchiez-vous au Québec en vous y installant?

Alice
 : Initialement, je suis venue au Québec en 2015 à cause de mon emploi. Une offre m’avait été proposée et que j’ai acceptée.

Clara : Pour ma part, je suis arrivée à Montréal pour développer mon parcours professionnel. J’avais obtenu le Permis Vacances-Travail.

AS : Quel est aujourd’hui votre statut légal au Canada/Québec et dans quels domaines travaillez-vous?

Alice : Mon statut est travailleuse temporaire sous visa fermé depuis au moins 5 ans. J’ai aussi le certificat de sélection du Québec (CSQ). J’ai fait ma demande pour la résidence permanente à l’automne 2019 et je n’ai toujours pas d’accusé de réception.

Clara : Alors, j’ai aussi le CSQ et j’ai fait ma demande à l’hiver 2019 pour la résidence permanente. Je devrais recevoir des infos à ce sujet à l’automne 2020.

AS : Comment aimeriez-vous que les gouvernements prennent en charge la gestion de cette crise?

Alice : Je suis bien consciente de la réalité de la crise, mais j’aimerais voir une souplesse de la part des gouvernements et des agences de revenus respectives. Aussi, le gouvernement du Québec doit faire un effort afin d’accélérer la remise du PEQ (Programme de l’expérience québécoise). Le Québec est la province la plus lente pour traiter ce genre de demande. Je trouve aussi injuste que l’on continue à cumuler des obligations pendant cette crise c’est-à-dire de payer les impôts, les taxes, les factures quand je ne reçois pas d’aide financière!

Clara : Pour ma part, il me semblerait légitime et cohérent que le gouvernement applique des mesures exceptionnelles au cas par cas. Il faut surtout de l’aide en matière financière et ce peu importe où la personne se trouve considérant le confinement mondial.

Le gouvernement de Justin Trudeau démontre une fois de plus qu’il n’a que de beaux discours à offrir pour les travailleuses et les travailleurs. Pour un gouvernement qui se dit pro-immigration, sa façon de gérer est complètement inadéquate. Le fédéral a été largement surpassé par les événements et n’a pas pris ces responsabilités pour les gens ordinaires.

Il est enrageant de constater que lorsque les pétrolières sont ébranlées par le Covid, on apprend par la presse bourgeoise que l’aide financière est « à quelques heures, peut-être quelques jours » d’être remise à ces dernières.

Quant à François Legault, il ne semble pas avoir mis de pression sur le fédéral pour les personnes immigrantes qui vivent au Québec et qui étaient à l’extérieur du pays lors du début de la quarantaine. Souvenons-nous du cas des 18 000 dossiers d’immigration ainsi que le cas du PEQ. Son jupon de nationaliste identitaire ressort à nouveau. De plus, Legault n’a pas exclu de revenir à la charge contre les seuils d’immigration en cette période de quarantaine.

Finalement, ni Trudeau ni Legault ne savent réellement gérer la crise. Les capitalistes connaissent que trop bien leurs intérêts entant que classe sociale. Les gouvernements provinciaux et fédéral ont manifesté dans un premier temps leurs oppositions à la venue des travailleurs immigrants saisonniers (Mexicains et Guatémaltèques) avant de faire volte-face. Après des négociations, ils ont finalement accepté au nom de la reprise économique. Toutefois, les travailleurs immigrants en question sont les premiers à faire savoir qu’ils sont inquiets de leurs conditions de travail et de santé. Ils s’exposent terriblement à une contamination de groupe comprenant non seulement les travailleurs, mais les personnes qui vont les héberger. Même en temps de crise, ils trouveront le moyen d’aider les grandes entreprises et le Capital. Que ce soit le cas des deux sœurs ou des travailleuses et travailleurs saisonniers, nos gouvernements ne cessent de jouer avec nos vies. Les travailleuses et travailleurs ne sont pas la priorité de nos gouvernements, mais bien les conditions pour assurer une reprise de l’économie capitaliste!


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