Nunavik: il est temps de répondre aux besoins de la population

Le 19 avril 2020, un 14e cas était confirmé au Nunavik – le premier cas dans la communauté d’Inukjuak. Notons que sur les 14 cas de COVID-19 confirmés au Nunavik, 5 personnes se sont rétablies en date du 19 avril 2020. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les inquiétudes sont grandes dans les communautés nordiques, mais, rapidement, l’Administration Régionale Kativik (ARK) a mis en place des mesures pour protéger la population du Nunavik. Les mesures mises en place par l’ARK vont du confinement au couvre-feu en passant par des mesures de sécurité exceptionnelles dans les aéroports. Pour ces régions isolées, le transport aérien est un service essentiel. Dans ces 14 communautés nordiques, les soins de santé sont assurés par la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN).

Impossible de fermer les aéroports

Bien entendu, fermer les aéroports au Nunavik est impossible. L’approvisionnement et les évacuations médicales ne peuvent se faire que par avion. Il est parfois nécessaire de se déplacer d’une communauté à l’autre et l’avion reste la seule solution viable. Pour limiter les risques d’éclosion, il est maintenant interdit aux personnes de sortir de l’avion si elles ne sont pas arrivées à leur destination.

Des services de santé insuffisants

Malgré le travail acharné des travailleuses et travailleurs de la santé, les services sont insuffisants. La crise sanitaire que nous vivons en ce moment ne le démontre que trop bien. Le Nunavik ne dispose que de centres de santé et les cas les plus graves doivent être transportés par avion vers le sud, à Montréal. Les deux centres de santé sont situés à Kuujjuaq et à Puvirnituq. Chacun dessert un total de 7 communautés qui, souvent, ne peuvent être rejointes que par avion. Le centre de santé Ullivik, situé sur l’île de Montréal, offre des soins et services qui ne peuvent être offerts dans les deux centres de santé situés au Nunavik (chimiothérapie, chirurgie spécialisée, etc.). Les centres de santé du Nunavik offrent, entre autres, des services de diagnostic, des services médicaux ainsi que de services sociaux.

Un manque chronique de logements

En 1986, la population du Nunavik était d’un peu moins de 6 000 personnes. Aujourd’hui, la population a plus que doublé pour atteindre un peu plus de 13 000 habitants. La population est plus jeune qu’ailleurs au Québec. Déjà, en 2013, on compte un déficit de près de 900 logements sociaux. Seulement 15% de la population vit dans des logements privés. Ces logements sont parfois fournis par l’employeur ou font partie des quelque 100 propriétés privées que compte le Nunavik.

On explique le manque de logements disponibles par l’isolement des communautés. Il n’y a que deux moyens de transport actuellement : l’avion ou le bateau. Dans les deux cas, la température a un impact sur les déplacements. Les avions ne peuvent décoller ou atterrir pendant les blizzards et les voies maritimes sont fermées pendant de très longs mois. Tout le matériel nécessaire à la construction de bâtiments doit impérativement arriver par bateau. Et seulement pendant les mois où les glaces le permettent. Les villages nordiques sont approvisionnés par un ou deux bateaux par année. Pas plus.

Ce manque chronique de logements crée une difficulté supplémentaire pour permettre un isolement adéquat si une éclosion de COVID-19 survenait. Contrairement aux grands centres urbains, les villages nordiques ne disposent pas d’un nombre élevé de chambres d’hôtel pour pallier aux besoins les plus urgents. Les familles ont plutôt tendance à s’héberger les unes les autres pour se dépanner, en attendant d’obtenir un logement adéquat. Les gens vont d’ailleurs avoir tendance à chercher un logement plus petit lorsque les enfants quittent la maison.

Mais les kilomètres qui nous séparent ne sont qu’une excuse : les capitalistes sont tout à fait capables d’envoyer le personnel et le matériel nécessaire lorsqu’il s’agit de construire une mine ou de valoriser l’État canadien en retrouvant une expédition perdue.

Des mesures sévères, mais pas tellement pour les minières

La situation matérielle au Nunavik explique, au moins en partie, la nécessité pour les autorités publiques de mettre en place des mesures sévères. Couvre-feu, confinement, télétravail ou encore interdiction de quitter un avion quand on n’est pas dans l’aéroport de destination. Ces mesures semblent toutefois avoir été allégées lorsqu’il s’agit de la mine Raglan.

Le 13 avril 2020, le gouvernement caquiste annonçait que les mines pourraient reprendre leurs activités dès le 15 avril. Les minières auraient, soi-disant, démontré leur capacité à reprendre leurs activités tout en protégeant les travailleuses et travailleurs. L’ARK et le RRSSSN ont exprimé leurs préoccupations par voie de communiqué. Pour que la mine puisse être ouverte, il a fallu obtenir des dérogations pour lever, au moins partiellement, certaines restrictions de déplacement. Ces restrictions ne touchent que la force de travail venant du sud, le confinement reste en place pour les Nunavimmiuts. En d’autres mots, les mineurs inuits ne peuvent retourner au travail comme leurs collègues du sud.

Il ne faut toutefois pas minimiser les risques d’infection de la population locale en permettant aux travailleuses et travailleurs du sud de revenir au Nunavik. Un travailleur qui préfère garder l’anonymat nous a indiqué que la mine s’est procuré des tests pour déterminer rapidement si quelqu’un est infecté par le virus. Si c’est le cas, la personne sera renvoyée au sud, sinon, le travail est autorisé en respectant strictement les mesures de préventions en place.

Quelles solutions?

À court terme, comme c’est le cas partout, la population du Nunavik devrait être testée massivement et immédiatement pour déterminer qui est (ou non) infecté par le coronavirus. C’est la seule solution efficace pour permettre d’isoler rapidement les gens positifs et protéger le reste de la population. Toute personne revenant du sud doit être mise en quarantaine dans un environnement confortable et sécuritaire. Des équipements de protection et de soins doivent être acheminés de toute urgence dans les quatorze communautés nordiques. Les gouvernements fédéraux et provinciaux doivent assurer à la population un approvisionnement à coût raisonnable de tous les biens essentiels. Le nombre de lits d’hôpitaux et d’équipement doit être augmenté pour être en mesure de soigner les gens qui en ont besoin.

À plus long terme, il faut construire suffisamment de logements pour héberger toute la population décemment. En 2020, c’est inacceptable que des familles soient obligées de s’entasser dans une maison. De plus, des mesures concrètes doivent être mises en place pour réduire et éliminer la précarité alimentaire au Nunavik. Il existe déjà des coopératives au Nunavik. Il faut impérativement s’assurer que ces coops restent sous le contrôle des travailleuses et travailleurs nunavimmiuts. Le gouvernement provincial se doit de les encourager plutôt que de subventionner les grosses entreprises privées.

Aucun permis d’exploitation des ressources naturelles ne doit être délivré sans avoir obtenu le consentement préalable des communautés touchées. Lorsque les permis sont accordés, la gestion des mines doit être faite avec et par les communautés touchées. Les revenus doivent être retournés dans les communautés.

Le déconfinement va se faire peu à peu au Québec et au Nunavik. François Legault et la CAQ sont incapables de prévoir un déconfinement sécuritaire. La seule façon d’y arriver c’est pour nous, travailleuses et travailleurs, de prendre le contrôle des industries et planifier l’économie selon nos besoins, pas les profits des riches. Nous devons planifier démocratiquement nos horaires de travail, les mesures de sécurité et nos modalités de travail. Il en va de même pour le Nunavik. L’ARK et la RRSSSN ont déjà pris des pas dans la bonne direction en limitant, autant que possible, les activités de la mine Raglan pour protéger les Nunavimmiuts. Il faut faire le pas supplémentaire pour que les travailleuses et travailleurs du Nunavik puissent contrôler leurs ressources naturelles et de leurs services sociaux et de santé en fonction des intérêts de la communauté.

Alternative socialiste soutient l’établissement de services publics accessibles, de qualité et gratuits et la création de logements sociaux abordables, confortables et énergétiquement neutres pour les populations éloignées du Nord sous contrôle démocratique des communautés.


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