Je suis programmeur. C’est quand même merveilleux qu’en 2017, une femme puisse être programmeur et, en tant qu’employée syndiquée, avoir le même salaire que ses collègues masculins. Après l’obtention du droit de vote, nous avons pu envahir le marché du travail et ne plus être cantonnées à des métiers de « femmes ». Ma mère n’a pas eu cette chance. Elle a obtenu un diplôme de programmeur sur cartes perforées à la fin des années soixante. Elle n’a jamais obtenu d’emploi. Les postes de junior étaient des postes de soir et les femmes mariées ne pouvaient pas travailler le soir.
« Je ne suis pas féministe », clame la ministre libérale de la condition féminine en février 2016. Elle précise sa vision : « je suis beaucoup plus égalitaire que féministe ». Plusieurs femmes bien connues du public font la même affirmation dans les jours qui suivent. Ont-elles raison? Le féminisme serait-il un combat entre hommes et femmes pour déterminer la supériorité de l’une sur l’autre? Est-ce encore nécessaire en 2017 d’être féministe? Et moi, en ai-je besoin puisque j’ai – du moins en apparence – les mêmes opportunités que mon voisin de bureau? Après tout, un collègue m’a expliqué, sur un ton à peine condescendant, que je ne vivais pas de sexisme au bureau.
Oui. Le féminisme est encore nécessaire.
En 2008, 60% des diplômées universitaires sont des femmes. Pourtant, le salaire des femmes ayant les mêmes diplômes que leurs homologues masculins est significativement inférieur: une variation de 25 à 15% selon l’âge des femmes1.
Mais les métiers dits « masculins » sont encore les mieux payés. Si on compare les métiers considérés masculins (médecins, informaticiens) et les métiers considérés comme féminins (infirmières, éducatrices), les différences salariales sont flagrantes malgré les lois d’équité salariale en vigueur au Québec.
Si nous remontons dans le temps, nous constatons que ce n’est pas d’hier que les femmes sont moins payés, même lorsqu’elles exercent le même métier que des hommes. En 1889, à Montréal, une femme opératrice de machine à coudre gagne de 3.00$ à 5.10$ par semaine alors qu’un homme gagne 7.50$2. On considérait normal de moins payer les femmes puisqu’elles ne font que répéter les mêmes gestes qu’à la maison. Une vraie job de femme, de mère, d’épouse.
Les temps ont bien changé. Mais ce sont les femmes qui occupent le plus d’emplois à temps partiel. Ce sont les femmes qui renoncent le plus souvent à leurs carrières pour s’occuper des enfants ou de leurs proches. Les services publics s’étiolent peu à peu, le soutien de l’État se réduit comme peau de chagrin et les femmes sont les premières à en souffrir. Elles sont majoritaires parmi les fonctionnaires et vont souvent sacrifier une carrière ou choisir un emploi à temps partiel pour s’occuper de la famille.
Susan Faludi l’expose dans Backlash : on fait croire aux femmes que leur rôle est entre le biberon et la casserole. Qu’il n’est pas possible d’avoir des enfants et une carrière! Que les femmes qui choisissent une carrière sont plus dépressives que les femmes qui restent à la maison. Ce choix repose sur les femmes – jamais sur les hommes. Pourtant, une étude du début des années 1980 suggère que les femmes qui travaillent souffrent moins d’anxiété et de dépression que celles qui restent à la maison3.
Or, les milieux de travail ne sont pas toujours agréables pour les femmes. Parfois, il s’agit de simples tournures de phrase: « ça va les gars?» Parfois, ce sont les commentaires déplacés et méprisants: « les seules filles qui ont réussi en génie, c’est parce qu’elles ont couché avec leurs profs » ou « elle est menstruée, c’est pour ça qu’elle se fâche ». Sans oublier le patron qui profite de l’anniversaire d’une employée pour lui faire la bise un peu trop longtemps ou qui se déguise en père Noël pour inciter les employées à s’installer sur ses genoux le temps d’une photo. Ou pire.
Les femmes subissent ce sexisme souvent paternaliste qu’on qualifie « d’ordinaire » tous les jours. Il n’y a qu’à allumer la télévision, sortir, travailler… vivre, c’est y être exposée. Les femmes sont sous-représentées dans le monde des affaires, en politique, dans les médias malgré leurs hauts taux de diplomation. La solution est pourtant simple: encourager les femmes en leur donnant la parole, en créant des quotas pour les conseils d’administration et les partis politiques, en cessant de couper dans les services publics, en montant le salaire minimum à 15$, en utilisant le langage épicène et inclusif.
En tant que société, nous profitons tou·te·s de l’inclusion de chaque citoyen·ne dans nos débats publics. En 2017, c’est encore nécessaire d’être féministe et de réclamer haut et fort l’égalité pour tou·te·s. Soyons solidaires, soyons dans la lutte et nous y arriverons.
Je suis programmeuse et je suis féministe.
La commission femmes d’Alternative socialiste existe pour promouvoir les droits des femmes et pour favoriser l’inclusion des femmes de toutes origines. Joignez-vous à nous!
Chantal I.
À lire :
Backlash, Susan Faludi
Les libéraux n’aiment pas les femmes, Aurélie Lanctôt
Notes :