Joe Biden et Kamala Harris au Democratic National Committee de 2023 à Philadelphie. Photo: AP Photo/Patrick Semansky

Pour un nouveau parti, pas une autre démocrate

La campagne présidentielle de 2024 a pris une tournure sans précédent. Le 21 juillet, Joe Biden a annoncé qu’il met un terme à sa campagne de réélection et soutient la vice-présidente Kamala Harris comme candidate présidentielle démocrate. Ce cycle électoral, qui promettait à l’origine une répétition peu enthousiasmante du duel Biden-Trump, a été secoué par des événements historiques au cours du mois dernier: d’un débat angoissant à une tentative d’assassinat, et maintenant le premier président sortant à se retirer depuis plus d’un demi-siècle.

Les partis et les institutions capitalistes traditionnels sont en crise partout dans le monde. Au Royaume-Uni, les conservateurs viennent de subir leur pire défaite depuis 190 ans. Les élections anticipées en France ont vu la montée en puissance de la gauche et de la droite, les électrices et les électeurs ayant abandonné le président Emmanuel Macron et les «centristes». Au Kenya, des manifestations de masse ont fait échouer un plan d’austérité parrainé par le Fonds Monétaire International (FMI). Les travailleuses et les travailleurs sont impatients d’aller de l’avant. Les partis, les politiciens et les politiciennes de l’establishment n’ont rien à offrir. La folie de l’élection présidentielle américaine de 2024 s’insère dans le cadre de cette tendance mondiale.

Jusqu’à récemment, la direction du parti démocrate a misé sur Biden, le seul candidat capable de battre Trump. Il est vrai que les candidatures sortantes remportent généralement la nomination de leur parti. Mais la véritable raison pour laquelle les élites dirigeantes ont soutenu Biden, en plus d’éviter le tenue d’une primaire présidentielle, c’était pour repousser la possibilité même qu’une contestation progressiste s’oppose à lui. Cela aurait menacé de révéler la servitude totale de Biden envers les entreprises. Face à Biden comme seule option, plus de 650 000 électrices et électeurs ont choisi de rester «sans engagement», tandis que d’autres ont déposé des votes de protestation en écrivant ou en laissant leur bulletin blanc. Dans de nombreux États, le principal opposant à Biden était essentiellement un espace vide.

Le Parti républicain est encore plus énergique et uni derrière Donald Trump à l’issue de sa convention nationale et de la tentative d’assassinat. Pendant ce temps, les démocrates se démènent pour convaincre leur chef de 81 ans de se retirer et sont maintenant obligé·es de trouver un candidat moins d’un mois avant leur propre convention. Mais qui va choisir ce nouveau candidat? Comme toujours, le parti est porté par les gros capitaux et les donateurs du secteur privé qui veulent exercer leur contrôle sur le processus politique.

Après le débat raté de Biden, les sondages ont immédiatement montré que d’autres candidatures s’en sortaient mieux face à Trump. Mais ce n’est que lorsque certains des plus gros donateurs du parti démocrate ont commencé à retenir leurs chèques que Biden a finalement jeté l’éponge, comprenant que, du point de vue du parti, une campagne viable est celle qui peut convaincre les donateurs. Dans un exemple nauséabond de l’influence des méga-donateurs sur le processus politique, le super PAC Future Forward a retenu 90 millions de dollars de financement, y compris plusieurs engagements de plus de 10 millions de dollars, jusqu’à ce que Biden se retire.

Après avoir reçu le soutien de Biden, Kamala Harris s’est immédiatement mise au travail pour galvaniser les soutiens, en organisant une série de conversations privées avec des personnes fortunées, notamment des dirigeants de la Silicon Valley, le cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman et les méga-philanthropes de Wall Street George et Alex Soros. La campagne de Harris met déjà en avant avec insistance sa collecte de fonds record auprès d’un grand nombre de petits donateurs qui ont donné à la campagne dans ses premières heures.

Mais lorsqu’elle dit qu’elle compte «gagner et remporter la nomination», la vice-présidente sait que cela signifie courtiser les méga-riches. En 2019, Kamala Harris a connu un succès précoce en exploitant les «bundlers» d’Obama et de Clinton, des personnes très riches qui collectent des fonds auprès de leurs réseaux afin de transmettre d’importants dons à six ou sept chiffres. Ce sont ces personnes envers lesquelles Harris doit vraiment rendre des comptes, et non pas envers les électrices et les électeurs démocrates de la classe ouvrière.

Harris est-elle meilleure que Biden?

Si plusieurs sont soulagé·es de constater que le Parti démocrate ne fonde plus ses espoirs sur un «vieil homme à la mémoire défaillante», l’âge de Biden n’a jamais été le principal problème. Le véritable problème est son bilan pro-entreprises et pro-guerre en tant que président, et l’impasse du Parti démocrate dans son ensemble. L’administration actuelle a financé une offensive génocidaire menée par un gouvernement israélien de droite. Elle n’a pas réussi à résoudre une crise historique du coût de la vie. Elle a poursuivi la politique d’immigration de l’ère Trump et a intensifié le conflit inter-impérialiste avec la Chine. Elle a abandonné complètement toute prétention à lutter pour l’action climatique ou la réforme des soins de santé. Elle a révoqué le droit de grève des cheminots peu avant qu’un déraillement de train ne provoque une catastrophe chimique dans l’Ohio. Elle a augmenté les forages pétroliers sur les terres publiques. Voilà ce que représentent les démocrates.

Une partie de la base du Parti démocrate est revigorée par le passage à Harris, prête à investir du temps et de l’argent pour la faire élire. Les démocrates ont maintenant l’occasion de relancer leur campagne en difficulté. Ils et elles pourraient ainsi connaître un certain succès auprès des électrices et des électeurs qui n’aiment pas Trump, mais qui n’avaient pas l’intention d’aller voter pour un Joe Biden en déclin évident. La question est de savoir si cet enthousiasme initial se traduira par un ticket présidentiel capable de dépasser les échecs de l’administration Biden et la capacité de Trump à se présenter comme un outsider de Washington capable de briser le système.

Le véritable problème avec Kamala Harris est que, tout comme Biden, elle est une démocrate pro entreprise dans l’âme, avec un historique de promotion de politiques anti-travailleurs et pro-milliardaires.

Harris, qui s’est autoproclamée «meilleure policière» (Top Cop) de Californie de 2011 à 2017, a mené un mandat controversé et souvent contradictoire en tant que procureure générale. Elle s’est toujours présentée comme une progressiste, militant pour le droit à l’avortement et l’abolition de la peine de mort. Mais dans la pratique, elle s’est alliée aux élites au détriment des besoins des citoyennes et des citoyens ordinaires. Bien qu’elle ait lancé des programmes visant à aider les délinquants à trouver un emploi plutôt qu’à les envoyer en prison, son bureau a maintenu des innocents en détention pour des raisons techniques.

Elle a présidé à une vague de condamnations pour des délits non violents liés à la drogue, qui ont alimenté l’incarcération de masse (dont l’architecte, Bill Clinton, a déjà soutenu Harris). Elle a également mené une campagne de plusieurs années pour pénaliser les parents dont les enfants s’absentent des cours, promettant qu’ils «feraient face à toute la force et aux conséquences de la loi» avec des amendes ou des peines de prison. L’absentéisme est essentiellement un «crime de pauvreté», qui touche de manière disproportionnée les familles de la classe ouvrière à faible revenu et est souvent lié à des problèmes de logement, de garde d’enfants, de transport ou de santé physique et mentale.

Les avocats et avocates de son équipe se sont vivement opposés à la libération de prisonniers non violents qui recevaient des salaires de 8 à 37 cents de l’heure, affirmant que cela diminuerait un important bassin de main-d’œuvre . Harris a mis en place une formation contre les préjugés raciaux, mais a également défendu les agents des forces de l’ordre accusés de mauvaise conduite et n’a pas enquêté sur les meurtres commis par la police. Elle a notamment obtenu des indemnités plus élevées de la part des banques responsables de la crise des prêts hypothécaires, mais a refusé de poursuivre les banques coupables comme OneWest, dont le PDG Steven Mnuchin deviendrait plus tard secrétaire au Trésor sous Donald Trump.

Ces exemples ne visent pas seulement à ternir le bilan de Harris. Les mêmes contradictions qui existaient il y a des décennies continuent de ternir Harris et le Parti démocrate dans son ensemble, qui a montré à maintes reprises qu’il n’était pas disposé à se battre pour les travailleuses et travailleurs. En tant que vice-président, Harris était principalement chargée de superviser la réforme de l’immigration, mais cela ne s’est pas fait par le biais de mesures législatives progressistes ou en s’opposant à la droite.

Au lieu de cela, Harris s’est concentrée sur la sécurisation des investissements du secteur privé dans les pays d’Amérique centrale, tout en disant aux migrantes et migrants guatémaltèques en quête de conditions plus sûres et plus stables de simplement «ne pas venir». Cette décision est d’autant plus grotesque si l’on tient compte du rôle joué par l’impérialisme américain dans la création de ces conditions économiques et sociales désastreuses en Amérique centrale, à travers des décennies d’accords commerciaux, la « guerre contre la drogue » et le soutien direct aux coups d’État visant à affaiblir les gouvernements de gauche. Dans l’ensemble, l’administration Biden a promis une approche plus humaine, mais a poursuivi les politiques de l’ère Trump comme le Titre 42. Elle a conduit les personnes migrantes dans un système juridique fondamentalement défaillant tout en augmentant considérablement les arrestations et les expulsions aux frontières.

Si Kamala Harris remporte la nomination et bat Trump en novembre, les États-Unis auront élu non seulement leur première femme, mais aussi la première personne d’origine noire caribéenne et indienne à la Maison Blanche. Bien que ce soit une étape historique, serait-ce suffisant pour créer le changement dont les travailleuses et les travailleurs ont besoin ou pour freiner la montée de la droite? Nous avons vu à maintes reprises les limites de la politique basée sur les identités. Être jeune ou être une personne de couleur ne signifie pas en soi que l’on a à cœur les intérêts des travailleuses et des travailleurs.

Pour illustrer cela, nous pouvons tirer des leçons de l’activité de l’aile gauche du Parti démocrate. Alexandra Ocasio-Cortez (AOC) et le Squad ont été élus dans le sillage d’une vague d’organisations dans la classe ouvrière visant à «réformer le Parti démocrate» en lui donnant une image plus jeune et plus diversifiée. Mais jusqu’à présent, elles ont été complètement corrompues et poursuivent une stratégie sans issue consistant à changer le système de l’intérieur. Elles se sont éloignées d’une approche de construction de mouvement à la base pour se tourner vers des négociations en coulisses. Cela a finalement servi de couverture à l’establishment du parti.

Deux jours seulement avant que Biden n’annonce son retrait, AOC a donné un monologue d’une heure en direct sur Instagram, soutenant pleinement le président, en s’appuyant sur des arguments alarmistes et légalistes pour expliquer pourquoi il ne devrait pas être remplacé. Pendant ce temps, Bernie Sanders a écrit un éditorial dans le New York Times intitulé Biden for President. Ils soutenaient Biden alors que même les riches donateurs n’en voulaient plus! La position où ont atterri Bernie et le Squad est la conclusion logique de leur tentative de réformer le Parti démocrate. Ce n’est pas vous qui changez le Parti démocrate, mais le Parti démocrate qui vous change. Cette vague éphémère de démocrates de gauche réformistes a pris fin de manière décisive, laissant des millions d’électrices et d’électeurs mécontents, se sentant trahis et vulnérables face à la posture «pro-travailleurs» de l’aile droite.

Harris peut-elle battre la droite?

Avec Kamala Harris en tête de liste, les démocrates devraient s’en sortir mieux en novembre, mais il leur sera toujours extrêmement difficile de battre Trump. Kamala Harris ne s’écartera pas de l’approche générale de la campagne de Biden Elle devra défendre son administration très impopulaire.

Trump est une menace réelle et terrifiante. Il suffit de jeter un œil au contenu du Projet 2025 pour s’en rendre compte. Cette proposition, créée par la Heritage Foundation, prévoit d’étendre les pouvoirs du président pour créer un régime autoritaire, ainsi que de démanteler le ministère de l’Éducation, d’abolir le droit à l’avortement et de remplacer des milliers de fonctionnaires par des conservateurs radicaux. Les démocrates comptent sur cette peur pour faire avancer leur campagne.

Mais c’est le programme pro-entreprise des démocrates qui a permis à la droite de se développer, depuis qu’Obama a renfloué Wall Street alors que des millions de familles ouvrières perdaient leur maison à la suite de la récession de 2008. La droite prétend proposer des réponses aux problèmes très réels auxquels sont confrontés les travailleurs et les travailleuses aujourd’hui. Ce sont les mauvaises réponses, mais pour des millions d’Américains et d’Américaines, cela peut paraître mieux que ce qu’ils et elles obtiennent des démocrates, qui répètent sans cesse que l’économie va bien, mais que vous êtes trop bêtes pour le voir.

Une candidature qui  voudrait vaincre Trump de manière décisive devra rompre de manière décisive avec la politique capitaliste des démocrates et proposer aux travailleuses, aux travailleurs et aux jeunes des solutions concrètes. Cela signifie aller à l’encontre des intérêts des donateurs milliardaires du Parti démocrate et à l’encontre des intérêts du système capitaliste, qui exige que le reste d’entre nous travaille de longues heures pour maintenir au sommet une petite minorité incroyablement riche.

Les démocrates ne peuvent pas arrêter la droite, précisément à cause de leur politique pro entreprise et de leur incapacité à rompre avec le capitalisme. Ils sont l’un des deux principaux partis capitalistes. Cela signifie non seulement qu’ils ne combatteront pas la droite, mais surtout qu’ils ne peuvent fondamentalement pas le faire. Cela signifie que les travailleuses, les travailleurs et les gens ordinaires ne peuvent pas continuer à voter pour les démocrates comme le «moindre mal» et espérer que cela suffira. Même une victoire de Harris basée sur la peur de Trump donnera à la droite populiste de nouvelles opportunités basées sur la poursuite des politiques démocrates.

Comme l’a souligné Socialist Alternative dans des articles précédents, le fait que les démocrates ne proposent pas de véritables solutions aux travailleuses et aux travailleurs n’est pas seulement insuffisant, cela encourage et fait grandir la droite. Harris peut bien parler de son soutien au droit à l’avortement. Mais les gens ordinaires ont été témoins de sa réticence – et de celle de son parti – à codifier l’arrêt Roe v. Wade ou à faire quoi que ce soit pour reconquérir les droits depuis son annulation.

Malgré des déclarations creuses de solidarité, les démocrates n’ont pris aucune mesure concrète pour freiner l’assaut des projets de loi anti-LGBTQ proposés à travers le pays, y compris les centaines de projets de loi anti-trans proposés pour la seule année 2023. Le Parti démocrate est en crise, faiblement soudé par la peur de Trump, et incapable de proposer une stratégie gagnante pour le battre et résoudre la myriade de crises auxquelles sont confrontés les travailleuses et les travailleurs.

Nous avons besoin d’un nouveau parti, pas d’une nouvelle démocrate

L’aile gauche du Parti démocrate ne viendra pas sauver les travailleuses, les travailleurs et les jeunes. Il est temps d’abandonner complètement ce parti et de construire quelque chose de nouveau. Les États-Unis sont le seul pays capitaliste avancé au monde qui n’a jamais eu de parti ouvrier.

Alors que la société passe d’une catastrophe à une autre, les travailleuses et les travailleurs se rendent compte plus clairement que les ultra-riches et leurs serviteurs politiques n’ont aucune réponse aux crises constantes du capitalisme. La montée de la droite n’est pas un phénomène arbitraire dont nous pouvons attendre la disparition, à la manière d’un pendule qui fera automatiquement revenir la société plus «à gauche». La montée de la droite, c’est l’expression de travailleuses, de travailleurs et de jeunes désabusé·es et privé·es de leurs droits et privé·es d’une force organisée qui puisse montrer la voie à suivre pour déraciner ce système pourri et construire un avenir basé sur les besoins des gens, pas sur le profit.

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes doivent s’organiser de toute urgence pour construire un parti indépendant qui luttera réellement pour nos besoins, sur une base de classe, contre les capitalistes. Cela signifie une rupture définitive avec le Parti démocrate. Cela signifie se concentrer plutôt sur la construction de mouvements autour des syndicats, contre la guerre à Gaza ainsi que soutenir et initier des luttes autour d’autres questions qui préoccupent les travailleuses et les travailleurs. Nous pourrions utiliser les campagnes électorales de ce nouveau parti, menées par de véritables candidatures de gauche, opposées à la guerre, pour construire ces mouvements, au lieu de soutenir le système bipartisan agonisant actuel.

Un nouveau parti se heurtera aux limites de ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. Il devra adopter un programme socialiste pour répondre aux besoins de notre classe. Le capitalisme créera inévitablement des crises qui donneront à l’extrême droite un terrain fertile pour se développer, si la gauche n’offre pas une voie à suivre. Ultimement, nous devons déraciner le système capitaliste qui nous d’un désastre à l’autre.

Ce que nous demandons:

  • Pour une lutte de masse contre le trumpisme et la droite, pas seulement Trump lui-même. Pour la construction d’une alternative de gauche viable dans les rues, les écoles et les milieux de travail.
  • Pas de vote pour les démocrates! Inscrivez un vote de protestation en faveur de candidatures indépendantes de gauche et anti-guerre telles Jill Stein ou Cornel West.
  • Au lieu de flirter avec les grands donateurs républicains au RNC ou de soutenir les démocrates, les leaders syndicaux comme Sean O’Brien et Shawn Fain devraient convoquer une conférence cet automne pour lancer un nouveau parti pro-syndical et anti-guerre!
  • Socialist Alternative manifestera à la Convention nationale démocrate à Chicago, et vous devriez nous y rejoindre!

 

Est-ce que voter pour le «moins pire» arrêtera Trump?

Il est difficile de croire que quatre années se sont écoulées depuis l’élection de 2020. Mais il est encore plus difficile de croire que peu de choses ont changé. Donald Trump et Joe Biden sont toujours les personnes les plus âgées à se présenter à la présidentielle américaine, battant leur propre record. Trump est toujours un odieux fraudeur animé des pires intentions à l’égard des travailleuses, des travailleurs et des personnes opprimés. Biden est toujours un centriste vétéran de l’establishment qui n’a pas grand-chose à offrir aux personnes qui l’ont alors élu dans un élan de désespoir visant à éviter le despotisme de droite.

En fait, il est possible que la seule chose importante qui ait changé sur la scène électorale américaine soit le peu de gens qui ont foi en Biden, ou du moins qui font preuve d’un optimisme prudent envers lui. Non seulement Biden a présidé à une augmentation considérable du coût de la vie, mais il a également réduit les sources d’aide financière aux travailleuses et travailleurs en mettant fin aux programmes pandémiques, tels que le crédit d’impôt pour les enfants et l’extension du chômage. C’est le président sous lequel le jugement Roe v Wade a été renversé, qui a brisé la grève des cheminots et qui n’a pas réussi à réduire sérieusement l’endettement des ménages ou à élargir l’accès aux soins de santé, comme il l’avait promis.

Plus récemment, les jeunes se sont révoltés contre Joe Biden en raison de son soutien indéfectible à Israël, financé par des milliards de dollars en fonds publics. Cela a sans aucun doute encouragé le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans son assaut génocidaire de plusieurs mois contre Gaza. Cette situation a été aggravée par le fait que Biden s’est prononcé en faveur de la répression policière extrême contre les manifestations étudiantes le mois dernier.

Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit enthousiaste à l’idée de voter pour Joe Biden. Seules 28% des personnes qui vivent aux États-Unis estiment qu’il est un «bon» ou un «grand» président, 50% estiment qu’il est «mauvais» ou «terrible». Les jeunes sont écœuré⋅es par les choix offerts, 63% d’entre eux et elles se déclarent insatisfaits des options proposées. Il est probable que la plupart des jeunes ne voteront pas en novembre. Mais pour ceux et celles qui prévoient voter pour Biden cet automne, l’attitude la plus courante est de «se boucher le nez» avant de voter pour lui afin d’empêcher une prise de pouvoir par le «pire» des deux maux: Donald Trump.

Mais cette approche est-elle réellement efficace pour empêcher la droite de prendre le pouvoir?

Qui est responsable du trumpisme?

Ces dernières années, nous avons assisté à la montée d’un populisme de droite brutal (et même d’idées carrément fascistes) dans le monde entier. En Argentine, aux Pays-Bas, en Grèce, au Brésil et ailleurs, les politiciens et les politiciennes d’extrême droite ont pris de l’importance.

Ce n’est pas une évolution naturelle de la société que de se rapprocher de plus en plus de la droite. La montée de ces idées est directement liée à des crises plus larges du système. Lorsque l’establishment politique ne parvient pas à résoudre de manière significative les problèmes majeurs auxquels est confrontée la majorité de la société, le soutien à des idées plus radicales – y compris des idées tout à fait réactionnaires – peut croître. Aux États-Unis, en 2016, c’est précisément l’incapacité du Parti démocrate à répondre aux besoins des travailleurs, des travailleuses et de la classe moyenne pendant les années Obama qui a permis à Trump de séduire de manière démagogique des millions de personnes dont le niveau de vie baissait depuis des années.

Depuis l’élection de Biden en 2020, Alternative socialiste a soutenu qu’à moins qu’une alternative de gauche sérieuse aux Démocrates ne soit construite, l’espace pour Trump et son populisme de droite bien à lui continuerait à croître.

Il ne fait aucun doute que Trump représente un désastre pour les classes populaires. Il est, à bien des égards, plus destructeur que Biden dans l’immédiat. Son imprévisibilité pourrait avoir des résultats désastreux sur la scène mondiale dans le contexte de la nouvelle ère de guerres qui a émergé depuis qu’il a quitté ses fonctions.

Mais alors pourquoi, si Trump est si mauvais, certains des groupes démographiques les plus marginalisés des États-Unis ont-ils décidé de le soutenir plutôt que Biden?

Le soutien à Trump parmi les personnes noires a considérablement augmenté depuis 2020. Lors de cette élection, seuls 4% des électrices et électeurs noirs le soutenaient. Mais au cours des quatre dernières années, ce chiffre a augmenté de 19%, selon un sondage du New York Times. Ce chiffre est encore plus élevé parmi la population latino, avec 39% de soutien à Trump, battant les 34% de Biden.

À première vue, cela n’a pas de sens, étant donné les clins d’œil de Trump aux suprémacistes blancs et le fait qu’il attise constamment le sentiment d’hostilité à l’égard des personnes immigrées. Mais la suppression par Biden des programmes d’aide financière, son refus de soutenir un salaire minimum fédéral de 15$/h et son incapacité de faire face à l’augmentation rapide du coût de la vie ont un impact viscéral sur les communautés de couleur pauvres. Nombreuses sont les personnes qui, pour des raisons découlant de leur expérience concrète, n’ont tout simplement pas l’impression que leur situation s’est améliorée sous la présidence de Joe Biden.

En bref, en ne proposant pas de véritable alternative au programme de la droite, la présidence de Biden a renforcé la position de Trump à bien des égards.

De plus, les immenses échecs de Biden ont permis à Trump de faire campagne contre lui. Trump n’est pas un ami de la population de Gaza et a récemment fait une déclaration encourageant Israël à «finir le travail». Qu’à été sa réponse lorsqu’un chant «Joe le génocidaire» a éclaté lors d’un de ses rassemblements? Un haussement d’épaules et un «ils n’ont pas tort» qui a déclenché les acclamations de la foule.

Grâce à Biden, Trump peut se présenter comme le candidat anti-guerre, notamment en ce qui concerne la guerre en Ukraine, de plus en plus impopulaire. C’est un énorme obstacle pour le mouvement anti-guerre actuel, qui doit se battre pour se différencier du nationalisme America-first de la droite.

Les jeunes, les travailleuses et les travailleurs se sont investis corps et âme pour faire élire Joe Biden en 2020 afin de chasser Trump du pouvoir. Mais leurs efforts ont été trahis par Biden et sa politique indéfectible envers l’establishment. Elle a donné à Trump un énorme élan. Voter pour Biden en 2024 ne résoudra pas plus le problème.

Le combat le plus important se situe bien au-delà de l’élection de novembre. Il réside dans la construction d’un parti de la classe ouvrière dans lequel les travailleuses, les travailleurs et les jeunes peuvent participer démocratiquement. Un parti composé par ces personnes, les syndicats et les mouvements sociaux. C’est la voie qu’il faut emprunter pour éviter de s’enfoncer davantage dans le marais du droitiste de Trump.

Comment neutraliser un menteur

Alors comment neutraliser la politique de Trump?

Trump est le modèle du populiste de droite réussi. Sa principale compétence consiste à juger une foule et à lui dire exactement ce qu’elle veut entendre. Il se plie généralement aux impulsions de la gauche et de la droite, sans se soucier de savoir si on lui reproche ou non d’avoir menti par la suite. Qui s’en soucie de toute façon, considérant que ses adversaires ne tiennent jamais leurs promesses électorales?

Mais cette stratégie ne peut pas fonctionner contre quelqu’un qui se bat véritablement dans l’intérêt des travailleuses et des travailleurs. Si une candidature présidentielle sérieuse ne se contentait pas seulement de parler de la protection de la sécurité sociale et du Medicaid (assurance maladie), mais menait plutôt une campagne active pour taxer les riches afin de financer les services sociaux – s’aliénant volontairement les grandes entreprises pour construire un mouvement de la classe ouvrière – cela mettrait en évidence la longue escroquerie de Trump. Trump ne pourrait pas se présenter comme un candidat anti-guerre à côté de quelqu’un qui a réellement fait campagne pour mettre fin aux guerres et à l’aide militaire américaine. Il serait contraint soit de soutenir matériellement les revendications, à l’encontre de sa politique réelle, soit d’admettre qu’il n’est pas sérieux.

Le fait de voter, élection après élection, pour l’option du moindre mal demeure une mauvaise option qui ne nous a pas rapprochés de la défaite de la droite. En fait, cela a permis à la droite de devenir beaucoup plus effrayante.

Voter pour Biden n’est pas «un pas dans la bonne direction», même si l’on reconnaît que ce pas est insuffisant. C’est un pas de plus dans la spirale descendante qui renforce l’extrême droite. Le meilleur choix pour les classes populaires et les jeunes lors des élections de 2024 n’est pas Biden. C’est une candidature indépendante avec un vrai programme pour la classe ouvrière.

Les candidatures indépendantes de Cornel West et de Jill Stein ont toutes deux fait campagne contre l’aide militaire américaine à Israël et pour la fin du massacre à Gaza. Stein a d’ailleurs été arrêtée par la police lors d’un campement étudiant en avril. Ces deux campagnes doivent se battre pour impliquer le plus grand nombre possible de travailleuses et de travailleurs afin de mettre sur pied une infrastructure de campagne capable de rassembler des milliers de volontaires, pas simplement des centaines. Voter pour l’une ou l’autre de ces candidatures, même si elles ont des faiblesses, est une grande amélioration par rapport à la stratégie ratée qui consiste à voter pour Biden.

Si Trump gagne en novembre, ce ne sera pas la faute des travailleuses et des travailleurs qui n’ont pas pu se résoudre à voter pour Biden. Ce sera la faute des démocrates. Les démocrates ont échoué à chaque occasion où ils devaient faire quelque chose pour améliorer la vie des travailleuses et travailleurs des États-Unis en plus d’avoir approuvé la destruction et la mort de personnes innocentes à l’étranger.

  • Nous appelons à un vote de protestation pour Jill Stein ou Cornel West, les candidatures indépendantes de gauche les plus viables.
  • S’il y a un autre débat, tous les candidats, y compris RFK Jr, Stein et West devraient être sur la scène.
  • Les principaux syndicats qui ont soutenu Biden devraient immédiatement annuler leur soutien et soutenir un candidat pro-ouvrier comme Stein ou West.
  • Organisez des manifestations de masse lors de la Convention nationale du Parti démocrate à Chicago contre les Démocrates et leur guerre génocidaire contre Gaza!
  • Les syndicats, les mouvements sociaux et les organisations anti-guerre, les groupes religieux progressistes et les groupes de jeunes devraient s’associer pour organiser une assemblée de masse afin de fonder un nouveau parti pour la classe ouvrière.
  • Des rassemblements de masse dans tout le pays le 20 janvier, jour de l’investiture, pour montrer immédiatement que la classe ouvrière est unie contre les politiques pro-entreprises et pro-guerre de celui ou celle qui siégera à la Maison Blanche.
  • Il y en a assez du système politique capitaliste bipartisan et de toute l’exploitation et l’oppression qu’il engendre. Rejoignez Alternative socialiste pour construire le mouvement socialiste!