Protestataires à l'Université de Haïfa

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza ont suscité une vague d’indignation mondiale. Des étudiants et des étudiantes se sont rassemblé⋅es pour protester, ce qui a inspiré des actions dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et en Europe.

En avril, avant le début de l’invasion meurtrière de Rafah, le mouvement international de solidarité avec les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza et d’ailleurs s’est intensifié et a pris de l’ampleur. Des étudiants et des étudiantes de l’Université Columbia à New York ont ​​installé le premier campement, dans le ventre de la bête de l’impérialisme américain. Cela a inspiré une vague d’actions de protestation à travers les États-Unis, l’Europe, l’Australie, l’Afrique du Sud, ainsi que le Moyen-Orient. Même parmi les étudiantes et les étudiants de Palestine, des deux côtés de la Ligne verte.

Parmi les nombreux exemples, les étudiantes et les étudiants en journalisme de l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI) de Manouba en Tunisie ont réussi à faire pression sur leur institution pour qu’elle coupe les ponts avec la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) allemande. Cela fait suite à la déclaration de la KSA, en octobre dernier, selon laquelle elle «se tient aux côtés d’Israël». Les étudiantes et les étudiants palestiniens de l’Université de Birzeit en Cisjordanie occupée ont établi leur propre campement. Et cela, malgré la répression de plus en plus intense par les forces d’occupation, ainsi que par l’Autorité palestinienne, depuis le 7 octobre.

La lutte a atteint les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza, en particulier les jeunes, qui ont exprimé leurs remerciements à celles et ceux qui se sont montrés solidaires et ont fait entendre leur voix. Cette vague a également été un facteur d’inspiration pour plusieurs étudiantes et étudiants palestiniens des universités israéliennes dans l’organisation de leurs propres actions sous une forte répression.

Alors que l’offensive génocidaire israélienne contre Gaza continue de provoquer de nouvelles horreurs chaque jour , il est impératif d’amplifier la pression pour mettre un terme aux massacres. Le bilan se chiffrerait à plusieurs dizaines de milliers de morts et de nombreuses personnes ont disparu sous les décombres. Il faut:

  • mettre fin à la guerre contre Gaza,
  • lutter pour une reconstruction massive,
  • éradiquer complètement l’oppression nationale et de l’expropriation des Palestiniens et des Palestiniennes.

Au-delà des bombardements incessants, de la famine et de la privation d’eau et de médicaments, le terrorisme d’État israélien a également ciblé la vie culturelle palestinienne. Les attaques ont anéanti toutes les universités de Gaza et ont endommagé ou détruit d’anciens sites culturels et archéologiques.

La destruction systématique des institutions éducatives de Gaza et le ciblage des universitaires illustrent l’assaut plus large contre la vie des Palestiniens et des Palestiniennes. Comme l’ont décrit les universitaires et les administrateurs d’université de Gaza dans une déclaration (29.5):

Notre infrastructure civile – universités, écoles, hôpitaux, bibliothèques, musées et centres culturels – construite par notre peuple pendant des générations, est en ruines à cause de cette Nakba continue et délibérée. Le ciblage délibéré de notre infrastructure éducative est une tentative flagrante de rendre Gaza inhabitable et d’éroder le tissu intellectuel et culturel de notre société. Cependant, nous refusons de permettre que de tels actes éteignent la flamme de la connaissance et de la résilience qui brûle en nous.

La déclaration appelle le mouvement de solidarité à soutenir cette résilience. Elle appelle à coordonner le soutien pour rouvrir efficacement les universités palestiniennes afin de reconstruire à long terme et répondre à la crise financière immédiate des universités et de leur personnel.

Actuellement, les campements sur les campus des États-Unis et dans le monde entier ont décidé de se disperser. Ce mouvement mérite un examen de ses réalisations et de ses revendications, ainsi que des leçons nécessaires pour avancer dans la lutte contre l’assaut génocidaire et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Répressions administratives et policières

De nombreux campements ont été confrontés à une répression violente, notamment à des brutalités policières, avec des arrestations musclées, dont des milliers aux États-Unis. Mais les protestataires ont aussi fait face à des sanctions administratives telles que des suspensions et des expulsions. Ces mesures répressives ont été contestées, notamment par des appels à l’amnistie pour les manifestants et les manifestantes.

Il est significatif que des professeur·es de l’Université de Columbia et de l’Université de Californie, par exemple, se soient organisé·es contre l’assaut barbare sur Gaza et pour défendre les manifestations étudiantes contre la répression. Le 10 juin , à la suite d’une décision de justice répressive, les milliers de travailleurs et travailleuses de l’Université de Californie syndiqué·es au sein de l’United Auto Workers (UAW) ont mis fin à leur grève qui durait depuis plusieurs semaines contre la répression des manifestations par l’administration. L’un des principaux catalyseurs de la grève a été la brutalité policière et l’arrestation de 210 manifestants et manifestantes, dont des travailleurs et travailleuses syndiqué·es au sein de l’UAW, le 2 mai. La grève, qui s’est étendue sur six campus de l’Université, a été la toute première mesure soutenue par un syndicat en soutien au mouvement étudiant. La section locale de l’UAW n’a pas laissé l’ordonnance du tribunal l’empêcher d’annoncer de nouvelles actions de protestation dans les jours qui ont suivi.

Les rassemblements et manifestations d’étudiantes et d’étudiants européens ont également été réprimés, notamment aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Des politiciennes et des politiciens réactionnaires de l’État de Berlin font pression pour rétablir une loi abrogée en 2021, autorisant l’expulsion pour des raisons disciplinaires. Cette loi, initialement adoptée à la fin des années 1960, était une mesure réactionnaire visant à réprimer les manifestations étudiantes contre la guerre du Vietnam et la réhabilitation des fonctionnaires nazis du gouvernement ouest-allemand de l’époque.

Les répressions ont révélé à de nombreux jeunes la vacuité de l’image de «libre-pensée» et de «progressisme» que ces institutions bourgeoises se targuent d’avoir. Le mouvement a une fois de plus mis en évidence le rôle qu’ont les universités au service des grandes entreprises. La répression policière a illustré ce rôle de manière frappante. Aux États-Unis, un groupe de capitalistes influents pro-sionistes a même été démasqué dans son intervention clandestine pour faire pression sur le maire de New York et les administrations universitaires afin qu’ils répriment les manifestations, comme l’a rapporté le Washington Post. Les appels à désinvestir et à divulguer les portefeuilles d’investissement soulignent l’absurdité des instituts de recherche et d’enseignement fonctionnant comme des entreprises. Ces appels devraient servir à rappeler au mouvement que la lutte pour la libération palestinienne est liée à la lutte contre le système capitaliste et impérialiste dans son ensemble.

Le mouvement a contribué à la radicalisation de couches de jeunes qui perçoivent l’hypocrisie de la «démocratie libérale occidentale». Les administrations universitaires se sont engagées à empêcher le mouvement de solidarité de populariser des revendications anti-establishment. Bien que le mouvement des campements soit actuellement dans une relative accalmie, il a fait preuve d’une ténacité impressionnante face à la répression – y compris en installant à nouveau le campement au moins trois fois à l’Université Columbia.

Comme nous l’avons déjà dit, dans certains cas, des concessions symboliques ont été obtenues. Par exemple, en Angleterre, le conseil du Trinity College de Cambridge, qui administre l’établissement, a voté pour se désinvestir de toutes les entreprises d’armement «d’ici l’été» (comme il l’a déclaré aux étudiants et étudiantes). D’autres universités affirment qu’elles prennent en compte les demandes, comme l’Université Brown aux États-Unis. Elle a accepté d’inviter des représentants étudiants à présenter leurs arguments pour que le fond de dotation désinvestisse des «entreprises qui facilitent l’occupation israélienne du territoire palestinien», en vue d’une décision de désinvestissement potentielle en octobre.

Des revendications importantes

La divulgation des fonds d’investissement universitaires soulève des questions importantes: pourquoi les universités sont-elles gérées comme des entreprises privées? Pourquoi des intérêts commerciaux et militaires étrangers sont-ils impliqués dans des recherches qui prétendent être impartiales? En creusant plus profondément, pourquoi le monde universitaire, à l’échelle internationale, reçoit-il des investissements et investit-il dans des entreprises impliquées dans la vente d’armes qui tuent en masse des gens ordinaires à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Ukraine, au Soudan, en Chine, en Iran et ailleurs? La recherche universitaire ne devrait pas être financée par des entreprises d’armement – ​​ni par celles qui permettent et encouragent la guerre génocidaire à Gaza, ni par celles qui alimentent l’agression militaire impérialiste et réactionnaire partout ailleurs.

Le désinvestissement est une demande immédiate qui, bien que généralement symbolique, est directement liée aux lieux de travail et d’études des étudiants, des étudiantes et du personnel. Cela permet de renforcer efficacement les mobilisations en faveur de l’action au sein des campus – en indiquant des gains immédiats potentiels. Cependant, l’argument souvent avancé en faveur du désinvestissement est le droit des étudiants et des étudiantes à «voir où va l’argent de leur propre frais de scolarité et à avoir leur mot à dire sur ce à quoi sert cet argent», comme l’ explique Victoria Hinckley, une organisatrice étudiante de l’Université de Floride du Sud. Il y a un risque que ce raisonnement devienne un geste superficiel, comme l’exprime Sam, un étudiant de l’Université McMaster et participant au campement:

Nous voulons nous assurer que notre université n’est pas complice d’un génocide – que l’université que nous fréquentons et l’argent que nous dépensons pour nos frais de scolarité ne contribuent pas à un génocide.

Ce sentiment est compréhensible, et il est important d’obtenir des concessions. Mais il peut aussi devenir un piège s’il n’est pas utilisé pour renforcer le mouvement plus large contre la guerre génocidaire et son soutien impérialiste américain, qui est le véritable enjeu. Pour les autorités universitaires, ces concessions limitées se résument à un «lavage de mains» moraliste, comme si le fait que l’institut «ne soit pas complice» était suffisant et qu’aucune autre action n’était nécessaire.

Cependant, il est clair que la plupart des participants et participantes aux campements ont l’intention d’avoir un impact significatif, comme le dit la coalition Divest de l’Université de Californie à Berkeley: «nous devons tirer parti de notre position unique au cœur de l’empire et du flux de capitaux mondiaux pour appeler à une Palestine libre». Chris Marsicano, chercheur sur les campagnes de désinvestissement, a fait valoir que l’impact possible du désinvestissement ne serait pas économique, mais politique. Il souligne que le gouvernement israélien a pris note des campements et des manifestations. Le gouvernement de coalition israélien de Netanyahou et de l’extrême droite a effectivement prêté attention aux manifestations, les qualifiant d’antisémites. Ce gouvernement vise à délégitimer l’opposition à l’assaut barbare sur Gaza et à se présenter cyniquement comme un défenseur du peuple juif, dans une tentative de renforcer sa faible popularité auprès de la population juive israélienne. Pourtant, les actions de désinvestissement ne pourraient en fin de compte qu’ajouter une pression politique limitée face au soutien indéfectible de l’impérialisme américain et occidental à l’occupation et à l’agression génocidaires israéliennes.

Pendant ce temps, l’offensive génocidaire se poursuit, avec des bombardements incessants et une famine forcée. Mais si de nombreux campements ont été réprimés et dispersés de force, certains ont volontairement été dispersés suite à des engagements des administrations universitaires, la fin des semestres étant une considération importante. Dans le cas de l’Université Brown, par exemple, le campement a pris fin avant même que l’administration de l’université ne décide de désinvestir ou non. Dans le cas du Trinity College, le campement a pris fin après que l’université ait désinvesti 61 735 £ (78 089 $) de la plus grande entreprise d’armement israélienne privée, Elbit Systems (qui produit 85% des drones et des équipements terrestres utilisés par l’armée israélienne).

Si cela montre que les campements peuvent obtenir certains gains, il s’agit néanmoins d’une somme symbolique tant pour les universités que pour l’entreprise. Elbit Systems a déclaré un chiffre d’affaires de 6 milliards $ en 2023, en hausse de 8,4% par rapport à 2022. Les institutions gardent secrets les détails complets de leurs avoirs. Le Washington Post a trouvé peu de signes d’investissement direct des institutions américaines dans les entreprises de défense israéliennes. Cependant, l’impact d’un désinvestissement de ces dernières serait limité dans le contexte du massacre de Gaza et de la lutte pour la libération palestinienne. La volonté de certaines administrations universitaires de se désinvestir remet donc en question l’ampleur de la menace que ces demandes représentent pour le statu quo.

La décision de désinvestir ne devrait pas être une raison suffisante pour mettre fin à un campement. La revendication centrale des manifestants et des manifestantes, qui est de mettre fin à l’assaut meurtrier contre Gaza, souligne la nécessité de construire la lutte au-delà du campus, dans le but de renforcer le mouvement de solidarité au sens large. Aux États-Unis, cela implique de faire pression et de formuler des revendications directes envers les municipalités, les États et l’administration Biden. On peut se lier à un mouvement plus large en suivant l’exemple du campement de Hackney au Royaume-Uni (le premier campement dans une municipalité urbaine – qui a récemment pris fin ) ou les grèves organisées par des dizaines d’étudiants et étudiantes à New York. Les campements pourraient «occuper» les centres-villes. Ils pourraient également contribuer à souligner la nécessité d’actions conjointes avec les syndicats, par exemple en coordonnant des actions ciblées contre les livraisons d’armes.

Plusieurs campements ont exigé des formes de boycott académique, allant jusqu’à la rupture totale des liens avec le monde universitaire israélien, y compris les projets de recherche et les programmes d’échanges étudiants. En Belgique, sous la pression, l’Université de Gand a rompu ses liens avec toutes les universités et les instituts de recherche israéliens, mettant fin à 18 projets en cours. En Espagne, certaines universités ont adopté des décisions de boycott général. La confédération des universités espagnoles (CRUE) a annoncé qu’elle allait couper les liens avec les universités et les instituts de recherche israéliens «qui n’ont pas exprimé un engagement ferme en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire», ainsi que renforcer la coopération avec les établissements d’enseignement supérieur palestiniens réprimés et lutter contre l’antisémitisme et l’islamophobie sur les campus. De profonds sentiments de répulsion aident à mobiliser autour de ces mesures de boycott. Cependant, si certaines demandes concrètes de boycott peuvent certainement jouer un rôle dans l’augmentation de la pression globale, leur impact matériel est généralement limité et, comme expliqué plus loin, leur impact politique peut varier considérablement.

Impact sur les campus israéliens

Le mouvement de solidarité internationale a contribué à inspirer des actions locales d’étudiantes et d’étudiants palestiniens sur les campus israéliens. Il a aussi suscité les craintes des administrations universitaires israéliennes quant à un isolement international (relativement) accru pour leur rôle complice dans l’oppression nationale et leur soutien à l’assaut génocidaire.

Youssef Taha, président de l’Union des étudiants arabes et organisateur d’Al-Tajammuʿ/Balad (un parti national libéral palestinien), a suggéré que «pendant que le monde les regarde, les universités israéliennes auraient du mal à montrer qu’elles répriment les étudiants [les universités] craignent un nouveau déclin et nous en profitons pour lancer des événements et des activités». Bien que la répression soit toujours en vigueur, les pressions internationales sur les institutions universitaires israéliennes ont certainement été l’un des facteurs qui ont influencé les administrations. Cela correspond à une crise généralisée du régime israélien et à une recrudescence générale des protestations dans la société israélienne.

Au sein de la population juive israélienne, le choc initial provoqué par l’attaque surprise du 7 octobre menée par le Hamas, qui a notamment entraîné le massacre de civils israéliens, est exploité par la classe dirigeante pour susciter une réaction nationaliste virulente. La répression de la dissidence a atteint des niveaux très élevés. Dans les milieux de travail et sur les campus israéliens, les administrations ont suspendu sans appel des étudiantes et des étudiants palestiniens, en rejetant catégoriquement toute voix dissidente, en particulier palestinienne, contre le massacre historique de Gaza.

Cependant, la profondeur de la crise a conduit à de profondes divisions au sein de la classe dirigeante israélienne et, simultanément, à l’éruption de la colère populaire. Une fois le choc initial passé, la colère grandit dans des couches importantes de la population juive israélienne contre le gouvernement israélien, l’extrême droite et en particulier autour de la question des otages. Cela signifie également que le gouvernement israélien, faible et impopulaire, était loin d’adopter une position similaire à celle du régime de Poutine en Russie, incapable de réprimer complètement la dissidence à l’intérieur de la Ligne verte.

Les institutions universitaires israéliennes sont entrées en conflit direct avec le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite. Le gouvernement de coalition actuel (qui n’inclut plus le parti de centre-droit de l’ancien général Gantz, qui a temporairement rejoint la coalition au nom des intérêts de la classe dirigeante après le 7 octobre) est extrêmement impopulaire et en désaccord avec la majeure partie de la classe dirigeante israélienne depuis son arrivée au pouvoir. Ainsi, avant le 7 octobre, le gouvernement a dû faire face à un mouvement de masse interclasse contre le plan de «coup d’État judiciaire», qui avait déjà entraîné les institutions universitaires israéliennes dans un conflit ouvert avec le gouvernement. Les tensions ont maintenant refait surface.

Le gouvernement israélien, désireux d’attiser le chauvinisme national, a sollicité l’aide du chef ultranationaliste de l’Union nationale des étudiants (affiliée à l’Union des étudiants européens). L’Union a lancé une campagne pour promouvoir une loi «antiterroriste» maccarthyste qui oblige les établissements universitaires à licencier les professeur·es qui s’expriment «contre l’État». Le non-respect de cette loi sera sanctionné par une suspension des budgets. Cette mesure a provoqué l’indignation. Les protestations étudiantes et les pressions exercées sur plusieurs associations étudiantes locales ont conduit ces dernières à retirer leur soutien à la loi. Les directions d’établissements universitaires se sont opposées à la loi, craignant qu’elle n’encourage les campagnes de boycott universitaire au niveau international. Elles craignent également une prise de pouvoir gouvernementale qui menace leur autonomie relative.

La combinaison des pressions internationales et du conflit interne avec le gouvernement israélien a poussé les administrations universitaires israéliennes à se présenter comme ayant des traditions «démocratiques». Ainsi, par exemple, le président de l’Université de Tel Aviv a publiquement demandé à la police de reconsidérer son refus et d’autoriser la cérémonie annuelle du Jour de la Nakba. L’université exploite ces actions à des fins de relations publiques internationales, dans le cadre d’une riposte aux initiatives de boycott, ainsi que pour nourrir une image «démocratique» du capitalisme israélien et de l’occupation en général.

C’est ce qui est arrivé à la professeure Anat Matar, qui a dû faire face à des réactions négatives après avoir exprimé ses condoléances pour Walid Daqqa, un ancien prisonnier palestinien décédé d’un cancer dans une prison israélienne (condamné par un tribunal martial pour responsabilité indirecte dans le meurtre d’un soldat israélien par le FPLP. Il a ensuite rejoint le parti Al-Tajammuʿ/Balad). Les ultranationalistes ont pris Matar pour cible et l’université a déclaré publiquement qu’elle «condamnait et dénonçait les déclarations» de Matar. Bien que l’université ait refusé de licencier Matar, elle a continué à la dénoncer. Pourtant, l’université a utilisé ce cas dans une déclaration contre les campagnes internationales de boycott, intitulée Rétablir la vérité: la vérité sur l’université de Tel Aviv. Dans cette dernière, l’université affirme qu’elle «défendait fermement le principe de la liberté d’expression même lorsqu’il s’agissait des questions les plus controversées» et que «pas un seul étudiant ou membre du personnel de TAU n’a été puni, ni aujourd’hui ni jamais, pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes».

L’Université de Haïfa a pour habitude de réprimer et d’empêcher les manifestations palestiniennes et anti-guerre sur le campus. Récemment, l’administration a toutefois éviter de réagir à une incitation ultranationaliste contre le professeur Asad Ghanem, lors d’un panel de discussion auquel il participait avec un responsable du Hamas. L’université a déclaré: «tant qu’il n’y a pas de violation de la loi, l’université n’intervient pas dans les questions liées aux activités civiles des membres de l’université».

Le 28 mai, l’Université hébraïque a été contrainte d’approuver une manifestation anti-guerre de 300 personnes dirigée par des Palestiniens et des Palestiniennes. Elle a eu lieu dans le cadre d’une journée d’action organisée par des étudiantes et des étudiants palestiniens sur plusieurs campus israéliens, dont une grève de protestation d’une heure, en réponse aux atrocités commises à Rafah.

Le même mois, la police a arrêté et interrogé la professeure palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian de l’Université hébraïque au sujet de ses études universitaires sur l’occupation. Cela a été le point culminant de l’un des pires cas de persécution et de harcèlement envers un membre du corps enseignant sur les campus israéliens. Shalhoub-Kevorkian a d’abord été suspendue par l’université après avoir participé à un podcast dans lequel elle critiquait la guerre génocidaire. La campagne de diffamation a impliqué les médias grand public, auxquels l’université a répondu de manière inédite en condamnant les conclusions des recherches universitaires de Shalhoub-Kevorkian

Cela n’a pas empêché l’Association israélienne des directions d’université, dans une réponse à la décision susmentionnée de la CRUE dans l’État espagnol sur d’éventuels boycotts, de déclarer:

Nous ne punissons pas nos étudiants ou les membres du personnel pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes. Nous sommes des institutions qui accordent la priorité à la liberté d’expression et nous protégeons les droits de nos professeurs, de notre personnel et de nos étudiants à exprimer des idées qui remettent en cause le consensus dominant.

Le ton cordial et complaisant de la lettre reflète la crainte d’un isolement international accru.

Les universitaires d’Israël et l’oppression palestinienne

Dans une déclaration, les universités néerlandaises se sont positionnées contre les occupations de campus à des fins de protestation et expliquent pourquoi elles ne rompront pas leurs liens avec le monde universitaire israélien. Elles estiment qu’il est «important de ne pas isoler [politiquement] les scientifiques israéliens critiques». Pour elles, il s’agit simplement d’une excuse hypocrite alors qu’elles ne cherchent à prendre aucune mesure sérieuse contre l’oppression palestinienne.

Comme l’illustre la répression des campements, les institutions universitaires du monde entier agissent en définitive comme des serviteurs des intérêts des classes dirigeantes, piliers du système capitaliste, marginalisant les opinions dissidentes et perpétuant l’ordre social fondé sur l’exploitation et l’oppression via la «production de la connaissance». Par exemple, les institutions universitaires israéliennes, ainsi que leurs homologues qui soutiennent l’impérialisme américain, ont bien sûr été des vecteurs des politiques de la classe dirigeante, y compris de l’oppression nationale.

Maya Wind, une universitaire israélienne de gauche libérale qui appelle à un boycott généralisé des institutions universitaires israéliennes à l’échelle internationale, examine en profondeur le rôle des institutions universitaires israéliennes dans son livre, Towers of Ivory and Steel : How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom (2024). Elle décrit comment les universités israéliennes ont historiquement été intégrées aux politiques nationalistes d’oppression et d’expropriation de l’État israélien et, avant 1948, aux politiques des institutions sionistes centrales. De plus, Wind détaille comment «les universités israéliennes ont été planifiées et construites pour servir de piliers à l’ingénierie démographique régionale et à la dépossession palestinienne».

Cependant, la contribution de Wind souffre d’une méthode trop abstraite et passe à côté de conclusions généralisées, notamment en raison d’un manque général de compréhension du rôle plus fondamental du monde universitaire dans la société capitaliste de classe – qui n’est pas mentionné dans son livre. Cela affecte également les suggestions de Wind pour résoudre le problème, car elles sont enracinées dans des illusions libérales:

Les universités israéliennes pourraient cesser de servir d’échafaudage pour réprimer le mouvement palestinien de libération et se transformer en infrastructure qui ancre l’exploration et le débat universitaires libres pour tous ses étudiants. Les administrations pourraient offrir un soutien institutionnel et allouer des ressources à la recherche critique sur la violence raciale structurelle de l’État israélien et à l’étude des expériences palestiniennes de dépossession et d’oppression (p. 97).

Les universités peuvent-elles être reconstruites «de manière indépendante» pour se détacher simplement des politiques d’oppression nationale inhérentes à l’État capitaliste israélien? D’où viendraient les ressources nécessaires à une telle éducation contre l’oppression nationale? Comment une institution israélienne cherchant à mettre en œuvre pleinement le programme de Wind pourrait-elle faire face à une inévitable réaction de la classe dirigeante?

En réponse au livre de Wind, Barak Medina – ancien recteur de l’Université hébraïque, partisan du nationalisme sioniste libéral anti-Netanyahou et de la guerre contre Gaza – clarifie son rejet des critiques que Wind adresse aux politiques qu’il a lui-même défendues. Il décrit le monde universitaire israélien comme un bastion progressiste contre le gouvernement Netanyahou et affirme qu’une fuite potentielle des universitaires d’Israël dans le scénario d’un boycott international global ouvrirait la voie au renforcement de l’extrême droite israélienne: «Un monde universitaire israélien fort est crucial pour pousser Israël dans la bonne direction. Il doit être soutenu, pas attaqué».

Medina s’oppose au boycott du point de vue de l’establishment israélien et en tant qu’apologiste «libéral» des atrocités commises à Gaza. Mais les institutions universitaires israéliennes ne sont pas seulement constituées de fonctionnaires fortuné·es au service de la classe dirigeante et d’un personnel de direction de haut niveau.

Elles emploient également des personnes en recherche et en enseignement mal payées et sans sécurité d’emploi. Il y a le personnel administratif ordinaire ainsi que les travailleuses et travailleurs les plus exploités du campus: le personnel d’entretien, composé principalement de femmes immigrées et palestiniennes. Et puis il y a les étudiantes et les étudiants, celles et ceux issus de la classe ouvrière et de milieux pauvres, en particulier des diverses populations discriminées qui ont la vie plus dure. On parle des Palestiniennes et des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, qui malgré une augmentation des inscriptions allant jusqu’à 18% au cours de la dernière décennie, sont sous-représenté·es et systématiquement confronté·es à l’oppression nationale.

Cela ajoute un aspect important à la discussion sur les tactiques de solidarité internationale, y compris les actions de protestation et les types de boycotts qui peuvent être les plus utiles, notamment dans le contexte des institutions universitaires.

Si l’exigence d’une fin complète de l’oppression nationale des Palestiniens et des Palestiniennes est essentielle, prôner la rupture de tous les liens avec les institutions universitaires israéliennes, sous prétexte d’une demande maximaliste de renouvellement des liens une fois l’oppression nationale totalement renversée, repose sur l’hypothèse qu’aucune résistance efficace ne pourrait se développer au sein du monde universitaire israélien. Ce qui, comme nous l’avons vu, n’est pas vrai.

Un professeur de l’Université de Gand a publié des courriels qu’il a reçus d’universitaires israéliens qui plaident en faveur du boycott universitaire car, comme l’a écrit l’un d’eux: «Rien en Israël ne peut changer la position et les actions de son gouvernement, car nous vivons en réalité dans une dictature (qui a perdu toute humanité). Il est seulement permis d’espérer que la pression extérieure puisse changer quelque chose.» Cette expression de fatalisme face à la réaction agressive de la société israélienne passe sous silence les conclusions des expériences révolutionnaires dans la région contre les dictatures, ainsi que l’importance de l’aliénation massive d’Israël par rapport à Netanyahou et à l’extrême droite.

Tactiques de boycott et approche de lutte de classe

Une approche qui ne ferait pas de distinction entre l’administration, le personnel et les étudiants et les étudiantes, une approche qui s’efforce d’isoler la société israélienne dans son ensemble, aurait moins de chances de susciter l’intérêt des jeunes et de la classe ouvrière israélienne que la propagande de la classe dirigeante. Une telle approche, liée à l’idée que la population israélienne est principalement un bloc réactionnaire et doit être punie dans son ensemble, a également provoqué une recrudescence des «boycotts gris». Il s’agit des universitaires rejetant les collaborations et refusant d’écrire des recommandations, de réviser des articles ou de noter des thèses de doctorat et de maîtrise.

L’impérialisme américain est un catalyseur décisif de l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes. Il est responsable d’atrocités d’une ampleur extrême dans le monde entier depuis des décennies. Son poids décisif dans le système mondial explique pourquoi le boycott du monde universitaire ou de la société américaine ne montrerait pas la voie à suivre, contrairement à la révolte des étudiants et des étudiantes des États-Unis. Cette révolte a défié les politiques du gouvernement américain et inspiré les étudiants et les étudiantes du monde entier à suivre leur exemple.

Des exemples récents, comme la guerre de la Russie contre l’Ukraine, montrent que les sanctions nationales indiscriminées promues par les classes dirigeantes capitalistes – auxquelles le capitalisme israélien ne sera probablement pas confronté au sein du bloc impérialiste occidental – ne mettent pas fin à l’oppression et aux conflits. Au contraire, elles sont utilisées par ces régimes oppressifs pour promouvoir un plus grand isolement et une «mentalité de forteresse» dans leur pays, renforçant leur base sociale, tout en réprimant la dissidence. Les boycotts universitaires et culturels généralisés de plus en plus nombreux contre les Russes n’ont pas aidé l’opposition brutalement réprimée. De plus, les sanctions économiques ont, comme dans le cas de l’Iran, surtout infligé la misère aux masses pauvres et accru leur isolement avec peu ou pas d’effet sur les oligarques.

Le cas de la lutte historique contre l’apartheid en Afrique du Sud est souvent cité comme exemple de boycott efficace, y compris des institutions universitaires. Cependant, aucune section importante de la classe ouvrière n’aurait pu être poussée à adhérer à la propagande de la classe dirigeante en raison de mesures de boycott contre elle. Le facteur décisif dans le renversement du régime d’apartheid sud-africain a été la rébellion de la classe ouvrière noire, et non les sanctions et les pressions diplomatiques. La révolution contre le capitalisme de l’apartheid a été déroutée et, des décennies plus tard, l’héritage de l’apartheid en termes d’appauvrissement des masses noires perdure. Cette situation explique le déclin du soutien au Congrès national africain (ANC).

De manière similaire, le boycott historique d’Israël par la Ligue arabe n’a pas poussé le régime israélien à faire des concessions sur l’occupation et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Les actions de solidarité internationale sont évidemment essentielles. Néanmoins, le principal moteur du changement – ​​qui peut être soutenu par des pressions «extérieures» sur le régime israélien – reste la lutte de libération des masses palestiniennes elles-mêmes. Elles représentent une menace plus sérieuse pour l’occupation israélienne que toute pression internationale, comme l’a notamment illustré la première Intifada. La lutte populaire de masse, dans le cadre de laquelle l’autodéfense armée serait contrôlée démocratiquement de manière plus efficace, s’est avérée bien plus productive qu’une focalisation étroite sur la résistance armée.

En même temps, les manifestations de solidarité internationale peuvent aider les forces isolées d’une véritable opposition de gauche dans la société capitaliste israélienne à faire avancer les luttes des masses israéliennes contre le gouvernement et la classe dirigeante. Pour être efficaces et ne pas devenir préjudiciables, ces manifestations doivent toujours se faire de manière à saper la propagande de la classe dirigeante selon laquelle les Israéliens et les Israéliennes doivent «s’unir» contre un monde «antisémite» hostile.

Des mesures de boycott concrètes et ciblées, liées à des revendications directes, peuvent contribuer à isoler les éléments les plus réactionnaires et à renforcer la pression générale en faveur de la mise en œuvre de ces revendications. Ces dernières devraient viser en particulier:

  • le gouvernement israélien, les entreprises, les organisations,
  • ainsi que les responsables universitaires, les administrations et les programmes

qui sont concrètement responsables de mettre en œuvre ou d’aider à mettre en œuvre

  • des atrocités à Gaza,
  • l’occupation israélienne et
  • l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes.

Les appels à un boycott académique ciblé doivent être examinés au cas par cas, en fonction des circonstances. Toute action doit viser à désigner les complices et à renforcer les divisions entre les administrations des institutions universitaires israéliennes d’un côté, et les travailleurs, les travailleuses, les étudiants et les étudiantes de l’autre. Ces actions doivent amplifier les voix anti-guerre, notamment celles des étudiants, des étudiantes et du personnel palestiniens qui luttent sur le terrain au sein de ces institutions. Les appels qui vont dans le sens d’un renforcement des liens internationaux et des canaux d’échange et de collaboration avec les éléments de l’opposition anti-occupation et anti-guerre au sein des campus israéliens doivent également être pris en considération.

En outre, des actions directes menées par des groupes organisés de la classe ouvrière au niveau international pour perturber le business as usual de l’impérialisme américain et occidental et de la classe dirigeante israélienne pourraient montrer la voie à suivre, en particulier si elles sont liées à un appel de classe aux travailleurs, aux travailleuses et aux jeunes d’Israël aliéné·es par le gouvernement Netanyahou et l’extrême droite. Cela inclut bien sûr les couches sociales des établissements d’enseignement supérieur israéliens.

Le contexte de protestations populaires qui éclate dans la société israélienne et les appels croissants à une grève générale pour un accord sur la prise d’otages, qui nécessiterait la fin de la guerre génocidaire à Gaza, impliquent un rôle progressiste potentiel de la classe ouvrière israélienne face au gouvernement israélien. Et cela, même si les forces de gauche sont actuellement faibles dans la région et dans le monde. Cela ne sous-estime en aucun cas la puissante offensive idéologique de la classe dirigeante israélienne, qui attise un chauvinisme national horrible. Cependant, cela met en évidence des contradictions et, en fin de compte, des divisions de classe au sein de la société capitaliste israélienne. Bien qu’elle ne soit pas le seul facteur, la classe ouvrière israélienne reste cruciale dans la lutte pour vaincre le capitalisme israélien et son oppression barbare inhérente envers les Palestiniens et les Palestiniennes.

Les appels à la grève générale dans les manifestations israéliennes font écho à une tendance plus large au niveau mondial et local. Il renvoie notamment à la grève générale de l’année dernière et la centralité de l’idée d’une grève dans le mouvement israélien (alors interclassiste) contre la tentative de «coup d’État judiciaire» du gouvernement. Les syndicats étudiants et même l’Union nationale des étudiantes et étudiants israéliens ont été poussés à prendre l’initiative d’une grève étudiante partielle «pour les otages» le 13 juin. Bien sûr, sa direction était réactionnaire et ne voulait qu’une mesure de façade dégoulinante de chauvinisme national. Néanmoins, la grève partielle s’est développée dans le contexte d’un mécontentement de masse généralisé croissant qui remet en cause le gouvernement israélien en général et pousse en particulier à un accord de cessez-le-feu. Parmi une grande partie de la population juive israélienne, cela est largement compris comme le seul moyen de récupérer les otages.

L’opposition d’une partie du corps étudiant et professoral israéliens aux attaques contre la liberté académique et la liberté d’expression a également été importante, bien que limitée. L’organisation Lutte socialiste (ISA en Israël-Palestine), intervient sur le terrain depuis le début dans les manifestations pour mettre fin à l’assaut génocidaire. Lutte socialiste a coopéré avec Academia for Equality, une organisation de plus de 800 universitaires juifs israéliens et palestiniens. Au cours de la première semaine suivant le 7 octobre, nous avons lancé conjointement une lettre ouverte qui a recueilli plus de 400 signatures d’étudiants, d’étudiantes et de membres du personnel, condamnant la chasse aux sorcières national-chauvine et appelant à la fin de la guerre. Academia for Equality a pris part à l’organisation de manifestations contre la guerre sur et hors des campus, et a œuvré à la défense des étudiants, des étudiantes et du personnel juifs palestiniens et israéliens contre la persécution politique. L’association a aussi participé à la lutte contre la désinformation sur le mouvement universitaire international. Chez Lutte Socialiste, nous avons fait de notre mieux pour mettre en avant des initiatives menées par nos délégués syndicaux au sein de l’Organisation des professeurs et chercheurs de l’Université de Tel Aviv contre la campagne de persécution politique. Nous avons contesté les manifestations de soutien à la guerre exprimées par les responsables syndicaux.

La voie à suivre

Le reflux de la vague mondiale de campements ne signifie pas un déclin de la colère des masses contre la barbarie quotidienne infligée à Gaza. Le mouvement international de solidarité a inévitablement connu des hauts et des bas, notamment en réponse aux développements sanglants de la crise de Gaza. Des sections du mouvement tentent de tirer les leçons de l’expérience à chaque phase. Les étudiants et les étudiantes font partie de ceux et celles qui continuent à participer dans le monde entier aux actions de protestation et aux manifestations pour mettre fin au bain de sang criminel. Aux États-Unis, en particulier, la nouvelle année universitaire commence en août et verra une reprise des actions de protestation de solidarité à un degré ou à un autre, dans le cadre d’un mouvement plus large. Ainsi, d’importantes questions de tactique, de stratégie et de programme politique continueront à nécessiter de plus amples discussions et débats.

Ce qui manque au débat pour donner du pouvoir au mouvement, c’est une approche socialiste et de lutte de classe. La simple et minimaliste demande urgente d’un cessez-le-feu immédiat nécessite évidemment la construction d’un mouvement plus développé et plus massif pour exercer des pressions plus globales, notamment par le biais de mobilisations de masse et d’actions syndicales organisées. Cette tâche est intrinsèquement liée à la remise en cause de l’impérialisme américain et occidental.

Les demandes de divulgation et de désinvestissement doivent être généralisées à la divulgation de tous les intérêts du capital, des régimes oppressifs et des offensives militaires impérialistes, ainsi qu’à leur élimination du monde universitaire. Cela devrait également être lié aux demandes d’expropriation et de transfert de propriété sous contrôle public et démocratique de la classe ouvrière. C’est elle qui devrait prendre le contrôle de toutes les entreprises de tout pays qui profitent des attaques meurtrières contre les Palestiniens et les Palestiniennes, et convertir ces entreprises à des fins socialement utiles.

Le fait même que le mouvement international massif et militant des campus n’ait pas été suffisant pour obtenir un cessez-le-feu, malgré sa durée, montre l’ampleur qu’un mouvement révolutionnaire beaucoup plus développé devrait prendre pour éradiquer complètement l’oppression nationale systémique des Palestiniens et des Palestiniennes. Cela est étroitement lié au renversement du capitalisme israélien et de l’impérialisme occidental, dans le contexte d’un changement socialiste dans la région.

Un programme socialiste, comprenant:

  • la fin complète de toutes les formes d’oppression nationale,
  • des droits égaux à l’existence et à l’autodétermination pour toutes les nations,
  • une vie digne, de bien-être et en sécurité,
  • la reconnaissance des droits des réfugié·es palestiniens et palestiniennes,
  • dans un Moyen-Orient socialiste,

est nécessaire pour pointer vers une véritable solution. La stratégie, les tactiques et les slogans mis en avant dans le mouvement international de solidarité devraient, au-delà de la solidarité et de la pression vitale pour un cessez-le-feu immédiat, refléter et aider à clarifier la direction nécessaire à prendre afin de trouver une issue aux atrocités vécues par les Palestiniens et les Palestiniennes de la région.

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