COVID-19 en Colombie: mourir de faim au milieu d’un jardin

Depuis le début de la crise de la COVID-19, le manque de nourriture qui affecte déjà la Colombie est de plus en plus important. Les personnes plus pauvres ont adopté une façon originale d’attirer l’attention et de demander de l’aide : elles mettent des chiffons rouges devant chez elles pour signaler un manque de vivres.

En Amérique latine, l’épidémie de la COVID-19 se produit dans un contexte ou les conditions sanitaires générales sont déjà difficiles à assurer. Les grandes entreprises profitent actuellement de l’incertitude politique pour violer les droits des travailleurs et des travailleuses. Elles leur enlèvent d’anciens gains et s’attaquent à leurs libertés civiles.

En date du 24 avril, le Secrétariat de Santé de Bogota signalait que la Colombie compte 4 561 cas de COVID-19, dont 215 décès (63,72 % d’hommes et 36,28 % de femmes).

Une générosité d’en bas

L’arrêt des activités de milliers de Colombien·nes s’est transformé en catastrophe en raison du manque de filet social. Leurs revenus dépendent uniquement de la vente de leur labeur. Les allocations ou les autres services d’assurance emploi n’existent pas en Colombie. On voit donc à l’œuvre le vieux dicton colombien « aux mains de Dieu ».

Le peuple colombien est toutefois généreux. Plusieurs personnes et groupes citoyens ont donné de la nourriture aux familles les plus démunies. On n’observe toutefois pas cette générosité de la part de l’oligarchie, des entreprises et des banques.

Plus que de la compassion, la population a besoin d’un système équitable. En ces temps de crise, le peuple doit avoir accès aux ressources de subsistance et aux moyens pour se sortir de la crise. Or, jamais une société capitaliste n’aura tendance à offrir des équipements de protection individuelle pour les personnes les plus vulnérables. Elles représentent une marchandise à exploiter, pas un capital dans lequel investir.

Dans leur course aux profits, les entreprises n’hésitent pas à violer les droits des travailleurs et des travailleuses. La fidélité de l’État envers les institutions financières nous rappelle qu’il est urgent de se débarrasser du système capitaliste.

Les capitalistes se serrent les coudes

La Colombie est un pays riche en production agricole ; fruits, légumes, café, coton, riz et autres. C’est une injustice que de laisser la population mourir de faim lorsqu’elle baigne dans l’abondance de ressources. Surtout que le gouvernement populiste de droite dédommage les compagnies agricoles qui sont en train de perdre des revenus en raison de la crise.

Le gouvernement de Iván Duque a donné 226 millions de pesos en crédit pour sauvegarder la production agricole et garantir son fonctionnement. Cette opération a été gérée par Finagro (Fondo para el Financiamiento del Sector Agropecuario) ainsi que par quatre des institutions financières les plus importantes au pays : La Banque de la Colombie, La Banque de Bogotá, Davivienda et Colpatria.

De cet argent, 94 % sont allés à des entreprises comme MacPollo (volaille), Arroz ROA (riz), Flor Huila (riz) et Ingenio del Cauca (agriculture). Seulement 2 % des fonds sont allés aux vrais paysans.

Pas de protection pour les prisonniers

Le 21 mars passé, 23 détenus de la Prison Modelo de Bogota ont été tués suite à une panique et à l’exigence de mesures de sécurité pour protéger tous les prisonniers de la COVID-19. Ces assassinats ont été justifiés par la ministre de Justice, Margarita Cabello, comme une mesure en réponse à des tentatives d’évasion. Plusieurs prisonniers ont organisé des protestations pacifiques dans plusieurs autres pénitenciers. Au moment d’écrire ces lignes, il n’y a pas de mesures de protection contre la COVID-19 pour les prisonniers colombiens, même si la Cour Constitutionnelle a ordonné au gouvernement de prendre de mesures urgentes pour éviter sa propagation. Combien de morts y aura-t-il avant que ces mesures soient mises en œuvre ?

Décret pour enlever les droits aux personnes retraitées

Le 15 avril dernier, le gouvernement colombien a adopté le décret 558 suivant les directives du Fonds monétaire international (FMI). Ce décret a pour objectif officiel de protéger les familles et les entreprises vulnérables. En réalité, il favorise le système financier.

Par exemple, ce décret transfère sur les épaules du secteur public la responsabilité de financer le fonds de pension privé de 20 000 personnes à faible revenu (Colpensiones). L’État devra payer la plus grande partie des allocations de retraite de ces personnes précaires avec l’argent déjà dédié aux personnes pensionnées du secteur public. Selon le porte-parole de l’École syndicale nationale, Alberto Orgulloso Martinez, le décret 558 est trompeur. « C’est un cadeau empoisonné », estime-t-il. Il déresponsabilise les fonds des pensions privés et le secteur financier de payer les pensions dues étant donné qu’elles constituent le salaire différé d’un travail déjà effectué.

Cette responsabilité devrait demeurer celle des fonds privés qui ont profité pendant des années de croissance du secteur bancaire. À noter que l’homme le plus riche de Colombie, Luis Carlos Sarmiento Angulo, est président du groupe AVAL qui possède plusieurs banques ainsi que le fonds de pension privé Porvenir. Ces fonds privés comptent aujourd’hui environ 280 billions de pesos.

Aujourd’hui plus que jamais, il est clair que ce n’est que grâce au travail de la classe ouvrière que la société se maintient et fonctionne.


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