Le Hartal de 1953 est une manifestation nationale de désobéissance civile et de grève qui s'est déroulée au Ceylan (aujourd'hui le Sri Lanka) le 12 août 1953 sous la direction du LSSP.

Le rôle des marxistes dans le mouvement ouvrier et syndical

Ce document a été adopté au VIIe congrès d’Alternative socialiste, du 13 au 15 décembre 2024 à Montréal.


Ce document a pour objectif d’aider notre organisation à s’orienter, à établir ses priorités d’action et à préparer l’intervention des membres d’Alternative socialiste (AS) dans les luttes ouvrières à venir. Il vise à les aider à s’enraciner plus profondément dans la classe ouvrière pour la période complexe et turbulente qui s’annonce.

Le rôle central de la classe ouvrière

Pour International Socialist Alternative (ISA) et sa section québécoise, Alternative socialiste (AS), la classe ouvrière constitue la seule force sociale ayant le pouvoir de contester la domination de la classe capitaliste. Aucune autre classe, groupe ou couche démographique n’a le poids, la cohésion ou l’organisation nécessaire pour arracher le pouvoir des mains des capitalistes. La classe ouvrière change constamment de forme selon le moment ou l’endroit. Elle inclut toute la diversité du monde. Prise comme un tout, elle possède un caractère révolutionnaire de par la position centrale qu’elle occupe dans le système de production capitaliste. C’est la classe productrice de toutes les richesses qui détient ultimement le pouvoir de renverser le mode de production actuel.

Il est donc essentiel que les marxistes révolutionnaires orientent une partie importante de leurs efforts vers les mouvements ouvriers, en particulier vers ceux qui s’organisent dans des structures syndicales. La classe ouvrière est loin d’être constamment dans un état combatif ou révolutionnaire face aux classes dominantes. Elle a le potentiel de l’être. Dans les pays capitalistes développés comme le Canada, le principal obstacle au déploiement du potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière n’est pas la répression brutale d’un appareil d’État autoritaire. C’est plutôt les stratégies conservatrices adoptées par les leaderships et les bureaucraties de ses propres organisations (syndicats, partis ouvriers et coopératives). Ces stratégies conservatrices visent à concilier les intérêts du Capital et du Travail, grâce à une collaboration de classe qui fixe l’action ouvrière dans les limites de la légalité bourgeoise.

Afin de guider notre pratique marxiste révolutionnaire dans les syndicats, il est important de connaître les différents courants et dynamiques parti-syndicat qui ont traversé l’histoire du mouvement ouvrier international. Ce document en présente les principaux courants et les met en relation avec l’évolution de l’approche marxiste révolutionnaire.

Le rôle économique et politique des syndicats pour Karl Marx et la 1ère Internationale

Quand le parti révolutionnaire et le syndicat sont interdépendants

Les liens entre les partis politiques ouvriers et les syndicats se posent dès la seconde moitié du 19e siècle. D’une part, les militants socialistes élaborent des théories révolutionnaires et commencent à dégager des perspectives de lutte. D’autre part, le mouvement ouvrier s’organise sur le plan professionnel et acquiert de la maturité organisationnelle grâce à sa lutte économique dynamique et radicale. C’est dans ce contexte de luttes ouvrières intenses que Karl Marx développe sa théorie de l’exploitation de la force de travail et celle de la révolution comme processus d’auto-émancipation de la classe ouvrière.

Dès la création des premiers syndicats, Marx reconnaît leur puissance sociale. Ils permettent d’unir la masse ouvrière, jusqu’alors désunie par la concurrence, autour de luttes économiques pour de meilleurs salaires ou horaires de travail. Cette activité transforme les syndicats en foyers d’organisation des masses travailleuses contre l’exploitation du Capital. Néanmoins, «ces associations sont impuissantes contre toutes les grandes causes qui déterminent le rapport entre l’offre et la demande»1. Marx distingue alors lutte économique et lutte politique. Le syndicalisme est donc nécessaire pour faire disparaître la concurrence entre les travailleurs, mais insuffisant parce qu’impuissant à s’attaquer aux fondements de la domination de classe.

Marx insiste sur la complémentarité de ces deux types de lutte menées par la classe ouvrière: «Les syndicats doivent maintenant agir comme des foyers d’organisation de la classe ouvrière dans le grand but de son émancipation radicale. Ils doivent aider tout mouvement social et politique tendant dans cette direction2.» Même s’ils ne regroupent pas l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, ces organisations ouvrières autonomes ont pour rôle de lutter pour les intérêts de toute la classe ouvrière. Par exemple, le mouvement syndical québécois l’a fait à plusieurs reprises en revendiquant la hausse du salaire minimum ou encore l’indexation des salaires, des pensions et des allocations sociales de toutes sortes au coût de la vie.

En étant des foyers de luttes économiques, les syndicats ont le potentiel de faire mûrir la conscience de classe au sein de la classe ouvrière (c’est-à-dire la connaissance par ses membres de l’existence et de la place de la classe ouvrière dans le système capitaliste). Pour Marx, les syndicats développent leur plein potentiel historique lorsqu’ils posent la question du pouvoir et deviennent des instruments d’organisation politique visant à abolir le salariat. Leur aspect politique prime donc sur leur aspect économique. Toutefois, cela ne signifie pas que les syndicats doivent devenir des partis politiques ou qu’ils doivent fusionner avec des partis politiques pour ne former qu’une seule organisation. Pour Marx, les organisations économiques et politiques du prolétariat ont le même objectif, l’émancipation de la classe ouvrière, mais appliquent leurs propres méthodes dans leur propre champ d’action.

Le parti est un instrument révolutionnaire indispensable ayant ses qualités propres. Il regroupe «le secteur le plus résolu du mouvement ouvrier» et a «l’avantage théorique de sa claire vision des conditions de la marche et des résultats généraux du mouvement prolétarien3». L’avant-garde du parti doit toutefois se constituer dans la lutte des masses. Marx insiste pour construire un parti révolutionnaire en joignant les révolutionnaires avec les travailleurs et les travailleuses en lutte. Le parti sert ainsi à «créer un point central de communication et de coopération entre les organisations ouvrières4», pas à diriger leurs luttes d’en haut.

C’est ainsi que Marx participe à la création de l’Association internationale des travailleurs, aussi appelée la 1ère Internationale (1864-1876). Il doit se battre, notamment contre les anarchistes, pour défendre son point de vue selon lequel le rôle des révolutionnaires est celui de catalyser les luttes de la classe ouvrière contre le capitalisme, et non pas celui d’organiser un groupe de conspirateurs qui planifie et fait la révolution au nom de cette classe. Selon Marx, «Tous les mouvements historiques ont été, jusqu’ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l’immense majorité au profit de l’immense majorité5».

Le syndicalisme d’affaire

Quand les directions syndicales refusent l’action politique autonome de la classe ouvrière

Au courant des années 1870-1880, une approche syndicale originale se développe en Amérique du Nord. Elle combine lutte économique et lutte politique réformiste à travers l’émergence des Chevaliers du travail. En 1886, l’American Federation of Labor (AFL) est créé aux États-Unis après une guerre fratricide qui anéanti les Chevaliers du travail. L’AFL, sous la direction de Samuel Gompers, inaugure une nouvelle période d’organisation syndicale basée sur les métiers qualifiés et axée sur la négociation de contrat de travail.

Pour Gompers, le syndicalisme «pur et simple» doit se borner à un travail d’organisation efficace visant à défendre des revendications concrètes, d’abord et avant tout pour ses propres membres. Cette approche corporatiste de repli sur soi néglige les travailleurs non qualifiés et interdit même l’organisation des femmes et des personnes noires dans les syndicats. Une telle conception restreinte du syndicalisme sème la division au sein de la classe ouvrière, notamment en refusant de considérer la lutte aux oppressions spécifiques comme une partie intégrante de la lutte contre l’exploitation capitaliste.

En opposition à ce type de syndicalisme encore présent aujourd’hui, les marxistes révolutionnaires travaillent à ce que les luttes des personnes victimes d’oppressions spécifiques (par exemple les personnes femmes, immigrantes ou en situation de handicap) prennent toute leur place dans la lutte des classes. La pratique militante des syndicats doit représenter la classe ouvrière dans son ensemble pour faire mûrir sa conscience de classe. Pour Lénine, «la conscience de la classe ouvrière ne peut être une conscience politique véritable si les ouvriers ne sont pas habitués à réagir contre tout abus, toute manifestation d’arbitraire, d’oppression et de violence, quelles que soient les classes qui en sont victimes6».

Par exemple, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) représente  uniquement des travailleuses qualifiées (infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeute). Sortir de l’approche étroite centrée autour de l’unique défense de ces métiers nécessite de se battre également pour la syndicalisation et l’amélioration des conditions de travail des métiers moins qualifiés, tel que préposé⋅e aux bénéficiaires. Ces métiers précaires, souvent non syndiqués, comptent une part disproportionnée de personnes racisées ou issues de l’immigration. Pour mener efficacement la lutte contre le sexisme et le racisme, la FIQ doit construire une réelle solidarité avec les travailleuses des métiers moins qualifiés.  S’attaquer au sexisme et au racisme passe d’abord par cette solidarité de classe.

Pour l’AFL de Gompers, la solidarité de classe n’est pas le principe fondamental de la lutte syndicale. Les objectifs syndicaux se réduisent aux revendications salariales. Par conséquent, les capitalistes ne sont pas des adversaires politiques. Leur prospérité est encouragée, car elle permet d’avoir de meilleures conditions de travail. Gompers prend ouvertement position contre le socialisme et défend la neutralité politique des syndicats. Mais cette neutralité n’est qu’apparence. Le mouvement syndical est une force organisée qui a un impact politique dans la société, sans pour autant devoir se transformer en parti politique (ce qu’aucun mouvement syndical n’a jamais fait).

L’AFL prend elle-même position sur plusieurs enjeux politiques. Elle le fait de manière occasionnelle, à la manière d’un groupe de pression, grâce au lobbyisme. Elle exerce son influence sur les parlementaires lors de dépôts de projet de loi ou encore lors des élections en finançant et en soutenant des partis de la bourgeoisie.

Le travaillisme

Quand le parti dépend des directions syndicales

À la fin du 19e siècle, l’essor du capitalisme et la création de la IIe Internationale (1889-1923) permettent le développement fulgurant des partis ouvriers et des syndicats (qui organisent surtout les métiers qualifiés). En 1899, le travaillisme fait son apparition en Angleterre. Le Trade Union Congress (TUC) invite alors toutes les organisations ouvrières (coopératives, syndicats, groupes socialistes) à un congrès spécial dont le but est de créer un organisme visant à faire élire le plus de représentants ouvriers possible au Parlement. En 1906, le noyau de syndicalistes élus se constitue officiellement en Parti travailliste (Labour Party).

La Parti travailliste doit être indépendant, c’est-à-dire qu’il ne peut se solidariser avec le Parti libéral ou conservateur. Il est le prolongement de la lutte syndicale sur le plan électoral et parlementaire. Les adhésions se font principalement sur la base de groupes, qui sont en majeure partie des syndicats. Ce sont aussi les syndicats qui financent le parti et les courses électorales. Cette logique a pour effet de donner énormément de poids politique, organisationnel et financier aux directions syndicales des plus grands syndicats. L’aile révolutionnaire et militante est réduite aux adhésions individuelles et son poids est marginal. Les relations entre le mouvement ouvrier et le parti travailliste se traduisent par une dépendance du parti envers les directions des grands syndicats réformistes et conservateurs.

Contrairement au syndicalisme d’affaire, le travaillisme entraîne des relations permanentes et organiques entre ses deux rôles. Avec le travaillisme, la lutte économique se double constamment d’une lutte politique. L’approche travailliste pratiquée en Angleterre, en Suède avec le Parti social-démocrate ou au Canada avec le Nouveau Parti Démocratique canadien, a entraîné d’énormes gains pour la classe ouvrière.

Toutefois, cette lutte politique se confine à revendiquer des réformes possibles dans le cadre du capitalisme (par exemple sur le droit de grève, la législation du travail, des législations sociales). Les fondements du capitalisme, comme le droit de propriété privée des moyens de production ou le rôle de l’État capitaliste, ne sont pas mis en péril par des visées révolutionnaires.

Les bureaucraties ouvrières

L’essor économique engendré par l’exploitation coloniale européenne permet aux capitalistes de concéder des améliorations, souvent substantielles, aux mouvements ouvriers. Cette base matérielle favorise des tendances à la conciliation et à l’opportunisme au sein du mouvement ouvrier et favorise aussi la bureaucratisation des organisations ouvrières. L’expansion jusqu’alors inégalée des appareils bureaucratiques ouvriers (partis et syndicats) entraîne l’apparition d’une «aristocratie ouvrière» surpayée à leur tête. Ces appareils bureaucratiques deviennent des agences de la classe ennemie au sein même des organisations ouvrières. Une couche de leaders ouvriers, dont Eduard Bernstein est le porte-étendard, soutiennent que la «socialisation graduelle de l’économie capitaliste» découlant du travail syndical et parlementaire achemine la société vers le socialisme sans que la classe ouvrière ait besoin de faire la révolution.

Rosa Luxemburg met en garde la social-démocratie allemande du début du 20e siècle contre les illusions réformistes défendues par cette aristocratie ouvrière. Pour elle, la lutte syndicale est comparable à un travail de Sisyphe: elle est toujours à recommencer. Le bras de fer entre les syndicats et le patronat ne vise pas à éliminer le patronat. Il sert à améliorer momentanément les conditions d’exploitation capitaliste. C’est le parti révolutionnaire qui a pour rôle d’exproprier la classe capitaliste en détruisant son État et en planifiant une économie industrielle nécessaire pour assurer les besoins de tous et toutes.

Luxemburg soutient que la classe ouvrière, pour se construire une conscience politique de ses propres intérêts historiques, doit s’appuyer sur un parti marxiste révolutionnaire. Le rôle du parti révolutionnaire est de faire le lien entre la lutte économique syndicale et la nécessité d’une lutte politique révolutionnaire visant la prise du pouvoir. Pourquoi la révolution est-elle nécessaire? Parce que la bourgeoisie ne laissera jamais le contrôle de la société lui filer entre les doigts. Face aux forces contre-révolutionnaires dirigées par la bourgeoisie, la classe ouvrière doit établir le rapport de force nécessaire pour imposer ses intérêts sur ceux de toutes les autres classes sociales.

En 1902, Lénine pose les fondements théoriques des rapport parti-syndicats dans Que faire? Il explique la distinction entre les deux types de conscience politique présentes dans le mouvement ouvrier. Le terme «conscience trade-unioniste» renvoie à une conscience de classe économique limitée à la lutte pour des améliorations économiques et des revendications politiques réalisables dans le cadre du système capitaliste. Quant à la «conscience social-démocrate», c’est-à-dire la conscience de classe politique révolutionnaire, elle ne peut pas émerger spontanément de ces luttes économiques limitées. Les syndicats unissent leurs membres sur la base de la défense de leurs intérêts économiques. En revanche, le parti révolutionnaire unit ses membres sur la base de la lutte pour un programme politique.

Lénine critique ceux et celles qui pensent que les luttes économiques suffisent à créer une véritable conscience de classe révolutionnaire. Il les appelle les «économistes». Même si les économistes prêtent un caractère politique intrinsèque aux luttes économiques, ils se refusent paradoxalement à construire le parti politique nécessaire pour les porter jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’expropriation de la classe capitaliste.

Pour Lénine, la conscience révolutionnaire doit alors être introduite dans le mouvement ouvrier «du dehors» par les révolutionnaires: «leur tâche est de transformer cette politique trade-unioniste en une lutte politique social-démocrate, de profiter des lueurs de conscience politique que la lutte économique a fait pénétrer dans l’esprit des ouvriers pour élever ces derniers à la conscience social-démocrate7».

Antonio Gramsci va dans le même sens. Selon lui, la constitution d’un parti d’avant-garde découle d’une réalité obligée. De par leur condition même, les classes exploitées et opprimées sont souvent incapables d’entreprendre des initiatives politiques ou d’avoir la cohésion nécessaire pour les réaliser. Le parti a donc le rôle essentiel d’assurer cette cohésion à travers les luttes: «Le parti ne doit pas prétendre imposer son point de vue à la classe ouvrière. Il propose simplement et appelle les autres groupes de travailleurs à se prononcer sur celui-ci et à le discuter en commun, pour que de cette discussion sorte le programme effectif, défini et accepté en commun8».

Le syndicalisme révolutionnaire

Quand le syndicat est en concurrence avec le parti

Au début de 20e siècle se développe un courant qui s’oppose farouchement aux dérives du réformisme parlementaire ouvrier. Pour le syndicalisme révolutionnaire, aussi appelé anarcho-syndicalisme, la «représentation» conduirait inévitablement à diminuer les demandes prolétariennes. Il prône une autonomie complète des syndicats par rapport aux partis et défend le principe de l’activité concrète de la classe menée par la classe ouvrière elle-même grâce à «l’action directe»: manifestations, boycotts, grèves et prise en charge des processus de négociations avec le patronat par les assemblées de base.

Le syndicalisme révolutionnaire tire ses racines en France avec la création de la Confédération générale du travail (CGT). Un courant similaire se développe aux États-Unis avec le International Workers of the World (IWW) en 1905, et au Canada avec le One Big Union (OBU). Contrairement à l’AFL, ces derniers prônent un syndicalisme par industrie plutôt que par métier ou profession spécifique.

En France, le mouvement syndicaliste révolutionnaire organise les ouvriers professionnels des petites entreprises contre le développement de la grande entreprise. Il s’organise aussi contre le mouvement socialiste d’alors, qui subordonne les syndicats aux directives réformistes du parti. Lors de son congrès de 1906, la CGT adopte des positions révolutionnaires. Selon elle, les syndicats ont le rôle de regrouper les travailleurs les plus conscients et celui de renverser le capitalisme par la grève générale.

Le syndicalisme révolutionnaire cherche ainsi à ce que les syndicats assument l’ensemble des tâches révolutionnaires. Dans la pratique, cela se traduit par une concurrence entre les syndicats révolutionnaires et les partis ouvriers. Ces syndicats prennent le rôle de suppléance du parti révolutionnaire pour compenser l’insuffisance des partis réformistes dans la lutte contre le capitalisme.

La grande scission du mouvement ouvrier

Les illusions réformistes et «économistes» volent en éclats avec la Première Guerre mondiale. Les aristocraties ouvrières à la tête des syndicats et des partis ouvriers de la IIe Internationale aident alors leur bourgeoisie nationale à exploiter leur classe ouvrière, les populations des colonies et finalement à leur faire mener la guerre du capitalisme impérialiste. La lutte des classes se manifeste alors à l’intérieur même de ses organisations ouvrières. Le mouvement ouvrier se scinde en deux blocs entre 1919 et 1922. Les majorités réformistes demeurent dans leur parti social-démocrate (les socialistes), alors que les fractions révolutionnaires fondent leur parti communiste (les communistes). Les communistes, sous l’impulsion de Lénine et Trotsky, fondent la IIIe Internationale (l’Internationale communiste) en 1919 afin de rassembler la véritable avant-garde ouvrière révolutionnaire.

La Première Guerre mondiale engendre d’importantes conséquences économiques et sociales. De nouvelles cohortes ouvrières entrent dans les syndicats et cherchent à en faire leur arme de combat. Inspirées par l’exemple de la Révolution russe, les masses entrent dans un processus révolutionnaire dans de nombreux pays.

Cette vague révolutionnaire mondiale met le syndicalisme révolutionnaire à l’épreuve. Ce dernier sous-estime l’importance qu’a l’État dans la reproduction et la défense du système capitaliste. Sa lutte exclusivement menée au niveau des milieux de travail est vulnérable à l’intervention des appareils d’État répressifs (comme l’armée et la police), des institutions (tels les médias ou l’école) ou est tout simplement la victime du pouvoir des entreprises et de l’État sur l’économie.

Ainsi, la grève générale en France (1920) est un échec, tout comme le mouvement des conseils ouvriers en Italie, en Allemagne et en Hongrie (1919-1920). C’est aussi l’échec des grèves générales sous l’influence du IWW à Seattle (1919) et de l’OBU à Winnipeg (1919).

Les mouvements de masse combatifs sont indispensables au renversement du capitalisme. Mais comme le démontrent les exemples récents de soulèvements réussis au Soudan (2018),  au Myanmar (2021), au Sri Lanka (2022) ou au Bangladesh (2024), ils demeurent insuffisants. Il est indispensable que les éléments les plus conscients et les plus expérimentés s’organisent dans un parti révolutionnaire ouvrier et démocratique afin d’unifier les luttes et leur donner une orientation, une direction et une perspective socialiste à long terme.

Au début des années 1920, les révolutionnaires marxistes et syndicalistes tentent alors un rapprochement. Dans une lettre adressée à l’IWW, la IIIe Internationale tente de convaincre les leaders syndicalistes de rejoindre ses rangs. L’Internationale communiste défend notamment l’idée de l’État ouvrier, outil servant à donner le pouvoir aux travailleurs, et montre la nécessité de l’action politique pour les révolutionnaires. Mais l’IWW refuse.

Suite à la Première Guerre mondiale, la stratégie d’intervention des révolutionnaires dans les syndicats se bute à des politiques d’obstructions de la part des directions réformistes. Dans une volonté d’unité des forces révolutionnaires, la IIIe Internationale lance l’Internationale syndicale rouge (ISR) en 1921, sous la direction de Drizdo Losovsky. Son objectif est notamment de combattre le réformisme, non pas en détruisant les syndicats, mais en obtenant l’appui de leur base à une politique de renversement du capitalisme. L’ISR réussit à rallier parmi les meilleurs éléments syndicalistes révolutionnaires du prolétariat mondial (Alfred Rosmer, Andres Nin et Tom Mann).

La réaction ultragauchiste dans la IIIe Internationale

Les voies anti-révolutionnaires empruntées par les directions syndicales réformistes durant la période de la Première Guerre provoquent également une réaction dans les milieux ouvriers communistes. Certains veulent détruire les syndicats, créer de purs syndicats révolutionnaires ou encore remplacer les syndicats par des structures d’auto-organisation directe, comme les conseils ouvriers. Cette tendance ultragauchiste dans la IIIe Internationale, celle du «communisme de gauche», prend naissance aux Pays-Bas et en Allemagne, pays dans lequel la bureaucratie syndicale a piétiné les principes de la lutte de classe avec le plus de cynisme. Lénine pourfend leurs positions sur le syndicalisme, le parlementarisme et le Front uni dans sa brochure La maladie infantile du communisme («le gauchisme»). Cette tendance quitte l’Internationale communiste dès le début des années 1920. Elle fonde le courant «conseilliste», tel que théorisé par Anton Pannekoek en 1946 dans son livre Les conseils ouvriers.

Encore plus à gauche que les syndicalistes révolutionnaires, les conseillistes estiment que les syndicats, même ceux qui prétendent être révolutionnaires, finissent par devenir bureaucratiques et réformistes étant donné qu’ils sont intégrés dans le système capitaliste. Ils ne peuvent donc pas servir de base pour la transformation révolutionnaire de la société. Les conseillistes s’opposent aussi à l’idée du parti d’avant-garde qui guide la classe ouvrière vers la révolution. Ils croient en l’auto-émancipation des travailleurs et des travailleuses à travers des conseils ouvriers, sans intervention ou contrôle extérieur par des partis politiques centralisés.

Les conseils, les comités d’usine et les soviets ont effectivement un rôle politique déterminant à jouer durant les périodes révolutionnaires. Leur mise sur pied par la classe ouvrière devient nécessaire lorsqu’elle est massivement en lutte et se produit dans un contexte révolutionnaire. Hors d’un tel contexte, la classe ouvrière s’organise à grande échelle dans d’autres organes qu’elle contrôlent, comme les syndicats, les partis ouvriers ou les coopératives.

D’un certain point de vue, les idées pouvant être attribuées au «communisme de conseil», comme l’auto-organisation directe, ont une influence durant plusieurs grèves et moments révolutionnaires du début du 20e siècle. Toutefois, les groupes conseillistes ne sont jamais parvenus à assurer un leadership ou à avoir un quelconque impact dans un mouvement de masse depuis. Il s’agit essentiellement d’un courant intellectuel.

Pour la IIIe Internationale, qu’importe les crimes des directions syndicales ou l’orientation réactionnaire d’un syndicat, les révolutionnaires doivent rencontrer la classe ouvrière là où elle se trouve, même si elle est dans de tels syndicats. Les révolutionnaires ne peuvent pas tourner le dos aux masses ouvrières déjà organisées. Pour Losovsky, laisser le champ libre aux bureaucraties syndicales revient à dire qu’elles sont trop puissantes pour être battues. Mais c’est d’abord elles qu’il faudra renverser si l’on veut terrasser le capitalisme. Cela passe par la tentative d’influencer la tactique syndicale pour poser carrément les questions que la bureaucratie syndicale s’efforce d’escamoter. Le mot d’ordre de l’ISR est celui de conquête des masses et, par suite, des syndicats grâce à un travail de première ligne pour les revendications quotidiennes des masses ouvrières.

Le stalinisme et les syndicats

Quand le syndicat dépend du parti

Durant les années 1930, la contre-révolution stalinienne sonne le glas de l’approche révolutionnaire dans les syndicats de masse. Désormais sous direction stalinienne, l’ISR opère un virage à 180 degrés. Elle exige de ses membres leur sortie des syndicats de masse et la création de petits syndicats révolutionnaires «purs» qui épousent d’emblée un programme politique révolutionnaire. C’est la ligne ultragauchiste «Classe contre classe» qui considère les syndicats «non communistes» comme des ennemis. L’Internationale communiste stalinisée considère maintenant que les syndicats sont des organismes auxiliaires du parti, tels des courroies de transmission qui relient le parti à la classe. Cette subordination totale des organisations de masse au parti bloque les liens vivants et dynamiques qu’ils doivent entretenir. Les staliniens et staliniennes qui mènent cette approche sectaire s’aliènent de larges couches ouvrières. C’est un échec cuisant pour l’ISR qui disparaît vers 1937.

Léon Trotsky s’oppose aux tentatives de scissions devant mener à des «syndicats communistes purs». Il réaffirme la nécessité de travailler avec les masses là où elles se trouvent afin de les conquérir à l’approche révolutionnaire. Trotsky souligne que les syndicats ne peuvent avoir de programme révolutionnaire achevé considérant leurs tâches, leur composition et le caractère de leur recrutement. Ils ne peuvent donc pas remplacer le parti révolutionnaire, et vice-versa.

Les années 1930-40 voient l’essor du syndicalisme industriel. Il se développe en raison des conditions économiques de la Grande Dépression, de l’industrialisation croissante (notamment grâce aux industries de guerre) et des luttes sociales qui en découlent dans les secteurs stratégiques comme le charbon, les mines, l’acier et l’automobile.

Dans un revirement complet, cette fois opportuniste, la IIIe Internationale stalinisée appelle à réintégrer les syndicats de masse. C’est l’approche du Front populaire (1935-1939) et de la collaboration avec les réformistes et les libéraux. Les communistes staliniens ont un impact positif, notamment grâce aux réunifications syndicales et à leurs campagnes de syndicalisation massive. Le travail politique est toutefois abandonné au bénéfice d’une lutte visant à occuper les postes de direction syndicale contre les équipes jugées réformistes. C’est que les communistes inféodés à Moscou n’ont plus la tâche d’organiser la révolution dans leur propre pays. Le socialisme doit se construire d’abord et avant tout en Union soviétique. C’est le triomphe de la théorie du «socialisme dans un seul pays». L’influence des partis communistes sert désormais de rapport de force pour la politique étrangère de Moscou. En 1943, Staline dissout la IIIe Internationale en signe de concession aux puissances capitalistes.

L’intégration des syndicats au pouvoir d’État

Le développement massif du syndicalisme industriel change le rapport de force en faveur de la classe ouvrière. Pour les capitalistes et leur élites politiques, il s’agit alors moins de briser le syndicalisme que de le contrôler. Trotsky souligne le rapprochement et «l’intégration» de plus en plus forte des syndicats au pouvoir d’État. Par exemple, les relations de travail sont codifiées grâce aux lois du travail. En Amérique du Nord, la bourgeoisie, éprouvée par la crise des années 1930 et la montée des grèves de masse, souhaite réduire la violence des conflits de travail et regagner le vote ouvrier. Un système de relations de travail très complexe est institué aux États-Unis à partir des années 1930. Le Canada en adopte ses principaux éléments à partir des années 1940. La bourgeoisie reconnaît légalement les syndicats comme interlocuteurs, mais cadre leur marge de manœuvre légale.

Le système légal du droit du travail, bien que garantissant une plus grande résilience des organisations syndicales aux assauts du patronat, contribue grandement à institutionnaliser le mouvement syndical et à l’enfermer dans un rôle de régulateur social. Par exemple, les grèves politiques9 ou encore le financement direct de partis politiques par les syndicats est interdit au Québec. Le droit de grève est protégé par le code du travail, mais son exercice est lourdement encadré.

Le patronat se sert de plus en plus de l’État bourgeois pour défendre ses intérêts. Les bureaucraties syndicales réformistes adaptent leurs stratégies et coopèrent elles aussi davantage avec l’État. Mais cette coopération s’effectue aussi pour garantir la position privilégiée de l’aristocratie ouvrière dans le système capitaliste. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, les bureaucraties syndicales réformistes, puis staliniennes, appuient l’envoi de travailleurs au front. Elles vont jusqu’à défendre des baisses de salaire et promouvoir l’interdiction de la grève durant cette période. Elles lient alors le bien-être de leur classe ouvrière à celui de leur classe capitaliste nationale.

Pour que les syndicats puissent jouer leur rôle économique et politique élémentaire, il est nécessaire de lutter pour une indépendance d’action des syndicats vis-à-vis de l’État, de ses institutions et de celles du patronat. Pour Trotsky, il s’agit d’une «lutte implacable contre toutes les tentatives de soumettre les syndicats à l’Etat bourgeois et de lier le prolétariat par “l’arbitrage obligatoire” et toutes les autres formes d’intervention policière, non seulement fascistes, mais aussi “démocratiques”10».

Démocratie syndicale et mouvements de masses

L’indépendance des syndicats de l’État bourgeois ne peut être maintenue qu’à travers la lutte pour la démocratie à l’intérieur même des syndicats. Les bureaucraties conservatrices ne confrontent pas l’État avec des appels à la désobéissance civile, à la grève illégale ou à la défiance d’injonctions de la Cour. En revanche, lorsque la situation l’exige, les syndiqué⋅es de la base n’hésitent pas à aller jusqu’au bout pour gagner. La classe ouvrière a besoin de s’organiser démocratiquement pour être combative. Les nécessités de la lutte peuvent pousser la base à déborder les structures syndicales trop restreintes ou les mots d’ordre étroits des bureaucraties.

Lors de périodes d’essor révolutionnaire exceptionnel, «les larges masses de la classe ouvrière sont entraînées dans la lutte, explique Trotsky. Ces masses créent spontanément des organismes distincts des syndicats: Comité de grève, Comités d’usines, Soviet». C’est la raison pour laquelle, en période révolutionnaire, les marxistes accordent un intérêt particulier aux organismes de lutte autonomes des masses. Ces derniers peuvent dépasser les limites de la lutte syndicale, vaincre l’opposition des bureaucraties syndicales et devenir des «états-majors» dans le combat révolutionnaire.

Les marxistes révolutionnaires ont l’exemple éclatant de la Révolution russe de 1917 pour démontrer cette approche. À plus petite échelle, les trotskystes du Socialist Workers Party (SWP) ont changé l’histoire des États-Unis en dirigeant avec succès la grève des Teamsters de Minneapolis, en 1934. Dans un contexte de défaites de la classe ouvrière et de faible taux de syndicalisation, les trotskystes ont organisé massivement les camionneurs et les employés d’entrepôt de la ville. Leurs grèves militantes ont galvanisé l’ensemble des travailleurs de Minneapolis et polarisé la ville en deux camps de classe opposés. Après une série de violents affrontements avec la police et des milices anti-syndicales, les grévistes ont obtenu une reconnaissance syndicale et de meilleures conditions de travail. Cette victoire, en plus des deux autres menées par des socialistes en 1934 (Toledo, San Francisco), a ouvert la voie à un soulèvement historique de la classe ouvrière les dix années suivantes. Cela a conduit, en 1937, à l’émergence du puissant Congress of Industrial Organizations (CIO) et au développement du syndicalisme industriel.

L’approche des Teamsters de Minneapolis de 1934 constitue un exemple de la manière dont un syndicat solide contrôlé par la base et muni d’une direction marxistes révolutionnaire peut obtenir le soutien des masses et gagner des victoires décisives. Mais les événements de 1934 sont loin d’être les seuls moments historiques où les idées marxistes révolutionnaires ont prouvé être les guides les plus efficaces pour que le mouvement ouvrier remporte des victoires.

En 1938, les marxistes révolutionnaires rompent définitivement avec la IIIe Internationale de Staline et fondent la IVe Internationale. Les «trotskystes», comme ils et elles sont surnommées, reprennent l’approche révolutionnaire d’intervention dans les syndicats.

L’approche trotskiste après la Deuxième Guerre mondiale

Suite à la Deuxième Guerre mondiale, le boom économique et la croissance des années 1950 et 1960 entraîne la création d’emplois et la hausse des effectifs syndicaux. La croissance s’effectue notamment dans des secteurs déjà syndiqués.

La période de prospérité capitaliste permet aux luttes syndicales de se développer. Les batailles des organisations ouvrières sous direction réformistes et staliniennes réussissent à obtenir de grandes concessions de la part du patronat et de son État, en échange de la «paix industrielle». C’est la période du «compromis fordiste». Ce compromis vise à créer un équilibre entre production, consommation et régulation des conflits sociaux à travers des relations «harmonieuses» entre les syndicats, les entreprises et l’État.

Avec la dissolution de la IIIe Internationale en 1943 et le fait que la IIe Internationale organise ces forces selon des intérêts libéraux, le mouvement ouvrier et socialiste n’est plus structuré massivement en Internationale. Mais le contexte des Trente glorieuses (les années 1945-1975) permet aux marxistes révolutionnaires, bien que marginaux, d’affirmer la supériorité de leur approche face à celle de la collaboration de classe.

Les trotskystes mènent alors de grandes grèves ainsi que des mouvements de masse partout dans le monde. En France, les trotskystes dirigent notamment les grèves victorieuses des métallos de Renault (1947), des mineurs de La Roya (1948), des conducteurs de tramways de Saint-Brieuc (1950) et des postiers (1953).

Au Sri Lanka, le Lanka Sama Samaja Party (LSSP) joue un rôle clé dans la lutte pour l’indépendance du pays (1948), puis dans la grève victorieuse de l’enseignement (1953). Cela lui permet de devenir l’un des plus grands partis trotskiste du monde, avec plusieurs milliers de membres.

La Bolivie est un autre pays où le trotskysme exerce une influence politique significative. Les leaders du Partido Obrero Revolucionario (POR) jouent un rôle central dans la formation et la direction de la Central Obrera Boliviana (1952) ainsi que dans les syndicats de mineurs. Durant la révolution bolivienne de 1952, les mineurs jouent un rôle crucial dans la nationalisation des mines d’étain, la principale ressource du pays, et dans la création de milices ouvrières. Durant le régime militaire de Hugo Banzer, le POR et les mineurs organisent une grève générale brutalement réprimée en 1971. Cette dernière permet néanmoins aux mouvements syndicaux et populaires de renaître dans les années 1980.

Au Québec, les trotskystes dirigent la grève illégale des travailleurs et travailleuses du transport de Montréal en 1974. Le syndicat exige l’indexation des salaires au coût de la vie en cette période d’inflation. La résistance des syndiqué∙es face aux suspensions, aux amendes et aux injonctions inspire de nombreux autres syndicats à lutter pour gagner. La combativité des syndiqué∙es et la mobilisation organisée autour de leur combat font reculer le pouvoir judiciaire et le gouvernement provincial. Cette victoire a un impact puissant dans l’ensemble du mouvement ouvrier québécois. Le gouvernement péquiste en est conscient et tente de briser le syndicat durant un bras de fer légal qui dure une décennie. Il est ponctué de peines de prison, de congédiements, de mise en tutelle du syndicat et d’amendes salées, mais aussi de grèves unitaires victorieuses, d’un vaste mouvement d’appui et d’une défiance de la loi spéciale de 1982.

L’approche mao-stalinienne

Durant les années 1960, la croissance économique des années d’après-guerre commence à ralentir. L’inflation et la hausse du prix du carburant exacerbent les inégalités sociales. L’automatisation et les avancées technologiques transforment le marché du travail et entraînent la perte d’emplois stables et bien rémunérés. Afin de rediriger l’argent public vers le privé, les partis politiques capitalistes instaurent des politiques d’austérité et réduisent les protections sociales.

Ces facteurs combinés produisent une résurgence de la lutte des classes vers la moitié des années 1960. Elle s’exprime notamment par la hausse des effectifs syndicaux et le renforcement des partis à base ouvrière (socialiste, social-démocrate, travailliste). Dans les sociétés occidentales, ces partis accèdent au pouvoir, deviennent de véritables institutions et contribuent à reconstruire leur pays. La production et la consommation de masse sont soutenues par leurs politiques économiques interventionnistes. Ces partis ouvriers ont un rôle gouvernemental d’intermédiaire social, c’est-à-dire de médiation entre les intérêts des classes, plutôt qu’un rôle de «gouvernement ouvrier» révolutionnaire. Malgré ce caractère réformiste, ces partis sont considérés comme «ouvriers». Pour Trotsky, la nature sociale d’une organisation ouvrière relève ultimement de son rôle dans la répartition des ressources du produit national entre les classes11.

À partir des années 1970, les États dérèglementent le monde de la finance afin de permettre aux multinationales d’atteindre de nouveaux marchés. On assiste à une intensification des flux de capitaux internationaux et à la croissance des investissements directs à l’étranger. Avec les crises économiques et pétrolières, ainsi qu’avec la récession du début des années 1980, le compromis fordiste s’effrite davantage.

Durant les années 1970, le Québec est secoué par les plus puissantes grèves et actions ouvrières de son histoire. À travers les luttes contre l’oppression nationale et l’exploitation capitaliste, toute une couche de travailleurs et de travailleuses prend conscience de son identité de classe. Les méthodes militantes radicales prouvent dans la pratique être les plus efficaces pour faire des gains. Toutefois, sans parti ouvrier pour sécuriser ces victoires, elles demeureront partielles et constamment sous attaque.

C’est durant cette période d’instabilité sociale et d’absence de parti ouvrier qu’apparaissent au Québec de nombreux groupuscules «marxistes-léninistes» se réclamant de la «pensée Mao Tsé-toung», tel EN LUTTE! (1972-82) et le Parti communiste ouvrier (1975-83). Ces groupes maoïstes sont authentiquement staliniens, autant dans leur méthodes d’organisation que dans leurs positions politiques. Ils adhèrent notamment à la «théorie des trois mondes», une théorie qui n’aborde plus la politique globale en termes de classes, mais bien de pays. Elle prône une alliance entre les pays du tiers-monde et du «second monde» (tels la France, l’Allemagne ou le Canada), toutes classes confondues, contre les deux superpuissances que sont les États-Unis et l’URSS.

Les groupes mao-staliniens défendent un «syndicalisme de lutte de classe». Leur approche idéaliste de la lutte s’avère être tantôt maximaliste (éterniser les conflits de manière à démontrer l’incapacité du système capitaliste à répondre aux revendications ouvrières), tantôt minimalistes (réaliser un travail syndical apolitique strictement limité au milieu de travail). Leur tâche principale consiste à recruter des membres par la «lutte idéologique» (l’agitation et la propagande), ce qui est un succès dans une conjoncture québécoise où n’existe aucun parti ouvrier. Les maoïstes propagent leurs idées de manière soutenue aux portes des usines, lors des piquets de grèves et des manifestations, principalement en distribuant leurs journaux.

Ces organisations considèrent les syndicats comme des courroies de transmission du parti. Les maoïstes passent d’abord par une phase de travail de substitution aux organisations syndicales (création de comités parallèles) et de dénonciation des appareils syndicaux. Face à l’échec de cette tactique, leur stratégie principale consiste désormais à noyauter des dizaines de postes élus dans les syndicats locaux comme tremplin vers les instances supérieures, toujours pour y réaliser leur propagande idéaliste.

À la fin des années 1970, les maoïstes regroupent des milliers de membres, dont des centaines dans les syndicats. Les groupes mao-staliniens réussissent à s’implanter et à donner une grande visibilité à leurs idées dans le mouvement syndical. Les maoïstes sont alors reconnus comme des militants et des militantes infatigables.

Les maoïstes participent de manière concrète et dynamique aux luttes syndicales. Comme syndicalistes de gauche, les maoïstes dirigent des grèves locales (légales ou non), des occupations et des campagnes de sensibilisation qui s’avèrent parfois victorieuses. Certains gains locaux seront même inédits, comme la clause de refus d’exécution d’un travail jugé dangereux. Toutefois, les maoïstes s’aliènent de larges pans du mouvement ouvrier, de la base à la direction, avec leur tactiques tantôt sectaires, tantôt opportunistes. Ces groupes ne parviennent pas à orienter la marche générale des organisations syndicales ni à obtenir des victoires significatives pour la classe ouvrière.

Sur le plan politique, les maoïstes s’opposent farouchement à la création d’un parti ouvrier large. Ces groupes luttent côte-à-côte avec les bureaucraties syndicales conservatrices et les nationalistes péquistes contre ce projet. Chaque groupe mao-stalinien prétend être le seul authentique parti de la classe ouvrière. Il ne suffit pour eux que de recruter dans leurs propres rangs pour bâtir le parti du prolétariat.

À peine dix ans après leur création, les principaux groupes maoïstes du Québec se dissolvent sous le poids de leurs propres contradictions (absence de démocratie, emprise du féminisme) et de la conjoncture (crise économique et reflux de la lutte nationale).

La pertinence sociale d’un parti révolutionnaire ne relève pas uniquement de ses proclamations radicales ou de son programme théorique. Il doit avoir un rôle effectif dans la constitution et l’expression d’un mouvement de classe ouvrier distinct et être son instrument et lieu de débats. Un parti révolutionnaire doit être le cadre réel d’unification de la classe.

Le «syndicalisme de combat»

En 1977, le québécois Jean-Marc Piotte publie un recueil intitulé Le syndicalisme de combat, notamment inspiré par les idées de Mao et de Gramsci. Il a une influence parmi les syndicalistes radicaux de l’époque. Piotte y classe les syndicats en trois catégories fixes: syndicats de boutique, syndicats d’affaires et syndicats de combat12. Seuls certains syndicats CSN de l’enseignement et de la fonction publique se qualifient au syndicalisme de combat, alors que les syndicats ouvriers de la FTQ sont disqualifiés. Comme la théorie maoïste des trois mondes, cette démarche métaphysique envisage les syndicats dans leur fixité, à l’opposé de la méthode dialectique qui les conçoit dans leur mouvement et leur changement.

Piotte reprend à son compte la conception gauchiste des groupes mao-staliniens selon laquelle les syndicats ont pour fonction «d’intégrer les travailleurs à l’ordre établi». Dans son ouvrage sur la pensée politique de Jean-Marc Piotte, le trotskyste Louis Gill souligne que les syndicats sont des organisations de classe sans cesse traversées par des tendances en lutte. Parfois, il tombent sous la domination de direction pro-patronale qui prône la conciliation, le partenariat et règnent par l’absence de démocratie. C’est pourquoi la lutte des travailleurs et des travailleuses pour la conquête du contrôle démocratique de leur syndicat est essentielle pour affirmer leur vraie fonction d’organisme de défense de la classe ouvrière.

En plus de méconnaître l’histoire des luttes ouvrières du 20e siècle, l’approche de Piotte place «l’idéologie» d’un syndicat comme sa caractéristique principale. Selon Gill:

l’adhésion préalable à une idéologie anticapitaliste, acquise par exemple par une formation théorique venue de l’extérieur de la lutte (démarche idéaliste parce qu’elle confère la primauté à l’idée), ne constitue d’aucune manière un critère de catégorisation d’une action syndicale comme relevant d’un syndicalisme «de combat». C’est la lutte elle-même (démarche matérialiste parce qu’elle confère la primauté à l’expérience concrète) qui amènera les travailleurs à prendre conscience des limites de l’action syndicale, de la nécessité de l’action politique et de la construction d’un parti indépendant, contrôlé par eux et voué à la défense de leurs intérêts, pour aller au-delà du capitalisme13.

Pour les marxistes révolutionnaires, la marche de la classe ouvrière vers son émancipation procède de l’expérience concrète. La conscience de la classe ouvrière se forme à travers l’assimilation des enseignements de la lutte des classes. Le rôle des marxistes révolutionnaires est d’aider ce processus. Pour Gill, «l’émancipation de la classe ouvrière n’est pas le résultat d’un combat entre idéologies, elle est un mouvement pratique qui a pour fondement sa situation matérielle et la lutte concrète pour l’améliorer14

Au début des années 1980, sous l’Angleterre de Margaret Thatcher, les trotskystes de la tendance Militant dans le Labor Party montrent la voie à suivre dans la lutte contre l’austérité néolibérale. En 1983, six membres Labor Militant sont élus au conseil municipal de Liverpool sur lequel les travaillistes ont la majorité. Ces membres jouent un rôle important dans la grève victorieuse des transports de la ville en organisant une résistance contre les coupes budgétaires. Le rapport de force du conseil municipal repose sur l’organisation militante de comités intersyndicaux et d’assemblées des groupes populaires de la ville, qui participent à mettre sur pied les grèves générales des employé∙es du secteur public. Grâce à ce rapport de force, le conseil municipal réussit à geler les loyers pendant cinq ans, faire construire et rénover des milliers d’habitations, des garderies, des parcs, des centres sportifs et des écoles en plus de créer des milliers d’emplois. Liverpool devient un bastion de la résistance contre les politiques de Thatcher. Militant organise ensuite la résistance à la Poll tax à la fin des années 1980, la bataille décisive qui entraînera la chute de Thatcher.

Le «partenariat social»

Le syndicalisme à l’époque du néolibéralisme

À partir des années 1980, la globalisation s’accélère avec l’adoption de politiques économiques néolibérales dans de nombreux pays. Les accords de libre-échange et la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995 permettent une libéralisation accrue du commerce international et des investissements. Avec la chute du bloc soviétique, l’ouverture des marchés des ex républiques socialistes et de la Chine libéralisée intègrent des milliards de personnes dans l’économie mondiale capitaliste.

Dans les pays capitalistes développés, la mondialisation économique permet aux entreprises de réduire leurs coûts de production en délocalisant ou en adoptant des modes de production plus flexibles. La composition de la classe ouvrière internationale change en termes géographiques et en termes de genre. L’emploi précaire féminin devient crucial pour les exportations des zones de l’Asie du Sud Est. Les femmes sont aussi de plus en plus présentes sur le marché du travail des pays capitalistes développés. Elles deviennent majoritaires dans les emplois précaires et moins bien payés.

Les gouvernements néo-conservateurs des pays occidentaux passent à l’offensive en brisant des grèves, en promulguant des lois anti-syndicales et en appliquant des mesures de répression intenses. En réaction, de nombreux partis traditionnels de la classe ouvrière sont réélus à la tête des gouvernements. Ces partis, pour la plupart issus de la IIe Internationale, sont désormais dans un processus d’extinction accéléré de leur caractère ouvrier. Ils ne sont plus le lieu et le mécanisme de formation de l’identité de classe du salariat et des secteurs dépossédés. Les positions, le poids et la place que ces partis ont acquis dans les sociétés libérales ont paradoxalement renforcé ce processus.

Contre les intérêts de leur propre base et de la classe ouvrière en général, les directions de ces partis s’adaptent aux exigences du capitalisme. Elles expulsent leurs ailes marxistes et changent leurs programmes pour refléter la «3e voie» anglaise ou le «nouveau centre» allemand, c’est-à-dire un compromis entre le libéralisme et l’économie planifiée. Lors de leur passage aux commandes des gouvernements, ces partis se substituent aux partis libéraux. Ils adoptent des politiques de déréglementation, de privatisation et de démantèlement du secteur public qui raffermit le pouvoir des entreprises privées sur l’État. Les mouvements de masse de la seconde moitié des années 1980 n’entraînent pas de relance des partis ouvriers traditionnels, et s’organisent souvent contre les gouvernements que forment ces mêmes partis.

Une période de reflux des luttes économiques, de recul idéologique majeur et d’affaiblissement des organisations de la classe ouvrière bat son plein. Face au chômage, les syndicats luttent désormais pour l’emploi dans le cadre du «partenariat social», c’est-à-dire de la concertation entre les acteurs sociaux. Il s’agit de «concilier» les intérêts des syndicats, du patronat et parfois du gouvernement, pour en arriver à un «compromis», toujours en faveur du libre marché.

Dans les années 1990, la délocalisation des entreprises entraîne une baisse des effectifs syndicaux, notamment parce que les secteurs en chute libre, le manufacturier et l’industrie lourde, sont parmi les plus syndiqués. Cette période est caractérisée par la faible contre-attaque du mouvement ouvrier, sauf dans des endroits où le syndicalisme se consolide, comme en Corée du Sud. Des batailles syndicales et sociales se développent toutefois contre les traités de libre-échange, mais échouent.

Plutôt que d’opter pour les méthodes militantes ayant fait leur preuve durant les décennies précédentes, certaines directions syndicales se résignent à faire pression sur les partis traditionnels et les institutions mondiales comme l’Organisation internationale du Travail dans l’espoir de les voir légiférer en leur faveur. D’autres rompent leurs liens avec les partis ouvriers devenus pleinement bourgeois.

La syndicalisation des nouvelles et des nouveaux travailleurs des pays «moins développés» n’est pas une priorité pour les grandes organisations syndicales occidentales. Pourtant, la pratique d’un syndicalisme global n’a jamais été aussi pertinente pour améliorer le rapport de force de la classe ouvrière. En effet, la mondialisation crée les conditions pour organiser globalement le secteur des services concentré dans les grandes villes (par exemple l’entretien, la sécurité, les aéroports ou les hôtels).

Les bureaucraties syndicales, de plus en plus déconnectées de leur base, se résignent aux logiques du néolibéralisme et intègrent même l’activité spéculative du marché boursier. Elles adoptent les pires stratégies de collaboration de classe, par exemple la participation à la politique gouvernementale du «déficit zéro» au Québec ou la mise sur pied de fonds d’investissements.

La faiblesse des luttes ouvrières de masse entraîne une chute de la conscience qu’ont les travailleuses et les travailleurs d’appartenir à une classe sociale à part entière. La bourgeoisie et les forces réformistes assimilent leurs propres intérêts à ceux de la classe ouvrière grâce à des alliances identitaires (religieuses, nationales ou ethniques, par exemple). Ces stratégies divisives ont l’avantage d’exclure certains groupes sociaux pour en faire les bouc-émissaires des problèmes causés par le capitalisme. L’extrême-droite fait des gains dans les milieux ouvriers, notamment grâce à des discours racistes qui associent chômage, violence et insécurité à immigration.

Mouvements sociaux et nouvelles formations de gauche

Trente ans après le début des politiques néolibérales, le Capital continue de se concentrer entre les mains de multinationales toujours moins nombreuses. Dans les pays développés, la création d’emplois précaires et atypiques (travail à temps partiel, temporaire ou autonome) est l’un des moyens principaux pour y arriver. Le recours au travail temporaire de personnes migrantes, qui ne disposent pas des mêmes droits que les personnes citoyennes, est aussi en développement. Dans les pays en développement, le secteur du travail informel15 connaît une énorme expansion.

La flexibilité imposée aux milieux de travail par le patronat et ses gouvernements affecte à la baisse la rémunération et l’accès aux protections sociales. La main-d’œuvre est de plus en plus diversifiée, mobile et elle est employée sur des marchés du travail toujours plus segmentés. Les syndicats nourrissent peu d’intérêt à organiser cette périphérie du marché du travail, malgré la chute continue des taux de syndicalisation.

Les années 2000 voient le développement de nombreux mouvements sociaux importants (par exemple anti-guerre, étudiants, femmes). Si les mouvements sociaux ont un rôle positif à jouer dans la recomposition des mouvements revendicatifs de masse, ils ne peuvent cependant pas se substituer au mouvement syndical. Le rapport social déterminant dans la société capitaliste demeure celui de l’activité de travail, dont la principale composante est le salariat. Or, de nombreuses directions syndicales adhérent à la vision revendicative des mouvements sociaux pour mieux leur sous-traiter leur propres luttes sociales et politiques.

Face au vide représentatif laissé par les politiques néolibérales des partis ouvriers traditionnels, des couches d’activistes et d’universitaires issues des mouvements sociaux mettent sur pied de nouvelles formations larges de gauche (Rifoudazione Communista en Italie, DIE LINKE en Allemagne, SYRIZA en Grèce, PODEMOS en Espagne ou Québec solidaire au Québec). Parfois, des couches de syndicalistes de gauche jouent un rôle dans cette nouvelle configuration des luttes anti-capitalistes, notamment dans la restructuration de partis déjà existants comme le Parti des travailleurs au Brésil ou le Parti du travail de Belgique.

Ces partis de gauche rompent ouvertement avec le discours et l’approche de classe des partis qui tirent leurs racines dans la IIe ou la IIIe Internationale. Les nouvelles formations de gauche s’affichent parfois comme anticapitalistes, mais rarement comme socialistes. Elles sont parcourues par différentes tendances animées essentiellement par des éléments petits-bourgeois. Ces derniers finissent par se hisser à tête de ces formations et à orienter leur programme politique. En conséquence, et de manière générale, la participation des formations de gauche aux luttes ouvrières est très limitée, tout comme leur implantation dans la classe ouvrière.

De son côté, le mouvement syndical demeure l’allié des partis ouvriers traditionnels embourgeoisés. Ces partis cherchent de plus en plus à élargir leurs bases électorales ainsi qu’à obtenir du financement du milieu des affaires. Cela les amène à courtiser les classes intermédiaires et bourgeoises avec des politiques anti-ouvrières en faveur des entreprises privées.

Durant les années 2010, le phénomène des nouvelles formations de gauche s’observe aussi avec la montée en popularité des organisations autour de Bernie Sanders aux États-Unis (dans le Parti démocrate), de Jeremy Corbyn en Angleterre (dans le Parti travailliste) et de Jean-Luc Mélenchon en France (avec la France Insoumise).

Suite à la crise financière de 2007-08, les gouvernements mettent en œuvre des programmes de relance économique et de sauvetage d’établissements financiers et de grandes entreprises. Cette situation engendre un endettement public accru, alors que les recettes publiques sont déjà diminuées par les politiques de réduction d’impôts des plus riches et des entreprises. Les banques sauvées, souvent «trop grosses pour faillir» (too big to fail) demeurent entre les mains du privé. En définitive, les inégalités économiques augmentent partout et atteignent de nouveaux sommets.

Durant les années 2010, les gouvernements adoptent des plans d’austérité draconiens pour «rassurer les marchés». Les services publics sont sévèrement attaqués. Le chômage est en hausse et le pouvoir d’achat de la classe ouvrière est en baisse. De grands mouvements de protestations émergent contre la vie chère et les privilèges du «1%», dont Occupy et ceux du Printemps arabe.

Les formations de gauche bénéficient d’un appui électoral suffisant pour être catapultés dans l’opposition officielle, voire même au pouvoir. Bien qu’elle demeure embryonnaire dans la société, la conscience de classe se développe chez des millions de personnes. Mise à l’épreuve, les formations de gauche échouent à offrir un programme politique adéquat, un cadre d’organisation des luttes ouvrières ainsi que des liens organiques avec de larges pans de la classe ouvrière. Leur approche de compromission avec la classe dirigeante relève davantage d’un populisme de gauche ou d’un radicalisme libéral que d’une politique de classe. L’intervention des marxistes révolutionnaires dans ces formations et le développement d’ailes ouvrières en leur sein sont insuffisantes pour que ces partis dépassent leurs contradictions et se transforment en véritable parti de masse des travailleurs et des travailleuses doté d’un programme socialiste.

Le regain des luttes des années 2020

Au début des années 2020, les tentatives pour relancer l’économie mondiale en relative stagnation plongent le capitalisme dans une série de crises: pandémique, climatique, économique, politique, sociale et militaire. La crise des chaînes d’approvisionnement durant la pandémie, puis l’accentuation des conflits inter-impérialistes entraînent une forte inflation et une perte du pouvoir d’achat. Pour les capitalistes, la globalisation est de moins en moins une manière sûre de garantir les taux de profits. L’économie mondiale entre dans une logique inverse à celle de la mondialisation. Une nouvelle période de protectionnisme s’exprime par le retour des tarifs douaniers et les investissements étatiques gigantesques dans des projets privés locaux. Ce nationalisme économique donne lieu à une tendance à la «ré-localisation» (reshoring) de la production manufacturière dans le pays d’origine.

En conséquence, des millions de personnes à travers le monde, en particulier des femmes, sont plongées dans la lutte contre l’inflation et la dégradation de leur qualité de vie. Plusieurs soulèvements populaires font tomber des gouvernements autoritaires en Afrique (Soudan) et d’autres en Asie (Sri Lanka, Myanmar, Bangladesh) qui sont derrière la spoliation impérialiste de leur propre pays.

Le nombre de grèves est en hausse dans de nombreux pays de l’Ouest, malgré le rôle de frein que jouent, la plupart du temps, les directions syndicales. Dans le secteur privé, les travailleurs et les travailleuses en grève réussissent généralement à obtenir des améliorations importantes de leurs conditions de travail, comparés aux décennies précédentes. Dans certaines grèves importantes, la base syndicale se met en action contre l’avis des directions conservatrices. Dans de grands syndicats, les directions conservatrices sont remplacées par des équipes plus militantes.

En Amérique du Nord, une nouvelle génération de personnes se tourne vers le syndicalisme comme forme de militantisme étant donné qu’aucun retour à la prospérité économique n’est en vue pour la classe travailleuse. Des initiatives parfois spontanées, parfois organisées par les syndicats, visent à syndiquer des secteurs d’emploi précaires où les jeunes sont souvent en prédominance (cafés, jeux vidéos, logistique). Dans le secteur public, par contre, l’État employeur a recours à des mesures de répression de plus en plus autoritaires pour briser les grèves et maintenir l’austérité.

La détermination des syndicats à obtenir des gains dépend de la dynamique entre leur leadership et leur base. La résurgence d’un syndicalisme plus combatif, en particulier aux États-Unis, découle de la pression exercée par les syndiqué⋅es radicalisé⋅es par les changements drastiques dans leur qualité de vie. Il existe désormais toute une couche de syndicalistes de gauche qui offre un discours de lutte de classe et propose d’opter pour des tactiques d’action directe comme la grève. Cela est définitivement un pas dans la bonne direction.

L’accroissement constant des inégalités pousse de larges couches de la population à chercher des solutions politiques alternatives aux partis traditionnels, à gauche comme à droite. Cette polarisation politique engendre l’effritement des partis traditionnels, autant en termes de base sociale que d’appui électoral. La perte de confiance des travailleurs et des travailleuses envers les partis réformistes et «modérés» s’exprime notamment par des taux d’abstention électorale élevés. Il s’exprime aussi par un vote ouvrier fort pour les partis de droite et d’extrême droite. Cette période d’instabilité politique voit parfois les partis traditionnels regagner des voix et des élections. Mais ce soutien électoral découle davantage d’une tactique de «vote stratégique» consistant à voter pour une candidature jugée moins prompte à imposer un agenda d’attaques sur la classe ouvrière que d’une confiance envers ces partis pour organiser des mouvements de lutte. Les partis traditionnels sont remplacés par de nouvelles formations populistes de droite, et parfois de gauche (surtout en Amérique latine), qui prennent le pouvoir rapidement.

Les classes capitalistes changent leur allégeance politique pour appuyer ces nouveaux partis afin de garantir leurs profits durant ces temps incertains. Les nouveaux partis de droite développent un discours qui allie insécurité et immigration. Ce discours de bouc-émissaire résonne parmi les classes travailleuses et populaires qui voient leurs conditions de vie dégringoler. Le fait que les grands syndicats maintiennent coûte que coûte leur alliance avec les partis modérés capitalistes amène également de l’eau au moulin de l’extrême droite.

L’approche révolutionnaire aujourd’hui

Pourquoi réinventer la roue?

La majorité des syndicalistes de gauche d’aujourd’hui tentent de reconstruire un mouvement syndical combatif à l’aide des «bons modèles» d’organisation et des «meilleures pratiques». Or, le syndicalisme a ses limites, même s’il est «combatif», «renouvelé» ou qu’il prône la «transformation sociale» ou même la «lutte des classes». Par exemple, même si les syndicats se radicalisent et adoptent une approche de lutte de classes, cela ne sera pas suffisant pour faire une percée majeure dans les taux de syndicalisation. Le seul facteur qui permettrait une telle percée serait la résurgence du mouvement révolutionnaire.

De manière similaire aux années 1930, l’émergence d’une approche révolutionnaire viendrait lier les luttes syndicales aux autres luttes en cours dans la société. Lorsque les syndicats reprennent les revendications spécifiques des mouvements sociaux en lutte, et que les mouvements sociaux de masse participent aux batailles syndicales, la classe ouvrière est en mesure d’arracher de sérieuses réformes aux capitalistes. Mais attention, ces réformes sont concédées par les capitalistes pour calmer les mouvements de masse et les démobiliser avant qu’ils ne s’attaquent à la racine du problème, c’est-à-dire au pouvoir politique des capitalistes.

Une approche révolutionnaire marxiste est nécessaire pour dépasser l’attitude strictement «économiste» des directions syndicales actuelles. Par exemple, la direction du Front commun 2023-24 a mené toute sa campagne pour de meilleures conditions de travail dans le secteur public, sans jamais faire de liens avec la nécessité, pour y arriver, de se débarrasser du gouvernement Legault. Une direction syndicale qui défend la classe ouvrière dans son entièreté aurait saisi l’opportunité d’argumenter pour la construction d’une force politique autonome de la classe ouvrière, seule capable de gérer les services publics dans son propre intérêt. Une organisation ouvrière de masse comme le Front commun détenait la puissance qui lui aurait permis de faire tomber le gouvernement. Ce qui fait défaut au mouvement ouvrier, ce n’est pas ses moyens ou son potentiel, mais bien le niveau de conscience politique requit pour réaliser la tâche historique devant lui.

Le mouvement syndical est enfermé dans une approche réformiste qui tente d’obtenir «la meilleure entente» au moindre coût, tout en remettant à la «prochaine négo» l’affrontement direct avec l’État. Le mouvement syndical a désespérément besoin de membres formé⋅es par les luttes d’actions directes, qui partagent une vision politique révolutionnaire ainsi que d’une direction en mesure de guider ces luttes jusqu’au bout. La base syndicale commence à réapprendre les leçons de la lutte des classes en affrontant le patronat de plus en plus souvent et avec plus d’intensité. Davantage de gens arrivent à des conclusions anticapitalistes. Mais assiste-t-on a des bons dans la conscience de classe? Et dans quel secteur les luttes risquent-t-elles d’exploser? Voilà des questions centrales pour les marxistes révolutionnaires.

Le rôle des marxistes: la double tâche

Le concept de la «double tâche» a été développé au milieu des années 1990 par la section britannique du Comité pour une international ouvrière (CIO), durant la période de recul idéologique et d’affaiblissement des organisations ouvrières. Cette situation faisait suite à l’effondrement du stalinisme ainsi qu’à l’abandon par la social-démocratie de la défense des intérêts des travailleuses et des travailleurs. Les organisations ouvrières devaient dès lors être reconstruites. La double tâche postule que le travail des révolutionnaires n’est pas simplement de construire leur propre organisation, mais aussi d’aider l’ensemble de la classe ouvrière à reconstruire sa propre force politique et économique.

La double tâche correspond aux deux formes de conscience politique:

  • Élever la conscience de classe chez la classe ouvrière, en particulier à travers l’intervention dans ses luttes et ses organisations (la conscience économique);
  • Construire un noyau solide de cadres marxistes, c’est-à-dire l’ISA (la conscience révolutionnaire).

L’expérience de la lutte de masse est cruciale pour développer une conscience économique, c’est-à-dire une conscience du rôle économique joué par la classe ouvrière dans l’économie capitaliste. Quant à lui, l’apport d’un parti révolutionnaire dans les luttes est irremplaçable pour développer la conscience révolutionnaire, c’est-à-dire la conscience du rôle politique joué par la classe ouvrière dans le système capitaliste.

La dynamique de la double tâche peut être représentée par trois rouages de tailles différentes. Le parti révolutionnaire est un petit rouage qui fait tourner le moyen rouage des couches de travailleuses, de travailleurs et de jeunes qui luttent activement. À son tour, ce moyen rouage a pour rôle de faire tourner le plus grand des trois rouages, celui de la classe ouvrière et des masses opprimées, en les précipitant dans l’action. Les bolcheviks disposaient des soviets comme moyen rouage. Les révolutionnaires marxistes, pendant la seconde moitié du 20e siècle, disposaient du moyen rouage des partis ouvriers réformistes de masse et des syndicats profondément enracinés dans la classe ouvrière.

Pour les membres d’AS, les deux dimensions de la double tâche ne sont pas séparées ou exclusives. Elles doivent se compléter et se renforcer mutuellement. Par exemple, se former chez AS permet d’intervenir adéquatement pour politiser une lutte, ce qui permet de renforcer son organisation. Inversement, une intervention idéale dans une organisation ou une lutte large permet de recruter dans AS les personnes qui ont atteint une conscience révolutionnaire, y ajoutant ainsi de nouvelles connaissances et expériences. Une mauvaise application de la double tâche peut mener à un débalancement de notre travail. Ce type d’erreur arrive lorsque nos perspectives sont incorrectes, que l’on surestime la portée d’une lutte ou, à l’inverse, ses limitations.

Toutefois, la double tâche n’est pas symétrique. Dans un contexte où le recrutement est difficile et nécessite une attention constante, la construction de notre organisation révolutionnaire prime sur la construction des luttes et des organisations ouvrières larges. L’élément subjectif le plus important pour guider la classe ouvrière vers sa libération est l’organisation de son avant-garde dans un parti révolutionnaire. L’atteinte d’une conscience de classe économique massive n’est pas suffisante pour entraîner spontanément la création d’une organisation révolutionnaire centralisée et démocratique. Seules des organisations marxistes comme l’ISA et AS peuvent apporter cette contribution à la lutte des classes.

 


1. Karl Marx et Friedrich Engels, Le syndicalisme, tome 1, Maspero, Paris, 1972, p.31
2. Résolution de l’Association internationale des travailleurs sur les syndicats, 1866, dans Karl Marx, Le syndicalisme, tome 1, Maspero, Paris, 1972, p.69-70
3. Karl Marx et Friedrich Engels, Le manifeste du Parti communiste, dans Oeuvres choisies, Éditions du Progrès, Moscou, 1978, p.42
4. Statuts provisoires de l’Association internationale des travailleurs, dans Karl Marx, Le parti de classe, Tome II Activités, organisation, Maspero, Paris, 1973, p.93
5. Karl Marx et Friedrich Engels, Le manifeste du Parti communiste, dans Oeuvres choisies, Éditions du Progrès, Moscou, 1978, p.41
6. Lénine, Que faire?, dans Oeuvres complètes Tome 5, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, p.421
7. Lénine, Que faire?, dans Oeuvres complètes Tome 5, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, p.425
8. Antonio Gramsci, écrit de 1925, cité par G. Bonomi dans Partito e rivoluzione en Gramsci, p.142
9. Grèves dont l’objet n’est pas d’établir un rapport de force face à un employeur concernant des revendications professionnelles, mais bien d’affirmer une position politique.
10. Léon Trotsky, Programme de transition. L’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale, M Éditeur, Saint-Joseph-du-Lac, 2016, p.55-56
11. Léon Trotsky, 1972, Défense du marxisme. U.R.S.S., marxisme et bureaucratie, Paris, EDI, p.92-93
12. Le «syndicalisme de boutique» est ultimement contrôlé par les patrons. Il vise à empêcher la pénétration de syndicats militants et démocratiques. Ces syndicats n’emploient aucun moyen de pression et leurs membres n’ont pas de contrôle sur leur syndicat. Le syndicalisme d’affaires (voir plus haut) prône la bonne entente entre le Capital et le Travail grâce à la signature de conventions corporatistes. En dernier recours, ces syndicats peuvent faire la grève, mais manquent de démocratie interne. Le «syndicalisme de combat» s’oppose au capitalisme. Ces syndicats cherchent à obtenir les meilleures conditions de travail possible en ayant recours à tous les moyens de pression nécessaires. Ils sont contrôlés par leur base et travaillent à mettre sur pied un parti ouvrier.
13. Louis Gill, Autopsie d’un mythe. Réflexions sur la pensée politique de Jean-Marc Piotte, M Éditeur, 2015, p.40
14. Louis Gill, Autopsie d’un mythe. Réflexions sur la pensée politique de Jean-Marc Piotte, M Éditeur, 2015, p.42-43
15. Le travail informel est réalisé sans que l’activité fasse l’objet d’un regard ou d’une régulation de l’État.

Grévistes devant McGill lors de la grève des auxiliaires d'enseignement en mars 2024

Bras de fer entre les syndicats et McGill

Cette année sera un moment charnière à l’Université McGill, en proie à des mouvements de syndicalisation et de protestation sans précédent.

Est-ce que tous les profs pourront se syndiquer et arracher des pouvoirs des mains d’une administration centralisatrice? Est-ce que le nouvel élan de syndicalisation pourra empêcher l’Université de couper dans son budget en enseignement? Est-ce qu’une solidarité plus grande pourra forcer le gouvernement provincial à financer l’éducation en fonction des besoins réels? Revenons un peu en arrière pour comprendre la situation actuelle.

La centralisation bureaucratique du pouvoir à McGill

Depuis les années 1990, l’administration de l’Université McGill centralise les pouvoirs. Autrefois, les départements et facultés avaient une grande autonomie pour gérer leurs horaires de cours, facilitant la conciliation travail-famille. Les recueils de textes des cours étaient aussi gérés de façon décentralisée. Cela permettait une meilleure adaptabilité aux besoins des différentes facultés. Les processus d’organisation et de remboursement de voyages d’affaires étaient plus simples et plus rapides.

Aujourd’hui, l’administration centrale a pris le contrôle de nombreuses tâches administratives, avec des résultats souvent jugés inefficaces par les employé-es. Cette centralisation a contribué à la bureaucratisation de McGill, où l’administration prend de plus en plus de distance par rapport aux employé-es, modifiant ainsi la relation de travail entre les profs et l’employeur.

Une gestion autoritaire de la pandémie

La gestion de la pandémie de COVID-19 a augmenté les tensions entre les profs et l’administration. En août 2020, l’Université a forcé le retour en classe de profs ayant des proches vulnérables, sans tenir compte de leur situation particulière. L’administration a rejeté les propositions de plusieurs départements, comme ceux d’immunologie et de droit, voulant garantir un retour en classe plus sécuritaire en exigeant, par exemple, la vaccination ou des tests réguliers.

Plus récemment, cette rigidité administrative s’est manifestée lors du mouvement étudiant pro-palestinien débuté en octobre 2023. Un an plus tard, McGill a engagé des processus disciplinaires contre plusieurs leaders étudiants afin d’étouffer les critiques concernant ses investissements dans des entreprises liées à l’occupation des territoires palestiniens. L’Université a aussi maintenu des dépenses faramineuses pour deux firmes de sécurité privées plutôt que d’investir dans l’enseignement et la recherche. On parle de contrats qui frisent la somme d’un demi million de dollars.

La réponse des profs: la syndicalisation! 

En 2021, les profs en droit demandent au Tribunal administratif du travail (TAT) de certifier le premier syndicat de profs à McGill, l’AMPD (Association mcgillienne de professeur.e.s de droit). L’Université conteste sa reconnaissance et refuse de négocier de bonne foi.

En avril 2024, les profs en droit initient une grève pour la reconnaissance de leur syndicat. Les profs se battent aussi contre leur appauvrissement, alors que les salaires de l’administration augmentent de façon vertigineuse, et pour une meilleure démocratie au sein de l’Université. Cette grève devait retarder la correction des examens finaux, empêchant les étudiants et les étudiantes de recevoir leurs notes. Cependant, l’administration a contourné ce levier de pression en négociant avec les associations du Barreau. Ces dernières ont accepté de faire passer les étudiants et les étudiantes au barreau, malgré des relevés de notes incomplets.

Les grévistes ont donc suspendu leur mouvement et attendu des dates de négociation prévues en août 2024, auxquelles McGill a mis fin dès que les questions du pouvoir (telle la sélection du doyen) ont été amenées à la table par l’AMPD. C’est pourquoi la grève a repris dès la fin août.

Des tactiques antisyndicales à la Walmart

L’administration a tout tenté pour empêcher et retarder sa reconnaissance du syndicat et la négociation d’une convention collective. Sa contestation devant le TAT et sa demande d’arbitrage ont eu pour but d’embourber le processus dans des procédures légales interminables et coûteuses.

McGill a d’ailleurs fait appel aux services de la firme antisyndicaliste Borden, Ladner et Gervais pour contester la certification du syndicat. Cette firme est connue pour sa victoire en Cour suprême contre les employé⋅es de Walmart ayant voulu se syndiquer. Elle finance aussi une bourse d’études pour étudiants et étudiantes de première année en droit à McGill. Cette même firme protège les intérêts d’énormes compagnies telles la Baie d’Hudson, le Chemin de fer Canadien Pacifique, Alcan, Bell Canada, General Electric et DuPont. Plusieurs sont connues pour leur exploitation éhontée de nos ressources naturelles, et des employé⋅es qui travaillent chez elles.

De plus, l’Université a envoyé des courriels anti-syndicaux illégaux à des employé⋅es. Elle a aussi joué un double jeu en tentant de convaincre l’arbitre que la session serait annulée si la grève continuait, tout en faisant croire le contraire aux étudiants et aux étudiantes.

La solidarité syndicale: un levier pour plus de pouvoir

Le syndicat des profs de droit a pu compter sur la solidarité syndicale locale, mais aussi à travers le pays. Il a reçu des dons pour financer ses activités. Les profs en droit ont réussi, grâce à leur grève victorieuse de l’automne 2024, à faire reconnaître leur syndicat par l’administration.

Entre-temps, leur lutte a inspiré les profs en éducation et en arts, qui ont formé leur propre syndicat peu de temps après celui de droit. La solidarité entre les trois syndicats a mené McGill à tous les reconnaître à l’automne 2024.

Par ailleurs, l’Université devra maintenant négocier avec une fédération de ces trois syndicats. L’objectif d’une fédération est de renforcer le rapport de force face à l’employeur en regroupant tous les profs syndiqué⋅es. Cela évite que chaque groupe de profs se retrouve isolé face à une administration de plus en plus agressive et autoritaire. C’est aussi pourquoi l’objectif à moyen terme des instigateurs du syndicat en droit est de syndiquer tous les profs et maîtres d’enseignement de l’Université McGill. D’ailleurs, les profs de l’École d’Éducation permanente de McGill ont déposé en début 2025 leur demande d’accréditation de syndicat à leur tour, et cette fois-ci McGill ne l’a pas contestée. Quelle sera la prochaine unité de l’Université à se syndiquer?

De son côté, l’APBM (Association des Professeur(e)s et Bibliothécaires de McGill) est en réflexion sur sa propre pertinence dans ce contexte de syndicalisation et de gestion bureaucratique. L’APBM n’est pas un syndicat, mais prétend représenter le corps enseignant et les bibliothécaires de façon «collégiale» face à l’administration.

La grève des auxiliaires et les coupures budgétaires

Le printemps 2024 a aussi été marqué par une grève des auxiliaires d’enseignement. Les auxiliaires ont notamment réclamé une forte augmentation salariale ainsi qu’un ratio d’heures de travail minimal par rapport au nombre d’étudiants et étudiantes. Ce ratio vise à établir un paie décente pour le travail requis par des cours à grand effectif. La première revendication a été gagnée, mais pas la seconde.

Depuis, l’administration exerce des pressions pour réduire les heures de travail dans les contrats des auxiliaires. Cela affecte la qualité de l’enseignement et annule l’effet de l’augmentation salariale. L’Université a aussi demandé à des départements comme ceux en sciences de se préparer à une réduction budgétaire en enseignement pouvant aller jusqu’à 30%. Pendant ce temps, les inscriptions ont bondi, allant de 15 à 20% dans certains cours de première année. Cela a déjà conduit à une surcharge de travail pour les profs et une réduction de la qualité de l’enseignement. Les coupures budgétaires souhaitées par l’administration ne peuvent qu’empirer la situation.

Comment gagner

Pour certaines personnes parmi les corps étudiant et professoral de McGill, il semble qu’il n’y a rien à faire contre l’administration. Mais, il n’y a pas de raison de baisser les bras maintenant. La syndicalisation est une étape clé vers l’obtention du rapport de force nécessaire pour faire respecter les droits des profs, des étudiantes, des étudiants ainsi que de toutes les personnes employées de soutien.

En contraste avec les autres campus universitaires québécois, il existe environ 15 syndicats à McGill, sans compter les associations étudiantes. La solidarité entre ces différents syndicats a déjà commencé, mais doit continuer de plus belle afin de forcer la main de l’Université.

Ultimement, c’est une solidarité plus large, avec la population et tous les autres syndicats, qui aura le pouvoir d’annuler les hausses de frais de scolarité pour les étudiants et les étudiantes anglophones hors Québec. Cette solidarité a aussi le pouvoir d’améliorer le financement de l’enseignement post-secondaire dans tout le Québec. Tout le monde est dans le même bateau: les cégeps sont aux prises avec des coupures budgétaires imposées par la CAQ et les écoles primaires et secondaires manquent cruellement de personnel enseignant et de ressources. C’est un mouvement de masse combatif qu’il faudra pour forcer le gouvernement à financer l’accès gratuit et universel à tout le système d’éducation du Québec.

Mais ne nous leurrons pas! Les gouvernements à la solde des capitalistes préfèrent couper dans les services publics, endetter la province en subventionnant des multinationales telles Northvolt ou même perdre leurs élections plutôt que de taxer les ultra riches ou nationaliser les écoles privées. C’est pourquoi Alternative socialiste se bat pour que les travailleurs et les travailleuses reprennent le contrôle de leur milieu de travail, mais aussi de leur société grâce à une organisation politique indépendante des forces de l’argent.


Alternative socialiste tient à remercier ses deux sources pour cet article: Víctor M. Muñiz-Fraticelli (professeur associé en droit et en sciences politiques à l’Université McGill, très impliqué dans le mouvement syndical de l’Université et sur l’exécutif de l’AMPD), ainsi qu’une personne membre du corps enseignant qui a souhaité conserver l’anonymat par peur de représailles.

Militante de SA avec une pancarte Unionize Amazon Tax Bezos

Guide tactique – Comment syndiquer son milieu de travail aux États-Unis?

Traduction du texte How to Unionize Your Workplace: A Step-By-Step Guide du bureau éditorial de Socialist Alternative USA, 27 juin 2022


Vous en avez assez des bas salaires, des patrons abusifs, des heures de travail insuffisantes pour joindre les deux bouts ou des heures de travail trop longues qui vous empêchent de vivre votre vie comme vous le souhaitez. Vous avez compris qu’il ne suffit pas de quitter votre emploi et d’en trouver un autre un peu moins pourri, comme le font des millions de travailleuses et de travailleurs chaque mois. Vous avez compris qu’il faut plutôt vous rassembler avec vos collègues et lutter pour les salaires et les conditions de travail que vous méritez réellement.

Vous voulez syndiquer votre milieu de travail.

Heureusement, vous n’êtes pas seul⋅e. Aux États-Unis, un nombre record de personnes approuvent les syndicats. Un sondage de 2017 montre qu’une majorité d’entre elles rejoindra un syndicat demain matin si on le leur demandait. Et cela, bien avant que la vague de syndicalisation chez Amazon et Starbucks ne propulse le mouvement ouvrier sous les feux de la rampe au niveau national. Il est probable que vous lisiez ceci précisément parce que vous avez été inspiré par ces luttes, ou par l’une des nombreuses autres qui se déroulent dans des milieux de travail de tous types. En fait, il y a eu une hausse de 57% des dépôts de demandes d’élections d’accréditation syndicale entre 2021 et 2022.

Tout cela est incroyablement passionnant. Mais le mouvement syndical américain commence tout juste à sortir de sa torpeur après plusieurs décennies de défaite et de déclin. Il est encore loin de ce qu’il était lors des dernières grandes poussées de syndicalisation durant les années 1930 et 1970. Ces décennies ont connu un nombre de grèves et de personnes syndiquées dix fois plus élevé. Former un syndicat aujourd’hui est une tâche difficile. En tant que personne organisatrice, vous vous engagez sur un terrain hostile où les travailleuses et travailleurs sont défavorisés au profit de leur employeur, le patron, qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous arrêter.

Toutefois, cela a toujours été le cas. Depuis que le capitalisme existe, les patrons ne se soucient guère d’autre chose que de faire des profits et de s’assurer qu’ils exercent un contrôle dictatorial dans les milieux de travail. En réponse, les travailleuses et les travailleurs ont toujours formé des syndicats. Ces personnes ont mené des batailles déterminées et héroïques pour obtenir des avancées majeures dans leur milieu de travail et bien au-delà, en utilisant tous les outils à leur disposition: protestations, actions directes et grèves. Dans le meilleur des cas, ces luttes ont eu pour objectif la transformation de la société dans son ensemble. La longue et vaillante histoire des luttes syndicales aux États-Unis et dans le monde entier est une histoire à laquelle toute personne voulant organiser ses collègues devrait s’intéresser, étudier et s’inspirer.

Les syndicats sont l’outil le plus puissant dont disposent les travailleuses et les travailleurs pour se protéger et obtenir ce qu’ils méritent au travail. Personne d’autre ne le fera à notre place. Former un syndicat est un défi, mais rien n’est remporté sans bataille. Il y a peu de choses plus importantes que vous pourriez faire en ce moment.

Par où commencer?

Mais comment s’y prendre? Il n’y a pas de honte à ne pas le savoir. La grande majorité des travailleuses et des travailleurs n’ont aucune expérience en la matière. L’ensemble de la procédure légale pour créer un syndicat par l’intermédiaire du National Labor Relations Board (NLRB, l’agence gouvernementale qui supervise cette procédure aux États-Unis) est délibérément conçue de manière à être aussi intimidante et inaccessible que possible1. Ce guide tactique part du principe que les travailleuses et travailleurs voudront emprunter la voie légale la plus courante pour former un syndicat. Mais en fin de compte, un syndicat c’est des personnes qui s’organisent elles-mêmes et qui mènent une action collective. C’est là que réside notre véritable pouvoir en tant que travailleuses et travailleurs. Pas dans le fait qu’une agence gouvernementale «certifie» notre syndicat.

Si vous tapez «Comment former un syndicat» sur Google, vous verrez qu’une grande partie des termes que vous trouverez risque de rendre les choses encore plus confuses ou intimidantes: «cartographie», «cartes d’adhésion», «pétition syndicale». La formation d’un syndicat est un véritable défi. Or, non seulement c’est possible, mais c’est aussi le meilleur moyen pour les travailleuses et les travailleurs de se battre et d’obtenir plus que ce que les patrons nous donnent actuellement.

En voici les étapes fondamentales: Parler à ses collègues

  1. Constituer une équipe, un Comité d’organisation
  2. Choisir un syndicat, collecter les cartes d’adhésion syndicales et les déposer auprès du NLRB2
  3. S’opposer aux tactiques antisyndicales et répondre aux représailles durant la période d’élection syndicale3
  4. Lutter pour un contrat de travail solide: négocier et faire monter les moyens de pression

1. Parlez à ses collègues

Tout commence en parlant à ses collègues! Afin de tirer le meilleur parti de ces conversations, vous devez être un travailleur ou une travailleuse fiable, une personne digne de confiance, bien informée de son milieu de travail et aimable avec vos collègues.

Demandez-leur ce qui pourrait être amélioré au travail. Poser des questions sur des enjeux précis conduit souvent à de meilleures conversations que de rester dans les généralités. Les questions de salaires ou de temps de pause sont bien sûr les plus importantes pour de nombreuses personnes. Mais il y en a bien d’autres, y compris celles qui sont propres à certains secteurs d’activité. Assurez-vous de poser de nombreuses questions et de donner beaucoup d’espace à vos collègues pour parler. Revenez ensuite sur les enjeux soulevés afin de les développer ensemble. Par exemple, s’il est mentionné que la dernière politique d’assiduité est injuste, partagez votre appui et discutez de ce qui devrait plutôt être fait. Donnez des exemples concrets de la façon dont cette politique affecte les employé⋅es, par exemple en récoltant le témoignage d’une mère qui a du mal à concilier son horaire de travail avec celui de la garderie de ses enfants. Aucun enjeu n’est trop «petit» pour être abordé!

Il est rare qu’une première conversation de ce type débouche directement sur une discussion sur le besoin d’avoir un syndicat. Ce que vous devez faire lors d’une 2e ou une 3e conversation, c’est amener vos collègues à faire le constat que le moyen de changer les choses est de s’organiser collectivement et de passer à l’action. Une fois cette étape franchie, vous devez être plus explicite. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un syndicat. Ce type de conversation est toujours plus facile à mener en dehors du milieu de travail. Il est donc judicieux de demander à une personne avec laquelle vous avez discuté des problèmes liés au travail si elle souhaite vous rencontrer prochainement pour en parler davantage.

Enfin, faites preuve de prudence. Dans la plupart des milieux de travail, il est important de commencer lentement et de veiller à ne pas se faire repérer. Toutefois, la lenteur n’est pas une règle absolue. En cas de lutte intense, de vague de syndicalisation dans un secteur donné ou d’attaque majeure contre les travailleurs et travailleuses, il peut s’avérer nécessaire d’agir rapidement et ouvertement. Quoi qu’il en soit, le patron commencera ses manœuvres anti-syndicales dès qu’il percevra le moindre signe de syndicalisation. Il est donc important de trouver un équilibre entre, d’une part, l’audace et l’assurance d’approcher les collègues et, d’autre part, l’habileté et la prudence.

2. Construire une équipe: le Comité d’organisation

Une fois que vous aurez parlé à quelques personnes favorables à la syndicalisation, vous devrez commencer à vous réunir régulièrement en équipe pour former ce qui s’appelle dans le mouvement syndical un Comité d’organisation (CO).

2.1 L’importance d’avoir des revendications

L’une des premières choses que le CO doit faire consiste à élaborer un plan pour parler à davantage de personnes et apprendre quels sont les problèmes les plus importants sur le milieu de travail, et pour le plus grand nombre de personnes possible. Il faut donc veiller à parler aux travailleurs et travailleuses de tous les genres, de toutes les origines ethniques, «raciales» et de toutes les catégories d’emploi. Sur la base de ces informations, le CO devrait ensuite discuter et décider démocratiquement d’un ensemble de revendications claires portant sur des questions immédiates liées au milieu de travail telles les salaires, les avantages sociaux et la sécurité (par exemple, un salaire minimum de 30$/h, deux semaines de congé, la possibilité de refuser de servir des clients abusifs, etc.) Il est rarement suffisant de parler abstraitement des avantages d’un syndicat, comme aller chercher «le respect et la dignité» ou «une place à la table de négociation». De nombreux travailleurs et travailleuses n’ont que peu d’expérience ou de compréhension de ce qu’est un syndicat. Ces personnes ont peut-être été victimes du flot continu de propagande antisyndicale présent dans leur milieu de travail et dans la politique. Pour gagner leur soutien, il faut leur expliquer avec une forte motivation comment le syndicat va concrètement améliorer leur vie.

2.2 Cartographier le milieu de travail et évaluer le soutien nécessaire

La cartographie est un terme sophistiqué qui désigne l’élaboration d’une vue d’ensemble de tous les travailleurs et travailleuses de votre entreprise, de leurs noms ainsi que de leurs horaires, équipes et lieux de travail. Dans un petit établissement comme un magasin Starbucks, cette tâche est assez simple. Dans un hôpital urbain géant comptant plusieurs étages, unités et milliers d’employé⋅es, elle peut s’avérer très ardue et impliquer littéralement une carte du bâtiment et des endroits où les gens sont postés. Quoi qu’il en soit, les feuilles de calcul Excel seront l’un de vos meilleurs amis. Utilisez-en une comme celle-ci pour garder une trace de toutes ces informations. Si vous avez Gmail, vous pouvez aller dans Fichier -> Faire une copie et commencer à créer votre propre feuille de calcul. Vous pourrez ajouter toutes les colonnes ou informations que vous jugez pertinentes pour votre campagne de syndicalisation! Pour être une bonne personne organisatrice, il faut adopter ce type d’approche cohérente et systématique à chaque étape du travail.

Il est courant pour un CO d’évaluer sur une échelle de 1 à 5 le soutien des collègues à la syndicalisation. C’est important afin d’obtenir des chiffres concrets par rapport au soutien que récolte votre travail. Ce type d’évaluation devient particulièrement crucial pour les étapes ultérieures de syndicalisation comme la collecte de cartes et les élections d’accréditation syndicale.

  1. Collègue membre du CO: activiste syndical sur qui on peut compter pour assister aux réunions, parler aux autres travailleurs et travailleuses et agir.
  2. Solidement favorable au syndicat, mais de manière passive: n’assiste pas vraiment aux réunions ni ne parle aux autres collègues.
  3. Indécis: il peut s’agir de quelqu’un qui ne s’est pas encore fait une idée sur le syndicat, qui a de vraies inquiétudes et questions ou tout simplement qui ne sait pas grand-chose sur ce qu’est un syndicat.
  4. S’oppose à la syndicalisation, mais n’est pas hostile: avec des méthodes d’organisation efficaces et au cours de la lutte, il est tout à fait possible de changer un 4 en un 2. Cela se produit fréquemment.
  5. S’oppose fermement à la syndicalisation, de manière  agressive et hostile. Ce type de personne va même jusqu’à organiser activement les travailleurs et travailleuses contre le syndicat.

2.3 Les réunions du Comité d’organisation

À tous moments, la force et la cohésion du CO sont essentielles à la construction d’une campagne solide. Une grande partie de la construction de cette force et de cette cohésion passe par des réunions bien organisées et régulières. Lors de ces réunions, le CO doit discuter des revendications à utiliser, du déroulement des conversations avec les travailleurs et travailleuses, de la manière d’affiner ces conversations et de les renforcer ainsi que de tous les autres aspects de la campagne syndicale. La démocratie est l’élément vital d’une campagne syndicale forte. Vous devez commencer à développer des pratiques en ce sens dès le début, notamment en débattant et en votant sur toutes les questions importantes. Le débat n’est pas nécessairement une chose litigieuse à éviter. Il fait partie de la façon dont les organisateurs élaborent les meilleures tactiques et stratégies!

À la fin de chaque réunion, tout le monde doit avoir une idée claire de ses tâches et des prochaines étapes, en particulier concernant la stratégie de lutte large pour assurer la victoire. Il peut être bon que chaque personne ait pour objectif de parler à un certain nombre de collègues supplémentaires. Cela peut ensuite faire l’objet d’un rapport lors de la prochaine réunion, en assignant qui parle à qui. S’il y a quelqu’un d’autre qu’il serait bon de faire entrer dans le Comité d’organisation, il faut en discuter!

3. Choisir un syndicat, collecter les cartes d’adhésion et les déposer auprès du NLRB4

Tout au long de l’histoire du capitalisme, et encore de nos jours dans la plus grande partie du monde, des élections visant à reconnaître un syndicat se produisent de facto lorsque des travailleurs et des travailleuses votent en faveur d’une grève. Si une grève concernant une majorité écrasante de travailleurs et de travailleuses est  suffisamment forte pour arrêter la production – la source des profits – le patron est contraint de négocier avec un syndicat. Pour éviter les grèves, le gouvernement américain a créé un service appelé le National Labor Relations Board (NLRB). Ce dernier assure un processus plus formel et une protection juridique pour la reconnaissance des nouveaux syndicats, qui sont généralement «parrainés» par des syndicats existants5.

Il y a des avantages et des inconvénients à s’organiser par l’intermédiaire du NLRB. Si vous avez la cohésion et la force de le faire sans le NLRB, en forçant le patron à reconnaître votre syndicat et à négocier un contrat, ce sera probablement plus rapide et plus fructueux. Il s’agira de s’organiser directement pour amener l’entreprise à accepter vos revendications par le biais d’actions progressives, y compris une grève efficace6.

3.1 Choisir un syndicat existant ou créer un syndicat autonome7?

D’autres guides sur la syndicalisation mentionnent le choix d’un syndicat comme l’une des premières mesures à prendre. Socialist Alternative aux États-Unis ne partage pas cet avis. Nous avons découvert, à travers notre expérience dans le mouvement ouvrier ainsi qu’au sein de nombreux efforts de syndicalisation, que cela enferme inutilement les travailleurs et les travailleuses dans un syndicat spécifique. Ce syndicat pourrait ne pas avoir une approche de syndicalisation solide ou ne pas être le plus adapté pour réaliser ce travail.

Le plus important est de construire un syndicat dirigé par ses travailleurs et travailleuses, un syndicat muni d’un Comité d’organisation fort qui élabore des revendications claires et adopte une approche de lutte des classes. Une telle approche reconnaît que les travailleurs et les travailleuses ont des différends irréconciliables d’avec les patrons. Il ne suffit pas de faire appel à leur moralité ou à leur bon sens pour obtenir ce que l’on veut – il faut se battre pour l’avoir.

À ce stade, la première chose importante à décider est soit de travailler avec un syndicat existant (et si oui, lequel) ou soit de former un nouveau syndicat autonome, comme l’a fait l’Amazon Labour Union à New York. Une voie n’est pas nécessairement meilleure que l’autre. Celle qui sera choisie dépendra de la situation exacte du type d’emploi ou du secteur industriel en question. Elle devrait être le fruit d’une discussion et d’une réflexion réelles de la part des travailleuses et des travailleurs concernés.

La plupart des directions syndicales actuelles adoptent malheureusement une approche de syndicalisation timorée qui découle de leur politique de «syndicalisme d’affaire». Il est important que les travailleuses et les travailleurs qui s’organisent soient conscients de ces problèmes et s’y opposent activement si nécessaire. En fin de compte, le syndicat, ce sont ses membres. Si vous avez construit un syndicat fort, bien organisé et prêt à se battre, vous pouvez surmonter toutes sortes d’obstacles, y compris la faiblesse des directions de nombreux syndicats existants. Si vous décidez de vous affilier à un syndicat existant, prenez votre temps et assurez-vous de rencontrer et de discuter avec différents syndicats, d’étudier leurs antécédents au sein du mouvement syndical et de discuter de tout cela au sein de votre Comité d’organisation.

3.2 Collecter les cartes d’adhésion syndicale

Une fois que vous avez choisi un syndicat, vous commencez à collecter des cartes d’adhésion syndicale. Si vous créez un nouveau syndicat autonome, vous pouvez les fabriquer vous-même! Elles doivent être de la taille d’une fiche (3×5 pouces) et contenir un texte du type «J’autorise par la présente [NOM DU SYNDICAT] à me représenter aux fins de la négociation collective avec mon employeur». En outre, il suffit que les champs suivants soient remplis:

  • Nom et prénom
  • Courriel
  • Numéro de téléphone
  • Nom de l’employeur
  • Date de la signature
  • Signature
  • (Autres informations qu’il serait bon d’inclure, mais qui ne sont pas obligatoires: adresse, équipe de travail, titre du poste, horaire temps plein ou temps partiel8)

Le CO devra retourner soutenir les travailleuses et les travailleurs ayant signé ces cartes, les remotiver concernant les revendications pour lesquelles le syndicat se bat ainsi que mettre l’accent sur l’importance d’avoir un syndicat. Le CO doit leur expliquer qu’il s’agit de la première étape légalement requise et protégée vers la formation d’un syndicat. Les cartes signées sont des objets précieux qui doivent être gardés et conservés en toute sécurité. Il n’est pas garanti que vous ayez une autre conversation avec ces personnes ou que vous les rencontriez à nouveau! Les cadres qui peuvent embaucher ou licencier des employé⋅es ne peuvent pas faire partie d’un syndicat. Mais les superviseurs de niveau inférieur, comme les «chefs d’équipe» de nombreux magasins de vente au détail, peuvent l’être et vous devez collecter leurs cartes. Ultimement, c’est le NLRB9 qui déterminera qui fait partie ou non de l’unité de négociation une fois que vous aurez déposé une demande d’accréditation syndicale auprès de lui.

3.3 L’inoculation: anticiper et répondre au démantèlement syndical  

Chaque année, les entreprises dépensent des sommes considérables pour recruter des personnes consultantes spécialisées dans la lutte antisyndicale. Même les entreprises qui ne luttent pas contre les campagnes de syndicalisation soumettent leurs salarié⋅es à une propagande antisyndicale pendant le processus d’embauche et bien après. En tant que personne organisatrice, vous devrez notamment répondre à ces arguments antisyndicaux avant que le patron ne commence à les utiliser sérieusement. Dans le mouvement syndical, cela s’appelle «l’inoculation». Votre conversation agit comme un vaccin contre les mensonges antisyndicaux. Cette inoculation doit commencer très tôt, mais surtout lorsque vous commencez à collecter des cartes. Le patron ne tardera pas à sentir ce qui se passe et à lancer sa campagne antisyndicale.

3.4 Dépôt des cartes d’adhésion

Dans la plupart des cas, il est important de collecter le plus grand nombre de cartes possible avant de les soumettre.

Aux États-Unis, le minimum légal est de 30% des travailleurs et travailleuses éligibles, mais un taux de plus de 70% est idéal. Il témoigne de la force et de l’élan nécessaires à la campagne pour franchir les étapes les plus délicates. Une élection d’accréditation syndicale est ensuite obligatoire.

Au Québec, le nombre de cartes minimalement requises doit représenter au moins 50% +1 des personnes éligibles. Un taux plus élevé est préférable pour s’assurer d’une représentativité maximale, surtout avec les cas de démissions, de mauvaises informations ou encore de cotisation non-payée. Les cartes doivent être déposées au Tribunal administratif du Travail (TAT). La vaste majorité des accréditations se fait suite à un dépôt de plus de 50%. Il est très rare qu’un vote d’accréditation soit imposé.

4. Période d’élections d’accréditation syndicale: résister au démantèlement syndical, répondre aux représailles

Le NLRB planifie généralement une élection syndicale dans un délai de quelques semaines à quelques mois à partir du moment où les cartes sont déposées. Dans le contexte d’une lutte active, il s’agit d’un délai énorme qui favorise fortement les patrons disposant des ressources et du temps nécessaires pour mener à bien leur campagne antisyndicale. Il n’est pas rare que les campagnes syndicales qui déposent des cartes représentant 60% ou plus des travailleurs et travailleuses se soldent par une défaite lors du vote final.

Aux États-Unis, une stratégie patronale consiste à faire pourrir la situation le plus possible en retardant le vote d’accréditation et en exerçant des représailles. Si le vote est quand même un succès, un patron peut, dans une certaine mesure refuser de négocier. Le syndicat peut alors se retrouver à perdre sa majorité et être démantelé sans même avoir signé sa première convention collective.

Au Québec, les deux parties ont l’obligation de négocier de bonne foi. Dans le cas d’une première convention collective, un arbitrage peut être imposé si un patron refuse de négocier. Les conditions de travail sont alors décrétées aux deux parties par un arbitre. Dans le cas de négociations subséquentes, les parties qui ne négocient pas de bonne foi s’exposent à des amendes.

4.1 Escalader les moyens de pression

À l’approche des élections d’accréditation syndicale, tous les éléments mentionnés ci-dessus, tels qu’un Comité d’organisation fort doté de structures démocratiques, une inoculation et une réponse aux représailles, sont plus importants que jamais. Des actions d’escalade de moyens de pression doivent également être menées. Il peut s’agir simplement d’organiser le plus grand nombre possible de personnes à porter un t-shirt ou un macaron syndical. Cela peut sembler simple, mais peut grandement contribuer à renforcer la cohésion et la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs. Ce type d’action permet de développer un sentiment d’appartenance à une action collective. Loin d’être anodin, ce type d’action peut être la première fois que de nombreuses personnes se mettent en action après avoir été formées toute leur vie à garder la tête baissée dans l’attente de leur prochain salaire. Cela contribue à créer un climat de confiance qui pourrait déboucher sur un débrayage ou une grève réussie.

4.2 Grèves et débrayages

Les patrons ne s’intéressent qu’à une chose: le profit. Si nous cessons de travailler, ils cessent de faire du profit. Si une grève est suffisamment bien organisée, ils finissent par être contraints de céder à tout ou à une partie des revendications des grévistes.

Les grèves sont les outils les plus puissants dont disposent les travailleurs et travailleuses. Des grèves peuvent et devraient être utilisées à n’importe quel stade d’une lutte syndicale si une solide majorité de travailleurs et travailleuses y adhère et s’y prépare correctement. Bon nombre des grandes grèves des années 1930 (comme celle des Teamsters de Minneapolis) ayant donné naissance aux principaux syndicats d’aujourd’hui étaient des batailles pour la simple reconnaissance syndicale. Cela a conduit à la mise en place du processus d’élection d’accréditation syndicale du NLRB en 1935, mise en place précisément pour canaliser cette effervescence vers la voie plus «sûre» des institutions étatiques et des tribunaux.

En fin de compte, il n’y aura pas de relance sérieuse du mouvement syndical ni d’augmentation du nombre de personnes syndiquées si la grève ne redevient pas monnaie courante.

4.3 Résister aux représailles

Bien que la syndicalisation soit techniquement un droit protégé par la loi, les représailles à l’encontre des travailleurs et travailleuses qui s’organisent sont incroyablement courantes. Elles doivent être combattues immédiatement. Il y a la loi, et puis il y a la réalité: les employeurs peuvent simplement inventer une raison pour discipliner ou licencier une personne qui militante sur son milieu de travail. Sous le capitalisme, les milieux de travail sont une dictature qui permet aux patrons et à une poignée de milliardaires de s’enrichir grâce à notre travail. C’est cette même richesse qui leur permet de contrôler l’État prétendument «neutre» ainsi que ses institutions gouvernementales, telles que les tribunaux et le NLRB.

Lorsque les gens qui travaillent sont confrontés à des représailles, ils et elles doivent faire bien plus que déposer une plainte auprès du NLRB et attendre que l’agence règle le problème10. Cette procédure peut prendre des mois, voire des années, et se conclut souvent en faveur des patrons. Pour renforcer la confiance et la combativité des travailleurs et travailleuses, il est nécessaire d’intensifier la lutte dès lors par des débrayages, des manifestations et d’autres actions. Lorsque Starbucks a licencié les Memphis 7 en février 2022, les travailleurs et travailleuses de tout le pays ont organisé des débrayages et des manifestations de solidarité avec eux et elles. Cela leur a permis d’obtenir leur réintégration trois mois plus tard. À Columbia, en Caroline du Sud, les travailleurs et travailleuses de Starbucks se sont mis en grève après le licenciement d’un directeur pro-syndicat deux semaines seulement avant leur élection d’accréditation syndicale. Ces personnes ont fini par remporter leur vote à l’unanimité, dans l’État qui compte le moins de travailleuses et travailleurs syndiqués aux États-Unis.

5. Se battre pour un contrat de travail solide

En tant que travailleuses et travailleurs, nous pouvons obtenir des gains importants sur nos milieux de travail lorsque nous utilisons des méthodes d’organisation enracinées dans la lutte des classes. Après tout, le capitalisme est un système économique conçu par des gens comme Jeff Bezos pour les servir, pas pour des gens comme nous. Pour mettre fin à l’exploitation sur le milieu de travail, à l’oppression et à l’inégalité sous toutes leurs formes, il faut une transformation socialiste de la société. Sous le socialisme, le milieu de travail ne sera plus une dictature du patron, mais sera géré démocratiquement par les travailleuses et travailleurs eux-mêmes, dans le cadre d’une économie planifiée à l’échelle mondiale.

Le socialisme garantirait que l’immense richesse que nous produisons soit réinvestie dans la société et non dans les superyachts des milliardaires. Il permettrait d’élever nos conditions de vie à un niveau bien plus élevé. Il nous permettrait également de travailler beaucoup moins d’heures, libérant ainsi du temps pour nous adonner à nos loisirs et à nos intérêts. Nous pourrions passer plus de temps avec nos ami⋅es, notre famille et participer davantage à la vie politique et sociale. Les aspects du travail qui sont gratifiants et socialement utiles subsisteront, tandis que l’exploitation, l’aliénation et l’isolement dont nous faisons actuellement l’expérience seront minimisés ou totalement éliminés.

Les socialistes s’opposent à toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Les socialistes sont actifs et actives dans toutes les luttes, grandes ou petites. L’histoire du mouvement socialiste est totalement liée à l’histoire du mouvement ouvrier. À tous les moments importants, les socialistes étaient là et ont joué un rôle clé. Aujourd’hui, on trouve toujours des socialistes dans le mouvement ouvrier, que ce soit en tant que travailleurs et travailleuses s’organisant sur le milieu de travail ou en tant qu’allié⋅es au sein de la communauté. Les socialistes connaissent bien la syndicalisation. Si vous envisagez de vous syndiquer et que vous nous voyez dans les parages, n’hésitez pas à nous parler!

 


1. Au Québec, le droit à la syndicalisation est encadré par le Code du travail. Le Code canadien du travail s’applique dans les secteurs sous réglementation fédérale.
2. Au Québec, les cartes d’adhésion sont déposées auprès du Tribunal administratif du travail (TAT).
3. Contrairement aux États-Unis ou à certaines provinces canadiennes, il n’y a pas de période d’élection syndicale au Québec. Lorsqu’un comité d’organisation syndical estime avoir suffisamment récolté de cartes d’adhésion (le seuil légal est fixé à 50%+1), il dépose une requête d’accréditation syndicale directement au TAT. Ce dernier prend ensuite sa décision. Aux États-Unis, les employé⋅es d’un milieu de travail doivent en plus voter sur la création ou non d’un syndicat au terme de campagnes de syndicalisation souvent ouvertes et publiques. Au Québec, les grandes organisations syndicales derrière les campagnes de syndicalisation optent plutôt pour une stratégie fermée et clandestine de collecte de cartes d’adhésion.
4. Au Québec, les cartes d’adhésion sont déposées auprès du Tribunal administratif du travail (TAT).
5. Au Québec, le droit à la syndicalisation est encadré par le Code du travail. Le Code canadien du travail s’applique dans les secteurs sous réglementation fédérale.
6. Au Québec, le droit de grève est interdit aux groupes non syndiqués. De plus, la grève est interdite aux groupes syndiqués pendant la durée de leur convention collective.
7. Aux États-Unis, une grande partie des syndicats locaux ne sont pas autonomes, c’est-à-dire qu’ils sont affiliés à un syndicat plus grand qui lui possède de multiples accréditations. Au Québec, c’est le modèle de la FTQ (issue historiquement du syndicalisme américain), mais pas celui de la CSN, de la FAE, de la CSQ ou de la FIQ.
8. Au Québec, la personne qui signe une carte de membre doit aussi payer une cotisation syndicale d’au moins 2$.
9. Au Québec, les cartes d’adhésion sont déposées auprès du Tribunal administratif du travail (TAT). Seules les personnes salariées telles que définies par l’article 1 du Code du travail peuvent former une «association de salariés».
10. Voir l’article 12 et les suivants du Code du travail

Piquet de grève du STTP avec des membres de Socialist Alternative

Postes Canada : Les libéraux font (encore) le sale boulot des patrons

En décembre dernier, le gouvernement libéral a mis fin à la grève de 55 000 postiers et postières en utilisant sournoisement une clause obscure, l’article 107, du Code canadien du travail. Il a utilisé la même tactique pour attaquer les travailleuses et les travailleurs des chemins de fer et des ports. 

Dans les trois cas, les patrons ont posé des exigences déraisonnables. Ils se sont attaqués aux conditions de travail et aux emplois, puis ont refusé de négocier, attendant que le gouvernement vienne à leur secours.

La direction du STTP met fin à la grève  

Le vendredi 14 décembre, le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’«évaluer la probabilité» d’un accord négocié cette année. Sans surprise, le Conseil a déclaré qu’un accord était peu probable et a ordonné la fin de la grève de quatre semaines des 55 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Sur instruction du ministre du Travail, le contrat de travail existant a été unilatéralement prolongé jusqu’au 22 mai 2025.

Cette décision a laissé les syndiqué⋅es perplexes et furieux que le gouvernement les prive de leur droit de négocier une convention collective. La direction du syndicat, qualifiant l’action du gouvernement d’«abus de pouvoir», a néanmoins acquiescé à la décision du CCRI. Le mardi 17 décembre, la plupart des membres du STTP ont mis fin à leur grève à contrecœur et sont retourné⋅es au travail. Sur les piquets de grève et dans les sections syndicales locales à travers le pays, les travailleuses et les travailleurs voulaient poursuivre la grève. Il y a eu quelques défiances de courte durée contre l’ordre du CCRI. Sur certains piquets, la présence solidaire d’autres syndiqué⋅es et allié⋅es a brièvement retardé la reprise du travail, jusqu’à l’arrivée de la police.

La direction du syndicat a discrètement mis fin à la plus longue grève du STTP depuis le débrayage de six semaines de 1975. Cette décision est venue couronner un douloureux revers pour les postiers et postières ainsi que pour le mouvement syndical dans son ensemble. Ce revers est le résultat d’une année de négociation factice.

Des négociations vides de sens

Les négociations en vue d’une nouvelle convention collective ont été un simulacre dès le départ, plus d’un an avant le début de la grève le 15 novembre 2024. La direction du syndicat espérait pouvoir négocier librement une convention collective pour la première fois depuis 2016. Le Parlement a imposé un contrat de travail en 2018 qui a été prolongé en 2021. Malgré la flambée du coût de la vie, les postiers et postières n’ont pas reçu d’augmentation de salaire pour couvrir l’inflation. Les revendications raisonnables du syndicat comprenaient une augmentation salariale de 24% sur quatre ans (en partie pour rattraper ce qui avait été perdu au cours de la dernière décennie) et la prise en charge du travail de fin de semaine par du personnel à temps plein.

La réponse des patrons de Postes Canada a été une attaque en règle. Ils ont proposé une augmentation salariale insultante de 11,5%. En même temps, ils voulaient s’attaquer aux emplois et aux conditions de travail des postiers et postières, en augmentant considérablement le nombre de travailleuses et travailleurs à temps partiel et occasionnels.

Postes Canada a augmenté la charge de travail, ce qui, avec les effets du changement climatique, a entraîné une augmentation des accidents du travail. Les données du gouvernement montrent que le travail postal est l’une des quatre professions les plus dangereuses en termes de blessures invalidantes. Les travailleuses et les travailleurs occasionnels et à temps partiel n’auront pas la même formation ni les mêmes droits pour les protéger contre les blessures.

Le gouvernement a nommé un médiateur, qui a rencontré les deux parties pendant plusieurs jours en novembre. Toutefois, il a déclaré, le 27 novembre, que la médiation n’aboutirait pas, car «les parties restent trop éloignées l’une de l’autre sur des questions essentielles».

Le 9 décembre, le syndicat a rencontré Postes Canada et lui a présenté de nouvelles propositions plus modestes. À la suite de cette rencontre, la présidente du syndicat, Jan Simpson, a publié une déclaration dans laquelle elle affirme que nous avons «attendu beaucoup trop longtemps que Postes Canada négocie de bonne foi. Pour réaliser de véritables progrès, il faut un engagement significatif, et non des propositions superficielles ou de nouvelles demandes qui font dérailler les progrès». Le syndicat a réduit sa revendication salariale à 19% et a assoupli ses positions sur le travail à temps partiel et les congés. Postes Canada n’a pas fait un pas vers le syndicat et a même menacé d’aggraver sa propre offre. Les patrons attendaient l’intervention du gouvernement.

Abus de l’article 107  

Les libéraux ont trouvé dans l’article 107 une nouvelle arme pour attaquer les syndicats et le droit de grève. L’article stipule ce qui suit:

Le ministre peut prendre les mesures qu’il estime de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des conditions favorables au règlement des désaccords ou différends qui y surgissent; à ces fins il peut déférer au Conseil toute question ou lui ordonner de prendre les mesures qu’il juge nécessaires.

Jusqu’à cette année, personne, y compris le dernier gouvernement conservateur, n’avait compris que cette clause donne au ministre le pouvoir d’interférer dans les négociations collectives. Lisa Raitt, ministre du Travail sous Stephen Harper, a déclaré :«Si vous trouvez un avocat qui vous dit qu’il est possible [pour le ministre d’ordonner aux parties de recourir à l’arbitrage], j’aurais aimé avoir son avis il y a 15 ans. Mais en ce qui me concerne, ce n’est pas possible de le faire».

Par le passé, les gouvernements ont eu recours à des lois de retour au travail pour mettre fin à des grèves. Les libéraux l’ont fait contre les travailleuses et les travailleurs des postes en 2018 et les conservateurs l’ont fait en 2011. Cependant, la Cour suprême du Canada a statué en 2015 que le droit de grève est une «composante indispensable» de la négociation collective et qu’il est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

Les libéraux n’ont pas voulu présenter de projet de loi, car cela montrerait clairement l’hypocrisie de leur prétention à être favorables aux travailleuses et travailleurs. Et un tel projet de loi aurait très probablement été rejeté. Le NPD aurait voté contre. Pierre Poilievre prétend être favorable à la classe ouvrière, de sorte que les conservateurs auraient probablement voté contre une telle législation. Et cela, même si Poilievre a fait partie du gouvernement Harper et a soutenu pleinement les lois spéciales de retour au travail.

En plus des travailleuses et des travailleurs postaux, les libéraux ont utilisé l’article 107 contre les employé⋅es des ports, des chemins de fer et des compagnies aériennes en 2024. Fin juin, le ministre du Travail a ordonné au CCRI d’imposer un arbitrage contraignant aux mécaniciennes et mécaniciens de WestJet. Toutefois, le gouvernement n’a pas précisé qu’il ne devait pas y avoir de grève. Les membres de l’Aircraft Mechanics Fraternal Association ont débrayé, ce qui a obligé WestJet à accepter très rapidement une hausse salariale substantielle.

En août 2024, les libéraux ont sauvé leurs ami⋅es des conseils d’administration des compagnies ferroviaires CN et CP, qui ont mis en lock-out les membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada. Les libéraux, ayant appris une leçon, ont ordonné que le lock-out prenne fin et que les travailleuses et travailleurs reprennent le travail. Ils sont maintenant coincés en arbitrage jusqu’en mars 2025.

En novembre, les lock-out des dockers de Montréal (section locale 375 du SCFP), de Québec (section locale 2614 du SCFP) et de la côte de la Colombie-Britannique (section locale 514 de l’ILWU) ont été bloqués par une directive du ministre du Travail. Cette fois, le gouvernement fédéral n’a pas ordonné d’arbitrage ni simplement ordonné aux travailleuses et travailleurs de reprendre le travail. Il a nommé une commission d’enquête industrielle chargée d’examiner les «problèmes structurels qui empêchent le règlement du conflit de travail actuel». Il lui a ordonné de présenter un rapport exposant ses conclusions et recommandations avant le 15 mai 2025 (une semaine avant l’expiration des conventions collectives en vigueur).

Entre-temps, le STTP poursuit ses négociations avec Postes Canada. Le syndicat avertit que «cela rendra les négociations encore plus conflictuelles». Il ajoute «qu’une fois de plus, les droits à la négociation collective des travailleurs postaux, protégés par la Charte […] ont été bafoués». Les négociations sur des changements structurels devraient faire partie du processus de négociation collective, et non être du ressort d’une enquête indépendante. Qualifiant cette affaire de «nouvel abus de pouvoir du gouvernement», le syndicat s’est engagé à «rester fort et à continuer à se battre».

La direction du STTP 

Avant même le début de la grève, il était clair que les patrons de Postes Canada n’avaient pas l’intention d’améliorer les salaires et les conditions de travail des employé⋅es. Ils étaient plutôt déterminés à assurer une main-d’œuvre «flexible», en apportant des changements structurels qui attaquent les travailleuses et les travailleurs. Dès le début de la grève, on s’attendait à ce que le gouvernement ait recours à l’article 107, considérant les précédents.

Postes Canada a elle-même utilisé des tactiques déloyales. Outre l’absence de négociations sérieuses, la société a signifié des avis de licenciement temporaire à environ 328 travailleuses et travailleurs, dont certains le premier jour de la grève. Le STTP a réussi à contester et à annuler ces licenciements le 11 décembre. Cependant, la société a également refusé aux membres des indemnités d’invalidité à court terme du 15 novembre au 17 décembre. Cette décision a été validé par le Conseil du travail.

Les patrons de Postes Canada espéraient des faveurs aussi rapides que celles accordées aux patrons des chemins de fer et des ports. Toutefois, le président de Postes Canada, Doug Ettinger (salaire annuel: plus de 500 000$) ainsi que les travailleuses et les travailleurs des postes, ont été surpris qu’il ait fallu autant de temps à MacKinnon pour agir, compte tenu des cas précédents.

Malgré tout, la direction du STTP n’avait aucun plan pour intensifier la grève ou pour réagir si on lui ordonnait de retourner au travail (avec ou sans arbitrage). Les grévistes sur le piquet se sont félicité⋅es du fait qu’il s’agissait d’une grève qui a interrompu la distribution du courrier, contrairement aux grèves tournantes et partielles de 2018 et 2011 qui «n’ont ralenti les livraisons que pendant une journée». Les facteurs et factrices ont fait des exceptions en distribuant les chèques de pension et d’aide sociale. Aucune journée nationale de protestation n’a été organisée pour permettre aux membres d’autres syndicats et au grand public de se joindre aux postiers et postières pour exprimer leur soutien autrement qu’en livrant des beignets ou en klaxonnant sur un piquet de grève.

Les grévistes, qui ont passé des semaines sur le piquet de grève sans que rien ne change, ont été exaspéré⋅es par le manque de communication de la part du centre national et même de certaines sections locales. Bien que des bulletins réguliers ont été envoyés aux membres pour les informer de l’avancement des négociations et que les sections locales ont voté sur des revendications modifiées, certains membres souhaitaient davantage de communication. Des membres bien informé⋅es et impliqué⋅es constituent le fondement d’un syndicat fort. Avec une stratégie claire et déterminée, c’est la meilleure garantie d’une lutte fructueuse.

Comme d’innombrables syndicats (y compris ceux des chemins de fer et des ports), le STTP affirme que l’ordonnance de retour au travail du CCRI est inconstitutionnelle. Cet ordre doit être combattu. Mais les cours et les tribunaux sont essentiellement le pire moyen de contester le pouvoir de l’État capitaliste. Le STTP a bien obtenu la reconnaissance de l’inconstitutionnalité de la loi qui lui a imposé un contrat de travail en 2011… mais la décision a été rendue en 2016. L’État et les employeurs qu’il sert seront toujours prêts à faire traîner les choses dans le système juridique, même (ou surtout) s’ils savent qu’ils sont complètement du mauvais côté de la loi. Les syndicats acceptent de se battre sur ce terrain. Pourtant, l’énergie et les idées des membres y sont complètement neutralisées, ce qui expose les syndicats à des risques considérables.

Le NPD et son chef, Jagmeet Singh, ont proclamé haut et fort qu’ils ne voteraient jamais pour forcer les travailleuses et les travailleurs à reprendre le travail. Mais ils savaient pertinemment que les libéraux emprunteraient cette voie. Lorsque les libéraux l’ont fait, Singh n’a offert ni leadership ni résistance au CCRI, acceptant implicitement le mensonge de son «indépendance» et en continuant à démontrer son impuissance.

Le gouvernement libéral est sur la corde raide, il est à l’agonie. Si les dirigeantes et les dirigeants du STTP avaient refusé de reprendre le travail, les membres auraient suivi. La grève de 1965, qui a permis d’obtenir le droit de se syndiquer, était illégale. Un appel aux travailleuses et aux travailleurs des chemins de fer et des ports – également attaqué⋅es par l’utilisation de l’article 107 par les libéraux – aurait pu susciter une réaction qui aurait forcé l’employeur et le gouvernement à reculer.

Les travailleuses et les travailleurs des postes, qui sont mécontents de l’issue de la grève, discuteront et tireront des leçons de ce qui s’est passé. Les membres travailleront à la construction d’un syndicat plus fort et à la mise sur pied d’une direction plus déterminée qui dispose d’une stratégie pour gagner les grèves. Le STTP est fier de sa tradition de lutte pour toutes les travailleuses et les travailleurs, comme l’obtention du congé parental en 1981. Cette tradition devra être renforcée pour résister aux attaques des patrons de Postes Canada ainsi que des parlementaires libéraux et conservateurs.

Les Canadiens et Canadiennes ont besoin de la poste

Postes Canada n’a cessé de crier à la pauvreté et à l’obsolescence de son modèle d’entreprise. Mais seule sa direction en est responsable, pas ses employé⋅es. L’une des astuces de relations publiques qu’elle a tentées a été de prétendre que les investissements majeurs, tels que les 400 millions $ consacrés à la construction d’une nouvelle installation gigantesque à Scarborough, n’étaient que de simples pertes. De nombreux commentateurs capitalistes ont décrit le système postal comme une «entreprise mourante». Mais une entreprise moribonde ne fait pas d’investissements aussi importants pour l’avenir.

Des groupes d’entreprises tels que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont également pris fait et cause pour la direction, affirmant que la grève avait coûté plus d’un milliard de dollars aux petites entreprises et implorant le gouvernement de faire ce qu’il a finalement fait. Ils n’ont jamais critiqué les patrons.

La grève a montré très clairement que Postes Canada est un service vital pour les Canadiens et Canadiennes. Les petites communautés et les communautés rurales, ainsi que 79% des petites entreprises, dépendent de Postes Canada. Nombre d’entre elles ont été horrifiées par les coûts lorsqu’elles ont découvert les prix pratiqués par les entreprises de livraison du secteur privé telles que FedEx et UPS. Une femme de l’Ontario rural a appris que l’envoi d’une carte de Noël à son fils de Vancouver par l’intermédiaire de ces services coûterait entre 57$ et 62$ (alors qu’une carte livrée par Postes Canada ne coûterait que 1,40$). Les Canadiens et Canadiennes ont besoin d’un service postal national universel. Seul un service public peut l’assurer. Une poste privatisée ne s’intéresserait qu’aux profits, en choisissant certaines régions pour livrer et en laissant les autres en souffrir.

Les patrons de Postes Canada veulent réduire les livraisons et embaucher davantage de travailleuses et de travailleurs à temps partiel et à bas salaire. Ils cherchent à privatiser le service. En revanche, le STTP a un programme, Delivering Community Power [mal traduit par Vers des collectivités durables]. Il vise à renforcer et à développer Postes Canada, y compris les services bancaires postaux. Le STTP aurait dû mettre ce programme beaucoup plus en évidence pendant la grève. Il devrait encore le faire aujourd’hui. Postes Canada possède le plus grand réseau de bureaux et d’installations à travers le pays, y compris dans les régions rurales et nordiques. Grâce à ce réseau, l’entreprise pourrait fournir un large éventail de services communautaires. Cependant, les conservateurs et les libéraux sont tous deux des partis au service de Bay Street. Il faudra donc une campagne populaire de masse pour obtenir les services bancaires postaux. Cela constituerait une alternative abordable et accessible aux grandes banques, menaçant ainsi leurs énormes profits.

L’expansion et l’amélioration de Postes Canada, en tant que service public véritablement démocratique et attentif aux besoins et aux contributions du public, font parties de la vision des socialistes pour une société qui fonctionne pour l’ensemble de la classe ouvrière.

Alternative socialiste soutient pleinement les travailleurs et les travailleuses des postes dans leur lutte pour un syndicat fort, de bons salaires, de bonnes conditions de travail et pour réaliser leur vision de Postes Canada.

Nigeria: Trial 8 Nov Drop all charges!

Empêchons l’assassinat d’activistes par l’État du Nigeria!

Ce jeudi 7 novembre se tiendra une série d’actions de solidarité et de points de presse dans trois villes canadiennes pour faire connaître la situation de 11 activistes et syndicalistes du Nigeria. Ils sont accusés notamment de sédition, un crime passible de la peine de mort. Leur seul «crime» est d’avoir contribué à l’organisation de manifestations de masse, en août dernier, contre l’augmentation vertigineuse du coût de la vie. Leur procès débutera le 8 novembre à Abuja.

En septembre, le gouvernement du président Tinubu a arrêté des centaines d’activistes syndicaux et communautaires ayant participé aux manifestations d’août contre la corruption et la dégradation du niveau de vie. Certains ont été torturés en prison.

Le dimanche 1er septembre, notre camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.

La monnaie nigériane, le naira, a perdu au moins 70% de sa valeur par rapport au dollar américain au cours de l’année dernière. Cela a augmenté considérablement le coût des denrées alimentaires et d’autres produits importés essentiels. Le gouvernement a augmenté le prix de l’essence, passant de 250 nairas le litre en mai 2023 à plus de 1 000 nairas aujourd’hui. L’essence est nécessaire pour alimenter les génératrices, indispensables en raison des coupures de courant régulières dans le pays. Même avant ces hausses de prix, plus de 40% des Nigérians et Nigériannes vivent sous le seuil de pauvreté.

Répression des syndicats

Le leader du Congrès des Travailleurs Nigérians (NLC), Joe Ajero, a été arrêté, l’empêchant ainsi d’assister au Congrès des Syndicats Britanniques. Les bureaux du NLC ont été perquisitionnés et vandalisés par la police nigériane.

Au Nigeria et à l’international, une vague de protestations a éclaté contre la répression gouvernementale et l’intention de l’État de procéder à une exécution judiciaire des 11 militants.

Des centaines de syndicats et d’organisations, dont le Syndicat des employées et employés du cégep du Vieux-Montréal (CSN), le Syndicat britannique des enseignants (NEU), le Syndicat national des enseignants universitaires du Brésil (ANDES), le Conseil du Travail de Vancouver, le Public Services International, Steve North (président d’Unison en Grande-Bretagne), la Conférence Internationale des Syndicats, Human Rights Watch et Amnesty International, ont écrit des lettres de protestation concernant ce cas.

Alternative socialiste, en solidarité avec les activistes syndicaux et communautaires nigérians, organise un point de presse avec des intervenants, le jeudi 7 novembre, à :

Agissez maintenant en solidarité avec le mouvement ouvrier du Nigeria!

  • Merci d’envoyer des lettres de protestation à la police et aux autorités.
  • Merci de soutenir financièrement les démarches légales des arrêtés.

Envoyez vos courriels

Au bureau du président Tinubu
info@statehouse.gov.ng
info@osgf.gov.ng

À la police d’Abuja
pressforabuja@police.gov.ng

Envoyez vos dons par PayPal au:
ekonomi@socialisterna.org

L’austérité dans les cégeps n’est pas une fatalité

Le gouvernement de la CAQ a annoncé, en plein été, des compressions budgétaires majeures dans le réseau collégial. Les impacts se font déjà sentir. Comment combattre cette nouvelle vague d’austérité, alors que les syndicats du secteur public ne peuvent plus exercer de moyens de pression sérieux?

À la mi-juillet, le gouvernement Legault a décidé de couper plus de 400 millions $ dans l’enveloppe destinée au maintien des bâtiments collégiaux pour 2024-2025. Il s’agit d’une baisse de 22% par rapport à l’an dernier. Or, le réseau collégial du Québec a vu ses besoins financiers en entretien des immeubles doubler en trois ans, pour atteindre 700 millions $.

Le 31 juillet, les membres de la direction des cégeps – pour la plupart en vacances – ont reçu une lettre de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans laquelle elle leur impose un plafonnement des dépenses destinées à la réfection de leurs bâtiments et à l’achat de matériel. Plusieurs cégeps voient ainsi leur budget fondre de moitié au moment de la rentrée d’automne, alors que les dépenses ont déjà été approuvées par les conseils d’administration.

À cette période de l’année, les budgets sont déjà faits et les grands travaux, déjà entamés. L’été est le meilleur moment pour effectuer des travaux majeurs. Pour plusieurs établissements, les dépenses maximales sont déjà atteintes à la rentrée scolaire. Avec la nouvelle directive, de nombreux projets majeurs seront suspendus.

Cette annonce survient quelques mois à peine après le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public. Dans les corridors de cégep, on entend certains employés dire avec lassitude: «On dirait que le gouvernement nous fait payer le Front commun et notre maigre augmentation de salaire».

Cégeps délabrés

En mars dernier, des syndicats ont décrié l’état vétuste de la majorité des établissements collégiaux du Québec. Près de 65% des bâtiments du réseau sont considérés en mauvais état par le gouvernement. Des cégeps, comme celui de Saint-Laurent, ont fermé des pavillons par mesure de sécurité. D’autres établissements ont installé des «classes modulaires», c’est-à-dire des roulottes, pour compenser le manque d’espace.

De plus, de nombreux aménagements physiques sont déjà mésadaptés aux personnes à mobilité réduite. Les coupures affectent l’achat de matériel spécialisé pour les étudiants et les étudiantes avec un handicap ainsi que l’ensemble des services offerts qui vont au-delà de la pédagogie. Une technicienne en travail social nous a signalé le non-sens des demandes du gouvernement: «On a créé une politique en santé mentale à la demande du ministère, mais le même gouvernement est en train de nous enlever les moyens de la mettre en place! C’est complètement absurde!»

Inscriptions en hausse

S’additionne aux problèmes de financement des bâtiments collégiaux la plus forte hausse annuelle des inscriptions dans les cégeps du Québec (+5,3%) en 25 ans, selon la Fédération des cégeps. C’est surtout en région que les hausses sont les plus importantes: +10% dans les cégeps de Lanaudière, +7,1% dans ceux des Laurentides et +8,7% dans ceux de Chaudière-Appalaches. La présence d’étudiantes et d’étudiants étrangers en région explique principalement cette hausse.

À lui seul, ce groupe étudiant a augmenté de +14,4% en un an. La présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, a précisé au Devoir que son organisation a recruté des personnes immigrantes pour combler la «pénurie de main-d’œuvre», surtout pour les programmes en santé.

Par exemple, le Québec a recruté près de 1 000 infirmières en Afrique, notamment au Cameroun, au Maroc et en Côte-d’Ivoire, depuis les deux dernières années. Ce programme de recrutement a coûté 65 millions $.

Toutes ces nouvelles inscriptions exigent plus de locaux, plus d’équipement ainsi que davantage de personnel de soutien, professionnel et enseignant. Mais voilà que la CAQ coupe elle-même dans les investissements nécessaires à la formation collégiale, incluant pour les étudiantes et étudiants de l’étranger si «vitaux» à ses plans économiques.

Privatisation rampante 

Pendant ce temps, le gouvernement débloque 54 millions $ sur trois ans à Alloprof pour le développement d’une nouvelle plateforme dédiée à l’apprentissage du français pour les élèves du primaire et du secondaire. Cette plateforme est utile à la fois pour les études et pour les parents qui accompagnent leurs enfants dans leurs devoirs. Mais le corps enseignant contractuel qui travaille pour cet organisme à but non lucratif privé n’est généralement ni syndiqué ni couvert par les conventions collectives de la fonction publique québécoise.

Investir de l’argent public pour des organismes éducatifs privés est une façon de privatiser le secteur de l’éducation petit à petit.

Les coupures dans les services n’entraînent pas la coupure des besoins pour autant. C’est ce qu’une technicienne en documentation d’un cégep de Montréal a rapporté: «D’habitude on commande des livres obligatoires pour les étudiants, que ce soit en littérature ou des livres de références en sciences pures. Ça pénalise directement les étudiants qui devront s’acheter les livres maintenant.»

Annulation de formations

À la mi-septembre, Québec a annulé plusieurs attestations d’études collégiales (AEC), dont cinq au Cégep du Vieux Montréal, qui ne s’inscrivaient pas dans les priorités de son Opération main-d’œuvre. On parle des formations en communication et études sourdes, en métiers d’art du patrimoine bâti, en gestion immobilière, en assurances, en médiation culturelle et en transformation des aliments.

Les personnes inscrites ont été avisées à la dernière minute. Cette annonce a un impact direct sur leur cheminement professionnel, sur les secteurs liés et sur les enseignants et les enseignantes qui se retrouvent sans cours à donner cette année.

Le gouvernement a tenté de réallouer ces ressources vers les programmes couverts par son Opération main-d’œuvre, dont l’objectif consiste à répondre aux pénuries dans des secteurs comme la santé et l’éducation.

Si le gouvernement souhaite réellement que les études collégiales contribuent à la formation de la main-d’œuvre de demain, il n’aura pas le choix d’investir! C’est aussi vrai pour des mises à jour des programmes, comme celui de sciences pures dont la refonte mise davantage sur les biotechnologies. Une technicienne en travaux pratiques raconte: «On a des outils désuets et on n’a même pas les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour appliquer la refonte du programme!»

Les autorités ne parlent pas d’austérité ou de coupures en éducation, mais de «réévaluation des services». Difficile de voir comment la désuétude des infrastructures ou le manque de matériel adapté aux programmes peuvent favoriser la formation de cette «main-d’œuvre». Les coupures risquent plutôt d’en pousser plusieurs hors du réseau collégial, vers le privé ou vers le marché du travail.

De l’argent, il y en a… pour les multinationales

On voit ici toute l’hypocrisie de la gestion capitaliste du réseau de l’éducation. D’un côté, le gouvernement pleure le manque d’infirmières et de personnel enseignant, mais coupe dans leur formation, dans les dépenses d’établissement collégiaux et signe des conventions collective qui garantisse l’appauvrissement des employé་es du secteur public.

De l’autre côté, le gouvernement octroie des milliards $ à des multinationales étrangères afin qu’elles exploitent à rabais les mines du Québec et les employé་es de la filière batterie (par exemple ceux et celles des usines d’anodes, de cathodes, de batteries et de véhicules électriques). Le gouvernement espère de potentielles retombées économiques positives dans un contexte de concurrence mondiale qui rend les marchés très volatils. On l’observe avec le ralentissement des activités de Northvolt au Québec.

Ce qui est certain à l’heure actuelle, c’est la pollution, les problèmes de santé et la baisse de la qualité de l’éducation au Québec.

Pour une riposte dans la rue et dans les urnes

La lutte pour une éducation publique gratuite, accessible et de qualité, de l’enfance à l’âge adulte, impose une lutte sérieuse non seulement contre cette vague d’austérité, mais contre toute la vision caquiste de la société.

Les espérances quant aux possibilités de voir les partis d’austérité capitaliste prendre d’eux-mêmes des décisions dans l’intérêt de la classe des travailleuses et des travailleurs sont vouées à l’échec. L’espoir de voir la CAQ opter pour un virage massif pour le système public est déphasé d’avec la réalité de ses six années de règne.

Toutefois, un grand mouvement contre l’austérité en éducation, mais aussi en santé et dans les services publics en général, qui regrouperait syndicats, associations étudiantes et groupes politiques seraient en mesure de faire reculer le gouvernement en utilisant les stratégies qui font mal à son économie.

On le voit avec les grèves dans les chemins de fer ou les ports: les gouvernements et les capitalistes sont terrorisés par leurs effets et répriment les actions syndicales immédiatement.

Plusieurs grands syndicats déploient actuellement des campagnes de relations publiques visant à faire pression sur le gouvernement en faveur du secteur public. La gravité de la situation nécessite d’aller beaucoup plus loin, ne serait-ce que pour «ralentir» les coupures.

Il est temps de créer des solidarités parmi toutes les couches de la classe travailleuse, dans le privé comme dans le public, et d’utiliser la force gréviste des uns et des autres pour empêcher les plans de nos ennemis communs, le patronat et ses gouvernements.

Les décisions se prennent dans une sphère où le mouvement syndical est absent: celui de la politique parlementaire. Il est temps de réaliser que sans des candidatures politiques issues des luttes populaires, les gouvernements auront toujours le gros bout du bâton pour dicter nos conditions d’études et de travail. Organisons-nous autant pour des actions directes que pour déloger les capitalistes du pouvoir politique!

Des manifestants posent avec le drapeau du Bangladesh sur un canapé pillé dans la résidence de la Première ministre. Photo: REUTERS

Vague de grèves au Bangladesh après la chute du gouvernement

Le gouvernement capitaliste «intérimaire» prépare la répression.

La lutte de masse au Bangladesh est à un point décisif. Un mois après que le mouvement de masse a contraint la première ministre Sheikh Hasina à démissionner et à s’exiler, une confrontation se dessine entre une vague croissante de grèves ouvrières et le nouveau gouvernement. Le gouvernement «intérimaire» qui représente les propriétaires capitalistes d’entreprises multinationales prépare la répression.

«Le gouvernement intérimaire a annoncé des mesures sévères contre l’anarchie, alors qu’environ 200 usines ont suspendu leur production hier sur fond d’agitation ouvrière à Gazipur, Savar et Ashulia», a rapporté le Daily Star, le dimanche 8 septembre. Une réunion d’urgence des ministres, des chefs de police et des officiers de renseignement s’est tenue le même jour. «Des mesures sévères doivent être prises à l’encontre de certaines personnes afin de sauver les usines, les travailleurs et l’économie. Nous en avons discuté», a déclaré un conseiller du gouvernement aux médias.

Les grèves s’étendent

La semaine dernière a été marquée par une forte recrudescence des manifestations de travailleurs et de travailleuses dans l’industrie dominante de l’habillement, où les femmes sont majoritaires, mais aussi dans les usines pharmaceutiques et les fabriques de chaussures. Les grèves se sont propagées d’une usine à l’autre par des marches, des blocages de routes et des manifestations de masse devant les bureaux des entreprises et des autorités. Le mouvement et les méthodes sont clairement inspirés par le mouvement aux caractéristiques révolutionnaires de cet été.

De nombreuses entreprises ont fermé leurs usines, sur les conseils de la police. Au cours de la fin de semaine, «la police, l’armée et les gardes-frontières ont été déployés» pour assurer la reprise de la production. La police tente également «d’identifier et d’arrêter les personnes à l’origine des troubles». Le gouvernement et les entreprises accusent des «étrangers» d’en être à l’origine. Mais le conseiller du gouvernement admet qu’«il était difficile de distinguer les travailleurs des étrangers».

Un autre site web, bdnews24.com, a titré Qu’est-ce qui motive la soudaine augmentation des protestations des travailleurs de l’industrie de l’habillement au Bangladesh?, commentant que «tout à coup, les travailleurs de l’habillement font des demandes que personne n’a jamais entendues auparavant».

«Le groupe Sharmin, l’une des plus grandes usines de confection d’Ashulia, emploie environ 20 000 travailleurs. Après deux jours consécutifs d’attaques contre les portes de l’usine, celle-ci a été déclarée fermée. Une liste de 20 revendications a été soumise aux autorités de l’usine, la plupart d’entre elles étant nouvelles pour l’industrie.»

Salaires, congé de maternité et nationalisation

Sur d’autres lieux de travail, des listes de 10 à 15 revendications ont été présentées. Ces listes comprennent:

  • des augmentations de salaire de 15 à 20%,
  • des augmentations de salaire pour les heures supplémentaires et les équipes de nuit,
  • des indemnités de déjeuner et de transport,
  • des traitements médicaux,
  • le transport si un travailleur ou une travailleuse est malade,
  • un congé et une rémunération de maternité,
  • un avancement de grade pour les employé⋅es permanents ou permanentes tous les deux ans,
  • des primes et des jours de congé pour l’Aïd el-Fitr
  • la fin du harcèlement et des punitions dans le milieu de travail (y compris le fait d’être inscrit ou inscrite sur une liste noire).

L’un des principaux problèmes à l’origine des grèves est le non-paiement des salaires dans de nombreuses usines. Ces conditions ne sont pas nouvelles. La surexploitation brutale des travailleuses et des travailleurs du Bangladesh existe depuis des années. Elle constitue en fait la base du «miracle économique» du capitalisme bangladais, ayant attiré les multinationales. C’est l’impact de la lutte de masse qui a enhardi les travailleuses, les travailleurs et les masses pauvres à refuser d’accepter ces injustices plus longtemps et à s’engager sur la voie de la lutte militante.

L’augmentation du coût de la vie est à l’origine d’une nouvelle revendication réclamant davantage de travailleurs masculins dans l’industrie de l’habillement. Dans de nombreuses familles, les travailleuses du textile sont les seules à disposer d’un revenu. Cette demande souligne la nécessité de disposer de deux revenus.

Pour protéger les emplois dans une période de fermetures d’usines et de réductions d’effectifs, la revendication de nationalisations a été soulevée. Il s’agit d’une revendication essentielle dans un pays qui compte autant d’entreprises multinationales et de sous-traitants. Elle devrait être liée à la création d’organisations de travailleuses et de travailleurs capables de jeter les bases d’un contrôle de l’industrie par ces derniers et dernières.

Dans certains cas, les entreprises ont fait des promesses qu’elles n’ont pas tenues lorsque le travail a repris. En général, les capitalistes attendent leur moment et menacent les protestataires. Comme le rapporte un média, «Mohammad Hatem, président de l’Association des fabricants et exportateurs de tricots du Bangladesh, a déclaré que certaines revendications étaient “illogiques” […] “S’ils viennent avec de simples revendications, nous pouvons en discuter à la table, mais ils descendent plutôt dans la rue”, a déclaré Hatem, blâmant les “groupes d’intérêt” qui veulent nuire à l’industrie, sans donner d’autres détails.»

L’escalade

Au cours de la semaine dernière, les grèves et les manifestations ont continué de s’intensifier. Les travailleuses et les travailleurs exigent des réponses immédiates à leurs revendications et refusent de reprendre le travail malgré les menaces et les fermetures d’usines. L’expérience d’autres luttes ouvrières et mouvements de masse montre que cela ne peut pas durer indéfiniment – de nouvelles étapes dans la lutte sont nécessaires.

Le mouvement de grève doit être organisé et coordonné démocratiquement. Il n’y a pas seulement un risque d’intervention de la police. Plus grave encore, il n’y a pas d’organisation et de direction adéquates pour la classe ouvrière. Les syndicats ne regroupent que 5% de la main-d’œuvre du pays et sont dans la plupart des cas contrôlés par les deux principaux partis politiques pro-capitalistes (la Ligue Awami de Hasina et le Parti nationaliste du Bangladesh). Ils disent ouvertement qu’ils «n’ont pas les ressources» pour organiser des réunions dans les usines et certains dirigeants syndicaux ont remis en question le mouvement actuel.

L’absence de leaders expérimenté⋅es ainsi que d’une véritable organisation crée un vide qui peut être comblé par d’autres forces et semer la confusion. Par exemple, des politiciens corrompus se battent pour conserver leur influence, notamment sur le marché lucratif du «jhoot», c’est-à-dire la vente de déchets de tissus de vêtements. Il existe également des organisations non gouvernementales (ONG), souvent financées par l’étranger, qui ont la fâcheuse habitude de s’opposer à la «politisation» et de faire dérailler les luttes vers le «compromis».

Le mouvement de masse initié par les manifestations étudiantes contre le système des quotas s’est transformé en peu de temps en une révolte contre le gouvernement autocratique et corrompu, culminant avec la participation de centaines de milliers de personnes à la «Longue Marche vers Dhaka» le 5 août. Face à l’échec de la répression – bien que des centaines de manifestants aient été tués, plus de 20 000 personnes blessés et 11 000 arrêtées – les militaires ont conseillé à Sheikh Hasina de démissionner et les généraux ont mis en place un nouveau gouvernement afin de garder le contrôle de la situation pour le compte de la classe capitaliste.

Le nouveau gouvernement

Le mouvement étudiant a donné lieu à des confrontations physiques avec la police ainsi qu’avec les fiers-à-bras de l’aile étudiante de la Ligue Awami de Hasina. Des manifestations de masse ont incendié des postes de police, protesté devant les domiciles des leaders de l’Awami, défié les couvre-feux et le verrouillage de l’Internet et des systèmes de transport. Ces luttes explosives et l’apparence de victoire, du moins avec la défaite de l’aile la plus ouvertement réactionnaire du système capitaliste, ont clairement inspiré les manifestations actuelles de travailleuses et de travailleurs.

Les manifestations de masse du mouvement étudiant ont également interrompu la production de l’industrie de l’habillement du pays. Elle représente 85% des exportations et se classe au deuxième rang des exportations mondiales de textile, derrière la Chine.

La tâche du nouveau gouvernement est donc de «rétablir le calme» (c’est-à-dire le contrôle), a conclu le International Crisis Group (CPI), un groupe de réflexion de l’establishment capitaliste mondial. «Le gouvernement intérimaire devra rapidement restaurer la confiance dans l’économie et, en particulier, remettre le secteur de l’habillement – qui représente 85% des recettes d’exportation du pays – sur les rails.»

Le conseil donné aux militaires, qui ont organisé le nouveau gouvernement en très peu de temps, est que «sans le soutien des étudiants, le gouvernement intérimaire n’aurait eu qu’une crédibilité limitée et aurait même pu être confronté à de nouvelles manifestations». Le CPI poursuit : «ils ont également besoin d’une certaine expérience, ils ont nommé le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, pionnier du microcrédit et figure chevronnée de la société civile, pour diriger le gouvernement intérimaire». La CPI a également préconisé l’abolition de la règle constitutionnelle prévoyant l’organisation de nouvelles élections dans un délai de 80 jours. En fait, deux semaines seulement après le début de son mandat, Yunus a déclaré qu’il ne serait lié à aucun calendrier électoral et a souligné qu’il devait d’abord mener à bien des «réformes vitales».

Les luttes qui ont mis fin au régime de Hasina ont sans aucun doute donné confiance aux travailleuses et travailleurs. Mais la contradiction fondamentale de la «Révolution de juillet» est qu’en dépit de nombreuses caractéristiques extrêmement progressistes et importantes en termes d’organisation et d’héroïsme, la lutte a abouti – du moins pour l’instant – à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement souhaité par les capitalistes internationaux et nationaux. Il est là pour maintenir et restaurer l’ordre du système.

Tel qu’exigé par le mouvement, deux leaders étudiants ont rejoint le gouvernement. Ils l’ont fait en tant que ministres des postes, des télécommunications et de l’informatique ainsi que de la jeunesse et des sports. Cela a pour effet de donner au gouvernement une plus grande crédibilité auprès des masses. Parmi les autres ministres figurent un ancien général de brigade et un ancien gouverneur de la Banque du Bangladesh. Yunus dirige lui-même 27 ministères, dont ceux de la défense, de l’éducation, de l’alimentation, du textile et des femmes. Il ne s’agit pas d’un gouvernement de la Révolution de juillet, mais d’un gouvernement d’exploitation capitaliste continue. Le mouvement de masse ne doit pas se faire d’illusions. Elle doit lutter pour un gouvernement révolutionnaire basé sur la classe ouvrière et les masses pauvres.

La lutte de masse au Bangladesh a lancé un avertissement aux capitalistes et aux multinationales du monde entier. Elle est un signe des explosions sociales qui peuvent éclater dans toutes les parties du monde dans cette nouvelle ère de crise. Les racines de la révolte de masse sont communes à de nombreux autres pays:

  • forte inflation et hausse des prix,
  • emplois précaires,
  • longues heures de travail et chômage croissant,
  • gouvernement de plus en plus autoritaire.

L’impérialisme, par l’intermédiaire des multinationales, exploite depuis des décennies une classe ouvrière de plus en plus nombreuse au Bangladesh. Cependant, la forte croissance économique n’a en aucun cas profité aux travailleurs et aux travailleuses qui produisent les richesses. Le changement de gouvernement a donné un sentiment temporaire de liberté, mais n’a pas modifié les conditions fondamentales.

Une étape démocratique?

À l’instar de nombreux mouvements de protestation dans d’autres pays, une question apparemment restreinte – celle des quotas d’emploi – s’est rapidement transformée en un mouvement contre le gouvernement et les forces de l’État. Les revendications initiales contre les quotas ont été plus ou moins mises en œuvre lorsque le tribunal (c’est-à-dire le gouvernement) a reculé à la mi-juillet. Mais à ce moment-là, les revendications étaient dirigées contre la répression massive exercée par le gouvernement et les forces de l’État à l’encontre de manifestations initialement pacifiques. La principale revendication à partir de la fin du mois de juillet a été la démission du gouvernement, la libération des leaders étudiants arrêtés et l’arrestation des officiers de police responsables. Lorsque le gouvernement a proposé des pourparlers, la dynamique était telle que les leaders étudiants ont refusé d’y participer.

Le mouvement a également montré comment les revendications peuvent être mises en œuvre par la base, sans attendre le gouvernement ou les tribunaux. Le mouvement a exigé l’interdiction de la branche étudiante du parti au pouvoir, la Ligue Chhatra, mais il l’avait déjà chassé de nombreux campus, les déclarant Chhatra free. Le mouvement ne s’est pas limité aux universités et aux collèges, mais a également défilé dans les villes et bloqué les autoroutes et les voies ferrées.

Les manifestations du mois de juillet au Bangladesh ont présenté de nombreuses caractéristiques communes avec les révoltes d’autres pays. Elles ont été menées par des jeunes, des étudiants et des étudiantes, avec de nombreuses jeunes femmes en première ligne. Ils ont été rejoints, d’abord par le corps enseignant, puis par des avocats et des avocates ainsi que des couches plus larges de travailleuses et de travailleurs. La répression de l’État est rapidement devenue la question la plus importante, éclipsant les autres.

Ce mouvement a ébranlé la classe dirigeante. Les orientations suivantes ont été données par le mouvement étudiant du 3 août, un ultimatum pour la démission du gouvernement:

  • non-paiement des impôts et des factures de services publics
  • fermeture de toutes les institutions (tribunaux, bureaux)
  • appel à l’arrêt de tout travail dans les ports, les transports collectifs et les usines.

Il a même appelé à l’arrêt des transferts de fonds provenant de l’étranger, une source importante de revenus.

Après la victoire contre le gouvernement, même les forces de police tant détestées se sont mises en grève du 6 au 11 août dans le but d’éviter les représailles et de rejeter l’entière responsabilité de leurs actions sur le gouvernement.

Le mouvement au Bangladesh présente certaines des caractéristiques d’une révolution politique: un mouvement de masse qui chasse un gouvernement autoritaire. Toutefois, comme l’ont montré tant d’autres luttes historiques, il ne peut s’agir que du début d’un processus révolutionnaire.

Lorsque le président Hosni Moubarak a été renversé en Égypte en 2011, l’ISA a souligné la victoire et la force des masses. Mais elle a également mis en garde contre la contre-révolution dans le contexte de l’absence d’une alternative politique révolutionnaire. L’impérialisme et l’establishment militaire, qui constituent au Bangladesh une partie essentielle de la classe capitaliste, prépareront inévitablement une contre-révolution. La question de savoir si cela réussira dépend du degré d’organisation de la classe ouvrière en tant que force la plus révolutionnaire de la société. Cela dépend aussi du fait qu’elle soit armée d’une stratégie de combat et d’une direction socialiste consciente. Au Bangladesh aujourd’hui, cette tâche commence par la reconnaissance du fait que les travailleuses, les travailleurs, les étudiantes et les étudiants ne doivent pas soutenir le gouvernement intérimaire du dirigeant capitaliste Yunus, soutenu par les États-Unis, ni lui accorder leur confiance.

La leçon la plus importante pour les luttes révolutionnaires peut être tirée de la Révolution russe de 1917. La révolution de février a renversé le tsar détesté, créant un espoir massif de changement et de démocratie. Cet état d’esprit a même touché les leaders bolcheviks, dont Staline, qui a d’abord apporté un soutien «critique» au nouveau gouvernement provisoire. Aujourd’hui encore, les staliniens prônent une théorie étapiste, qui commencerait par une soi-disant «étape démocratique» préalable à une prétendue lutte pour le socialisme par la suite. Lénine, cependant, a souligné les limites de la révolution de février et la nécessité pour la classe ouvrière de construire son propre parti révolutionnaire et de prendre le pouvoir par l’intermédiaire de ses propres comités, les soviets, afin d’obtenir la paix, la terre et le pain. Le gouvernement provisoire, fondé sur le capitalisme et l’État tsariste, ne changerait pas fondamentalement la société et deviendrait plutôt, comme l’a prévenu Lénine, le «centre d’organisation» de la contre-révolution.

Aujourd’hui au Bangladesh, les travailleuses et les travailleurs devraient exiger la création d’une véritable assemblée constituante du peuple pour remplacer le Parlement national (la Chambre des nations), corrompue et dominée par l’élite. Une telle assemblée devrait avoir le pouvoir de prendre le contrôle des plus grandes entreprises dans le cadre d’une propriété publique démocratique ainsi que de mettre en œuvre des réformes sociales de grande envergure telles:

  • l’augmentation des salaires et des pensions,
  • la protection des emplois et des soins de santé.

Cela ne peut être gagné que si la classe ouvrière, soutenue par les étudiants, les étudiantes et les autres secteurs de la population, s’organise pour forcer la convocation d’un nouveau pouvoir de la base, à travers la création de comités d’usine de travailleurs et de travailleuses, de véritables syndicats de masse et d’un parti politique de la classe ouvrière.

Free Daniel Akande

Libérez Daniel Akande! Manifester n’est pas un crime!

Agissons pour exiger la libération de Daniel Akande et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la campagne de répression de l’État nigérian.

Le dimanche 1er septembre, le camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.

La répression et les arrestations se concentrent sur la capitale, Abuja, ainsi que sur les États de Kaduna et de Kano. Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis trois semaines, avec la fin de la manifestation #EndBadGovernancceProtest le 10 août. Parmi elles se trouvent des activistes et des socialistes.

Dix d’entre eux, dont Michael Tobiloba Adaramoye du DSM, ont été traduits en justice le 2 septembre. Les documents judiciaires (FHC/ABJ/CR/454/2024) indiquent que le régime du président Tinubu réclame la peine de mort pour chacun d’entre eux, car ils ont pris la tête des manifestations organisées par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes pour exprimer leur opposition à la faim et à la pauvreté croissante. Ils sont accusés à tort de trahison et de complot visant à renverser le gouvernement.

Les rapports indiquent que les personnes arrêtées sont torturées pour qu’elles donnent les noms d’autres militants. Cela a conduit à l’arrestation de Daniel Akande. Nous savons que d’autres camarades figurent sur la liste des personnes a arrêter par la police. Elle tente désespérément d’attraper d’autres personnes organisatrices et participantes aux manifestations.

Les syndicats sous attaque

La principale fédération syndicale, le Nigeria Labor Congress (NLC), et son président, Joe Ajaero, ont également été attaqués. Le bureau central a été perquisitionné et vandalisé par la police. La semaine dernière, lorsque Joe Ajaero a été convoqué par la police, le syndicat a menacé d’organiser une grève nationale s’il était placé en détention. Nous devons appeler les syndicats à ne pas abandonner les jeunes de la classe ouvrière arrêtés par la police, à défendre le droit de manifester en tant que droit démocratique et à mobiliser le soutien et organiser les actions de solidarité nécessaires pour libérer toutes les personnes qui ont été arrêtées. Il faut même insister sur l’indemnisation des familles de toutes les personnes tuées par la police et les agents de sécurité au cours des manifestations.

Les accusations portées contre les personnes arrêtées sont totalement infondées. C’est la position adoptée par le NLC lorsqu’il a été accusé de «financement du terrorisme». Les militants et militantes arrêté⋅es sont également accusé⋅es d’avoir reçu de l’argent de sources suspectes provenant de l’étranger. Le gouvernement a également accusé un certain M. Povey, citoyen britannique, d’être impliqué dans une tentative de coup d’État et l’a déclaré «recherché».

Cette campagne menée par l’État nigérian est fondée à la fois sur la crainte gouvernementale des manifestations et sur une tentative de coup de force visant à susciter la peur et à paralyser le mouvement sur le terrain. On ne sait pas encore jusqu’où elle ira, avec les procès, les condamnations, etc.

Lorsque Bola Tinubu est devenu président du Nigeria en mai de l’année dernière, le prix d’un litre d’essence était de 167 Naira (0.13$ CAN). L’augmentation du prix de 300% décrété par l’État, le fixant à 670 Naira (0.55$ CAN), n’a rien fait pour mettre de l’essence dans les stations-service. La pénurie actuelle a fait monter le prix du litre entre 800 et 1 200 Naira (0.66 et 1$ CAN) sur le marché noir, où le carburant est plus facile à obtenir que dans les stations-service!

Les prix des denrées alimentaires augmentent de la même manière. Le Naira est la deuxième monnaie la moins performante au monde. Une série de grèves, dont beaucoup ont été reportées par les directions syndicales, a contraint le gouvernement à augmenter le salaire minimum mensuel de 30 000 à 70 000 Nairas (25$ et 58$/mois). Cette mesure n’a pas encore été mise en œuvre et la majorité des gouverneurs de l’État ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de payer.

Le Movement for a Socialist Alternative (MSA), l’ensemble du mouvement syndical et les organisations sympathisantes mènent une campagne pour que les charges soient abandonnées et que toutes les personnes militantes détenues soient libérées.

Agissez maintenant pour la solidarité ! Envoyez des lettres de protestation à la police et aux autorités!

 

Envoyez-les:

Au bureau du président Tinubu

info@osgf.gov.ng

 

À la police d’Abuja

pressforabuja@police.gov.ng

 

Exemple de lettre 

Free Daniel Akande and all arrested!

On Sunday, 1 September, Daniel Akande, member of MSA (ISA in Nigeria) was arrested by police in Abuja, the Nigerian capital. We demand his immediate release, with all charges dropped.

We demand the release of all protesters arrested and held in custody since the #EndBadGovernanceProtest ended on August 10. In total hundreds have been arrested.

We are closely following events in Nigeria, where the huge price increases on fuel, transport and food caused mass protests this year, latest and largest in early August. We have also noted the new minimum wage not being implemented.

The response of the regime under president Tinubu has been increased repression against activists and labor, with completely unfounded charges.

We urge labor, left wing and democratic grassroot organisations to engage and spread information and protests for the immediate release of all arrested.

City and date:

Names and organisation:

Des membres de Lutte socialiste durant les protestations du 2 et 3 septembre en Israël

L’outrage des otages tués entraîne une grève générale historique

Les protestations de ces derniers jours en Israël ont atteint des proportions historiques. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche et une grève générale s’est déroulée ce lundi. Une décision de justice a mis fin prématurément à la grève. Le premier ministre Netanyahou s’est vivement opposé aux grévistes. Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un tract de nos camarades de Lutte Socialiste, la section de l’ISA en Israël/Palestine.

Après une grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours!

  • Stoppons la guerre maintenant!
  • Pour l’échange de tous les otages d’un côté contre tous les otages de l’autre!
  • Pour la reconstruction et le bien-être pour tout le monde!
  • Pour le renversement du gouvernement israélien sanguinaire!

L’assassinat des six personnes enlevées à la suite de la décision du «cabinet de la mort» israélien de perpétuer l’occupation du «corridor de Philadelphie» entre Gaza et l’Égypte a porté l’indignation générale de la société israélienne à son comble. Face à l’insistance du gouvernement minoritaire de Netanyahou et de l’extrême droite à torpiller un accord et à poursuivre la guerre – qui n’était pas destinée à défendre la sécurité de millions d’Israéliens et d’Israéliennes, mais bien les intérêts du régime d’occupation et la domination du capital, au prix de rivières de sang – l’indignation et la mobilisation de masse ont réussi à déclencher une grève générale sans précédent dans le contexte de guerre.

De la base de la classe travailleuse, à la fois juive et arabe, est né un mouvement de grève générale politique «non autorisé». L’élément déclencheur immédiat a été le torpillage illégitime des ministres du gouvernement sanguinaire d’un accord de cessez-le-feu, et donc d’un échange d’otages et de prisonniers. Les grévistes voulaient plutôt contraindre le gouvernement à signer un accord. Quelque 300 000 personnes ont afflué à Tel-Aviv, la plus grande manifestation depuis le 7 octobre 2023 et l’une des plus importantes jamais organisées dans la société israélienne.

Le président de la principale fédération syndicale israélienne Histadrut, Arnon Bar-David, a finalement succombé à la pression des masses. Il était jusqu’à très récemment totalement opposé à la mobilisation de la force organisée de la classe travailleuse en faveur d’un accord de cessez-le-feu. Cela s’est passé de la même manière que lors de la grève générale de mars 2023. Comme à l’époque, Bar-David n’a pas l’intention de mener une lutte sérieuse dans le but de renverser le gouvernement, mais plutôt de protester et de laisser la pression sortir, tout en se présentant comme le seul responsable de la prise de décision au nom de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs.

Certains capitalistes, profitant du fait que le ministre des finances Smotrich et le gouvernement sanguinaire sont occupés à répercuter les coûts économiques de la guerre sur les travailleurs et les travailleuses, ont exprimé leur soutien à la grève générale de protestation. Mais ils le font pour des raisons de «relations publiques» et parce qu’ils reconnaissaient que la grève était un moyen d’accroître la pression sur Netanyahou afin qu’il fasse preuve de souplesse sur la question d’un accord. Ultimement, ces capitalistes estiment nécessaire un cessez-le-feu dans l’intérêt de la stabilité. Ils étaient convaincus que la grève se limiterait à une opération de défoulement. Ils étaient donc prêts à y participer.

D’autres secteurs de la classe dirigeante israélienne craignent que la légitimation d’une grève générale politique contre le gouvernement, même dans le contexte de crise d’une guerre, se retourne contre eux dans le cadre de futures luttes sociales. Ainsi, le procureur général libéral Baharav-Miara, soi-disant champion de la «démocratie», s’est joint à Smotrich pour tenter de mettre fin à la grève en exigeant la délivrance d’une ordonnance anti-démocratique. Elle a effectivement été délivrée par le président du tribunal régional du travail de Tel-Aviv-Jaffa. Elle a ordonné la fin de la grève à 14h30, après 8 heures et demie de grève, dans une décision destinée à dissuader légalement toute future grève générale politique.

Le gouvernement ne bougera pas après une grève de protestation de quelques heures

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes se sont mis en grève et sont descendus en masse dans les rues pour changer une réalité horrible. Cet élan combatif pour un «accord dès maintenant» ne doit pas céder à un relâchement de la pression, à un retour à la routine et à l’idée que «rien ne peut être fait» face à la puissance de ce gouvernement sanguinaire.

Après cette importante grève d’avertissement, le gouvernement doit recevoir un ultimatum clair de deux jours de grève générale dans le cadre d’un plan d’escalade de la lutte. Entre-temps, les délégations et les syndicats devraient organiser les employé⋅es dans chaque milieu de travail pour renforcer les manifestations. Tous les syndicats doivent adopter un plan d’action clair et le soumettre aux personnes élues de la Histadrut pour discussions et adoption, ainsi aux organes similaires des autres syndicats et organisations.

Cette lutte appartient aux masses qui y participent. La mobilisation de masse nous a même permis d’aboutir à une grève générale. Aujourd’hui, les réunions (virtuelles ou en personne) dans les milieux de travail, dans les écoles et les campus, et parmi les groupes de protestation, peuvent contribuer à renforcer les discussions qui évaluent la situation afin de prendre des décisions démocratiques pour construire la lutte.

La lutte met également à l’ordre du jour la question de la fin de la guerre. Il est important de se méfier des voix de droite qui tentent de réduire l’horizon de la lutte à la question d’un accord qui n’a soi-disant rien à voir avec la poursuite de la guerre. Sans la fin de la guerre et le retrait des troupes de Gaza, la possibilité d’un accord est très faible. Et de toute façon, sans la fin de cette guerre de destruction, l’horrible spirale sanglante de ces derniers mois se poursuivra, à grands frais. Des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes, toute la bande de Gaza a été détruite et la quasi-totalité de la population a été déplacée sous des tentes. Des communautés en Israël et au Liban restent déplacées. Pendant ce temps, le gouvernement Netanyahu et l’extrême droite poussent vers une guerre régionale.

Par conséquent, cette lutte doit être dirigée sans équivoque contre la violence de la guerre – à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et dans toute la région – et contre le gouvernement capitaliste sanguinaire qui la dirige, et pour une alternative de changement socialiste face à l’occupation et à la domination sanglantes du capital.

Lutte socialiste demande :

  • Après cette grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours comme étape d’un plan d’escalade de moyens de pression. Paralysons l’économie israélienne. Exigeons la fin de la guerre et le retour de tous les otages (All for All) dans le cadre d’une lutte générale contre le gouvernement capitaliste sanguinaire de Netanyahou et de l’extrême droite. Lutton contre leur agenda qui sert la domination du capital et du régime d’occupation. Pour le retrait complet de toutes les troupes de la bande de Gaza. Pour l’arrêt des attaques militaires et des colons en Cisjordanie. Pour l’arrêt de la politique d’assassinats et de bombardements. Refusons une guerre régionale sous les auspices des puissances impérialistes de l’Ouest et de l’Est.
  • Pour des manifestations et des grèves à travers toutes les communautés nationales, les campus et les milieux de travail. Luttons contre les tentatives de restriction du droit de grève. Oui aux actions de protestation et de grève de masse des deux côtés de la Ligne verte, dans toute la région et dans le monde entier pour mettre fin au massacre à Gaza. Pour des actions syndicales visant à arrêter l’armement d’Israël et des manifestations pour mettre fin au soutien politique, économique et militaire impérialiste des gouvernements et des entreprises du monde entier au massacre à Gaza. Oui au refus du service militaire au sein de la population israélienne pour protester contre la guerre. Oui à l’appel des syndicats palestiniens pour des actions de solidarité internationale et à des mesures organisationnelles pour aider à arrêter le carnage à Gaza. Oui aux manifestations et aux grèves de protestation palestiniennes, telles que la «grève de la dignité» de mai 2021, des deux côtés de la Ligne verte, dans le cadre d’une lutte de masse organisée démocratiquement par des comités d’action élus, y compris des aspects d’autodéfense organisée, pour la libération nationale et sociale.
  • Pour la fin de la persécution politique et de la violence policière de Ben-Gvir. Elle vise à protéger le gouvernement, à perpétuer l’oppression nationale et à «diviser pour mieux régner». Elle veut faire taire la lutte pour un «accord dès maintenant» et pour mettre fin à la crise de la guerre et aux massacres à Gaza. Non au retrait des libertés démocratiques et à la hausse de la persécution politique. Non à l’émission d’ordonnances d’urgence. Exigeons que des comités ouvriers et que toutes les organisations de travailleurs et de travailleuses protègent les personnes persécutées par la chasse aux sorcières nationaliste contre les opposants et opposantes à la guerre. Non à la campagne de persécution du syndicat national des étudiants et étudiantes: pour le blocage de la loi visant à faire taire les voix dans le monde universitaire.
  • Pour la fermeture du centre de détention et de torture au Yémen, le «Guantanamo israélien». Pour la fin de la détention massive de Palestiniens et Palestiniennes, y compris des enfants, avec ou sans procès militaires. Pour la fin des détentions administratives, de la torture et des mauvais traitements infligés aux prisonniers de Palestine. Pour la fin de la légitimation, par l’extrême droite, de la torture et du viol, dans le cadre d’un programme réactionnaire qui promeut l’oppression nationale extrême et le meurtre de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de l’oppression fondée sur le genre et le sexe, et contre l’imposition des inégalités et de la pauvreté.
  • Assurons plus de préparation aux mesures d’autodéfense lors des manifestations. Oui à la prise de mesures de sécurité indépendantes de la police, à l’organisation de l’autodéfense et au maintien de la paix entre les personnes manifestant contre le gouvernement capitaliste sanguinaire, la guerre et l’occupation. Oui aux comités de défense créés sur une base démocratique dans les communautés, et à la coopération intercommunautaire au niveau local et national. Oui au droit à l’autodéfense organisée des résidents et résidentes sous occupation militaire et en état de siège, y compris avec l’aide d’une sécurité armée, organisée démocratiquement par des comités de défense élus.
  • Pour la fin du carnage, pour la fin de la famine de masse et pour des investissements massifs dans la reconstruction de Gaza et de toutes les communautés aux frais des capitalistes. Pour le transfert massif de nourriture, d’eau potable, de produits de base et d’équipements médicaux sans frais pour les habitants et habitantes de Gaza dans le cadre d’investissements massifs dans la reconstruction sous le contrôle démocratique de ces derniers et dernières, aux dépens des capitalistes des pays qui ont financé la guerre. Pour l’expropriation des banques, des grandes chaînes et des infrastructures clés de l’économie israélienne et leur intégration dans le secteur public, sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs et travailleuses. Pour des investissements massifs dans l’indemnisation et la reconstruction des deux côtés de la barrière.
  • La paix passe par la lutte pour une transformation socialiste de la société. Pour la fin de cette guerre qui cherche à restructurer et à perpétuer la dictature du siège de Gaza, de l’occupation, des colonies, de la pauvreté et de l’oppression nationale extrême imposée à des millions de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de la domination du capital. Luttons pour une solution qui va à la racine, basée sur la fin de l’oppression nationale, l’égalité des droits à l’existence, à l’autodétermination et à une vie de dignité, de bien-être et de sécurité pour tout le monde. Oui à la lutte pour un État palestinien indépendant, démocratique, socialiste et doté de droits égaux. Oui à la lutte pour la démocratie et le changement socialiste en Israël et dans la région. Oui à deux capitales à Jérusalem. Pour la réalisation d’une solution juste à la question des personnes réfugiées par le biais d’un accord reconnaissant l’injustice historique et le droit au retour des personnes qui souhaitent revenir d’où elles ont été chassées, tout en garantissant une vie de prospérité et d’égalité à tout le monde.
  • Pour la solidarité internationale, dans les luttes des travailleurs, des travailleuses et des gens ordinaires à travers la région, dans le cadre d’une lutte pour le changement socialiste et la paix dans la région. Pour la création d’une confédération de pays socialistes de la région, qui promouvra la démocratie et la sécurité et utilisera les ressources clés, dans le cadre d’une propriété publique démocratique, pour le bien commun, tout en garantissant l’égalité des droits pour toutes les nations et toutes les minorités.
  • Pour la promotion de mesures visant à construire une alternative politique de classe, internationaliste et combative de gauche, sous la forme de partis de lutte larges des deux côtés de la Ligne verte. Pour une coopération des uns avec les autres dans la lutte contre la domination israélienne du capital et de l’occupation et pour un changement socialiste. Pour la coopération face aux politiques capitalistes nationalistes et à l’agression impérialiste qui défendent des régimes oppressifs et tout un système d’inégalité et de crises multiples, qui ont causé l’actuel bain de sang à Gaza.