Manifestants contre l'invasion du Liban par Israël

Cessons d’armer Israël!

Après une année de massacre génocidaire à Gaza, le Moyen-Orient s’enfonce davantage dans l’abîme. Le gouvernement israélien pousse maintenant à une guerre régionale totale. Avec son invasion dévastatrice et brutale du Liban, il met toute la région à feu et à sang. Ici comme ailleurs, les gouvernements versent des larmes de crocodile sur les morts civils, tout en soutenant l’effort militaire d’Israël à fond.

Après un an de manifestations, allons plus loin!

Depuis près d’un an, nous avons manifesté par milliers, et par millions partout dans le monde, afin d’exiger la fin de la guerre génocidaire d’Israël. Mais elle n’a fait que s’intensifier.

Ces manifestations ont été historiques. Mais, il est clair qu’à elles seules, elles ne suffisent pas à forcer les gouvernements à retirer leur soutien à la guerre de l’État israélien. Les libéraux à Ottawa ou les caquistes à Québec représentent les intérêts de la classe dirigeante canadienne. Cette dernière est totalement soumise à l’impérialisme américain, dont la priorité absolue est de maintenir ses intérêts au Moyen-Orient. Cela signifie soutenir leurs alliés israéliens, y compris une attaque potentielle contre l’Iran, et continuer de fournir les armes, la technologie et les renseignements sur lesquels repose l’attaque de Benyamin Netanyahou. Rien de cela n’est fait en notre nom.

L’action de la classe ouvrière est nécessaire

Alors que les usines d’armement basées au Québec et ailleurs au Canada produisent des munitions pour la campagne meurtrière de l’État israélien, rien n’est fabriqué ou transporté sans le travail de la classe ouvrière. En menant des actions concertées, nous avons le pouvoir de mettre un terme à l’industrie de l’armement et à l’ensemble du système capitaliste.

Au Québec, tous les grands syndicats sont membres du Centre international de solidarité ouvrière (CISO). Ils endossent formellement sa déclaration d’octobre 2023 «demandant au gouvernement canadien la fin du commerce d’armes avec Israël». Cette décision doit être mise en œuvre immédiatement!

Les syndiqué∙es peuvent agir

La CSN et les Métallos représentent notamment les travailleuses et les travailleurs des usines de General Dynamics, une multinationale qui fabrique notamment des obus destinées à Israël. Certains syndicats sont ou étaient en période de négociation pour de nouveaux contrats de travail cette année, en plein génocide. Il s’agit du seul moment où des actions de grève peuvent être entreprises légalement. Au-delà des bonnes conditions de travail que ces personnes méritent, elles peuvent s’organiser pour arrêter la production d’armement et refuser de fournir de l’assistance aux opérations militaires sanglantes du gouvernement d’Israël.

Les débardeurs des ports de Québec et de Montréal sont aussi en période de négociation. IIs peuvent dès maintenant s’organiser pour refuser le transport des armes israéliennes, en particulier par les compagnies ZIM et Maersk, comme l’ont fait les débardeurs en Belgique, en Italie et en Afrique du Sud plus tôt cette année.

Nos syndicats ne doivent pas se contenter de faire loyalement pression sur le gouvernement libéral ou caquiste. Ce n’est qu’en luttant contre ces gouvernements que nous pouvons les forcer à agir. Nous avons eu un aperçu plus tôt cette année de la force du mouvement syndical avec les augmentations salariales – bien qu’insuffisantes – accordées par Québec aux syndiqué∙es du secteur public. Elles ont été concédées en raison des actions de grève.

L’ensemble du mouvement syndical doit soutenir de tout son poids les actions réellement en mesure de ralentir et de stopper la guerre au Moyen-Orient. Des actions de perturbations auraient un impact important sur les mégas contrats que les compagnies d’armement signent avec leurs acheteurs américains. Les gouvernements ne laisseraient pas faire les syndiqué∙es et révèleraient leur vrai visage, celui d’auxiliaires de l’impérialisme US. Passer de la parole aux actes nécessite de la créativité et le courage politique d’affronter la répression légale et policière.

Organisons-nous à la base

Organiser l’opposition de la classe ouvrière et mettre en œuvre une stratégie gagnante contre l’État signifie créer une pression de masse à partir des membres de la base. Il s’agit de se battre au sein de nos syndicats pour transformer les discours en action. Il s’agit pour le mouvement pro-Palestine d’établir des contacts solidaires avec les travailleuses et les travailleurs des secteurs stratégiques. Des actions directes massives des travailleuses et des travailleurs peuvent saper le rôle du Canada et du Québec dans l’alimentation de la machine de guerre et montrer la voie d’une solidarité effective avec la Palestine et les mouvements anti-guerre du monde entier.

Nous devons intensifier le mouvement au Québec et au niveau international contre la guerre d’extermination à Gaza et l’escalade guerrière de Netanyahu au Liban. Nous devons affronter et finalement renverser tous les gouvernements capitalistes et impérialistes qui nous mènent tout droit dans un monde de guerre. Au Moyen-Orient même, il existe une forte tradition de lutte, de la Palestine au Liban, en passant par le mouvement explosif Femme, vie, liberté contre le régime iranien.

Le mois dernier en Israël même, un mouvement de grève générale a exigé un cessez-le-feu et un accord d’échange d’otages. En dépit des horribles effusions de sang et de la vague de réaction nationaliste israélienne, des travailleuses et des travailleurs de confession juive, musulmane et d’origine arabe ont participé à la grève. Cela laisse entrevoir le potentiel qui existe toujours pour concentrer l’action de la classe ouvrière afin de menacer le capitalisme israélien chez lui.

Le seul moyen de mettre fin aux effusions de sang et de garantir une paix durable et démocratique consiste à construire une lutte unie des travailleuses, des travailleurs, des personnes pauvres et opprimées de toute la région contre les agressions impérialistes. C’est la force qu’il est nécessaire de bâtir pour créer un Moyen-Orient socialiste, où les droits de toutes les communautés nationales peuvent être garantis.

  • Pour des actions ouvrières contre la guerre et l’impérialisme! Les syndicats doivent appeler leurs membres à refuser de manipuler des armes et des technologies destinées à l’assaut génocidaire.
  • Pour la création d’une force politique indépendante de la classe ouvrière, basée sur les luttes réelles et se battant pour des politiques socialistes!
  • Pour la nationalisation de l’industrie de l’armement sous le contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses! Pour une transition immédiate vers une production socialement utile, sans perte d’emploi ou de salaire.
  • Pour une Palestine socialiste et indépendante, ainsi que pour un changement socialiste en Israël et dans toute la région! Pour un Moyen-Orient socialiste, la fin de la pauvreté et la défense des droits de toutes les communautés nationales.
Protestataires à l'Université de Haïfa

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza ont suscité une vague d’indignation mondiale. Des étudiants et des étudiantes se sont rassemblé⋅es pour protester, ce qui a inspiré des actions dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et en Europe.

En avril, avant le début de l’invasion meurtrière de Rafah, le mouvement international de solidarité avec les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza et d’ailleurs s’est intensifié et a pris de l’ampleur. Des étudiants et des étudiantes de l’Université Columbia à New York ont ​​installé le premier campement, dans le ventre de la bête de l’impérialisme américain. Cela a inspiré une vague d’actions de protestation à travers les États-Unis, l’Europe, l’Australie, l’Afrique du Sud, ainsi que le Moyen-Orient. Même parmi les étudiantes et les étudiants de Palestine, des deux côtés de la Ligne verte.

Parmi les nombreux exemples, les étudiantes et les étudiants en journalisme de l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI) de Manouba en Tunisie ont réussi à faire pression sur leur institution pour qu’elle coupe les ponts avec la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) allemande. Cela fait suite à la déclaration de la KSA, en octobre dernier, selon laquelle elle «se tient aux côtés d’Israël». Les étudiantes et les étudiants palestiniens de l’Université de Birzeit en Cisjordanie occupée ont établi leur propre campement. Et cela, malgré la répression de plus en plus intense par les forces d’occupation, ainsi que par l’Autorité palestinienne, depuis le 7 octobre.

La lutte a atteint les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza, en particulier les jeunes, qui ont exprimé leurs remerciements à celles et ceux qui se sont montrés solidaires et ont fait entendre leur voix. Cette vague a également été un facteur d’inspiration pour plusieurs étudiantes et étudiants palestiniens des universités israéliennes dans l’organisation de leurs propres actions sous une forte répression.

Alors que l’offensive génocidaire israélienne contre Gaza continue de provoquer de nouvelles horreurs chaque jour , il est impératif d’amplifier la pression pour mettre un terme aux massacres. Le bilan se chiffrerait à plusieurs dizaines de milliers de morts et de nombreuses personnes ont disparu sous les décombres. Il faut:

  • mettre fin à la guerre contre Gaza,
  • lutter pour une reconstruction massive,
  • éradiquer complètement l’oppression nationale et de l’expropriation des Palestiniens et des Palestiniennes.

Au-delà des bombardements incessants, de la famine et de la privation d’eau et de médicaments, le terrorisme d’État israélien a également ciblé la vie culturelle palestinienne. Les attaques ont anéanti toutes les universités de Gaza et ont endommagé ou détruit d’anciens sites culturels et archéologiques.

La destruction systématique des institutions éducatives de Gaza et le ciblage des universitaires illustrent l’assaut plus large contre la vie des Palestiniens et des Palestiniennes. Comme l’ont décrit les universitaires et les administrateurs d’université de Gaza dans une déclaration (29.5):

Notre infrastructure civile – universités, écoles, hôpitaux, bibliothèques, musées et centres culturels – construite par notre peuple pendant des générations, est en ruines à cause de cette Nakba continue et délibérée. Le ciblage délibéré de notre infrastructure éducative est une tentative flagrante de rendre Gaza inhabitable et d’éroder le tissu intellectuel et culturel de notre société. Cependant, nous refusons de permettre que de tels actes éteignent la flamme de la connaissance et de la résilience qui brûle en nous.

La déclaration appelle le mouvement de solidarité à soutenir cette résilience. Elle appelle à coordonner le soutien pour rouvrir efficacement les universités palestiniennes afin de reconstruire à long terme et répondre à la crise financière immédiate des universités et de leur personnel.

Actuellement, les campements sur les campus des États-Unis et dans le monde entier ont décidé de se disperser. Ce mouvement mérite un examen de ses réalisations et de ses revendications, ainsi que des leçons nécessaires pour avancer dans la lutte contre l’assaut génocidaire et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Répressions administratives et policières

De nombreux campements ont été confrontés à une répression violente, notamment à des brutalités policières, avec des arrestations musclées, dont des milliers aux États-Unis. Mais les protestataires ont aussi fait face à des sanctions administratives telles que des suspensions et des expulsions. Ces mesures répressives ont été contestées, notamment par des appels à l’amnistie pour les manifestants et les manifestantes.

Il est significatif que des professeur·es de l’Université de Columbia et de l’Université de Californie, par exemple, se soient organisé·es contre l’assaut barbare sur Gaza et pour défendre les manifestations étudiantes contre la répression. Le 10 juin , à la suite d’une décision de justice répressive, les milliers de travailleurs et travailleuses de l’Université de Californie syndiqué·es au sein de l’United Auto Workers (UAW) ont mis fin à leur grève qui durait depuis plusieurs semaines contre la répression des manifestations par l’administration. L’un des principaux catalyseurs de la grève a été la brutalité policière et l’arrestation de 210 manifestants et manifestantes, dont des travailleurs et travailleuses syndiqué·es au sein de l’UAW, le 2 mai. La grève, qui s’est étendue sur six campus de l’Université, a été la toute première mesure soutenue par un syndicat en soutien au mouvement étudiant. La section locale de l’UAW n’a pas laissé l’ordonnance du tribunal l’empêcher d’annoncer de nouvelles actions de protestation dans les jours qui ont suivi.

Les rassemblements et manifestations d’étudiantes et d’étudiants européens ont également été réprimés, notamment aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Des politiciennes et des politiciens réactionnaires de l’État de Berlin font pression pour rétablir une loi abrogée en 2021, autorisant l’expulsion pour des raisons disciplinaires. Cette loi, initialement adoptée à la fin des années 1960, était une mesure réactionnaire visant à réprimer les manifestations étudiantes contre la guerre du Vietnam et la réhabilitation des fonctionnaires nazis du gouvernement ouest-allemand de l’époque.

Les répressions ont révélé à de nombreux jeunes la vacuité de l’image de «libre-pensée» et de «progressisme» que ces institutions bourgeoises se targuent d’avoir. Le mouvement a une fois de plus mis en évidence le rôle qu’ont les universités au service des grandes entreprises. La répression policière a illustré ce rôle de manière frappante. Aux États-Unis, un groupe de capitalistes influents pro-sionistes a même été démasqué dans son intervention clandestine pour faire pression sur le maire de New York et les administrations universitaires afin qu’ils répriment les manifestations, comme l’a rapporté le Washington Post. Les appels à désinvestir et à divulguer les portefeuilles d’investissement soulignent l’absurdité des instituts de recherche et d’enseignement fonctionnant comme des entreprises. Ces appels devraient servir à rappeler au mouvement que la lutte pour la libération palestinienne est liée à la lutte contre le système capitaliste et impérialiste dans son ensemble.

Le mouvement a contribué à la radicalisation de couches de jeunes qui perçoivent l’hypocrisie de la «démocratie libérale occidentale». Les administrations universitaires se sont engagées à empêcher le mouvement de solidarité de populariser des revendications anti-establishment. Bien que le mouvement des campements soit actuellement dans une relative accalmie, il a fait preuve d’une ténacité impressionnante face à la répression – y compris en installant à nouveau le campement au moins trois fois à l’Université Columbia.

Comme nous l’avons déjà dit, dans certains cas, des concessions symboliques ont été obtenues. Par exemple, en Angleterre, le conseil du Trinity College de Cambridge, qui administre l’établissement, a voté pour se désinvestir de toutes les entreprises d’armement «d’ici l’été» (comme il l’a déclaré aux étudiants et étudiantes). D’autres universités affirment qu’elles prennent en compte les demandes, comme l’Université Brown aux États-Unis. Elle a accepté d’inviter des représentants étudiants à présenter leurs arguments pour que le fond de dotation désinvestisse des «entreprises qui facilitent l’occupation israélienne du territoire palestinien», en vue d’une décision de désinvestissement potentielle en octobre.

Des revendications importantes

La divulgation des fonds d’investissement universitaires soulève des questions importantes: pourquoi les universités sont-elles gérées comme des entreprises privées? Pourquoi des intérêts commerciaux et militaires étrangers sont-ils impliqués dans des recherches qui prétendent être impartiales? En creusant plus profondément, pourquoi le monde universitaire, à l’échelle internationale, reçoit-il des investissements et investit-il dans des entreprises impliquées dans la vente d’armes qui tuent en masse des gens ordinaires à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Ukraine, au Soudan, en Chine, en Iran et ailleurs? La recherche universitaire ne devrait pas être financée par des entreprises d’armement – ​​ni par celles qui permettent et encouragent la guerre génocidaire à Gaza, ni par celles qui alimentent l’agression militaire impérialiste et réactionnaire partout ailleurs.

Le désinvestissement est une demande immédiate qui, bien que généralement symbolique, est directement liée aux lieux de travail et d’études des étudiants, des étudiantes et du personnel. Cela permet de renforcer efficacement les mobilisations en faveur de l’action au sein des campus – en indiquant des gains immédiats potentiels. Cependant, l’argument souvent avancé en faveur du désinvestissement est le droit des étudiants et des étudiantes à «voir où va l’argent de leur propre frais de scolarité et à avoir leur mot à dire sur ce à quoi sert cet argent», comme l’ explique Victoria Hinckley, une organisatrice étudiante de l’Université de Floride du Sud. Il y a un risque que ce raisonnement devienne un geste superficiel, comme l’exprime Sam, un étudiant de l’Université McMaster et participant au campement:

Nous voulons nous assurer que notre université n’est pas complice d’un génocide – que l’université que nous fréquentons et l’argent que nous dépensons pour nos frais de scolarité ne contribuent pas à un génocide.

Ce sentiment est compréhensible, et il est important d’obtenir des concessions. Mais il peut aussi devenir un piège s’il n’est pas utilisé pour renforcer le mouvement plus large contre la guerre génocidaire et son soutien impérialiste américain, qui est le véritable enjeu. Pour les autorités universitaires, ces concessions limitées se résument à un «lavage de mains» moraliste, comme si le fait que l’institut «ne soit pas complice» était suffisant et qu’aucune autre action n’était nécessaire.

Cependant, il est clair que la plupart des participants et participantes aux campements ont l’intention d’avoir un impact significatif, comme le dit la coalition Divest de l’Université de Californie à Berkeley: «nous devons tirer parti de notre position unique au cœur de l’empire et du flux de capitaux mondiaux pour appeler à une Palestine libre». Chris Marsicano, chercheur sur les campagnes de désinvestissement, a fait valoir que l’impact possible du désinvestissement ne serait pas économique, mais politique. Il souligne que le gouvernement israélien a pris note des campements et des manifestations. Le gouvernement de coalition israélien de Netanyahou et de l’extrême droite a effectivement prêté attention aux manifestations, les qualifiant d’antisémites. Ce gouvernement vise à délégitimer l’opposition à l’assaut barbare sur Gaza et à se présenter cyniquement comme un défenseur du peuple juif, dans une tentative de renforcer sa faible popularité auprès de la population juive israélienne. Pourtant, les actions de désinvestissement ne pourraient en fin de compte qu’ajouter une pression politique limitée face au soutien indéfectible de l’impérialisme américain et occidental à l’occupation et à l’agression génocidaires israéliennes.

Pendant ce temps, l’offensive génocidaire se poursuit, avec des bombardements incessants et une famine forcée. Mais si de nombreux campements ont été réprimés et dispersés de force, certains ont volontairement été dispersés suite à des engagements des administrations universitaires, la fin des semestres étant une considération importante. Dans le cas de l’Université Brown, par exemple, le campement a pris fin avant même que l’administration de l’université ne décide de désinvestir ou non. Dans le cas du Trinity College, le campement a pris fin après que l’université ait désinvesti 61 735 £ (78 089 $) de la plus grande entreprise d’armement israélienne privée, Elbit Systems (qui produit 85% des drones et des équipements terrestres utilisés par l’armée israélienne).

Si cela montre que les campements peuvent obtenir certains gains, il s’agit néanmoins d’une somme symbolique tant pour les universités que pour l’entreprise. Elbit Systems a déclaré un chiffre d’affaires de 6 milliards $ en 2023, en hausse de 8,4% par rapport à 2022. Les institutions gardent secrets les détails complets de leurs avoirs. Le Washington Post a trouvé peu de signes d’investissement direct des institutions américaines dans les entreprises de défense israéliennes. Cependant, l’impact d’un désinvestissement de ces dernières serait limité dans le contexte du massacre de Gaza et de la lutte pour la libération palestinienne. La volonté de certaines administrations universitaires de se désinvestir remet donc en question l’ampleur de la menace que ces demandes représentent pour le statu quo.

La décision de désinvestir ne devrait pas être une raison suffisante pour mettre fin à un campement. La revendication centrale des manifestants et des manifestantes, qui est de mettre fin à l’assaut meurtrier contre Gaza, souligne la nécessité de construire la lutte au-delà du campus, dans le but de renforcer le mouvement de solidarité au sens large. Aux États-Unis, cela implique de faire pression et de formuler des revendications directes envers les municipalités, les États et l’administration Biden. On peut se lier à un mouvement plus large en suivant l’exemple du campement de Hackney au Royaume-Uni (le premier campement dans une municipalité urbaine – qui a récemment pris fin ) ou les grèves organisées par des dizaines d’étudiants et étudiantes à New York. Les campements pourraient «occuper» les centres-villes. Ils pourraient également contribuer à souligner la nécessité d’actions conjointes avec les syndicats, par exemple en coordonnant des actions ciblées contre les livraisons d’armes.

Plusieurs campements ont exigé des formes de boycott académique, allant jusqu’à la rupture totale des liens avec le monde universitaire israélien, y compris les projets de recherche et les programmes d’échanges étudiants. En Belgique, sous la pression, l’Université de Gand a rompu ses liens avec toutes les universités et les instituts de recherche israéliens, mettant fin à 18 projets en cours. En Espagne, certaines universités ont adopté des décisions de boycott général. La confédération des universités espagnoles (CRUE) a annoncé qu’elle allait couper les liens avec les universités et les instituts de recherche israéliens «qui n’ont pas exprimé un engagement ferme en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire», ainsi que renforcer la coopération avec les établissements d’enseignement supérieur palestiniens réprimés et lutter contre l’antisémitisme et l’islamophobie sur les campus. De profonds sentiments de répulsion aident à mobiliser autour de ces mesures de boycott. Cependant, si certaines demandes concrètes de boycott peuvent certainement jouer un rôle dans l’augmentation de la pression globale, leur impact matériel est généralement limité et, comme expliqué plus loin, leur impact politique peut varier considérablement.

Impact sur les campus israéliens

Le mouvement de solidarité internationale a contribué à inspirer des actions locales d’étudiantes et d’étudiants palestiniens sur les campus israéliens. Il a aussi suscité les craintes des administrations universitaires israéliennes quant à un isolement international (relativement) accru pour leur rôle complice dans l’oppression nationale et leur soutien à l’assaut génocidaire.

Youssef Taha, président de l’Union des étudiants arabes et organisateur d’Al-Tajammuʿ/Balad (un parti national libéral palestinien), a suggéré que «pendant que le monde les regarde, les universités israéliennes auraient du mal à montrer qu’elles répriment les étudiants [les universités] craignent un nouveau déclin et nous en profitons pour lancer des événements et des activités». Bien que la répression soit toujours en vigueur, les pressions internationales sur les institutions universitaires israéliennes ont certainement été l’un des facteurs qui ont influencé les administrations. Cela correspond à une crise généralisée du régime israélien et à une recrudescence générale des protestations dans la société israélienne.

Au sein de la population juive israélienne, le choc initial provoqué par l’attaque surprise du 7 octobre menée par le Hamas, qui a notamment entraîné le massacre de civils israéliens, est exploité par la classe dirigeante pour susciter une réaction nationaliste virulente. La répression de la dissidence a atteint des niveaux très élevés. Dans les milieux de travail et sur les campus israéliens, les administrations ont suspendu sans appel des étudiantes et des étudiants palestiniens, en rejetant catégoriquement toute voix dissidente, en particulier palestinienne, contre le massacre historique de Gaza.

Cependant, la profondeur de la crise a conduit à de profondes divisions au sein de la classe dirigeante israélienne et, simultanément, à l’éruption de la colère populaire. Une fois le choc initial passé, la colère grandit dans des couches importantes de la population juive israélienne contre le gouvernement israélien, l’extrême droite et en particulier autour de la question des otages. Cela signifie également que le gouvernement israélien, faible et impopulaire, était loin d’adopter une position similaire à celle du régime de Poutine en Russie, incapable de réprimer complètement la dissidence à l’intérieur de la Ligne verte.

Les institutions universitaires israéliennes sont entrées en conflit direct avec le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite. Le gouvernement de coalition actuel (qui n’inclut plus le parti de centre-droit de l’ancien général Gantz, qui a temporairement rejoint la coalition au nom des intérêts de la classe dirigeante après le 7 octobre) est extrêmement impopulaire et en désaccord avec la majeure partie de la classe dirigeante israélienne depuis son arrivée au pouvoir. Ainsi, avant le 7 octobre, le gouvernement a dû faire face à un mouvement de masse interclasse contre le plan de «coup d’État judiciaire», qui avait déjà entraîné les institutions universitaires israéliennes dans un conflit ouvert avec le gouvernement. Les tensions ont maintenant refait surface.

Le gouvernement israélien, désireux d’attiser le chauvinisme national, a sollicité l’aide du chef ultranationaliste de l’Union nationale des étudiants (affiliée à l’Union des étudiants européens). L’Union a lancé une campagne pour promouvoir une loi «antiterroriste» maccarthyste qui oblige les établissements universitaires à licencier les professeur·es qui s’expriment «contre l’État». Le non-respect de cette loi sera sanctionné par une suspension des budgets. Cette mesure a provoqué l’indignation. Les protestations étudiantes et les pressions exercées sur plusieurs associations étudiantes locales ont conduit ces dernières à retirer leur soutien à la loi. Les directions d’établissements universitaires se sont opposées à la loi, craignant qu’elle n’encourage les campagnes de boycott universitaire au niveau international. Elles craignent également une prise de pouvoir gouvernementale qui menace leur autonomie relative.

La combinaison des pressions internationales et du conflit interne avec le gouvernement israélien a poussé les administrations universitaires israéliennes à se présenter comme ayant des traditions «démocratiques». Ainsi, par exemple, le président de l’Université de Tel Aviv a publiquement demandé à la police de reconsidérer son refus et d’autoriser la cérémonie annuelle du Jour de la Nakba. L’université exploite ces actions à des fins de relations publiques internationales, dans le cadre d’une riposte aux initiatives de boycott, ainsi que pour nourrir une image «démocratique» du capitalisme israélien et de l’occupation en général.

C’est ce qui est arrivé à la professeure Anat Matar, qui a dû faire face à des réactions négatives après avoir exprimé ses condoléances pour Walid Daqqa, un ancien prisonnier palestinien décédé d’un cancer dans une prison israélienne (condamné par un tribunal martial pour responsabilité indirecte dans le meurtre d’un soldat israélien par le FPLP. Il a ensuite rejoint le parti Al-Tajammuʿ/Balad). Les ultranationalistes ont pris Matar pour cible et l’université a déclaré publiquement qu’elle «condamnait et dénonçait les déclarations» de Matar. Bien que l’université ait refusé de licencier Matar, elle a continué à la dénoncer. Pourtant, l’université a utilisé ce cas dans une déclaration contre les campagnes internationales de boycott, intitulée Rétablir la vérité: la vérité sur l’université de Tel Aviv. Dans cette dernière, l’université affirme qu’elle «défendait fermement le principe de la liberté d’expression même lorsqu’il s’agissait des questions les plus controversées» et que «pas un seul étudiant ou membre du personnel de TAU n’a été puni, ni aujourd’hui ni jamais, pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes».

L’Université de Haïfa a pour habitude de réprimer et d’empêcher les manifestations palestiniennes et anti-guerre sur le campus. Récemment, l’administration a toutefois éviter de réagir à une incitation ultranationaliste contre le professeur Asad Ghanem, lors d’un panel de discussion auquel il participait avec un responsable du Hamas. L’université a déclaré: «tant qu’il n’y a pas de violation de la loi, l’université n’intervient pas dans les questions liées aux activités civiles des membres de l’université».

Le 28 mai, l’Université hébraïque a été contrainte d’approuver une manifestation anti-guerre de 300 personnes dirigée par des Palestiniens et des Palestiniennes. Elle a eu lieu dans le cadre d’une journée d’action organisée par des étudiantes et des étudiants palestiniens sur plusieurs campus israéliens, dont une grève de protestation d’une heure, en réponse aux atrocités commises à Rafah.

Le même mois, la police a arrêté et interrogé la professeure palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian de l’Université hébraïque au sujet de ses études universitaires sur l’occupation. Cela a été le point culminant de l’un des pires cas de persécution et de harcèlement envers un membre du corps enseignant sur les campus israéliens. Shalhoub-Kevorkian a d’abord été suspendue par l’université après avoir participé à un podcast dans lequel elle critiquait la guerre génocidaire. La campagne de diffamation a impliqué les médias grand public, auxquels l’université a répondu de manière inédite en condamnant les conclusions des recherches universitaires de Shalhoub-Kevorkian

Cela n’a pas empêché l’Association israélienne des directions d’université, dans une réponse à la décision susmentionnée de la CRUE dans l’État espagnol sur d’éventuels boycotts, de déclarer:

Nous ne punissons pas nos étudiants ou les membres du personnel pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes. Nous sommes des institutions qui accordent la priorité à la liberté d’expression et nous protégeons les droits de nos professeurs, de notre personnel et de nos étudiants à exprimer des idées qui remettent en cause le consensus dominant.

Le ton cordial et complaisant de la lettre reflète la crainte d’un isolement international accru.

Les universitaires d’Israël et l’oppression palestinienne

Dans une déclaration, les universités néerlandaises se sont positionnées contre les occupations de campus à des fins de protestation et expliquent pourquoi elles ne rompront pas leurs liens avec le monde universitaire israélien. Elles estiment qu’il est «important de ne pas isoler [politiquement] les scientifiques israéliens critiques». Pour elles, il s’agit simplement d’une excuse hypocrite alors qu’elles ne cherchent à prendre aucune mesure sérieuse contre l’oppression palestinienne.

Comme l’illustre la répression des campements, les institutions universitaires du monde entier agissent en définitive comme des serviteurs des intérêts des classes dirigeantes, piliers du système capitaliste, marginalisant les opinions dissidentes et perpétuant l’ordre social fondé sur l’exploitation et l’oppression via la «production de la connaissance». Par exemple, les institutions universitaires israéliennes, ainsi que leurs homologues qui soutiennent l’impérialisme américain, ont bien sûr été des vecteurs des politiques de la classe dirigeante, y compris de l’oppression nationale.

Maya Wind, une universitaire israélienne de gauche libérale qui appelle à un boycott généralisé des institutions universitaires israéliennes à l’échelle internationale, examine en profondeur le rôle des institutions universitaires israéliennes dans son livre, Towers of Ivory and Steel : How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom (2024). Elle décrit comment les universités israéliennes ont historiquement été intégrées aux politiques nationalistes d’oppression et d’expropriation de l’État israélien et, avant 1948, aux politiques des institutions sionistes centrales. De plus, Wind détaille comment «les universités israéliennes ont été planifiées et construites pour servir de piliers à l’ingénierie démographique régionale et à la dépossession palestinienne».

Cependant, la contribution de Wind souffre d’une méthode trop abstraite et passe à côté de conclusions généralisées, notamment en raison d’un manque général de compréhension du rôle plus fondamental du monde universitaire dans la société capitaliste de classe – qui n’est pas mentionné dans son livre. Cela affecte également les suggestions de Wind pour résoudre le problème, car elles sont enracinées dans des illusions libérales:

Les universités israéliennes pourraient cesser de servir d’échafaudage pour réprimer le mouvement palestinien de libération et se transformer en infrastructure qui ancre l’exploration et le débat universitaires libres pour tous ses étudiants. Les administrations pourraient offrir un soutien institutionnel et allouer des ressources à la recherche critique sur la violence raciale structurelle de l’État israélien et à l’étude des expériences palestiniennes de dépossession et d’oppression (p. 97).

Les universités peuvent-elles être reconstruites «de manière indépendante» pour se détacher simplement des politiques d’oppression nationale inhérentes à l’État capitaliste israélien? D’où viendraient les ressources nécessaires à une telle éducation contre l’oppression nationale? Comment une institution israélienne cherchant à mettre en œuvre pleinement le programme de Wind pourrait-elle faire face à une inévitable réaction de la classe dirigeante?

En réponse au livre de Wind, Barak Medina – ancien recteur de l’Université hébraïque, partisan du nationalisme sioniste libéral anti-Netanyahou et de la guerre contre Gaza – clarifie son rejet des critiques que Wind adresse aux politiques qu’il a lui-même défendues. Il décrit le monde universitaire israélien comme un bastion progressiste contre le gouvernement Netanyahou et affirme qu’une fuite potentielle des universitaires d’Israël dans le scénario d’un boycott international global ouvrirait la voie au renforcement de l’extrême droite israélienne: «Un monde universitaire israélien fort est crucial pour pousser Israël dans la bonne direction. Il doit être soutenu, pas attaqué».

Medina s’oppose au boycott du point de vue de l’establishment israélien et en tant qu’apologiste «libéral» des atrocités commises à Gaza. Mais les institutions universitaires israéliennes ne sont pas seulement constituées de fonctionnaires fortuné·es au service de la classe dirigeante et d’un personnel de direction de haut niveau.

Elles emploient également des personnes en recherche et en enseignement mal payées et sans sécurité d’emploi. Il y a le personnel administratif ordinaire ainsi que les travailleuses et travailleurs les plus exploités du campus: le personnel d’entretien, composé principalement de femmes immigrées et palestiniennes. Et puis il y a les étudiantes et les étudiants, celles et ceux issus de la classe ouvrière et de milieux pauvres, en particulier des diverses populations discriminées qui ont la vie plus dure. On parle des Palestiniennes et des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, qui malgré une augmentation des inscriptions allant jusqu’à 18% au cours de la dernière décennie, sont sous-représenté·es et systématiquement confronté·es à l’oppression nationale.

Cela ajoute un aspect important à la discussion sur les tactiques de solidarité internationale, y compris les actions de protestation et les types de boycotts qui peuvent être les plus utiles, notamment dans le contexte des institutions universitaires.

Si l’exigence d’une fin complète de l’oppression nationale des Palestiniens et des Palestiniennes est essentielle, prôner la rupture de tous les liens avec les institutions universitaires israéliennes, sous prétexte d’une demande maximaliste de renouvellement des liens une fois l’oppression nationale totalement renversée, repose sur l’hypothèse qu’aucune résistance efficace ne pourrait se développer au sein du monde universitaire israélien. Ce qui, comme nous l’avons vu, n’est pas vrai.

Un professeur de l’Université de Gand a publié des courriels qu’il a reçus d’universitaires israéliens qui plaident en faveur du boycott universitaire car, comme l’a écrit l’un d’eux: «Rien en Israël ne peut changer la position et les actions de son gouvernement, car nous vivons en réalité dans une dictature (qui a perdu toute humanité). Il est seulement permis d’espérer que la pression extérieure puisse changer quelque chose.» Cette expression de fatalisme face à la réaction agressive de la société israélienne passe sous silence les conclusions des expériences révolutionnaires dans la région contre les dictatures, ainsi que l’importance de l’aliénation massive d’Israël par rapport à Netanyahou et à l’extrême droite.

Tactiques de boycott et approche de lutte de classe

Une approche qui ne ferait pas de distinction entre l’administration, le personnel et les étudiants et les étudiantes, une approche qui s’efforce d’isoler la société israélienne dans son ensemble, aurait moins de chances de susciter l’intérêt des jeunes et de la classe ouvrière israélienne que la propagande de la classe dirigeante. Une telle approche, liée à l’idée que la population israélienne est principalement un bloc réactionnaire et doit être punie dans son ensemble, a également provoqué une recrudescence des «boycotts gris». Il s’agit des universitaires rejetant les collaborations et refusant d’écrire des recommandations, de réviser des articles ou de noter des thèses de doctorat et de maîtrise.

L’impérialisme américain est un catalyseur décisif de l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes. Il est responsable d’atrocités d’une ampleur extrême dans le monde entier depuis des décennies. Son poids décisif dans le système mondial explique pourquoi le boycott du monde universitaire ou de la société américaine ne montrerait pas la voie à suivre, contrairement à la révolte des étudiants et des étudiantes des États-Unis. Cette révolte a défié les politiques du gouvernement américain et inspiré les étudiants et les étudiantes du monde entier à suivre leur exemple.

Des exemples récents, comme la guerre de la Russie contre l’Ukraine, montrent que les sanctions nationales indiscriminées promues par les classes dirigeantes capitalistes – auxquelles le capitalisme israélien ne sera probablement pas confronté au sein du bloc impérialiste occidental – ne mettent pas fin à l’oppression et aux conflits. Au contraire, elles sont utilisées par ces régimes oppressifs pour promouvoir un plus grand isolement et une «mentalité de forteresse» dans leur pays, renforçant leur base sociale, tout en réprimant la dissidence. Les boycotts universitaires et culturels généralisés de plus en plus nombreux contre les Russes n’ont pas aidé l’opposition brutalement réprimée. De plus, les sanctions économiques ont, comme dans le cas de l’Iran, surtout infligé la misère aux masses pauvres et accru leur isolement avec peu ou pas d’effet sur les oligarques.

Le cas de la lutte historique contre l’apartheid en Afrique du Sud est souvent cité comme exemple de boycott efficace, y compris des institutions universitaires. Cependant, aucune section importante de la classe ouvrière n’aurait pu être poussée à adhérer à la propagande de la classe dirigeante en raison de mesures de boycott contre elle. Le facteur décisif dans le renversement du régime d’apartheid sud-africain a été la rébellion de la classe ouvrière noire, et non les sanctions et les pressions diplomatiques. La révolution contre le capitalisme de l’apartheid a été déroutée et, des décennies plus tard, l’héritage de l’apartheid en termes d’appauvrissement des masses noires perdure. Cette situation explique le déclin du soutien au Congrès national africain (ANC).

De manière similaire, le boycott historique d’Israël par la Ligue arabe n’a pas poussé le régime israélien à faire des concessions sur l’occupation et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Les actions de solidarité internationale sont évidemment essentielles. Néanmoins, le principal moteur du changement – ​​qui peut être soutenu par des pressions «extérieures» sur le régime israélien – reste la lutte de libération des masses palestiniennes elles-mêmes. Elles représentent une menace plus sérieuse pour l’occupation israélienne que toute pression internationale, comme l’a notamment illustré la première Intifada. La lutte populaire de masse, dans le cadre de laquelle l’autodéfense armée serait contrôlée démocratiquement de manière plus efficace, s’est avérée bien plus productive qu’une focalisation étroite sur la résistance armée.

En même temps, les manifestations de solidarité internationale peuvent aider les forces isolées d’une véritable opposition de gauche dans la société capitaliste israélienne à faire avancer les luttes des masses israéliennes contre le gouvernement et la classe dirigeante. Pour être efficaces et ne pas devenir préjudiciables, ces manifestations doivent toujours se faire de manière à saper la propagande de la classe dirigeante selon laquelle les Israéliens et les Israéliennes doivent «s’unir» contre un monde «antisémite» hostile.

Des mesures de boycott concrètes et ciblées, liées à des revendications directes, peuvent contribuer à isoler les éléments les plus réactionnaires et à renforcer la pression générale en faveur de la mise en œuvre de ces revendications. Ces dernières devraient viser en particulier:

  • le gouvernement israélien, les entreprises, les organisations,
  • ainsi que les responsables universitaires, les administrations et les programmes

qui sont concrètement responsables de mettre en œuvre ou d’aider à mettre en œuvre

  • des atrocités à Gaza,
  • l’occupation israélienne et
  • l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes.

Les appels à un boycott académique ciblé doivent être examinés au cas par cas, en fonction des circonstances. Toute action doit viser à désigner les complices et à renforcer les divisions entre les administrations des institutions universitaires israéliennes d’un côté, et les travailleurs, les travailleuses, les étudiants et les étudiantes de l’autre. Ces actions doivent amplifier les voix anti-guerre, notamment celles des étudiants, des étudiantes et du personnel palestiniens qui luttent sur le terrain au sein de ces institutions. Les appels qui vont dans le sens d’un renforcement des liens internationaux et des canaux d’échange et de collaboration avec les éléments de l’opposition anti-occupation et anti-guerre au sein des campus israéliens doivent également être pris en considération.

En outre, des actions directes menées par des groupes organisés de la classe ouvrière au niveau international pour perturber le business as usual de l’impérialisme américain et occidental et de la classe dirigeante israélienne pourraient montrer la voie à suivre, en particulier si elles sont liées à un appel de classe aux travailleurs, aux travailleuses et aux jeunes d’Israël aliéné·es par le gouvernement Netanyahou et l’extrême droite. Cela inclut bien sûr les couches sociales des établissements d’enseignement supérieur israéliens.

Le contexte de protestations populaires qui éclate dans la société israélienne et les appels croissants à une grève générale pour un accord sur la prise d’otages, qui nécessiterait la fin de la guerre génocidaire à Gaza, impliquent un rôle progressiste potentiel de la classe ouvrière israélienne face au gouvernement israélien. Et cela, même si les forces de gauche sont actuellement faibles dans la région et dans le monde. Cela ne sous-estime en aucun cas la puissante offensive idéologique de la classe dirigeante israélienne, qui attise un chauvinisme national horrible. Cependant, cela met en évidence des contradictions et, en fin de compte, des divisions de classe au sein de la société capitaliste israélienne. Bien qu’elle ne soit pas le seul facteur, la classe ouvrière israélienne reste cruciale dans la lutte pour vaincre le capitalisme israélien et son oppression barbare inhérente envers les Palestiniens et les Palestiniennes.

Les appels à la grève générale dans les manifestations israéliennes font écho à une tendance plus large au niveau mondial et local. Il renvoie notamment à la grève générale de l’année dernière et la centralité de l’idée d’une grève dans le mouvement israélien (alors interclassiste) contre la tentative de «coup d’État judiciaire» du gouvernement. Les syndicats étudiants et même l’Union nationale des étudiantes et étudiants israéliens ont été poussés à prendre l’initiative d’une grève étudiante partielle «pour les otages» le 13 juin. Bien sûr, sa direction était réactionnaire et ne voulait qu’une mesure de façade dégoulinante de chauvinisme national. Néanmoins, la grève partielle s’est développée dans le contexte d’un mécontentement de masse généralisé croissant qui remet en cause le gouvernement israélien en général et pousse en particulier à un accord de cessez-le-feu. Parmi une grande partie de la population juive israélienne, cela est largement compris comme le seul moyen de récupérer les otages.

L’opposition d’une partie du corps étudiant et professoral israéliens aux attaques contre la liberté académique et la liberté d’expression a également été importante, bien que limitée. L’organisation Lutte socialiste (ISA en Israël-Palestine), intervient sur le terrain depuis le début dans les manifestations pour mettre fin à l’assaut génocidaire. Lutte socialiste a coopéré avec Academia for Equality, une organisation de plus de 800 universitaires juifs israéliens et palestiniens. Au cours de la première semaine suivant le 7 octobre, nous avons lancé conjointement une lettre ouverte qui a recueilli plus de 400 signatures d’étudiants, d’étudiantes et de membres du personnel, condamnant la chasse aux sorcières national-chauvine et appelant à la fin de la guerre. Academia for Equality a pris part à l’organisation de manifestations contre la guerre sur et hors des campus, et a œuvré à la défense des étudiants, des étudiantes et du personnel juifs palestiniens et israéliens contre la persécution politique. L’association a aussi participé à la lutte contre la désinformation sur le mouvement universitaire international. Chez Lutte Socialiste, nous avons fait de notre mieux pour mettre en avant des initiatives menées par nos délégués syndicaux au sein de l’Organisation des professeurs et chercheurs de l’Université de Tel Aviv contre la campagne de persécution politique. Nous avons contesté les manifestations de soutien à la guerre exprimées par les responsables syndicaux.

La voie à suivre

Le reflux de la vague mondiale de campements ne signifie pas un déclin de la colère des masses contre la barbarie quotidienne infligée à Gaza. Le mouvement international de solidarité a inévitablement connu des hauts et des bas, notamment en réponse aux développements sanglants de la crise de Gaza. Des sections du mouvement tentent de tirer les leçons de l’expérience à chaque phase. Les étudiants et les étudiantes font partie de ceux et celles qui continuent à participer dans le monde entier aux actions de protestation et aux manifestations pour mettre fin au bain de sang criminel. Aux États-Unis, en particulier, la nouvelle année universitaire commence en août et verra une reprise des actions de protestation de solidarité à un degré ou à un autre, dans le cadre d’un mouvement plus large. Ainsi, d’importantes questions de tactique, de stratégie et de programme politique continueront à nécessiter de plus amples discussions et débats.

Ce qui manque au débat pour donner du pouvoir au mouvement, c’est une approche socialiste et de lutte de classe. La simple et minimaliste demande urgente d’un cessez-le-feu immédiat nécessite évidemment la construction d’un mouvement plus développé et plus massif pour exercer des pressions plus globales, notamment par le biais de mobilisations de masse et d’actions syndicales organisées. Cette tâche est intrinsèquement liée à la remise en cause de l’impérialisme américain et occidental.

Les demandes de divulgation et de désinvestissement doivent être généralisées à la divulgation de tous les intérêts du capital, des régimes oppressifs et des offensives militaires impérialistes, ainsi qu’à leur élimination du monde universitaire. Cela devrait également être lié aux demandes d’expropriation et de transfert de propriété sous contrôle public et démocratique de la classe ouvrière. C’est elle qui devrait prendre le contrôle de toutes les entreprises de tout pays qui profitent des attaques meurtrières contre les Palestiniens et les Palestiniennes, et convertir ces entreprises à des fins socialement utiles.

Le fait même que le mouvement international massif et militant des campus n’ait pas été suffisant pour obtenir un cessez-le-feu, malgré sa durée, montre l’ampleur qu’un mouvement révolutionnaire beaucoup plus développé devrait prendre pour éradiquer complètement l’oppression nationale systémique des Palestiniens et des Palestiniennes. Cela est étroitement lié au renversement du capitalisme israélien et de l’impérialisme occidental, dans le contexte d’un changement socialiste dans la région.

Un programme socialiste, comprenant:

  • la fin complète de toutes les formes d’oppression nationale,
  • des droits égaux à l’existence et à l’autodétermination pour toutes les nations,
  • une vie digne, de bien-être et en sécurité,
  • la reconnaissance des droits des réfugié·es palestiniens et palestiniennes,
  • dans un Moyen-Orient socialiste,

est nécessaire pour pointer vers une véritable solution. La stratégie, les tactiques et les slogans mis en avant dans le mouvement international de solidarité devraient, au-delà de la solidarité et de la pression vitale pour un cessez-le-feu immédiat, refléter et aider à clarifier la direction nécessaire à prendre afin de trouver une issue aux atrocités vécues par les Palestiniens et les Palestiniennes de la région.

Protestataires pour le désinvestissement

Pourquoi «désinvestir» et comment gagner?

Dans le cadre de l’un des développements les plus audacieux du mouvement contre l’assaut israélien sur Gaza, des dizaines de milliers d’étudiants, d’étudiantes, de professeurs, de travailleuses et de de travailleurs ont occupé des campus universitaires dans tout le pays. Uni⋅es non seulement par leur opposition à la violence, les campements ont exigé que les universités rompent leurs liens financiers avec Israël, plus précisément que leurs fonds de dotation «désinvestissent» des entreprises qui font des affaires en Israël. Cette demande a été présentée de différentes manières par différentes parties du mouvement. 

Socialist Alternative demande l’arrêt de toute aide militaire américaine à Israël ainsi que le désinvestissement des fonds placés dans les institutions publiques et privées liées à l’occupation brutale des terres palestiniennes.

Ces demandes s’inspirent en partie des luttes passées pour le désinvestissement des combustibles fossiles, de celle contre le régime d’apartheid sud-africain ou de celle contre le complexe militaro-industriel pendant la guerre du Viêt Nam. Ce printemps, certains campements universitaires ont obtenu des concessions limitées de la part de l’administration de campus. Mais pourquoi le mouvement se concentre-t-il sur le désinvestissement des universités, et à quoi ressemble réellement le «désinvestissement» d’une université?

Les fonds de dotation universitaires ne rendent pas de comptes et sont inégaux

Derrière leurs tours d’ivoire, les universités sont de grandes entreprises. Outre les sommes exorbitantes qu’elles prélèvent des étudiantes et étudiants à titre des droits d’inscription, les universités disposent également d’énormes trésors financiers appelés «fonds de dotation». La valeur totale des dotations des universités américaines s’élève à plus de 839 milliards $, soit à peu près le budget prévu en 2024 pour l’ensemble de l’armée américaine. Ces montagnes d’argent sont censées compléter le budget de l’établissement et protéger l’enseignement supérieur contre les exigences du marché. Mais la réalité est tout autre.

Tout d’abord, les dotations de nombreuses universités privées proviennent de la fortune des marchands d’esclaves, des propriétaires de plantations, des voleurs et des profiteurs de guerre des débuts de l’histoire américaine. Les universités publiques ne sont guère mieux loties. Les deux universités les plus riches étant situées au Texas et tirant l’essentiel de leur fortune de l’exploitation du pétrole et du gaz. Les écoles n’ont jamais été et ne seront jamais exemptes de l’influence tordue de la cupidité capitaliste. En outre, il existe une incroyable disparité de richesse entre les écoles les plus riches et les plus pauvres. Les dix écoles les plus riches (dont huit sont privées) détiennent plus de 35% de l’ensemble des dotations des universités américaines. Les écoles les mieux dotées sont en fait des sociétés de gestion de portefeuilles d’actions auxquelles sont rattachées des salles de classe.

Ces riches universités gèrent leurs fonds de dotation en investissant dans l’immobilier et la bourse, cherchant à obtenir le meilleur retour sur investissement afin de pouvoir le consacrer à des centres de recherche prestigieux, à l’amélioration des infrastructures universitaires et (bien plus loin dans la liste) à l’octroi de bourses d’études. En outre, de nombreux établissements ne répertorient pas leurs investissements, ce qui signifie que la plupart des fonds de dotation sont de véritables boîtes noires, les corps étudiants et enseignants n’ayant aucun moyen de savoir d’où vient ou va leur argent.

De quoi avons-nous besoin pour obtenir le désinvestissement?

Une chose est extrêmement claire: les chanceliers et les conseils d’administration des universités ne divulgueront pas, ne désinvestiront pas et ne s’engageront même pas dans un dialogue sans une pression énergique. Les occupations et les campements sur les campus sont un bon début, mais ne suffisent pas à obtenir le désinvestissement. La plupart des victoires remportées jusqu’à présent en utilisant uniquement cette tactique ont été des «promesses de discuter du désinvestissement» et d’autres concessions aussi molles.

Pour obtenir un désinvestissement réel et concret, les mouvements étudiants doivent perturber le fonctionnement habituel des campus. Ils devront également travailler en étroite collaboration avec les travailleuses et les travailleurs universitaires, en particulier les étudiantes et les étudiants diplômés syndiqués ou organisés, afin d’arrêter l’enseignement sur le campus et de donner un poids réel à notre menace de ne pas relâcher nos efforts jusqu’à ce que les demandes du mouvement soient satisfaites. Ces efforts devront être coordonnés au niveau national, afin de rendre le mouvement plus résistant face à la répression policière. Une fois de plus, les travailleuses et les travailleurs des campus, par l’intermédiaire de leur syndicat national, peuvent jouer un rôle essentiel en reliant les différents efforts des campus à travers le pays.

Le désinvestissement doit également être ciblé pour être le plus efficace possible. Un désinvestissement général de «tout ce qui est israélien» peut alimenter des récits extrêmement faux sur l’antisémitisme et repousser les Israéliennes et les Israéliens de la classe ouvrière qui sont par ailleurs favorables à la fin de la guerre et de l’occupation. Un désinvestissement ciblé obligerait également les universités à se retirer des entreprises militaires américaines telles que Lockheed Martin et General Dynamics, qui soutiennent la guerre et en tirent profit. Un désinvestissement ciblé serait plus efficace et montrerait plus clairement aux travailleuses et aux travailleurs d’Israël que le désinvestissement est dirigé contre l’establishment israélien plutôt que contre eux et elles.

Nous devons aller plus loin que le désinvestissement

Le désinvestissement peut jouer un rôle important en ralliant les personnes qui étudient et qui travaillent sur les campus autour d’une revendication concrète pouvant être gagnée. Mais la réalité du désinvestissement est que, dans notre système capitaliste, pour chaque dollar universitaire retiré de la guerre et de l’occupation israéliennes, un autre dollar lucratif provenant d’ailleurs le remplacera. Il y a des limites réelles à ce que le désinvestissement peut accomplir.

Pour aller plus loin, les mouvements sur les campus devront s’associer à des luttes plus larges contre l’oppression et la guerre dans l’ensemble de la société. Plus important encore, les étudiantes et les étudiants peuvent jouer un rôle considérable dans les mouvements de la classe ouvrière qui luttent contre la guerre et l’exploitation inhérentes au capitalisme, que ce soit en Israël ou aux États-Unis.

Enfin, tout mouvement visant à mettre fin à la guerre et à l’exploitation devra être international. La force motrice centrale de la lutte pour la libération de Gaza, de la Cisjordanie et d’Israël sera l’action de masse des travailleuses et des travailleurs de la région, que ces personnes soient israéliennes ou palestiniennes. Un mouvement de la classe ouvrière au Moyen-Orient, dépassant les clivages religieux et nationaux et s’associant à un mouvement international, sera bien plus efficace pour faire avancer leur lutte que n’importe quelle action de désinvestissement venant de l’extérieur.

Des manifestants posent avec le drapeau du Bangladesh sur un canapé pillé dans la résidence de la Première ministre. Photo: REUTERS

Vague de grèves au Bangladesh après la chute du gouvernement

Le gouvernement capitaliste «intérimaire» prépare la répression.

La lutte de masse au Bangladesh est à un point décisif. Un mois après que le mouvement de masse a contraint la première ministre Sheikh Hasina à démissionner et à s’exiler, une confrontation se dessine entre une vague croissante de grèves ouvrières et le nouveau gouvernement. Le gouvernement «intérimaire» qui représente les propriétaires capitalistes d’entreprises multinationales prépare la répression.

«Le gouvernement intérimaire a annoncé des mesures sévères contre l’anarchie, alors qu’environ 200 usines ont suspendu leur production hier sur fond d’agitation ouvrière à Gazipur, Savar et Ashulia», a rapporté le Daily Star, le dimanche 8 septembre. Une réunion d’urgence des ministres, des chefs de police et des officiers de renseignement s’est tenue le même jour. «Des mesures sévères doivent être prises à l’encontre de certaines personnes afin de sauver les usines, les travailleurs et l’économie. Nous en avons discuté», a déclaré un conseiller du gouvernement aux médias.

Les grèves s’étendent

La semaine dernière a été marquée par une forte recrudescence des manifestations de travailleurs et de travailleuses dans l’industrie dominante de l’habillement, où les femmes sont majoritaires, mais aussi dans les usines pharmaceutiques et les fabriques de chaussures. Les grèves se sont propagées d’une usine à l’autre par des marches, des blocages de routes et des manifestations de masse devant les bureaux des entreprises et des autorités. Le mouvement et les méthodes sont clairement inspirés par le mouvement aux caractéristiques révolutionnaires de cet été.

De nombreuses entreprises ont fermé leurs usines, sur les conseils de la police. Au cours de la fin de semaine, «la police, l’armée et les gardes-frontières ont été déployés» pour assurer la reprise de la production. La police tente également «d’identifier et d’arrêter les personnes à l’origine des troubles». Le gouvernement et les entreprises accusent des «étrangers» d’en être à l’origine. Mais le conseiller du gouvernement admet qu’«il était difficile de distinguer les travailleurs des étrangers».

Un autre site web, bdnews24.com, a titré Qu’est-ce qui motive la soudaine augmentation des protestations des travailleurs de l’industrie de l’habillement au Bangladesh?, commentant que «tout à coup, les travailleurs de l’habillement font des demandes que personne n’a jamais entendues auparavant».

«Le groupe Sharmin, l’une des plus grandes usines de confection d’Ashulia, emploie environ 20 000 travailleurs. Après deux jours consécutifs d’attaques contre les portes de l’usine, celle-ci a été déclarée fermée. Une liste de 20 revendications a été soumise aux autorités de l’usine, la plupart d’entre elles étant nouvelles pour l’industrie.»

Salaires, congé de maternité et nationalisation

Sur d’autres lieux de travail, des listes de 10 à 15 revendications ont été présentées. Ces listes comprennent:

  • des augmentations de salaire de 15 à 20%,
  • des augmentations de salaire pour les heures supplémentaires et les équipes de nuit,
  • des indemnités de déjeuner et de transport,
  • des traitements médicaux,
  • le transport si un travailleur ou une travailleuse est malade,
  • un congé et une rémunération de maternité,
  • un avancement de grade pour les employé⋅es permanents ou permanentes tous les deux ans,
  • des primes et des jours de congé pour l’Aïd el-Fitr
  • la fin du harcèlement et des punitions dans le milieu de travail (y compris le fait d’être inscrit ou inscrite sur une liste noire).

L’un des principaux problèmes à l’origine des grèves est le non-paiement des salaires dans de nombreuses usines. Ces conditions ne sont pas nouvelles. La surexploitation brutale des travailleuses et des travailleurs du Bangladesh existe depuis des années. Elle constitue en fait la base du «miracle économique» du capitalisme bangladais, ayant attiré les multinationales. C’est l’impact de la lutte de masse qui a enhardi les travailleuses, les travailleurs et les masses pauvres à refuser d’accepter ces injustices plus longtemps et à s’engager sur la voie de la lutte militante.

L’augmentation du coût de la vie est à l’origine d’une nouvelle revendication réclamant davantage de travailleurs masculins dans l’industrie de l’habillement. Dans de nombreuses familles, les travailleuses du textile sont les seules à disposer d’un revenu. Cette demande souligne la nécessité de disposer de deux revenus.

Pour protéger les emplois dans une période de fermetures d’usines et de réductions d’effectifs, la revendication de nationalisations a été soulevée. Il s’agit d’une revendication essentielle dans un pays qui compte autant d’entreprises multinationales et de sous-traitants. Elle devrait être liée à la création d’organisations de travailleuses et de travailleurs capables de jeter les bases d’un contrôle de l’industrie par ces derniers et dernières.

Dans certains cas, les entreprises ont fait des promesses qu’elles n’ont pas tenues lorsque le travail a repris. En général, les capitalistes attendent leur moment et menacent les protestataires. Comme le rapporte un média, «Mohammad Hatem, président de l’Association des fabricants et exportateurs de tricots du Bangladesh, a déclaré que certaines revendications étaient “illogiques” […] “S’ils viennent avec de simples revendications, nous pouvons en discuter à la table, mais ils descendent plutôt dans la rue”, a déclaré Hatem, blâmant les “groupes d’intérêt” qui veulent nuire à l’industrie, sans donner d’autres détails.»

L’escalade

Au cours de la semaine dernière, les grèves et les manifestations ont continué de s’intensifier. Les travailleuses et les travailleurs exigent des réponses immédiates à leurs revendications et refusent de reprendre le travail malgré les menaces et les fermetures d’usines. L’expérience d’autres luttes ouvrières et mouvements de masse montre que cela ne peut pas durer indéfiniment – de nouvelles étapes dans la lutte sont nécessaires.

Le mouvement de grève doit être organisé et coordonné démocratiquement. Il n’y a pas seulement un risque d’intervention de la police. Plus grave encore, il n’y a pas d’organisation et de direction adéquates pour la classe ouvrière. Les syndicats ne regroupent que 5% de la main-d’œuvre du pays et sont dans la plupart des cas contrôlés par les deux principaux partis politiques pro-capitalistes (la Ligue Awami de Hasina et le Parti nationaliste du Bangladesh). Ils disent ouvertement qu’ils «n’ont pas les ressources» pour organiser des réunions dans les usines et certains dirigeants syndicaux ont remis en question le mouvement actuel.

L’absence de leaders expérimenté⋅es ainsi que d’une véritable organisation crée un vide qui peut être comblé par d’autres forces et semer la confusion. Par exemple, des politiciens corrompus se battent pour conserver leur influence, notamment sur le marché lucratif du «jhoot», c’est-à-dire la vente de déchets de tissus de vêtements. Il existe également des organisations non gouvernementales (ONG), souvent financées par l’étranger, qui ont la fâcheuse habitude de s’opposer à la «politisation» et de faire dérailler les luttes vers le «compromis».

Le mouvement de masse initié par les manifestations étudiantes contre le système des quotas s’est transformé en peu de temps en une révolte contre le gouvernement autocratique et corrompu, culminant avec la participation de centaines de milliers de personnes à la «Longue Marche vers Dhaka» le 5 août. Face à l’échec de la répression – bien que des centaines de manifestants aient été tués, plus de 20 000 personnes blessés et 11 000 arrêtées – les militaires ont conseillé à Sheikh Hasina de démissionner et les généraux ont mis en place un nouveau gouvernement afin de garder le contrôle de la situation pour le compte de la classe capitaliste.

Le nouveau gouvernement

Le mouvement étudiant a donné lieu à des confrontations physiques avec la police ainsi qu’avec les fiers-à-bras de l’aile étudiante de la Ligue Awami de Hasina. Des manifestations de masse ont incendié des postes de police, protesté devant les domiciles des leaders de l’Awami, défié les couvre-feux et le verrouillage de l’Internet et des systèmes de transport. Ces luttes explosives et l’apparence de victoire, du moins avec la défaite de l’aile la plus ouvertement réactionnaire du système capitaliste, ont clairement inspiré les manifestations actuelles de travailleuses et de travailleurs.

Les manifestations de masse du mouvement étudiant ont également interrompu la production de l’industrie de l’habillement du pays. Elle représente 85% des exportations et se classe au deuxième rang des exportations mondiales de textile, derrière la Chine.

La tâche du nouveau gouvernement est donc de «rétablir le calme» (c’est-à-dire le contrôle), a conclu le International Crisis Group (CPI), un groupe de réflexion de l’establishment capitaliste mondial. «Le gouvernement intérimaire devra rapidement restaurer la confiance dans l’économie et, en particulier, remettre le secteur de l’habillement – qui représente 85% des recettes d’exportation du pays – sur les rails.»

Le conseil donné aux militaires, qui ont organisé le nouveau gouvernement en très peu de temps, est que «sans le soutien des étudiants, le gouvernement intérimaire n’aurait eu qu’une crédibilité limitée et aurait même pu être confronté à de nouvelles manifestations». Le CPI poursuit : «ils ont également besoin d’une certaine expérience, ils ont nommé le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, pionnier du microcrédit et figure chevronnée de la société civile, pour diriger le gouvernement intérimaire». La CPI a également préconisé l’abolition de la règle constitutionnelle prévoyant l’organisation de nouvelles élections dans un délai de 80 jours. En fait, deux semaines seulement après le début de son mandat, Yunus a déclaré qu’il ne serait lié à aucun calendrier électoral et a souligné qu’il devait d’abord mener à bien des «réformes vitales».

Les luttes qui ont mis fin au régime de Hasina ont sans aucun doute donné confiance aux travailleuses et travailleurs. Mais la contradiction fondamentale de la «Révolution de juillet» est qu’en dépit de nombreuses caractéristiques extrêmement progressistes et importantes en termes d’organisation et d’héroïsme, la lutte a abouti – du moins pour l’instant – à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement souhaité par les capitalistes internationaux et nationaux. Il est là pour maintenir et restaurer l’ordre du système.

Tel qu’exigé par le mouvement, deux leaders étudiants ont rejoint le gouvernement. Ils l’ont fait en tant que ministres des postes, des télécommunications et de l’informatique ainsi que de la jeunesse et des sports. Cela a pour effet de donner au gouvernement une plus grande crédibilité auprès des masses. Parmi les autres ministres figurent un ancien général de brigade et un ancien gouverneur de la Banque du Bangladesh. Yunus dirige lui-même 27 ministères, dont ceux de la défense, de l’éducation, de l’alimentation, du textile et des femmes. Il ne s’agit pas d’un gouvernement de la Révolution de juillet, mais d’un gouvernement d’exploitation capitaliste continue. Le mouvement de masse ne doit pas se faire d’illusions. Elle doit lutter pour un gouvernement révolutionnaire basé sur la classe ouvrière et les masses pauvres.

La lutte de masse au Bangladesh a lancé un avertissement aux capitalistes et aux multinationales du monde entier. Elle est un signe des explosions sociales qui peuvent éclater dans toutes les parties du monde dans cette nouvelle ère de crise. Les racines de la révolte de masse sont communes à de nombreux autres pays:

  • forte inflation et hausse des prix,
  • emplois précaires,
  • longues heures de travail et chômage croissant,
  • gouvernement de plus en plus autoritaire.

L’impérialisme, par l’intermédiaire des multinationales, exploite depuis des décennies une classe ouvrière de plus en plus nombreuse au Bangladesh. Cependant, la forte croissance économique n’a en aucun cas profité aux travailleurs et aux travailleuses qui produisent les richesses. Le changement de gouvernement a donné un sentiment temporaire de liberté, mais n’a pas modifié les conditions fondamentales.

Une étape démocratique?

À l’instar de nombreux mouvements de protestation dans d’autres pays, une question apparemment restreinte – celle des quotas d’emploi – s’est rapidement transformée en un mouvement contre le gouvernement et les forces de l’État. Les revendications initiales contre les quotas ont été plus ou moins mises en œuvre lorsque le tribunal (c’est-à-dire le gouvernement) a reculé à la mi-juillet. Mais à ce moment-là, les revendications étaient dirigées contre la répression massive exercée par le gouvernement et les forces de l’État à l’encontre de manifestations initialement pacifiques. La principale revendication à partir de la fin du mois de juillet a été la démission du gouvernement, la libération des leaders étudiants arrêtés et l’arrestation des officiers de police responsables. Lorsque le gouvernement a proposé des pourparlers, la dynamique était telle que les leaders étudiants ont refusé d’y participer.

Le mouvement a également montré comment les revendications peuvent être mises en œuvre par la base, sans attendre le gouvernement ou les tribunaux. Le mouvement a exigé l’interdiction de la branche étudiante du parti au pouvoir, la Ligue Chhatra, mais il l’avait déjà chassé de nombreux campus, les déclarant Chhatra free. Le mouvement ne s’est pas limité aux universités et aux collèges, mais a également défilé dans les villes et bloqué les autoroutes et les voies ferrées.

Les manifestations du mois de juillet au Bangladesh ont présenté de nombreuses caractéristiques communes avec les révoltes d’autres pays. Elles ont été menées par des jeunes, des étudiants et des étudiantes, avec de nombreuses jeunes femmes en première ligne. Ils ont été rejoints, d’abord par le corps enseignant, puis par des avocats et des avocates ainsi que des couches plus larges de travailleuses et de travailleurs. La répression de l’État est rapidement devenue la question la plus importante, éclipsant les autres.

Ce mouvement a ébranlé la classe dirigeante. Les orientations suivantes ont été données par le mouvement étudiant du 3 août, un ultimatum pour la démission du gouvernement:

  • non-paiement des impôts et des factures de services publics
  • fermeture de toutes les institutions (tribunaux, bureaux)
  • appel à l’arrêt de tout travail dans les ports, les transports collectifs et les usines.

Il a même appelé à l’arrêt des transferts de fonds provenant de l’étranger, une source importante de revenus.

Après la victoire contre le gouvernement, même les forces de police tant détestées se sont mises en grève du 6 au 11 août dans le but d’éviter les représailles et de rejeter l’entière responsabilité de leurs actions sur le gouvernement.

Le mouvement au Bangladesh présente certaines des caractéristiques d’une révolution politique: un mouvement de masse qui chasse un gouvernement autoritaire. Toutefois, comme l’ont montré tant d’autres luttes historiques, il ne peut s’agir que du début d’un processus révolutionnaire.

Lorsque le président Hosni Moubarak a été renversé en Égypte en 2011, l’ISA a souligné la victoire et la force des masses. Mais elle a également mis en garde contre la contre-révolution dans le contexte de l’absence d’une alternative politique révolutionnaire. L’impérialisme et l’establishment militaire, qui constituent au Bangladesh une partie essentielle de la classe capitaliste, prépareront inévitablement une contre-révolution. La question de savoir si cela réussira dépend du degré d’organisation de la classe ouvrière en tant que force la plus révolutionnaire de la société. Cela dépend aussi du fait qu’elle soit armée d’une stratégie de combat et d’une direction socialiste consciente. Au Bangladesh aujourd’hui, cette tâche commence par la reconnaissance du fait que les travailleuses, les travailleurs, les étudiantes et les étudiants ne doivent pas soutenir le gouvernement intérimaire du dirigeant capitaliste Yunus, soutenu par les États-Unis, ni lui accorder leur confiance.

La leçon la plus importante pour les luttes révolutionnaires peut être tirée de la Révolution russe de 1917. La révolution de février a renversé le tsar détesté, créant un espoir massif de changement et de démocratie. Cet état d’esprit a même touché les leaders bolcheviks, dont Staline, qui a d’abord apporté un soutien «critique» au nouveau gouvernement provisoire. Aujourd’hui encore, les staliniens prônent une théorie étapiste, qui commencerait par une soi-disant «étape démocratique» préalable à une prétendue lutte pour le socialisme par la suite. Lénine, cependant, a souligné les limites de la révolution de février et la nécessité pour la classe ouvrière de construire son propre parti révolutionnaire et de prendre le pouvoir par l’intermédiaire de ses propres comités, les soviets, afin d’obtenir la paix, la terre et le pain. Le gouvernement provisoire, fondé sur le capitalisme et l’État tsariste, ne changerait pas fondamentalement la société et deviendrait plutôt, comme l’a prévenu Lénine, le «centre d’organisation» de la contre-révolution.

Aujourd’hui au Bangladesh, les travailleuses et les travailleurs devraient exiger la création d’une véritable assemblée constituante du peuple pour remplacer le Parlement national (la Chambre des nations), corrompue et dominée par l’élite. Une telle assemblée devrait avoir le pouvoir de prendre le contrôle des plus grandes entreprises dans le cadre d’une propriété publique démocratique ainsi que de mettre en œuvre des réformes sociales de grande envergure telles:

  • l’augmentation des salaires et des pensions,
  • la protection des emplois et des soins de santé.

Cela ne peut être gagné que si la classe ouvrière, soutenue par les étudiants, les étudiantes et les autres secteurs de la population, s’organise pour forcer la convocation d’un nouveau pouvoir de la base, à travers la création de comités d’usine de travailleurs et de travailleuses, de véritables syndicats de masse et d’un parti politique de la classe ouvrière.

Free Daniel Akande

Libérez Daniel Akande! Manifester n’est pas un crime!

Agissons pour exiger la libération de Daniel Akande et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la campagne de répression de l’État nigérian.

Le dimanche 1er septembre, le camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.

La répression et les arrestations se concentrent sur la capitale, Abuja, ainsi que sur les États de Kaduna et de Kano. Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis trois semaines, avec la fin de la manifestation #EndBadGovernancceProtest le 10 août. Parmi elles se trouvent des activistes et des socialistes.

Dix d’entre eux, dont Michael Tobiloba Adaramoye du DSM, ont été traduits en justice le 2 septembre. Les documents judiciaires (FHC/ABJ/CR/454/2024) indiquent que le régime du président Tinubu réclame la peine de mort pour chacun d’entre eux, car ils ont pris la tête des manifestations organisées par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes pour exprimer leur opposition à la faim et à la pauvreté croissante. Ils sont accusés à tort de trahison et de complot visant à renverser le gouvernement.

Les rapports indiquent que les personnes arrêtées sont torturées pour qu’elles donnent les noms d’autres militants. Cela a conduit à l’arrestation de Daniel Akande. Nous savons que d’autres camarades figurent sur la liste des personnes a arrêter par la police. Elle tente désespérément d’attraper d’autres personnes organisatrices et participantes aux manifestations.

Les syndicats sous attaque

La principale fédération syndicale, le Nigeria Labor Congress (NLC), et son président, Joe Ajaero, ont également été attaqués. Le bureau central a été perquisitionné et vandalisé par la police. La semaine dernière, lorsque Joe Ajaero a été convoqué par la police, le syndicat a menacé d’organiser une grève nationale s’il était placé en détention. Nous devons appeler les syndicats à ne pas abandonner les jeunes de la classe ouvrière arrêtés par la police, à défendre le droit de manifester en tant que droit démocratique et à mobiliser le soutien et organiser les actions de solidarité nécessaires pour libérer toutes les personnes qui ont été arrêtées. Il faut même insister sur l’indemnisation des familles de toutes les personnes tuées par la police et les agents de sécurité au cours des manifestations.

Les accusations portées contre les personnes arrêtées sont totalement infondées. C’est la position adoptée par le NLC lorsqu’il a été accusé de «financement du terrorisme». Les militants et militantes arrêté⋅es sont également accusé⋅es d’avoir reçu de l’argent de sources suspectes provenant de l’étranger. Le gouvernement a également accusé un certain M. Povey, citoyen britannique, d’être impliqué dans une tentative de coup d’État et l’a déclaré «recherché».

Cette campagne menée par l’État nigérian est fondée à la fois sur la crainte gouvernementale des manifestations et sur une tentative de coup de force visant à susciter la peur et à paralyser le mouvement sur le terrain. On ne sait pas encore jusqu’où elle ira, avec les procès, les condamnations, etc.

Lorsque Bola Tinubu est devenu président du Nigeria en mai de l’année dernière, le prix d’un litre d’essence était de 167 Naira (0.13$ CAN). L’augmentation du prix de 300% décrété par l’État, le fixant à 670 Naira (0.55$ CAN), n’a rien fait pour mettre de l’essence dans les stations-service. La pénurie actuelle a fait monter le prix du litre entre 800 et 1 200 Naira (0.66 et 1$ CAN) sur le marché noir, où le carburant est plus facile à obtenir que dans les stations-service!

Les prix des denrées alimentaires augmentent de la même manière. Le Naira est la deuxième monnaie la moins performante au monde. Une série de grèves, dont beaucoup ont été reportées par les directions syndicales, a contraint le gouvernement à augmenter le salaire minimum mensuel de 30 000 à 70 000 Nairas (25$ et 58$/mois). Cette mesure n’a pas encore été mise en œuvre et la majorité des gouverneurs de l’État ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de payer.

Le Movement for a Socialist Alternative (MSA), l’ensemble du mouvement syndical et les organisations sympathisantes mènent une campagne pour que les charges soient abandonnées et que toutes les personnes militantes détenues soient libérées.

Agissez maintenant pour la solidarité ! Envoyez des lettres de protestation à la police et aux autorités!

 

Envoyez-les:

Au bureau du président Tinubu

info@osgf.gov.ng

 

À la police d’Abuja

pressforabuja@police.gov.ng

 

Exemple de lettre 

Free Daniel Akande and all arrested!

On Sunday, 1 September, Daniel Akande, member of MSA (ISA in Nigeria) was arrested by police in Abuja, the Nigerian capital. We demand his immediate release, with all charges dropped.

We demand the release of all protesters arrested and held in custody since the #EndBadGovernanceProtest ended on August 10. In total hundreds have been arrested.

We are closely following events in Nigeria, where the huge price increases on fuel, transport and food caused mass protests this year, latest and largest in early August. We have also noted the new minimum wage not being implemented.

The response of the regime under president Tinubu has been increased repression against activists and labor, with completely unfounded charges.

We urge labor, left wing and democratic grassroot organisations to engage and spread information and protests for the immediate release of all arrested.

City and date:

Names and organisation:

Des membres de Lutte socialiste durant les protestations du 2 et 3 septembre en Israël

L’outrage des otages tués entraîne une grève générale historique

Les protestations de ces derniers jours en Israël ont atteint des proportions historiques. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche et une grève générale s’est déroulée ce lundi. Une décision de justice a mis fin prématurément à la grève. Le premier ministre Netanyahou s’est vivement opposé aux grévistes. Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un tract de nos camarades de Lutte Socialiste, la section de l’ISA en Israël/Palestine.

Après une grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours!

  • Stoppons la guerre maintenant!
  • Pour l’échange de tous les otages d’un côté contre tous les otages de l’autre!
  • Pour la reconstruction et le bien-être pour tout le monde!
  • Pour le renversement du gouvernement israélien sanguinaire!

L’assassinat des six personnes enlevées à la suite de la décision du «cabinet de la mort» israélien de perpétuer l’occupation du «corridor de Philadelphie» entre Gaza et l’Égypte a porté l’indignation générale de la société israélienne à son comble. Face à l’insistance du gouvernement minoritaire de Netanyahou et de l’extrême droite à torpiller un accord et à poursuivre la guerre – qui n’était pas destinée à défendre la sécurité de millions d’Israéliens et d’Israéliennes, mais bien les intérêts du régime d’occupation et la domination du capital, au prix de rivières de sang – l’indignation et la mobilisation de masse ont réussi à déclencher une grève générale sans précédent dans le contexte de guerre.

De la base de la classe travailleuse, à la fois juive et arabe, est né un mouvement de grève générale politique «non autorisé». L’élément déclencheur immédiat a été le torpillage illégitime des ministres du gouvernement sanguinaire d’un accord de cessez-le-feu, et donc d’un échange d’otages et de prisonniers. Les grévistes voulaient plutôt contraindre le gouvernement à signer un accord. Quelque 300 000 personnes ont afflué à Tel-Aviv, la plus grande manifestation depuis le 7 octobre 2023 et l’une des plus importantes jamais organisées dans la société israélienne.

Le président de la principale fédération syndicale israélienne Histadrut, Arnon Bar-David, a finalement succombé à la pression des masses. Il était jusqu’à très récemment totalement opposé à la mobilisation de la force organisée de la classe travailleuse en faveur d’un accord de cessez-le-feu. Cela s’est passé de la même manière que lors de la grève générale de mars 2023. Comme à l’époque, Bar-David n’a pas l’intention de mener une lutte sérieuse dans le but de renverser le gouvernement, mais plutôt de protester et de laisser la pression sortir, tout en se présentant comme le seul responsable de la prise de décision au nom de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs.

Certains capitalistes, profitant du fait que le ministre des finances Smotrich et le gouvernement sanguinaire sont occupés à répercuter les coûts économiques de la guerre sur les travailleurs et les travailleuses, ont exprimé leur soutien à la grève générale de protestation. Mais ils le font pour des raisons de «relations publiques» et parce qu’ils reconnaissaient que la grève était un moyen d’accroître la pression sur Netanyahou afin qu’il fasse preuve de souplesse sur la question d’un accord. Ultimement, ces capitalistes estiment nécessaire un cessez-le-feu dans l’intérêt de la stabilité. Ils étaient convaincus que la grève se limiterait à une opération de défoulement. Ils étaient donc prêts à y participer.

D’autres secteurs de la classe dirigeante israélienne craignent que la légitimation d’une grève générale politique contre le gouvernement, même dans le contexte de crise d’une guerre, se retourne contre eux dans le cadre de futures luttes sociales. Ainsi, le procureur général libéral Baharav-Miara, soi-disant champion de la «démocratie», s’est joint à Smotrich pour tenter de mettre fin à la grève en exigeant la délivrance d’une ordonnance anti-démocratique. Elle a effectivement été délivrée par le président du tribunal régional du travail de Tel-Aviv-Jaffa. Elle a ordonné la fin de la grève à 14h30, après 8 heures et demie de grève, dans une décision destinée à dissuader légalement toute future grève générale politique.

Le gouvernement ne bougera pas après une grève de protestation de quelques heures

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes se sont mis en grève et sont descendus en masse dans les rues pour changer une réalité horrible. Cet élan combatif pour un «accord dès maintenant» ne doit pas céder à un relâchement de la pression, à un retour à la routine et à l’idée que «rien ne peut être fait» face à la puissance de ce gouvernement sanguinaire.

Après cette importante grève d’avertissement, le gouvernement doit recevoir un ultimatum clair de deux jours de grève générale dans le cadre d’un plan d’escalade de la lutte. Entre-temps, les délégations et les syndicats devraient organiser les employé⋅es dans chaque milieu de travail pour renforcer les manifestations. Tous les syndicats doivent adopter un plan d’action clair et le soumettre aux personnes élues de la Histadrut pour discussions et adoption, ainsi aux organes similaires des autres syndicats et organisations.

Cette lutte appartient aux masses qui y participent. La mobilisation de masse nous a même permis d’aboutir à une grève générale. Aujourd’hui, les réunions (virtuelles ou en personne) dans les milieux de travail, dans les écoles et les campus, et parmi les groupes de protestation, peuvent contribuer à renforcer les discussions qui évaluent la situation afin de prendre des décisions démocratiques pour construire la lutte.

La lutte met également à l’ordre du jour la question de la fin de la guerre. Il est important de se méfier des voix de droite qui tentent de réduire l’horizon de la lutte à la question d’un accord qui n’a soi-disant rien à voir avec la poursuite de la guerre. Sans la fin de la guerre et le retrait des troupes de Gaza, la possibilité d’un accord est très faible. Et de toute façon, sans la fin de cette guerre de destruction, l’horrible spirale sanglante de ces derniers mois se poursuivra, à grands frais. Des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes, toute la bande de Gaza a été détruite et la quasi-totalité de la population a été déplacée sous des tentes. Des communautés en Israël et au Liban restent déplacées. Pendant ce temps, le gouvernement Netanyahu et l’extrême droite poussent vers une guerre régionale.

Par conséquent, cette lutte doit être dirigée sans équivoque contre la violence de la guerre – à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et dans toute la région – et contre le gouvernement capitaliste sanguinaire qui la dirige, et pour une alternative de changement socialiste face à l’occupation et à la domination sanglantes du capital.

Lutte socialiste demande :

  • Après cette grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours comme étape d’un plan d’escalade de moyens de pression. Paralysons l’économie israélienne. Exigeons la fin de la guerre et le retour de tous les otages (All for All) dans le cadre d’une lutte générale contre le gouvernement capitaliste sanguinaire de Netanyahou et de l’extrême droite. Lutton contre leur agenda qui sert la domination du capital et du régime d’occupation. Pour le retrait complet de toutes les troupes de la bande de Gaza. Pour l’arrêt des attaques militaires et des colons en Cisjordanie. Pour l’arrêt de la politique d’assassinats et de bombardements. Refusons une guerre régionale sous les auspices des puissances impérialistes de l’Ouest et de l’Est.
  • Pour des manifestations et des grèves à travers toutes les communautés nationales, les campus et les milieux de travail. Luttons contre les tentatives de restriction du droit de grève. Oui aux actions de protestation et de grève de masse des deux côtés de la Ligne verte, dans toute la région et dans le monde entier pour mettre fin au massacre à Gaza. Pour des actions syndicales visant à arrêter l’armement d’Israël et des manifestations pour mettre fin au soutien politique, économique et militaire impérialiste des gouvernements et des entreprises du monde entier au massacre à Gaza. Oui au refus du service militaire au sein de la population israélienne pour protester contre la guerre. Oui à l’appel des syndicats palestiniens pour des actions de solidarité internationale et à des mesures organisationnelles pour aider à arrêter le carnage à Gaza. Oui aux manifestations et aux grèves de protestation palestiniennes, telles que la «grève de la dignité» de mai 2021, des deux côtés de la Ligne verte, dans le cadre d’une lutte de masse organisée démocratiquement par des comités d’action élus, y compris des aspects d’autodéfense organisée, pour la libération nationale et sociale.
  • Pour la fin de la persécution politique et de la violence policière de Ben-Gvir. Elle vise à protéger le gouvernement, à perpétuer l’oppression nationale et à «diviser pour mieux régner». Elle veut faire taire la lutte pour un «accord dès maintenant» et pour mettre fin à la crise de la guerre et aux massacres à Gaza. Non au retrait des libertés démocratiques et à la hausse de la persécution politique. Non à l’émission d’ordonnances d’urgence. Exigeons que des comités ouvriers et que toutes les organisations de travailleurs et de travailleuses protègent les personnes persécutées par la chasse aux sorcières nationaliste contre les opposants et opposantes à la guerre. Non à la campagne de persécution du syndicat national des étudiants et étudiantes: pour le blocage de la loi visant à faire taire les voix dans le monde universitaire.
  • Pour la fermeture du centre de détention et de torture au Yémen, le «Guantanamo israélien». Pour la fin de la détention massive de Palestiniens et Palestiniennes, y compris des enfants, avec ou sans procès militaires. Pour la fin des détentions administratives, de la torture et des mauvais traitements infligés aux prisonniers de Palestine. Pour la fin de la légitimation, par l’extrême droite, de la torture et du viol, dans le cadre d’un programme réactionnaire qui promeut l’oppression nationale extrême et le meurtre de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de l’oppression fondée sur le genre et le sexe, et contre l’imposition des inégalités et de la pauvreté.
  • Assurons plus de préparation aux mesures d’autodéfense lors des manifestations. Oui à la prise de mesures de sécurité indépendantes de la police, à l’organisation de l’autodéfense et au maintien de la paix entre les personnes manifestant contre le gouvernement capitaliste sanguinaire, la guerre et l’occupation. Oui aux comités de défense créés sur une base démocratique dans les communautés, et à la coopération intercommunautaire au niveau local et national. Oui au droit à l’autodéfense organisée des résidents et résidentes sous occupation militaire et en état de siège, y compris avec l’aide d’une sécurité armée, organisée démocratiquement par des comités de défense élus.
  • Pour la fin du carnage, pour la fin de la famine de masse et pour des investissements massifs dans la reconstruction de Gaza et de toutes les communautés aux frais des capitalistes. Pour le transfert massif de nourriture, d’eau potable, de produits de base et d’équipements médicaux sans frais pour les habitants et habitantes de Gaza dans le cadre d’investissements massifs dans la reconstruction sous le contrôle démocratique de ces derniers et dernières, aux dépens des capitalistes des pays qui ont financé la guerre. Pour l’expropriation des banques, des grandes chaînes et des infrastructures clés de l’économie israélienne et leur intégration dans le secteur public, sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs et travailleuses. Pour des investissements massifs dans l’indemnisation et la reconstruction des deux côtés de la barrière.
  • La paix passe par la lutte pour une transformation socialiste de la société. Pour la fin de cette guerre qui cherche à restructurer et à perpétuer la dictature du siège de Gaza, de l’occupation, des colonies, de la pauvreté et de l’oppression nationale extrême imposée à des millions de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de la domination du capital. Luttons pour une solution qui va à la racine, basée sur la fin de l’oppression nationale, l’égalité des droits à l’existence, à l’autodétermination et à une vie de dignité, de bien-être et de sécurité pour tout le monde. Oui à la lutte pour un État palestinien indépendant, démocratique, socialiste et doté de droits égaux. Oui à la lutte pour la démocratie et le changement socialiste en Israël et dans la région. Oui à deux capitales à Jérusalem. Pour la réalisation d’une solution juste à la question des personnes réfugiées par le biais d’un accord reconnaissant l’injustice historique et le droit au retour des personnes qui souhaitent revenir d’où elles ont été chassées, tout en garantissant une vie de prospérité et d’égalité à tout le monde.
  • Pour la solidarité internationale, dans les luttes des travailleurs, des travailleuses et des gens ordinaires à travers la région, dans le cadre d’une lutte pour le changement socialiste et la paix dans la région. Pour la création d’une confédération de pays socialistes de la région, qui promouvra la démocratie et la sécurité et utilisera les ressources clés, dans le cadre d’une propriété publique démocratique, pour le bien commun, tout en garantissant l’égalité des droits pour toutes les nations et toutes les minorités.
  • Pour la promotion de mesures visant à construire une alternative politique de classe, internationaliste et combative de gauche, sous la forme de partis de lutte larges des deux côtés de la Ligne verte. Pour une coopération des uns avec les autres dans la lutte contre la domination israélienne du capital et de l’occupation et pour un changement socialiste. Pour la coopération face aux politiques capitalistes nationalistes et à l’agression impérialiste qui défendent des régimes oppressifs et tout un système d’inégalité et de crises multiples, qui ont causé l’actuel bain de sang à Gaza.

S’adapter à une nouvelle ère : la crise du trotskysme après la Seconde guerre mondiale

1933 : Hitler parvient au pouvoir en Allemagne. Contrairement à l’idée généralement admise, les raisons de cette victoire tiennent moins dans la force du nazisme que dans les faiblesses des directions du mouvement ouvrier à l’époque. La politique de la social-démocratie de même que celle des directions du parti communiste allemand et de l’Internationale communiste, la […]

Donald Trump entouré par les services secrets lors d'un rassemblement à Butler en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. Photo: Evan Vucci/AP

Tenter d’assassiner Trump aide la droite

La tentative d’assassinat de Donald Trump, à laquelle ont assisté des milliers de personnes lors d’un rassemblement, a été extrêmement choquante. Mais pas nécessairement surprenante. 

Pour les millions de personnes qui s’opposent profondément aux politiques de plus en plus à droite de Trump, le désespoir grandit à l’approche du 5 novembre. C’est d’autant plus vrai que l’establishment démocrate enfonce la candidature catastrophique de Biden au fond de la gorge de l’électorat. Le Parti démocrate refuse maintenant de prendre des mesures décisives pour le remplacer1, même après son échec lamentable lors du débat du mois dernier.

Ces dernières semaines, les médias sociaux ont été envahis de messages mettant en garde contre le Projet 2025, un livre de droite rédigé notamment par plusieurs collaborateurs de Trump. Il détaille les plans d’une prise de pouvoir présidentielle autoritaire et d’une attaque massive contre les syndicats, les personnes opprimées et la gauche. Trump 2.0 sera plus organisé, plus à droite et plus dangereux pour les personnes opprimés, les travailleuses et les travailleurs que la première présidence Trump.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les médias n’ont pas encore révélé les motivations du tireur qui a tenté de tuer Donald Trump lors d’un rassemblement à l’extérieur de Pittsburgh. Un jeune homme utilisant une arme à feu pour exprimer son angoisse ou sa rage n’est, tragiquement, pas nouveau dans ce pays qui est inondé d’armes à feu, d’angoisse et de rage. Ce qui est nouveau, ou du moins nouveau au cours des dernières décennies, c’est la violence politique à l’encontre d’un candidat à la présidence. Cela nous rappelle la réaction de Malcolm X à l’assassinat de John F. Kennedy quant à l’effet boomerang de ses politiques: « Les méfaits passés d’une personne reviennent l’atteindre négativement »2. La calamité que représente l’élection présidentielle de 2024 reflète la profonde crise politique et sociale du capitalisme américain.

Quelle que soit la motivation spécifique du tireur, le terrorisme individuel est contre-productif et doit être totalement combattu par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes de gauche. Il ne changera pas le cours politique de la droite. Il justifiera le renforcement de la répression et sèmera la confusion dans de larges couches de la population au lieu de les mobiliser.

Ce remake de la course présidentielle opposant l’extrême droite à la classe capitaliste libérale et à leurs porte-drapeaux gériatriques respectifs ressemblait jusqu’ici à une plaisanterie de très mauvais goût. Mais elle pourrait maintenant se transformer en cauchemar. Trump, toujours en quête de spectacle même lorsqu’il vient d’être touché par une balle d’AR-15, sera considéré comme un héros par l’aile droite. Et encore plus qu’avant, grâce à son poing provocateur brandi lorsqu’il a été évacué précipitamment de la scène, le visage ensanglanté. Il est difficile d’imaginer un contraste plus frappant qu’avec un Biden confus et ayant perdu ses moyens. Trump, qui bénéficie d’une attention positive alors que Biden a mis sa campagne en pause, est complètement aux commandes à l’approche des élections de novembre.

Le noyau dur de la base de Trump, déjà immergé dans de fausses théories du complot, sera encore plus excité contre la «gauche radicale». Les groupes d’extrême droite connus pour leur violence, comme les Proud Boys, ont été temporairement repoussés après que l’État les ait poursuivis en justice à la suite de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2020. Mais ils sont apparus lors des récents rassemblements de Trump. Il existe un risque réel que l’extrême droite organisée et les groupes fascistes soient galvanisés par cette attaque contre Trump, à la fois dans les urnes et potentiellement dans les rues. La droite au Congrès utilisera la fusillade pour justifier l’adoption de mesures répressives à l’encontre des protestataires de gauche et des syndicats. La polarisation politique, qui est déjà une caractéristique majeure de la société, va encore s’accentuer dans un contexte de tensions accrues.

Ce qui fonctionne ou non dans la lutte contre la droite

Il est important de faire le point sur les tactiques qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas marché pour repousser la droite et l’extrême droite, ici et à l’étranger, à la fois lorsqu’elles sont au pouvoir et lorsqu’elles se mobilisent dans les rues. L’aile libérale de la classe capitaliste s’en est prise à Trump avec le Russiagate, l’affaire des pots-de-vin et plusieurs autres affaires judiciaires en cours depuis le 6 janvier 2020. Mais non seulement aucune de ces tactiques n’a eu l’impact souhaité par les libéraux, mais elles n’ont abouti qu’à une augmentation des dons de la part de la base de Trump. Avec la récente décision de la Cour suprême selon laquelle les présidents bénéficient d’une immunité présumée pour tout acte officiel, il n’est pas évident de savoir jusqu’où peuvent aller les procès intentés contre lui. Les démocrates et les partis similaires au niveau international ne peuvent pas arrêter Trump et l’extrême droite. Au contraire, leurs politiques ouvrent la voie à la réaction.

Ce qui a permis de repousser l’agenda de Trump au cours de son premier mandat, c’est l’action de masse dans les rues et le refus de travailler des travailleurs et des travailleuses de secteurs clés. Après l’entrée en vigueur de la loi interdisant l’entrée au pays de personnes musulmanes (imposée par Trump une semaine seulement après le début de son mandat), des manifestantes et des manifestants se sont précipités dans les aéroports du pays. À l’aéroport JFK de New York, les chauffeurs et chauffeuses de taxis ont organisé un arrêt de travail. Avant la fin de la nuit, un juge de Brooklyn a suspendu l’ordre présidentiel, et l’administration Trump a été contrainte de revenir sur son interdiction des détenteurs de cartes vertes originaires de pays musulmans.

Dans un épisode qui a montré le pouvoir potentiel de la classe ouvrière, l’arrêt des activités  gouvernementales en 2018-19 par le gouvernement Trump, la plus longue de l’histoire, a pris fin après que la dirigeante du syndicat des agents et agentes de bord, Sara Nelson, a brandi le spectre d’une grève générale. Quand les agents et agentes de l’Administration de la Sécurité des Transports (TSA) ainsi que les contrôleuses et contrôleurs aériens ont arrêté le travail en organisant leur absence (sick-out), cette menace a totalement bouleversé, en quelques minutes, les horaires et les profits des compagnies aériennes commerciales.

Ce sont les travailleurs, les travailleuses et les jeunes qui, en menant une action collective par le biais de manifestations et de grèves, ont le plus réussi à faire reculer le programme de Trump au cours de son premier mandat. Ce ne sont ni le parti démocrate au Congrès ni les actes individuels de violence ou de terreur. Un autre exemple a été le rassemblement de masse de 40 000 personnes à Boston en 2017 pour empêcher l’extrême droite de défiler. C’était suite à l’horrible nuit de Charlottesville, en Virginie, où la manifestante Heather Heyer a été brutalement tuée par un suprémaciste blanc. À la suite de la tentative d’assassinat de Trump, si l’extrême droite organise des rassemblements et des marches et que des sections de la gauche ne parviennent qu’à organiser de petites contre-manifestations, le risque de nouvelles violences sera réel. Comme toutes les expériences historiques l’ont montré, partout dans le monde, c’est une action de masse qui est nécessaire.

Comme un second mandat de Trump est désormais probable, il faut créer de nouvelles organisations larges de lutte – indépendantes du Parti démocrate – pour combattre la droite. Les syndicats doivent se préparer à se mobiliser contre les attaques de l’extrême droite qui vont s’abattre sur les personnes migrantes, LGBTQ+, les activistes de gauche et les syndicats eux-mêmes.

Alternative Socialiste est totalement opposée aux tactiques de terreur individuelle comme la tentative d’assassinat d’un milliardaire exploiteur et bigot comme Donald Trump. Non pas pour des raisons morales, mais parce que c’est une impasse politique et stratégique. Les travailleurs, les travailleuses et les jeunes se sont déjà battus avec succès contre Trump.

Maintenant nous devons le faire avec un niveau plus élevé d’organisation et de coordination. L’extrême droite organisée est dépassée par les millions de personnes qui s’opposent aux attaques contre les personnes migrantes, opprimées et les syndicats. Comme l’a écrit Léon Trotsky, le leader de la Révolution russe, en 1911, le terrorisme individuel «déprécie le rôle des masses», qui sont la force réelle pour arrêter la droite. Le rôle des masses sera le facteur clé qui déterminera si une deuxième présidence Trump sera en mesure de faire passer son programme de droite vicieux ou s’il sera bloqué.

Pas de temps à perdre

La tentative d’assassinat aura tendance à enhardir Trump et la droite et à affaiblir l’establishment démocrate. Ce dernier peut difficilement continuer à condamner l’évolution de Trump vers l’autoritarisme en même temps qu’il fait des déclarations en faveur de Trump. À présent, les directions syndicales et les autres dirigeants et dirigeantes progressistes devraient entamer une riposte contre la droite en organisant des rassemblements contre Trump et en faveur d’une véritable alternative de gauche aux Démocrates.

Le projet de Bernie Sanders et d’autres démocrates de gauche de réformer le Parti démocrate a été un échec cuisant. Il s’est maintenant transformé en son contraire, alors que Sanders s’obstine à soutenir Biden malgré tous les faits qui indiquaient la défaite probable de Biden avant même la tentative d’assassinat. L’administration Biden, avec son cortège de promesses non tenues et ses tentatives pathétiques de convaincre un électorat surmené, sous-payé et endetté que l’économie va bien et que «l’Amérique est déjà grande» (America is already great), a été le plus grand bâtisseur du trumpisme et de la droite.

La classe ouvrière a besoin de son propre parti politique, indépendant des partis Démocrates et Républicains dominés par les capitalistes. Un nouveau parti qui lutte pour un programme pro-ouvrier et anti-guerre, qui s’attaque également à l’oppression anti-immigration, raciste, sexiste et anti-LGBTQ+. Un pas important dans cette direction serait que des dirigeantes et les dirigeants syndicaux progressistes comme Shawn Fain et Sara Nelson rompent avec le Parti démocrate et appellent le reste du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux à les rejoindre. Un premier pas concret serait que Fain et Nelson convoquent une conférence réunissant les syndicats et les organisations progressistes pour discuter de la construction d’une alliance pour combattre la droite et prendre des mesures pour former un nouveau parti politique.

Nous appelons à un vote de protestation en novembre pour la candidature présidentielle indépendante de gauche la plus forte, Jill Stein ou Cornel West. Mais malheureusement, aucune d’entre elles n’est claire sur la nécessité d’un nouveau parti de masse. Néanmoins, les travailleurs, les travailleuses et les jeunes ne devraient voter pour aucun des deux partis du capitalisme. Ils sont la source de toute exploitation et oppression, et le terreau fertile pour la croissance de l’extrême droite.

Les assassinats n’offrent aucun moyen d’avancer. Nous avons besoin d’une révolution pour démanteler le système malade du capitalisme, nous débarrasser des serviteurs capitalistes comme Trump et Biden et transformer la société dans une optique socialiste.


Notes
1. Article écrit le 15 juillet avant que Biden ne soit incité à quitter pour être remplacé par Kamala Harris comme nouvelle candidate démocrate
2. Citation exacte de Malcolm X :  » The chickens come home to roost ».

Est-ce que voter pour le «moins pire» arrêtera Trump?

Il est difficile de croire que quatre années se sont écoulées depuis l’élection de 2020. Mais il est encore plus difficile de croire que peu de choses ont changé. Donald Trump et Joe Biden sont toujours les personnes les plus âgées à se présenter à la présidentielle américaine, battant leur propre record. Trump est toujours un odieux fraudeur animé des pires intentions à l’égard des travailleuses, des travailleurs et des personnes opprimés. Biden est toujours un centriste vétéran de l’establishment qui n’a pas grand-chose à offrir aux personnes qui l’ont alors élu dans un élan de désespoir visant à éviter le despotisme de droite.

En fait, il est possible que la seule chose importante qui ait changé sur la scène électorale américaine soit le peu de gens qui ont foi en Biden, ou du moins qui font preuve d’un optimisme prudent envers lui. Non seulement Biden a présidé à une augmentation considérable du coût de la vie, mais il a également réduit les sources d’aide financière aux travailleuses et travailleurs en mettant fin aux programmes pandémiques, tels que le crédit d’impôt pour les enfants et l’extension du chômage. C’est le président sous lequel le jugement Roe v Wade a été renversé, qui a brisé la grève des cheminots et qui n’a pas réussi à réduire sérieusement l’endettement des ménages ou à élargir l’accès aux soins de santé, comme il l’avait promis.

Plus récemment, les jeunes se sont révoltés contre Joe Biden en raison de son soutien indéfectible à Israël, financé par des milliards de dollars en fonds publics. Cela a sans aucun doute encouragé le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans son assaut génocidaire de plusieurs mois contre Gaza. Cette situation a été aggravée par le fait que Biden s’est prononcé en faveur de la répression policière extrême contre les manifestations étudiantes le mois dernier.

Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit enthousiaste à l’idée de voter pour Joe Biden. Seules 28% des personnes qui vivent aux États-Unis estiment qu’il est un «bon» ou un «grand» président, 50% estiment qu’il est «mauvais» ou «terrible». Les jeunes sont écœuré⋅es par les choix offerts, 63% d’entre eux et elles se déclarent insatisfaits des options proposées. Il est probable que la plupart des jeunes ne voteront pas en novembre. Mais pour ceux et celles qui prévoient voter pour Biden cet automne, l’attitude la plus courante est de «se boucher le nez» avant de voter pour lui afin d’empêcher une prise de pouvoir par le «pire» des deux maux: Donald Trump.

Mais cette approche est-elle réellement efficace pour empêcher la droite de prendre le pouvoir?

Qui est responsable du trumpisme?

Ces dernières années, nous avons assisté à la montée d’un populisme de droite brutal (et même d’idées carrément fascistes) dans le monde entier. En Argentine, aux Pays-Bas, en Grèce, au Brésil et ailleurs, les politiciens et les politiciennes d’extrême droite ont pris de l’importance.

Ce n’est pas une évolution naturelle de la société que de se rapprocher de plus en plus de la droite. La montée de ces idées est directement liée à des crises plus larges du système. Lorsque l’establishment politique ne parvient pas à résoudre de manière significative les problèmes majeurs auxquels est confrontée la majorité de la société, le soutien à des idées plus radicales – y compris des idées tout à fait réactionnaires – peut croître. Aux États-Unis, en 2016, c’est précisément l’incapacité du Parti démocrate à répondre aux besoins des travailleurs, des travailleuses et de la classe moyenne pendant les années Obama qui a permis à Trump de séduire de manière démagogique des millions de personnes dont le niveau de vie baissait depuis des années.

Depuis l’élection de Biden en 2020, Alternative socialiste a soutenu qu’à moins qu’une alternative de gauche sérieuse aux Démocrates ne soit construite, l’espace pour Trump et son populisme de droite bien à lui continuerait à croître.

Il ne fait aucun doute que Trump représente un désastre pour les classes populaires. Il est, à bien des égards, plus destructeur que Biden dans l’immédiat. Son imprévisibilité pourrait avoir des résultats désastreux sur la scène mondiale dans le contexte de la nouvelle ère de guerres qui a émergé depuis qu’il a quitté ses fonctions.

Mais alors pourquoi, si Trump est si mauvais, certains des groupes démographiques les plus marginalisés des États-Unis ont-ils décidé de le soutenir plutôt que Biden?

Le soutien à Trump parmi les personnes noires a considérablement augmenté depuis 2020. Lors de cette élection, seuls 4% des électrices et électeurs noirs le soutenaient. Mais au cours des quatre dernières années, ce chiffre a augmenté de 19%, selon un sondage du New York Times. Ce chiffre est encore plus élevé parmi la population latino, avec 39% de soutien à Trump, battant les 34% de Biden.

À première vue, cela n’a pas de sens, étant donné les clins d’œil de Trump aux suprémacistes blancs et le fait qu’il attise constamment le sentiment d’hostilité à l’égard des personnes immigrées. Mais la suppression par Biden des programmes d’aide financière, son refus de soutenir un salaire minimum fédéral de 15$/h et son incapacité de faire face à l’augmentation rapide du coût de la vie ont un impact viscéral sur les communautés de couleur pauvres. Nombreuses sont les personnes qui, pour des raisons découlant de leur expérience concrète, n’ont tout simplement pas l’impression que leur situation s’est améliorée sous la présidence de Joe Biden.

En bref, en ne proposant pas de véritable alternative au programme de la droite, la présidence de Biden a renforcé la position de Trump à bien des égards.

De plus, les immenses échecs de Biden ont permis à Trump de faire campagne contre lui. Trump n’est pas un ami de la population de Gaza et a récemment fait une déclaration encourageant Israël à «finir le travail». Qu’à été sa réponse lorsqu’un chant «Joe le génocidaire» a éclaté lors d’un de ses rassemblements? Un haussement d’épaules et un «ils n’ont pas tort» qui a déclenché les acclamations de la foule.

Grâce à Biden, Trump peut se présenter comme le candidat anti-guerre, notamment en ce qui concerne la guerre en Ukraine, de plus en plus impopulaire. C’est un énorme obstacle pour le mouvement anti-guerre actuel, qui doit se battre pour se différencier du nationalisme America-first de la droite.

Les jeunes, les travailleuses et les travailleurs se sont investis corps et âme pour faire élire Joe Biden en 2020 afin de chasser Trump du pouvoir. Mais leurs efforts ont été trahis par Biden et sa politique indéfectible envers l’establishment. Elle a donné à Trump un énorme élan. Voter pour Biden en 2024 ne résoudra pas plus le problème.

Le combat le plus important se situe bien au-delà de l’élection de novembre. Il réside dans la construction d’un parti de la classe ouvrière dans lequel les travailleuses, les travailleurs et les jeunes peuvent participer démocratiquement. Un parti composé par ces personnes, les syndicats et les mouvements sociaux. C’est la voie qu’il faut emprunter pour éviter de s’enfoncer davantage dans le marais du droitiste de Trump.

Comment neutraliser un menteur

Alors comment neutraliser la politique de Trump?

Trump est le modèle du populiste de droite réussi. Sa principale compétence consiste à juger une foule et à lui dire exactement ce qu’elle veut entendre. Il se plie généralement aux impulsions de la gauche et de la droite, sans se soucier de savoir si on lui reproche ou non d’avoir menti par la suite. Qui s’en soucie de toute façon, considérant que ses adversaires ne tiennent jamais leurs promesses électorales?

Mais cette stratégie ne peut pas fonctionner contre quelqu’un qui se bat véritablement dans l’intérêt des travailleuses et des travailleurs. Si une candidature présidentielle sérieuse ne se contentait pas seulement de parler de la protection de la sécurité sociale et du Medicaid (assurance maladie), mais menait plutôt une campagne active pour taxer les riches afin de financer les services sociaux – s’aliénant volontairement les grandes entreprises pour construire un mouvement de la classe ouvrière – cela mettrait en évidence la longue escroquerie de Trump. Trump ne pourrait pas se présenter comme un candidat anti-guerre à côté de quelqu’un qui a réellement fait campagne pour mettre fin aux guerres et à l’aide militaire américaine. Il serait contraint soit de soutenir matériellement les revendications, à l’encontre de sa politique réelle, soit d’admettre qu’il n’est pas sérieux.

Le fait de voter, élection après élection, pour l’option du moindre mal demeure une mauvaise option qui ne nous a pas rapprochés de la défaite de la droite. En fait, cela a permis à la droite de devenir beaucoup plus effrayante.

Voter pour Biden n’est pas «un pas dans la bonne direction», même si l’on reconnaît que ce pas est insuffisant. C’est un pas de plus dans la spirale descendante qui renforce l’extrême droite. Le meilleur choix pour les classes populaires et les jeunes lors des élections de 2024 n’est pas Biden. C’est une candidature indépendante avec un vrai programme pour la classe ouvrière.

Les candidatures indépendantes de Cornel West et de Jill Stein ont toutes deux fait campagne contre l’aide militaire américaine à Israël et pour la fin du massacre à Gaza. Stein a d’ailleurs été arrêtée par la police lors d’un campement étudiant en avril. Ces deux campagnes doivent se battre pour impliquer le plus grand nombre possible de travailleuses et de travailleurs afin de mettre sur pied une infrastructure de campagne capable de rassembler des milliers de volontaires, pas simplement des centaines. Voter pour l’une ou l’autre de ces candidatures, même si elles ont des faiblesses, est une grande amélioration par rapport à la stratégie ratée qui consiste à voter pour Biden.

Si Trump gagne en novembre, ce ne sera pas la faute des travailleuses et des travailleurs qui n’ont pas pu se résoudre à voter pour Biden. Ce sera la faute des démocrates. Les démocrates ont échoué à chaque occasion où ils devaient faire quelque chose pour améliorer la vie des travailleuses et travailleurs des États-Unis en plus d’avoir approuvé la destruction et la mort de personnes innocentes à l’étranger.

  • Nous appelons à un vote de protestation pour Jill Stein ou Cornel West, les candidatures indépendantes de gauche les plus viables.
  • S’il y a un autre débat, tous les candidats, y compris RFK Jr, Stein et West devraient être sur la scène.
  • Les principaux syndicats qui ont soutenu Biden devraient immédiatement annuler leur soutien et soutenir un candidat pro-ouvrier comme Stein ou West.
  • Organisez des manifestations de masse lors de la Convention nationale du Parti démocrate à Chicago contre les Démocrates et leur guerre génocidaire contre Gaza!
  • Les syndicats, les mouvements sociaux et les organisations anti-guerre, les groupes religieux progressistes et les groupes de jeunes devraient s’associer pour organiser une assemblée de masse afin de fonder un nouveau parti pour la classe ouvrière.
  • Des rassemblements de masse dans tout le pays le 20 janvier, jour de l’investiture, pour montrer immédiatement que la classe ouvrière est unie contre les politiques pro-entreprises et pro-guerre de celui ou celle qui siégera à la Maison Blanche.
  • Il y en a assez du système politique capitaliste bipartisan et de toute l’exploitation et l’oppression qu’il engendre. Rejoignez Alternative socialiste pour construire le mouvement socialiste!

 

Jean-Luc Mélenchon à la tribune du NFP

Le NFP fait barrage à l’extrême droite, pour l’instant

L’extrême droite n’a pas obtenu la majorité lors des élections législatives françaises qui se sont déroulées sur les deux fins de semaine du 30 juin et 7 juillet. Le plus grand groupe au parlement est désormais l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire.

Lors des élections européennes du début juin, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a eu une forte poussée, effrayant le président Macron et déclenchant son annonce soudaine d’élections générales. Les partis de gauche, dont La France Insoumise (LFI), les partis Socialiste et Communiste ainsi que les Verts, se sont unis derrière un Nouveau Front populaire (NFP). Ils ont convenu d’un programme commun et de ne pas se dresser les uns contre les autres afin de s’opposer aux politiques anti-ouvrières de Macron et d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir.

Macron, le grand perdant

Le grand perdant de ces élections est Macron lui-même. Comme Rishi Sunak en Grande-Bretagne, Macron va regretter d’avoir convoqué des élections d’été! Son parti, Renaissance, censé être un parti de centre, est en réalité un mouvement de droite qui a été écrasé par l’extrême droite et la gauche. Il a perdu un tiers de ses sièges. Le Premier ministre de Macron, Gabriel Attal, a démissionné.

La société française est en crise. Il y a cinq ans, le pays a été secoué par les grèves et les barrages routiers du mouvement des Gilets jaunes qui réclamait une baisse des taxes sur les carburants, une augmentation du salaire minimum et un impôt sur la fortune. Il y a deux ans, la tentative de Macron de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans a donné lieu à 18 mois de grèves et de manifestations avant d’être finalement promulguée, mais uniquement par décret présidentiel. Les travailleuses et les travailleurs des secteurs privé et public, les propriétaires de petites entreprises ainsi que les agricultrices et les agriculteurs ont tous été durement touché·es par la flambée du coût de la vie. Ces personnes ont été choquées par l’arrogance et la suffisance de Macron et de ses copains bien nantis.

Le RN a cherché à capitaliser sur ces questions et a tenté de rejeter la responsabilité sur les personnes immigrées et musulmanes. Mais beaucoup sont d’origine nord-africaine et vivent en France depuis des générations. Elles subissent les pires effets des politiques de Macron. En réponse, Macron a, comme on pouvait s’y attendre, viré à droite.

Le coût de la vie

Mais le principal moteur de la montée en puissance du RN est le coût de la vie. Il est ressenti de la manière la plus aiguë dans les vastes étendues de la campagne française où les villages et les petites villes sont en déclin, où les transports publics sont désastreux ou inexistants et où le prix de l’essence est paralysant. Le discours raciste sur les boucs émissaires du RN n’a jamais apporté de solutions à la crise sociale en France. Mais son caractère anti-ouvrier est devenu plus clair depuis le déclenchement des élections. Dans un effort pour courtiser les grandes entreprises, le RN a commencé à tergiverser sur leur engagement à renverser la détestée réforme des retraites de Macron. Le chef parlementaire du RN, Jordan Bardella, s’est contenté de déclarer «nous verrons».

La LFI de Jean-Luc Mélenchon est le groupe le plus dynamique du NFP. Il a réussi à faire pression au sein de l’alliance pour un programme commun qui n’est pas si différent de celui du Parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn. Il comprend un salaire minimum plus élevé, un âge de la retraite plus précoce et un impôt sur la fortune. Cela leur a valu la haine des capitalistes français, qui ont mené une campagne venimeuse, notamment par l’intermédiaire des organes d’information appartenant au milliardaire et magnat des médias Bolloré. Ils ont lancé des allégations d’antisémitisme à l’emporte-pièce et totalement injustifiées.

Alors que le RN n’est pas le choix traditionnel ou préféré de la plupart de l’establishment capitaliste français, de larges pans du grand capital craignaient Mélenchon bien plus que Le Pen. Le Financial Times a rapporté le 18 juin que : «Les patrons des grandes entreprises françaises s’empressent de nouer des contacts avec l’extrême droite de Marine Le Pen, après avoir reculé devant le programme radical d’impôts et de dépenses de l’alliance de gauche rivale lors des élections législatives anticipées dans le pays».

Avertissement : la gauche doit rester ferme face à l’establishment capitaliste

Le moribond Parti socialiste, l’équivalent pro-capitaliste des partis «sociaux-démocrates» et travaillistes à travers l’Europe, a été entraîné vers la gauche par la montée de LFI et le départ de certains de ses éléments les plus à droite qui ont rejoint le bloc gouvernemental de Macron. Même l’ancien président français, François Hollande, a accepté de se présenter pour le NFP, bien que son bilan anti-ouvrier durant ses années de pouvoir n’ait guère été un atout électoral. LFI a eu raison de tenter de galvaniser la gauche contre la menace de l’extrême droite. Mais les travailleuses, travailleurs et les jeunes doivent s’organiser et se mobiliser pour s’assurer qu’aucune concession n’est faite aux forces pro-establishment qui chercheront à domestiquer le NFP pour le mettre au service de la «gouvernabilité» capitaliste du nouveau parlement français.

Ce qui se passe maintenant est très incertain. Aucune force n’est en mesure de former une majorité gouvernementale claire. Jean-Luc Mélenchon de LFI a exigé à juste titre que Macron (qui, en vertu du système électoral français «présidentiel», a le pouvoir de nommer le Premier ministre) nomme un Premier ministre NFP pour mettre en œuvre son programme. Mais cela est bien sûr hautement improbable. La constitution française interdit également toute nouvelle élection dans les 12 mois. Cela entraîne une immense pression de la part de l’establishment capitaliste pour la formation d’une majorité parlementaire. Macron pourrait chercher à rassembler une coalition capitaliste passant au-dessus de la tête de l’électorat français, en faisant appel aux socialistes et aux Verts, par exemple, pour qu’ils se séparent de Mélenchon et se joignent à lui dans la constitution d’une majorité.

Un tel gouvernement ne ferait que voir l’extrême droite continuer à gagner des voix et des sièges en vue des élections présidentielles de 2027. Elle ne peut pas être vaincue par des alliances électorales et des manœuvres parlementaires. Elle ne peut être vaincue que par un mouvement de masse rangé derrière un programme qui se dresse clairement contre le système capitaliste en crise et pour une alternative socialiste. C’est en construisant un tel mouvement que LFI pourra s’appuyer sur cette étonnante victoire électorale et se préparer à dépouiller une fois pour toute l’establishment capitaliste de son pouvoir.

LFI est la force motrice de la gauche. Mais, comme certains partis capitalistes, elle est dirigée par une figure de proue, Mélenchon, et doit encore adopter une structure qui permettrait une pleine participation et imputabilité envers les membres.

Pour construire le mouvement dont la classe ouvrière française a besoin dans cette situation, LFI devrait lancer un parti de lutte de masse doté d’un programme de changement socialiste intransigeant, capable d’unir dans l’action toutes les personnes qui travaillent, celles dans l’agriculture, les personnes migrantes et les jeunes.