Compte rendu d’un travailleur d’Amazon depuis la ligne de piquetage à Cincinnati
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Le Canada face à l’impérialisme des États-Unis
Les récents propos de Donald Trump envisageant l’annexion du Canada ou du Groenland exposent ouvertement la volonté impérialiste des États-Unis. Il ne s’agit pas uniquement d’élargir le territoire contrôlé, mais bien de garantir l’enrichissement des multinationales occidentales des secteurs stratégiques sur notre dos et celui de l’environnement.
La montée des tensions entre les deux blocs impérialistes mondiaux actuels (le bloc États-Unis/OTAN et celui de la Chine/Russie/Iran) entraîne une course à la «sécurisation» des frontières à l’intérieur desquelles ces blocs exercent leur influence respective. Dans le cas des États-Unis, assurer la défense militaire des territoires de l’Arctique (Canada et Groenland compris) est d’une importance stratégique capitale. Les minéraux et les sources d’hydrocarbures, en plus de l’ouverture de voies navigables en raison du réchauffement climatique, sont l’objet de sa convoitise.
Ce type de situation explique la consolidation des alliances avec les pays auxiliaires des grandes puissances impérialistes. Ces pays secondaires se rangent de plus en plus dans l’un ou l’autre camp, que ce soit sur l’enjeu des conflits militaires ou des accords commerciaux. Le déploiement des intérêts impérialistes américains a des impacts majeurs pour ses économies auxiliaires que sont celles du Québec et du Canada.
Dépenses militaires en hausse
Par exemple, les dépenses militaires sont en hausse au Canada, comme dans tous les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le gouvernement fédéral libéral a annoncé en novembre qu’il veut accélérer l’atteinte de la cible de dépenses militaires de 2% du PIB canadien pour l’OTAN et le NORAD. Cela nécessite de tripler le budget de la défense. En outre, l’armée canadienne mène des opérations et construit depuis des années des bases militaires dans les pays comme la Lettonie, pour contrer une potentielle avancée russe en Europe de l’Est.
Alors que plus d’un million de Canadiennes et de Canadiens sont mal-logés, croulent sous les dettes et sont mal desservis par les services publics, des milliards de dollars sont sur la table pour que le Canada serve d’avant-poste militaire aux États-Unis.
Politiques protectionnistes
Sur le plan économique domestique, le Canada suit depuis cet été les politiques protectionnistes américaines concernant l’imposition de surtaxes sur les véhicules électriques chinois. Cette mesure a reçu un large soutien de l’industrie, des syndicats et des partis politiques. Les promesses d’emplois et de retombées économiques de l’industrie automobile pèsent lourd dans la balance en ces temps de stagnation économique.
Or, les «guerres commerciales» ont tendance à réduire la croissance économique de tous les côtés plutôt que de l’améliorer. Ces surtaxes nuisent également aux objectifs des «plans verts» gouvernementaux, déjà insuffisants. Il est possible que l’achat massif de véhicules électriques chinois bon marché permettrait d’aller plus vite vers «l’électrification des transports». Cependant, cet objectif reste secondaire face aux intérêts capitalistes locaux.
Il s’agit plutôt de protéger et de développer la chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques au Canada, à laquelle les gouvernements ont promis plus de 50 milliards $ en subventions. L’imposition de surtaxes est également justifiée par la «sécurité nationale», celle de faire barrière aux logiciels espions chinois qui pourraient entrer dans les voitures nord-américaines.
Investissements historiques dans la filière batterie
Le niveau historique des derniers investissements de Québec et Ottawa dans la filière des batteries et des supraconducteurs montre l’importance stratégique de ces secteurs. Ces subventions se concentrent principalement en Ontario et au Québec. Des arrangements sont d’ailleurs faits avec les grandes compagnies pour contourner les lois environnementales et les droits des populations autochtones afin de permettre aux secteurs de l’exploitation minière, des batteries et des voitures électriques de se développer, même si la demande n’est pas là.
Les problèmes financiers de Northvolt, l’entreprise la plus subventionnée du processus, montre comment l’élite politique dépense l’argent public sans garantie de rentabilité. La construction de la méga usine de Northvolt en Montérégie a déjà été reportée d’un moins 1 an et demi avant ses problèmes financiers.
L’objectif des élites d’ici est de s’intégrer, coûte que coûte, à la filière américaine des batteries et des supraconducteurs. Mais d’un point de vue nord-américain, les projets canadiens et québécois sont un ajout à ceux des États-Unis. Pour les multinationales, il est beaucoup plus intéressant de s’installer dans la battery belt américaine, où l’argent et les ressources sont également disponibles. Le fiasco économique de Lion Électrique montre comment les joueurs québécois ne font pas le poids dans ce nouveau marché, même si les gouvernements y ont englouti plus de 200 millions $.
Le gouvernement québécois a aussi annoncé que les tarifs de l’électricité seront augmentés cette année pour les consommateurs. La raison principale est le remaniement de la capacité nationale de production d’électricité qui a été mise en place pour accueillir Northvolt.
Couper là pour investir ici
En outre, les investissements massifs dans les secteurs stratégiques s’accompagnent de nouvelles mesures d’austérité dans les services publics. Les faibles gains obtenus par les employé⋅es du secteur public en 2024 sont déjà menacés par un gel drastique des budgets et des embauches dans les systèmes d’éducation et de soins de santé.
L’impérialisme, c’est quand nos gouvernements préparent et mènent la guerre du «bloc de l’Ouest» au profit des compagnies d’armement et d’aéronautique. L’impérialisme, c’est aussi lorsqu’ils dilapident notre argent pour des multinationales incapables de répondre à nos besoins en termes de transport, d’énergie, d’éducation ou de santé.
Appui tacite des directions réformistes
Sans le dire ouvertement, les directions syndicales réformistes québécoises et celles de Québec solidaire sont en faveur de la filière batterie. Elles ne veulent pas aborder son rôle économique, en tant que secteur stratégique, dans la consolidation des blocs impérialistes et le développement des conflits militaires. Pourtant, des hélicoptères électriques et des drones à potentiel militaire commencent à être fabriqués au Québec. Des subventions massives pleuvent également sur le secteur aéronautique, ce qui accélère la militarisation de l’industrie.
Bien que tous les grands syndicats québécois ainsi que Québec solidaire aient pris position contre la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient – dénonçant même l’aide militaire – ils n’ont fait que des gestes symboliques pour l’exprimer. Aucune action concertée n’a été entreprise pour empêcher Ottawa de verser des milliards de dollars d’argent public en aide militaire à l’Ukraine depuis 15 ans.
Rien n’a été fait pour arrêter la production des obus de General Dynamics utilisés en ce moment même par l’Ukraine et Israël. Les travailleuses et les travailleurs syndiqué⋅es de la multinationale ont négocié avec succès dans plusieurs usines du Québec cette année. Mais cela, sans que leurs syndicats ne fassent de liens entre la production des usines et les massacres qu’elle permet.
Peur de l’autre et nationalisme
La machine de guerre affecte négativement tous les aspects de notre vie: le climat, les droits des personnes migrantes, les droits des femmes, les droits du travail. Par exemple, le gouvernement du Canada et du Québec ont permis à un nombre record de personnes immigrantes de s’installer pour combler les emplois mal rémunérés dans certains secteurs jugés stratégiques.
Or, les gouvernements, les patrons et les propriétaires alimentent la peur de l’autre et le nationalisme pour légitimer les discriminations qu’ils font subir aux personnes immigrantes. D’abord qualifiées d’«anges gardiens» durant la pandémie de la COVID-19, les personnes immigrantes sont aujourd’hui pointées du doigt pour la crise du logement ou encore le déclin du français au Québec. Le fait qu’elles sont «étrangères» légitimeraient tous les abus des capitalistes à leur égard. La logique est la même lorsque les parlementaires ou les médias de masse déshumanisent les personnes que «nos» soldats tuent parmi les populations «ennemies».
L’incapacité des syndicats et des partis de gauche à répondre de manière anti-impérialiste aux questions d’immigration ou de déclin du français ouvre la voie aux discours de peur des partis xénophobes, sexistes et nationalistes.
Les conservateurs de Pierre Poilievre et les nationalistes xénophobes du Parti québécois (PQ) sont largement en tête des sondages. Ces deux partis promettent de baisser drastiquement les taux d’immigration comme solution pour améliorer les conditions de vie des gens qui sont déjà là. Le gouvernement libéral à Ottawa et celui de la CAQ à Québec n’ont pas voulu manquer l’occasion d’eux aussi agir sur un bouc-émissaire. Ils viennent de resserrer les possibilités d’immigration en octobre dernier.
Combattre l’impérialisme, organiser la classe ouvrière
L’approche des directions réformistes actuelles montrent à quel point il est inutile de prétendre agir sur les grands événements internationaux sans une orientation claire vers l’action directe généralisée contre l’impérialisme.
Les débats théoriques ou moraux sur la sortie du Canada de l’OTAN ou sur la libération de la Palestine et de l’Ukraine sont inutiles s’ils ne posent pas comme tâche immédiate la nécessité d’organiser la classe ouvrière pour sa prise du pouvoir politique. Seul le défi d’une lutte pour un Québec et un Canada socialistes est en mesure d’ébranler l’emprise de l’impérialisme américain ici et ailleurs. Cette lutte commence sur nos milieux de travail et doit s’étendre dans tous les lieux de pouvoir publics.
L’accélération des conflits interimpérialistes nous oblige à affiner et à formuler un programme concret sur la guerre et la libération nationale. Un programme en faveur des droits de tous les travailleurs et toutes les travailleuses, peu importe leur origine, langue ou leur religion. Un programme qui va au-delà du nationalisme exclusif de gauche comme de droite. Nous avons besoin d’un programme internationaliste contre le militarisme et toutes les guerres menées pour le profit d’une élite.
Postes Canada : Les libéraux font (encore) le sale boulot des patrons
En décembre dernier, le gouvernement libéral a mis fin à la grève de 55 000 postiers et postières en utilisant sournoisement une clause obscure, l’article 107, du Code canadien du travail. Il a utilisé la même tactique pour attaquer les travailleuses et les travailleurs des chemins de fer et des ports.
Dans les trois cas, les patrons ont posé des exigences déraisonnables. Ils se sont attaqués aux conditions de travail et aux emplois, puis ont refusé de négocier, attendant que le gouvernement vienne à leur secours.
La direction du STTP met fin à la grève
Le vendredi 14 décembre, le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’«évaluer la probabilité» d’un accord négocié cette année. Sans surprise, le Conseil a déclaré qu’un accord était peu probable et a ordonné la fin de la grève de quatre semaines des 55 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Sur instruction du ministre du Travail, le contrat de travail existant a été unilatéralement prolongé jusqu’au 22 mai 2025.
Cette décision a laissé les syndiqué⋅es perplexes et furieux que le gouvernement les prive de leur droit de négocier une convention collective. La direction du syndicat, qualifiant l’action du gouvernement d’«abus de pouvoir», a néanmoins acquiescé à la décision du CCRI. Le mardi 17 décembre, la plupart des membres du STTP ont mis fin à leur grève à contrecœur et sont retourné⋅es au travail. Sur les piquets de grève et dans les sections syndicales locales à travers le pays, les travailleuses et les travailleurs voulaient poursuivre la grève. Il y a eu quelques défiances de courte durée contre l’ordre du CCRI. Sur certains piquets, la présence solidaire d’autres syndiqué⋅es et allié⋅es a brièvement retardé la reprise du travail, jusqu’à l’arrivée de la police.
La direction du syndicat a discrètement mis fin à la plus longue grève du STTP depuis le débrayage de six semaines de 1975. Cette décision est venue couronner un douloureux revers pour les postiers et postières ainsi que pour le mouvement syndical dans son ensemble. Ce revers est le résultat d’une année de négociation factice.
Des négociations vides de sens
Les négociations en vue d’une nouvelle convention collective ont été un simulacre dès le départ, plus d’un an avant le début de la grève le 15 novembre 2024. La direction du syndicat espérait pouvoir négocier librement une convention collective pour la première fois depuis 2016. Le Parlement a imposé un contrat de travail en 2018 qui a été prolongé en 2021. Malgré la flambée du coût de la vie, les postiers et postières n’ont pas reçu d’augmentation de salaire pour couvrir l’inflation. Les revendications raisonnables du syndicat comprenaient une augmentation salariale de 24% sur quatre ans (en partie pour rattraper ce qui avait été perdu au cours de la dernière décennie) et la prise en charge du travail de fin de semaine par du personnel à temps plein.
La réponse des patrons de Postes Canada a été une attaque en règle. Ils ont proposé une augmentation salariale insultante de 11,5%. En même temps, ils voulaient s’attaquer aux emplois et aux conditions de travail des postiers et postières, en augmentant considérablement le nombre de travailleuses et travailleurs à temps partiel et occasionnels.
Postes Canada a augmenté la charge de travail, ce qui, avec les effets du changement climatique, a entraîné une augmentation des accidents du travail. Les données du gouvernement montrent que le travail postal est l’une des quatre professions les plus dangereuses en termes de blessures invalidantes. Les travailleuses et les travailleurs occasionnels et à temps partiel n’auront pas la même formation ni les mêmes droits pour les protéger contre les blessures.
Le gouvernement a nommé un médiateur, qui a rencontré les deux parties pendant plusieurs jours en novembre. Toutefois, il a déclaré, le 27 novembre, que la médiation n’aboutirait pas, car «les parties restent trop éloignées l’une de l’autre sur des questions essentielles».
Le 9 décembre, le syndicat a rencontré Postes Canada et lui a présenté de nouvelles propositions plus modestes. À la suite de cette rencontre, la présidente du syndicat, Jan Simpson, a publié une déclaration dans laquelle elle affirme que nous avons «attendu beaucoup trop longtemps que Postes Canada négocie de bonne foi. Pour réaliser de véritables progrès, il faut un engagement significatif, et non des propositions superficielles ou de nouvelles demandes qui font dérailler les progrès». Le syndicat a réduit sa revendication salariale à 19% et a assoupli ses positions sur le travail à temps partiel et les congés. Postes Canada n’a pas fait un pas vers le syndicat et a même menacé d’aggraver sa propre offre. Les patrons attendaient l’intervention du gouvernement.
Abus de l’article 107
Les libéraux ont trouvé dans l’article 107 une nouvelle arme pour attaquer les syndicats et le droit de grève. L’article stipule ce qui suit:
Le ministre peut prendre les mesures qu’il estime de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des conditions favorables au règlement des désaccords ou différends qui y surgissent; à ces fins il peut déférer au Conseil toute question ou lui ordonner de prendre les mesures qu’il juge nécessaires.
Jusqu’à cette année, personne, y compris le dernier gouvernement conservateur, n’avait compris que cette clause donne au ministre le pouvoir d’interférer dans les négociations collectives. Lisa Raitt, ministre du Travail sous Stephen Harper, a déclaré :«Si vous trouvez un avocat qui vous dit qu’il est possible [pour le ministre d’ordonner aux parties de recourir à l’arbitrage], j’aurais aimé avoir son avis il y a 15 ans. Mais en ce qui me concerne, ce n’est pas possible de le faire».
Par le passé, les gouvernements ont eu recours à des lois de retour au travail pour mettre fin à des grèves. Les libéraux l’ont fait contre les travailleuses et les travailleurs des postes en 2018 et les conservateurs l’ont fait en 2011. Cependant, la Cour suprême du Canada a statué en 2015 que le droit de grève est une «composante indispensable» de la négociation collective et qu’il est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.
Les libéraux n’ont pas voulu présenter de projet de loi, car cela montrerait clairement l’hypocrisie de leur prétention à être favorables aux travailleuses et travailleurs. Et un tel projet de loi aurait très probablement été rejeté. Le NPD aurait voté contre. Pierre Poilievre prétend être favorable à la classe ouvrière, de sorte que les conservateurs auraient probablement voté contre une telle législation. Et cela, même si Poilievre a fait partie du gouvernement Harper et a soutenu pleinement les lois spéciales de retour au travail.
En plus des travailleuses et des travailleurs postaux, les libéraux ont utilisé l’article 107 contre les employé⋅es des ports, des chemins de fer et des compagnies aériennes en 2024. Fin juin, le ministre du Travail a ordonné au CCRI d’imposer un arbitrage contraignant aux mécaniciennes et mécaniciens de WestJet. Toutefois, le gouvernement n’a pas précisé qu’il ne devait pas y avoir de grève. Les membres de l’Aircraft Mechanics Fraternal Association ont débrayé, ce qui a obligé WestJet à accepter très rapidement une hausse salariale substantielle.
En août 2024, les libéraux ont sauvé leurs ami⋅es des conseils d’administration des compagnies ferroviaires CN et CP, qui ont mis en lock-out les membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada. Les libéraux, ayant appris une leçon, ont ordonné que le lock-out prenne fin et que les travailleuses et travailleurs reprennent le travail. Ils sont maintenant coincés en arbitrage jusqu’en mars 2025.
En novembre, les lock-out des dockers de Montréal (section locale 375 du SCFP), de Québec (section locale 2614 du SCFP) et de la côte de la Colombie-Britannique (section locale 514 de l’ILWU) ont été bloqués par une directive du ministre du Travail. Cette fois, le gouvernement fédéral n’a pas ordonné d’arbitrage ni simplement ordonné aux travailleuses et travailleurs de reprendre le travail. Il a nommé une commission d’enquête industrielle chargée d’examiner les «problèmes structurels qui empêchent le règlement du conflit de travail actuel». Il lui a ordonné de présenter un rapport exposant ses conclusions et recommandations avant le 15 mai 2025 (une semaine avant l’expiration des conventions collectives en vigueur).
Entre-temps, le STTP poursuit ses négociations avec Postes Canada. Le syndicat avertit que «cela rendra les négociations encore plus conflictuelles». Il ajoute «qu’une fois de plus, les droits à la négociation collective des travailleurs postaux, protégés par la Charte […] ont été bafoués». Les négociations sur des changements structurels devraient faire partie du processus de négociation collective, et non être du ressort d’une enquête indépendante. Qualifiant cette affaire de «nouvel abus de pouvoir du gouvernement», le syndicat s’est engagé à «rester fort et à continuer à se battre».
La direction du STTP
Avant même le début de la grève, il était clair que les patrons de Postes Canada n’avaient pas l’intention d’améliorer les salaires et les conditions de travail des employé⋅es. Ils étaient plutôt déterminés à assurer une main-d’œuvre «flexible», en apportant des changements structurels qui attaquent les travailleuses et les travailleurs. Dès le début de la grève, on s’attendait à ce que le gouvernement ait recours à l’article 107, considérant les précédents.
Postes Canada a elle-même utilisé des tactiques déloyales. Outre l’absence de négociations sérieuses, la société a signifié des avis de licenciement temporaire à environ 328 travailleuses et travailleurs, dont certains le premier jour de la grève. Le STTP a réussi à contester et à annuler ces licenciements le 11 décembre. Cependant, la société a également refusé aux membres des indemnités d’invalidité à court terme du 15 novembre au 17 décembre. Cette décision a été validé par le Conseil du travail.
Les patrons de Postes Canada espéraient des faveurs aussi rapides que celles accordées aux patrons des chemins de fer et des ports. Toutefois, le président de Postes Canada, Doug Ettinger (salaire annuel: plus de 500 000$) ainsi que les travailleuses et les travailleurs des postes, ont été surpris qu’il ait fallu autant de temps à MacKinnon pour agir, compte tenu des cas précédents.
Malgré tout, la direction du STTP n’avait aucun plan pour intensifier la grève ou pour réagir si on lui ordonnait de retourner au travail (avec ou sans arbitrage). Les grévistes sur le piquet se sont félicité⋅es du fait qu’il s’agissait d’une grève qui a interrompu la distribution du courrier, contrairement aux grèves tournantes et partielles de 2018 et 2011 qui «n’ont ralenti les livraisons que pendant une journée». Les facteurs et factrices ont fait des exceptions en distribuant les chèques de pension et d’aide sociale. Aucune journée nationale de protestation n’a été organisée pour permettre aux membres d’autres syndicats et au grand public de se joindre aux postiers et postières pour exprimer leur soutien autrement qu’en livrant des beignets ou en klaxonnant sur un piquet de grève.
Les grévistes, qui ont passé des semaines sur le piquet de grève sans que rien ne change, ont été exaspéré⋅es par le manque de communication de la part du centre national et même de certaines sections locales. Bien que des bulletins réguliers ont été envoyés aux membres pour les informer de l’avancement des négociations et que les sections locales ont voté sur des revendications modifiées, certains membres souhaitaient davantage de communication. Des membres bien informé⋅es et impliqué⋅es constituent le fondement d’un syndicat fort. Avec une stratégie claire et déterminée, c’est la meilleure garantie d’une lutte fructueuse.
Comme d’innombrables syndicats (y compris ceux des chemins de fer et des ports), le STTP affirme que l’ordonnance de retour au travail du CCRI est inconstitutionnelle. Cet ordre doit être combattu. Mais les cours et les tribunaux sont essentiellement le pire moyen de contester le pouvoir de l’État capitaliste. Le STTP a bien obtenu la reconnaissance de l’inconstitutionnalité de la loi qui lui a imposé un contrat de travail en 2011… mais la décision a été rendue en 2016. L’État et les employeurs qu’il sert seront toujours prêts à faire traîner les choses dans le système juridique, même (ou surtout) s’ils savent qu’ils sont complètement du mauvais côté de la loi. Les syndicats acceptent de se battre sur ce terrain. Pourtant, l’énergie et les idées des membres y sont complètement neutralisées, ce qui expose les syndicats à des risques considérables.
Le NPD et son chef, Jagmeet Singh, ont proclamé haut et fort qu’ils ne voteraient jamais pour forcer les travailleuses et les travailleurs à reprendre le travail. Mais ils savaient pertinemment que les libéraux emprunteraient cette voie. Lorsque les libéraux l’ont fait, Singh n’a offert ni leadership ni résistance au CCRI, acceptant implicitement le mensonge de son «indépendance» et en continuant à démontrer son impuissance.
Le gouvernement libéral est sur la corde raide, il est à l’agonie. Si les dirigeantes et les dirigeants du STTP avaient refusé de reprendre le travail, les membres auraient suivi. La grève de 1965, qui a permis d’obtenir le droit de se syndiquer, était illégale. Un appel aux travailleuses et aux travailleurs des chemins de fer et des ports – également attaqué⋅es par l’utilisation de l’article 107 par les libéraux – aurait pu susciter une réaction qui aurait forcé l’employeur et le gouvernement à reculer.
Les travailleuses et les travailleurs des postes, qui sont mécontents de l’issue de la grève, discuteront et tireront des leçons de ce qui s’est passé. Les membres travailleront à la construction d’un syndicat plus fort et à la mise sur pied d’une direction plus déterminée qui dispose d’une stratégie pour gagner les grèves. Le STTP est fier de sa tradition de lutte pour toutes les travailleuses et les travailleurs, comme l’obtention du congé parental en 1981. Cette tradition devra être renforcée pour résister aux attaques des patrons de Postes Canada ainsi que des parlementaires libéraux et conservateurs.
Les Canadiens et Canadiennes ont besoin de la poste
Postes Canada n’a cessé de crier à la pauvreté et à l’obsolescence de son modèle d’entreprise. Mais seule sa direction en est responsable, pas ses employé⋅es. L’une des astuces de relations publiques qu’elle a tentées a été de prétendre que les investissements majeurs, tels que les 400 millions $ consacrés à la construction d’une nouvelle installation gigantesque à Scarborough, n’étaient que de simples pertes. De nombreux commentateurs capitalistes ont décrit le système postal comme une «entreprise mourante». Mais une entreprise moribonde ne fait pas d’investissements aussi importants pour l’avenir.
Des groupes d’entreprises tels que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont également pris fait et cause pour la direction, affirmant que la grève avait coûté plus d’un milliard de dollars aux petites entreprises et implorant le gouvernement de faire ce qu’il a finalement fait. Ils n’ont jamais critiqué les patrons.
La grève a montré très clairement que Postes Canada est un service vital pour les Canadiens et Canadiennes. Les petites communautés et les communautés rurales, ainsi que 79% des petites entreprises, dépendent de Postes Canada. Nombre d’entre elles ont été horrifiées par les coûts lorsqu’elles ont découvert les prix pratiqués par les entreprises de livraison du secteur privé telles que FedEx et UPS. Une femme de l’Ontario rural a appris que l’envoi d’une carte de Noël à son fils de Vancouver par l’intermédiaire de ces services coûterait entre 57$ et 62$ (alors qu’une carte livrée par Postes Canada ne coûterait que 1,40$). Les Canadiens et Canadiennes ont besoin d’un service postal national universel. Seul un service public peut l’assurer. Une poste privatisée ne s’intéresserait qu’aux profits, en choisissant certaines régions pour livrer et en laissant les autres en souffrir.
Les patrons de Postes Canada veulent réduire les livraisons et embaucher davantage de travailleuses et de travailleurs à temps partiel et à bas salaire. Ils cherchent à privatiser le service. En revanche, le STTP a un programme, Delivering Community Power [mal traduit par Vers des collectivités durables]. Il vise à renforcer et à développer Postes Canada, y compris les services bancaires postaux. Le STTP aurait dû mettre ce programme beaucoup plus en évidence pendant la grève. Il devrait encore le faire aujourd’hui. Postes Canada possède le plus grand réseau de bureaux et d’installations à travers le pays, y compris dans les régions rurales et nordiques. Grâce à ce réseau, l’entreprise pourrait fournir un large éventail de services communautaires. Cependant, les conservateurs et les libéraux sont tous deux des partis au service de Bay Street. Il faudra donc une campagne populaire de masse pour obtenir les services bancaires postaux. Cela constituerait une alternative abordable et accessible aux grandes banques, menaçant ainsi leurs énormes profits.
L’expansion et l’amélioration de Postes Canada, en tant que service public véritablement démocratique et attentif aux besoins et aux contributions du public, font parties de la vision des socialistes pour une société qui fonctionne pour l’ensemble de la classe ouvrière.
Alternative socialiste soutient pleinement les travailleurs et les travailleuses des postes dans leur lutte pour un syndicat fort, de bons salaires, de bonnes conditions de travail et pour réaliser leur vision de Postes Canada.
Pas de pitié pour le PDG assassiné, mais ça ne nous sauvera pas
Pas de pitié pour le PDG assassiné, mais les assassinats ne nous sauveront pas. Il faut mettre fin au système de soins de santé à but lucratif.
Le 4 décembre au petit matin, dans le centre-ville de Manhattan, un homme armé et masqué a abattu Brian Thompson, 50 ans. Brian Thompson était le PDG d’UnitedHealthCare, la plus grande compagnie d’assurance maladie privée des États-Unis. Son meurtrier l’attendait alors qu’il quittait son hôtel pour une réunion d’actionnaires. Cinq jours plus tard, le 9 décembre, après une vaste chasse à l’homme, le meurtrier présumé a été capturé et identifié comme étant Luigi Mangione, 26 ans.
L’industrie de l’assurance maladie est une industrie parasitaire. Son seul but est de faire gagner des milliards de dollars aux riches en obligeant les travailleuses et les travailleurs à payer des sommes énormes pour des assurances qui refusent ensuite de couvrir une grande partie des soins médicaux réels. Les bénéfices annuels d’UnitedHealthCare (UHC) ont grimpé de près de 400% parce que l’entreprise rejetterait désormais près d’une demande médicale sur trois.
Thompson, en tant que PDG d’UHC, était un meurtrier de masse. Il a personnellement profité de la mort et de la souffrance de malades, de personnes mourantes ainsi que de la dette écrasante infligée à ces personnes et à leurs familles. Mais comme le capitalisme valorise le profit par-dessus tout, Thompson n’était qu’un monstre dans une maison pleine d’horreurs. Une autre sale gueule sans âme l’a déjà remplacé pour «perpétuer son héritage» en tant que nouveau PDG d’UHC.
Des millions de personnes se sentent désespérées de ne voir aucun moyen clair pour mettre fin aux souffrances que nous infligent les riches et les puissants. L’effusion de soutien à Mangione sur les réseaux sociaux montre que des millions d’entre nous rêvent d’un monde sans PDG. Mais nous ne pouvons pas faire de ce monde une réalité par des actes de violence individuels. Nous avons besoin d’une révolution de la classe ouvrière pour mettre fin aux soins de santé à but lucratif et construire une société qui ne fonctionne pas sur la base du profit, un point c’est tout. Destituer un PDG ne mettra pas fin à nos souffrances. Nous devons abattre tout son système.
Les soins de santé à but lucratif fonctionnent grâce au meurtre
Il n’est pas surprenant qu’UHC ait été pris pour cible. L’ensemble du secteur de l’assurance maladie est pourri et l’UHC est le pire des pires. La compagnie a un long historique de refus de soins médicaux nécessaires. Elle est évaluée à 561 milliards de dollars et a réalisé un bénéfice de 22 milliards de dollars en 2023. Brian Thompson a touché une indemnité de 10 millions de dollars cette année-là et a été poursuivi pour délit d’initié. Pendant que Thompson dirigeait UHC, la valorisation a presque doublé. La compagnie est une pionnière dans les nouvelles façons de refuser des demandes d’indemnisation grâce à l’intelligence artificielle. Elle est aussi passée maître dans l’art de faire perdre leur temps aux bénéficiaires et au corps professionnel de la santé en plus de détruire des vies pour le profit.
Cet événement a donné lieu à un flot incessant d’histoires d’horreur concernant l’assurance maladie de patientes, de patients et de médecins. Une femme de 20 ans est morte d’une infection des sinus après que sa demande d’assurance maladie a été perdue dans les formalités administratives. Cela a retardé son traitement jusqu’à ce qu’elle se rende aux urgences. Une patiente paralysée victime d’un AVC a vu sa rééducation interrompue après seulement 20 jours. Une amie de l’auteur s’est retrouvée avec une facture de 11 207,95$ pour un vaccin contre la rage après que son assurance ait soudainement été interrompue après qu’elle ait quitté son programme universitaire. C’est dans ce contexte que l’annonce officielle de la mort de Thompson par UHC sur Facebook a suscité plus de 90 000 réactions de rire et bien moins de réactions de toute autre nature.
L’industrie de l’assurance maladie fonctionne sur ce que Friedrich Engels appelait le «meurtre social». Le meurtre de millions de personnes non pas par la violence pure et simple, mais par le résultat de politiques capitalistes, en l’occurrence le déni, pour des raisons de profits, des soins de santé dont les gens ont besoin. Tous les profits de l’assurance maladie proviennent du fait que les primes sont plus élevées que ce qui est remboursé pour les soins de santé. Le but de toute assurance est simplement de répartir des coûts imprévisibles sur une population. Tous les profits collectés proviennent des prestations parasitaires payées par les personnes assurées.
Notre société capitaliste est bâtie autour de la maximisation du profit. Ainsi, chaque décision en matière de santé dans ce pays est d’abord prise par un médecin, puis remise en question par une compagnie d’assurance bureaucratique et avide de profit, sans expertise médicale ni connaissance du patient, dont l’incitation directe est de refuser autant de soins que possible. Chaque minute passée sur ces «débats» par les prestataires de soins, les travailleuses et les travailleurs du secteur des assurances ou les patientes et patients frustrés est un gaspillage contre-productif. L’industrie de l’assurance maladie dans son ensemble ne devrait pas exister. Tous ceux et celles qui y travaillent devraient être réemployé·es dans un emploi socialement utile, comme celui de fournir des soins de santé. Un programme gouvernemental à but non lucratif devrait assurer tout le monde avec un minimum de complexité et à faible coût.
Faire tomber tout le système
Ce statu quo est défendu par le Parti démocrate et le Parti républicain. Barack En 2008, Obama a fait campagne pour la présidence sur la question de l’assurance maladie publique. Après sa victoire, les démocrates ont contrôlé les deux chambres du Congrès pendant les deux premières années de son mandat. Mais Obama a refusé de mettre en œuvre le système de santé à payeur unique qu’il avait promis. Cela aurait décimé l’industrie de l’assurance qui finance les campagnes politiques des deux côtés de l’échiquier politique. Ce qui a été adopté à la place, c’est une maigre réforme connue sous le nom d’Obamacare. Lorsque Trump a ensuite menacé d’abroger l’Obamacare, les travailleuses et les travailleurs ont envahi les assemblées publiques à travers le pays pour exiger que la loi soit maintenue. Aucun des deux partis ne sera jamais prêt à s’attaquer aux profits des grandes compagnies d’assurance.
En raison de ce cercle vicieux de corruption et d’escroquerie, les États-Unis dépensent bien plus que n’importe quel autre pays pour les soins de santé, tout en obtenant des résultats bien pires que ceux des autres pays riches. En étouffant toute véritable alternative de gauche et en prétendant que tout va bien, les deux partis politiques de l’establishment sont tout aussi responsables de cette situation que les compagnies d’assurance maladie pour lesquelles ils travaillent.
Cet assassinat reflète la colère justifiée de millions de travailleuses et de travailleurs. Mais il reflète aussi la désorganisation généralisée et le pessimisme quant à la capacité des mouvements de masse à obtenir des changements. Les assassinats ne peuvent pas résoudre nos problèmes. Ils donnent à l’État capitaliste la justification d’accroître la surveillance et la répression. Le capitalisme peut toujours remplacer ses serviteurs. La violence politique individuelle encourage davantage les gens à attendre que quelqu’un d’autre vienne les sauver qu’elle ne les encourage à jouer un rôle actif dans la lutte collective.
Lorsque Bernie Sanders était candidat à la présidence, il a appelé à une assurance maladie universelle sous la bannière du Medicare For All. Cela a mobilisé des millions de personnes pour faire campagne en sa faveur. Cela a montré combien de personnes passeraient à l’action si elles voyaient une alternative politique viable. Malheureusement, il a refusé de rompre avec le Parti démocrate qui l’a immédiatement poignardé dans le dos au service de ses donateurs, comme ceux de l’industrie de l’assurance maladie. Et cela, même si la mise au rencard de Sanders a entraîné la défaite du Parti démocrate face à Donald Trump en 2016. En l’absence d’une campagne de masse pour une assurance maladie universelle, il n’est pas surprenant que certaines personnes se tournent vers des solutions désespérées comme la violence individuelle.
Nous avons besoin d’actions de masse et d’organisation collective, mais sur une base beaucoup plus radicale que les campagnes du Parti démocrate de Bernie Sanders. Pour arrêter tous les PDG avides, nous devons mettre fin au capitalisme. Dès maintenant, nous avons besoin d’un parti audacieux de la classe ouvrière, indépendant et opposé à tous les partis capitalistes. Un parti qui utilise les grèves et les actions de masse pour remporter des victoires comme la couverture universelle gratuite des soins de santé. Ce sont ces méthodes qui ont éradiqué les industries parasitaires et même renversé des empires corrompus dans le passé.
Un tel parti pourrait recruter des milliers voire des millions de jeunes en colère et les gagner à une approche plus efficace et moins autodestructrice que les assassinats. Nous nous devons à nous-mêmes et à nos collègues de construire un mouvement socialiste digne du désir ardent de changement ressenti par les jeunes et la classe ouvrière à travers l’Amérique.
L’économie selon Trump
De gros profits pour les milliardaires, des promesses en l’air pour les travailleurs.
À première vue, les résultats de l’élection présidentielle 2024 correspondent à l’image de Trump, celle d’un populisme économique et d’une politique anti-establishment. Selon les sondages aux sorties des urnes, Trump a rencontré l’opposition de la plupart des personnes issues des familles à revenus élevés ainsi que l’opposition généralisée des PDG des cent plus grandes entreprises. Il a remporté l’élection en partie grâce à une augmentation du soutien des électrices et électeurs à faibles revenus.
Mais un examen plus approfondi révèle une situation plus complexe. Comparé à Kamala Harris, un pourcentage beaucoup plus élevé du financement de la campagne de Trump provenait de milliardaires. Trump a donc reçu le soutien d’un échantillon représentatif de différents groupes de revenus. Qui bénéficie réellement de son retour au pouvoir?
Trump n’a rien à offrir aux travailleuses et aux travailleurs
Trump, qui semble avoir gagné en grande partie grâce à la colère suscitée par l’économie, a déclaré qu’il offrirait «les meilleurs emplois, les plus gros salaires et l’avenir économique le plus brillant que ce pays ait jamais connu». Mais il est peu probable que ses politiques bénéficient réellement à la classe ouvrière.
Prenons l’exemple des tarifs douaniers prévus par Trump, qui, selon lui, favoriserait le transfert d’emplois vers les États-Unis. En réalité, lorsqu’un pays impose des tarifs douaniers, les pays concernés ripostent généralement en imposant leurs propres tarifs. Le gouvernement mexicain et d’autres ont déjà déclaré qu’ils le feraient si Trump mettait ses menaces de tarifs à exécution. Les «guerres commerciales» de ce type ont tendance à réduire la croissance économique de tous les côtés.
Ensuite, considérons le plan de Trump concernant les expulsions massives. En plus de bouleverser des millions de vies, ces expulsions – si elles sont mises à exécution – auront des répercussions importantes sur l’ensemble de l’économie. Des entreprises fermeront parce que leurs employé·es ou leur clientèle ne seront plus là. Le résultat probable serait une perte nette d’emplois pour les citoyennes et citoyens des États-Unis.
Que dire des baisses d’impôts sur les sociétés qui, selon Trump, contribueront à stimuler l’économie? Ces baisses d’impôts devraient certes stimuler les bénéfices des entreprises, mais celles-ci semblent déjà avoir plus de profits qu’elles ne savent en faire. Les profits exceptionnels – issus des baisses d’impôts sur les sociétés décidées par Trump en 2017 – ont été en grande partie octroyés aux actionnaires au lieu d’être investis dans une production nouvelle. Comme l’a démontré une récente analyse des études existantes sur la question, il n’y a aucune raison de croire que les baisses d’impôts sur les sociétés stimulent la croissance économique.
De même, Trump a affirmé qu’il économiserait de l’argent sur les coûts de santé en interdisant la couverture des soins d’affirmation de genre. Mais cette position se fonde sur de fausses affirmations qui exagèrent largement les coûts réels de tels soins. En réalité, les dépenses de santé ont rapidement augmenté aux États-Unis parce que nous avons un système parasitaire à but lucratif qui existe pour soutirer le plus d’argent possible aux patientes et aux patients.
Compte tenu de l’état de l’économie américaine au cours des quatre dernières années, il n’est pas surprenant que beaucoup de gens se souviennent du premier mandat de Trump comme d’une période relativement meilleure. Mais bien que le revenu familial moyen corrigé de l’inflation ait augmenté de 8% au cours des quatre années de la première administration Trump, cela a en fait marqué un ralentissement significatif par rapport à la hausse de 12% enregistrée au cours des quatre années précédentes.
Trump et la dictature des riches
Même si Trump n’a pas réussi à stimuler la croissance économique au cours de son premier mandat, il a poursuivi la redistribution des richesses vers le haut, déjà en cours sous les administrations démocrates et républicaines. Telle est la logique d’un système politique dans lequel les deux principaux partis sont contrôlés et financés par les ultra-riches.
En fait, les riches dominent le système politique américain de diverses manières. Par exemple, lorsque de nouvelles lois sont votées, elles sont soumises à un «examen judiciaire» par les tribunaux. Cela donne un droit de veto aux juges qui, en plus d’être très bien payé·es, sont généralement issus de familles aisées et ont adopté la vision du monde fondamentale des riches. La majorité des juges actuels de la Cour suprême sont des millionnaires, et la Cour prend souvent des décisions qui avantagent les riches au détriment des gens ordinaires. De même, la mise en œuvre effective de la loi est généralement la responsabilité de fonctionnaires non élu·es et grassement payé·es qui espèrent souvent travailler un jour pour les entreprises qu’ils et elles sont censé·es réglementer, créant ainsi une relation de «porte tournante» corrompue .
Le résultat est un système truqué en faveur des riches. Par exemple, en 1916, le Congrès a voté une loi interdisant le travail des enfants (la loi Keating-Owen). Mais la Cour suprême a tout simplement déclaré cette loi inconstitutionnelle et l’a annulée. Plus tard, dans les années 1930, sous la pression d’une vague de grèves de masse, les tribunaux ont été contraints d’accepter une nouvelle interdiction du travail des enfants. Mais aujourd’hui encore, cette interdiction reste souvent lettre morte, car le besoin des entreprises en main-d’œuvre bon marché prime sur le bien-être des enfants. En fait, les employeurs aux États-Unis peuvent violer systématiquement le droit du travail en toute impunité, tandis que les petites infractions commises par les pauvres sont sévèrement réprimées.
Dans ce système dominé par les milliardaires, des divergences politiques peuvent encore exister. Par exemple, la bataille autour du plafond de la dette en 2023 a été essentiellement une lutte entre différentes factions de donateurs ultra-riches et la Chambre de commerce des États-Unis. De même, lors des élections de 2024, les milliardaires étaient divisés dans leur soutien entre Trump et Harris. Mais il ne faut pas confondre cela avec l’idée que l’un ou l’autre groupe de milliardaires, ou leurs représentantes et représentants, se battront pour la classe ouvrière. Ce n’est pas le cas.
En bref, malgré son apparence anti-establishment, l’approche de Trump s’inscrit parfaitement dans un système politique qui a toujours fonctionné comme une dictature des riches. Les socialistes appellent au renversement de ce système. Nous luttons pour une nouvelle société dans laquelle l’économie est placée sous contrôle public et où tous les postes d’autorité publique sont élus, révocables et payés au salaire moyen des travailleuses et travailleurs.
À quoi s’attendre sous Trump 2.0
Sans surprise, Trump a choisi deux milliardaires, Howard Lutnick et Linda McMahon, pour diriger «l’équipe de transition» qui constitue sa nouvelle administration. Ces décisions en matière de recrutement devront également être approuvées par le Sénat, qui a longtemps été le club des millionnaires. Ainsi, pendant le second mandat de Trump, les riches continueront de diriger les choses.
Pour avoir une idée de ce que cela signifiera au cours des quatre prochaines années, il est utile de revenir sur la promesse de Trump de procéder à des expulsions massives. Certains des adeptes de Trump issu·es de la classe ouvrière pourraient croire que si davantage de travailleuses et de travailleurs sans papiers sont expulsé·es du pays, cela fera augmenter les salaires de tous les autres. Mais cela ne tient pas compte de la manière dont fonctionne réellement un système dirigé par des milliardaires.
Dans la pratique, les entreprises utilisent les expulsions comme une tactique pour briser les syndicats. Lorsque des immigré·es sans papiers se battent pour obtenir de meilleurs salaires ou participent à des campagnes syndicales, les patrons les repoussent souvent en les expulsant. De cette façon, la menace d’expulsion contribue à une course vers le bas qui dégrade le niveau de vie des travailleurs et travailleuses. Tant que les milliardaires dirigeront les choses, ils veilleront toujours à avoir autant de main-d’œuvre bon marché qu’ils en ont besoin. Les expulsions ne serviront qu’à diviser et à intimider davantage la classe ouvrière, tout en détruisant des vies et en déchirant des familles.
Les socialistes réclament une extension complète des droits du travail et des droits politiques à tous les travailleurs et travailleuses, quel que soit leur statut d’immigration. Nous devons combattre les tactiques de division des milliardaires et lutter pour une nouvelle société dirigée démocratiquement par la classe ouvrière. Au cours des quatre prochaines années, cette lutte devra inclure la création de comités d’action dans les écoles, les quartiers et les milieux de travail pour organiser une résistance massive contre les expulsions.
La fin des libéraux approche
La démission de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, est la dernière tuile tombée sur la tête du gouvernement Trudeau1. Le NPD a déclaré qu’il voterait une motion de censure contre le gouvernement. Les député·es libéraux débattent actuellement des conséquences de la chute du gouvernement. Ils et elles sont confrontées à une défaite humiliante lors des élections fédérales qui auront probablement lieu dans quelques mois.
Pour la classe ouvrière, malheureusement, les principaux bénéficiaires de l’effondrement du soutien libéral sont Pierre Poilievre et les conservateurs. Le NPD est accusé par beaucoup d’être responsable des politiques et des actions impopulaires des libéraux après avoir soutenu Justin Trudeau pendant deux ans et demi.
Les travailleuses et les travailleurs, les membres des syndicats, les peuples autochtones et les écologistes doivent se préparer à résister aux attaques des conservateurs. Ce type de gouvernement peut être vaincu par des mouvements de masse, et l’a déjà été.
La victoire écrasante de Trump confirme qu’un sourire, des mots gentils et des politiques modérées ne suffisent pas à faire face aux inégalités, à la baisse du niveau de vie, à la colère et à l’aliénation. Pourtant, c’est tout ce que Trudeau a à offrir aux Canadiens et Canadiennes.
Pierre Poilievre, le chef des conservateurs, sera premier ministre au cours des 12 prochains mois, peut-être avec la plus grande majorité parlementaire depuis une décennie. Seul un séisme politique pourrait arrêter cette situation. Au cours des quatre dernières années, le NPD a été le chien de poche des libéraux au lieu de fournir une forte opposition pro-travailleur.
En 2015, Justin Trudeau a été élu en surfant sur la vague du «changement», portée notamment par les jeunes. Au cours de ses neuf années au pouvoir, les loyers ont grimpé en flèche, le pipeline Trans Mountain a été renfloué et achevé au coût de 34 milliards de dollars et l’espoir que des millions de personnes avaient placé en lui, après neuf ans de Stephen Harper, s’est complètement évanoui. Plusieurs sondages d’opinion récents montrent que les jeunes sont plus nombreux à appuyer les conservateurs que les autres partis.
La déception à l’égard de Trudeau est si grande que Poilievre, l’un des ministres les plus décriés de Harper, arrive désormais dans les salles de tout le pays sous les acclamations de la foule. De son côté, le premier ministre s’enfonce dans son bourbier.
Colère face au coût de la vie
Lorsque Trudeau a été élu en 2015, le loyer mensuel moyen dans les 35 grands centres du Canada était de 966$. En 2023, il était de 2 193$. Au cours de la même période, le salaire hebdomadaire moyen est passé de 956$ à 1 270$. De toute évidence, les propriétaires s’en mettent plein les poches.
La même situation s’applique aux produits alimentaires et autres produits de première nécessité. Les prix ont augmenté bien plus vite que les revenus des travailleuses et des travailleurs. Pourtant, lorsque ces personnes se mettent en grève pour obtenir des salaires plus élevés, ce qu’elles sont de plus en plus contraintes à faire, les médias et les grandes entreprises crient au scandale.
Ce ne sont pas les travailleuses et les travailleurs qui prennent l’économie du pays «en otage», mais les super-riches et les grandes entreprises. En 2015, le magazine Forbes a estimé qu’il y avait 39 milliardaires au Canada, dont la richesse totale s’élevait à 147 milliards de dollars. En 2024, on comptait 67 milliardaires au Canada, dont la richesse totale s’élevait à 315 milliards de dollars. C’est plus du double que neuf ans plus tôt. Les bénéfices des entreprises en 2015 s’élevaient à 759 milliards de dollars. En 2023, ils atteignent 1 238 milliards de dollars. La croissance des bénéfices et de la richesse des milliardaires provient des poches des travailleuses et des travailleurs. Il n’est pas étonnant que les gens soient en colère.
Poilievre n’a pas de réponses
Poilievre est doué pour paraître en colère. Son programme électoral principal consiste à supprimer la taxe sur le carbone. Cela semble attrayant : payer moins cher pour l’essence. Cependant, cette mesure profitera principalement aux riches. La plupart des personnes à revenus moyens et faibles reçoivent plus en remboursement qu’elles ne paient en impôts. Les personnes qui consomment beaucoup de carburant (parcourant beaucoup de longues distances ou ayant des factures de chauffage élevées) pourraient également en bénéficier.
Poilievre surfe avec succès sur une vague internationale de colère contre les partis au pouvoir. En Colombie-Britannique et en Saskatchewan, les partis au pouvoir ont subi des revers majeurs et les conservateurs du Nouveau-Brunswick ont été évincés du pouvoir.
Comme plusieurs populistes de droite (Trump, Marine Le Pen en France, etc.), Poilievre sait très bien se faire passer pour ce qu’il n’est pas. Bien qu’il se fasse l’écho du sentiment de millions de Canadiennes et Canadiens qui luttent pour joindre les deux bouts, bien qu’il prétend ne pas appartenir à l’élite, il mène une vie confortable de député depuis 20 ans (depuis qu’il a 25 ans). Il se dit l’ami des travailleuses et des travailleurs et un défenseur des syndicats et de leur droit de grève. Pourtant, alors qu’il était dans le gouvernement Harper, il a attaqué les droits des syndicats à de nombreuses reprises et a voté huit fois pour briser des grèves en adoptant des lois de retour au travail. Il s’est toujours opposé à l’augmentation du salaire minimum fédéral à 15$/h.
De plus, comme d’autres populistes de droite, il ne créera pas d’emplois une fois élu. Il réduira les services publics et dirigera le Canada au profit des riches et des entreprises.
Les libéraux non plus
Avec l’élection de Trump aux États-Unis, les libéraux feront campagne en essayant de dépeindre Poilievre comme le Trump du Canada. Une telle campagne échouera tout comme elle a échoué contre Trump ou John Rustad en Colombie-Britannique. Les libéraux seront jugés et condamnés sur leur bilan.
Trudeau prétend vouloir s’attaquer aux changements climatiques, mais le Canada est loin d’atteindre ses objectifs. L’exemption de la taxe sur le carbone pour le mazout de chauffage a fait capoter toute politique sérieuse. Elle représentait une tentative électoraliste flagrante de s’emparer des votes des provinces de l’Atlantique. Les exportations canadiennes de combustibles fossiles augmentent grâce à des subventions fédérales d’une valeur d’au moins 18,6 milliards de dollars en 2023. Chaque année, les Canadiennes et les Canadiens subissent davantage de catastrophes climatiques – incendies, dômes de chaleur, rivières atmosphériques, tempêtes tropicales, inondations – toutes provoquées par l’utilisation de combustibles fossiles, que ce soit au Canada ou dans le reste du monde. Bien entendu, les conservateurs ont encore moins de vision stratégique pour lutter contre les changements climatiques. Ils s’appuient notamment sur une technologie de captage du carbone qui n’a pas fait ses preuves.
Les libéraux font maintenant écho à l’affirmation des conservateurs selon laquelle la réduction de l’immigration rendra les logements plus abordables. Ce ne sera pas le cas, car les libéraux et les conservateurs laissent les entreprises privées se charger de la construction de logements. Cela ne permet pas de construire des logements abordables. Aucun parti ne mettra en œuvre ce qui est nécessaire, à savoir un plan visant à construire des centaines de milliers de logements publics et abordables partout au pays, ce que soutient Alternative Socialiste.
Malheureusement, le NPD a lié son avenir aux libéraux lorsqu’il a accepté d’appuyer le gouvernement minoritaire en 2022. Alternative Socialiste a alors lancé un avertissement : «Le NPD joue un jeu dangereux en essayant de travailler trop étroitement avec le Parti libéral». Depuis, son soutien stagne autour de 20%.
Crise de la productivité?
Au cours des dernières années, les médias canadiens spécialisés dans les affaires ont présenté un discours pessimiste au sujet de la faible croissance de la productivité du travail au Canada. La raison de cette faible croissance est le manque d’investissement des grandes entreprises, même si elles réalisent des profits records. Les profits servent à financer les rachats d’actions, les dividendes et les énormes versements aux cadres dirigeants.
En 2012, le directeur général de la Banque du Canada, Mark Carney, a critiqué les entreprises qui n’investissaient pas et se contentaient de s’asseoir sur des piles d’«argent mort». À l’époque, les sociétés non financières avaient accumulé 526 milliards de dollars.
Pour les analystes économiques, la réponse à la baisse de la productivité est de réduire l’impôt sur les sociétés. Harper a réduit l’impôt sur les sociétés de 21% à 15%, un taux déjà en baisse par rapport au 28% de l’an 2000. Résultat? L’investissement des entreprises canadiennes par travailleur a diminué de 20%! Les capitalistes investissent dans ce qui est rentable, préférant les bulles spéculatives et surtout l’immobilier.
Mais il ne fait aucun doute que les conservateurs répondront aux appels à la productivité en réduisant les impôts sur les sociétés. L’élection de Trump ajoutera à l’instabilité du Canada. Va-t-il imposer des tarifs sur toutes les exportations canadiennes vers les États-Unis? Il fera pression pour une augmentation des dépenses de défense. Tous ces facteurs accentueront les coupes dans les services publics ainsi que dans les investissements en infrastructures indispensables.
Combattre la droite
Les Canadiennes et Canadiens sont en grande majorité favorables à un impôt sur la fortune pour les super-riches (environ 80%). Ils et elles pensent que le logement est inabordable (89%), que l’accession à la propriété est impossible pour la plupart des gens (81%) et s’inquiètent du changement climatique (environ 75%). Ce ne sont pas vraiment les slogans politiques de la droite.
Au Canada et partout dans le monde, la politique se polarise de plus en plus. Le centre, qui propose des politiques modérées, s’effondre. Les gens ont désespérément besoin de changement. Pour des millions de personnes, le présent est intolérable. Les conservateurs gagnent parce qu’ils parlent de changement.
Par le passé, le NPD et les directions syndicales savaient que les riches devaient moins s’enrichir afin de permettre l’amélioration des conditions de vie des travailleuses, des travailleurs et l’offre de bons services publics. Aujourd’hui, le NPD estime qu’il y a de la place pour faire un compromis entre les intérêts des gens qui travaillent et ceux des grandes entreprises.
Nous ne pouvons pas compter sur le NPD pour arrêter Poilievre. Mais l’histoire ne se fait pas seulement lors des élections. Les changements les plus importants et les plus positifs se produisent grâce à l’organisation et à la mobilisation. Les manifestations, les rassemblements et les grèves apportent des changements. Ces méthodes d’action ont permis de gagner les droits syndicaux, le droit de vote, les pensions de retraite et la santé publique.
Ces dernières années, les grèves se sont multipliées. Les travailleuses et les travailleurs luttent contre l’inflation et l’avidité des patrons. Les membres des syndicats réclament de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Ils rejettent les ententes de principe médiocres et demandent aux directions syndicales de se battre pour de meilleurs accords. C’est ce pouvoir qui peut mettre un terme aux attaques inévitables de Poilievre contre les services publics, l’emploi, l’environnement et les droits de l’homme.
Les militantes et les militants syndicaux, communautaires, autochtones et environnementaux doivent s’unir et s’organiser. D’abord pour vaincre Poilievre, Trump et les autres, puis pour mettre fin au système, au capitalisme, qui engendre le désespoir et la colère dont ils se nourrissent. La lutte contre la droite doit conduire à la lutte pour le socialisme.
1. Depuis la rédaction de cet article, Justin Trudeau a annoncé le 6 janvier qu’il quitte son poste de premier ministre du Canada, mais pas avant que le Parti libéral du Canada lui ait trouvé un remplaçant.
14e Congrès de l’ISA: Renforcer la clarté politique et l’unité d’action
Du 21 au 26 novembre, l’International Socialist Alternative (ISA) a tenu son 14e congrès mondial. Il a été organisé à Kiel, en Allemagne, site de la mutinerie de marins de 1918 ayant donné le coup d’envoi de la révolution allemande qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Les personnes déléguées et en visite provenant du monde entier se sont réunies pour discuter de l’analyse, du programme et de la stratégie nécessaires à la construction d’un mouvement marxiste révolutionnaire aujourd’hui.
Le congrès s’est déroulé dans un contexte de turbulences internationales pour le système capitaliste. La période précédant le congrès lui-même en a témoigné: victoire électorale décisive de Trump, effondrement du gouvernement allemand et nouvelle crise des missiles menant la guerre en Ukraine à une étape supérieure. La conférence de la COP29 en Azerbaïdjan, qui a coïncidé avec notre Congrès mondial, a également illustré la façon dont les rivalités inter-impérialistes et l’instabilité économique et politique prédominent pendant que notre planète brûle.
Cette agitation mondiale a entraîné un certain nombre de défis, de débats et de crises au sein de la gauche, y compris au sein de notre propre organisation. Tirer les leçons de ces débats et renforcer notre travail grâce à ces enseignements a été un élément clé de ce congrès.
Conflit inter-impérialiste
Développer l’analyse de l’ISA du monde dans lequel nous vivons a été un point clé de notre travail depuis le début de la nouvelle période. Ce n’est que sur la base d’une compréhension claire du monde que nous pouvons tracer une voie tout aussi claire pour la lutte de la classe ouvrière. Nos perspectives influencent nos tactiques, nos priorités et le programme que nous mettons en avant dans une période donnée.
Au cours des dernières années, l’ISA a élaboré en détail la dynamique du conflit inter-impérialiste croissant entre d’une part, l’impérialisme chinois et ses alliés, et, d’autre part, le bloc rival dominé par les États-Unis. La plupart des groupes de gauche n’ont pas réussi à saisir l’importance de ce conflit et la nouvelle étape qu’il représente pour le capitalisme mondial. Alors que certains ont été désorientés par l’idée d’un ordre mondial «multipolaire» ou n’ont pas reconnu la nature impérialiste des régimes chinois ou russe, nous avons expliqué la nature «bipolaire» et impérialiste de ce conflit. Nous avons proposé une approche autonome et internationaliste pour que la classe ouvrière s’oppose à ces conflits.
La présentation d’ouverture sur les perspectives mondiales a mis en évidence les façons dont le conflit inter-impérialiste entre les deux principaux blocs du monde n’a fait que s’intensifier depuis notre précédent Congrès mondial en 2023. En témoignent la guerre génocidaire contre Gaza, qui s’est transformée en une guerre régionale dans tout le Moyen-Orient, ainsi que la guerre en Ukraine, qui a continué à s’intensifier avec l’utilisation de missiles à longue portée britanniques et américains, alors que des milliers de soldats nord-coréens sont entrés dans le conflit.
Le congrès a souligné et réaffirmé l’interprétation que fait l’ISA de la nouvelle période caractérisée par ce conflit entre blocs impérialistes. Il a également analysé la toile de fond économique de ce conflit, à savoir la faible croissance de l’économie mondiale, freinée par des niveaux d’endettement massifs et encore plus entravée par le protectionnisme et les guerres commerciales.
L’accent a été mis sur la crise du capitalisme chinois, dont l’économie criblée de dettes est entrée dans une période de stagnation et de déclin, que nous avons précédemment décrite comme une «japonisation» (en référence à la longue crise déflationniste du Japon). Cela aura un effet profond sur le reste de l’économie mondiale. Cette dernière ne pourra pas compter sur la croissance chinoise alimentée par la dette pour échapper aux futurs ralentissements économiques comme cela a été le cas après la «grande récession» de 2008.
Ces processus propulsent la politique capitaliste encore plus loin dans la crise et la polarisation, comme le montre de manière spectaculaire le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Son approche de «faucon» à l’égard de la Chine et les menaces de droits de douane importants sèmeront à leur tour les graines de conflits et d’une crise économique future.
Dans cette nouvelle période de crise et d’instabilité, la classe dirigeante a été contrainte de s’appuyer sur le nationalisme, la haine anti-migrants, la répression étatique, les efforts redoublés pour promouvoir les rôles «traditionnels» des hommes et des femmes, et les attaques contre les droits démocratiques. En Italie, le gouvernement de droite a adopté de nouvelles séries de restrictions au droit de manifester, tandis qu’en Grande-Bretagne, des dizaines de militantes et de militants pour le climat sont emprisonné⋅es. Dans la période actuelle, les méthodes bonapartistes de domination et toutes les caractéristiques les plus horribles de ce système sont de plus en plus mises en avant.
Combattre la droite et construire une nouvelle gauche
L’une de ces caractéristiques a été la montée de la droite, qui a remporté des victoires électorales ou réalisé des gains dans un certain nombre de pays, des États-Unis à l’Allemagne, en passant par l’Argentine, l’Inde, la Roumanie et d’autres encore. Dans de nombreux cas, ces victoires représentent une réaction contre l’establishment capitaliste. Mais, parallèlement, on assiste à un dangereux durcissement des idées de droite dans certaines couches de la société, comme en témoigne le soutien apporté à des personnalités telles que Trump aux États-Unis et Bolsonaro au Brésil. En ce sens, il existe une différence entre la victoire électorale de Trump en 2016 et celle de 2024. Cette dernière reflète un glissement plus dangereux vers la droite. L’analyse et la compréhension de ces tendances, ainsi que la manière dont nous pouvons les combattre, ont été des thèmes abordés tout au long de la semaine, y compris lors d’une commission sur la lutte contre la droite et durant les discussions plus larges sur les perspectives.
La montée de la droite s’inscrit dans le contexte de la faiblesse persistante de la gauche et du mouvement syndical. Ce dernier n’en est encore qu’aux premiers stades de son rétablissement, après des décennies de néolibéralisme et l’effondrement du stalinisme. De nombreux jeunes tirent des conclusions anticapitalistes radicales, s’identifiant aux idées du socialisme et du communisme, et une partie encore plus large de la société est prête à descendre dans la rue pour protester. On l’a vu durant le mouvement contre la guerre génocidaire à Gaza ainsi que dans l’élan massif de solidarité contre l’extrême droite durant la vague d’émeutes au Royaume-Uni en août.
En même temps, l’absence de leadership, de stratégie claire et les idées confuses dans les mouvements ont souvent limité leur capacité à remporter des victoires concrètes et à montrer la voie à suivre face aux fausses promesses des politiciennes et des politiciens de droite. Malgré de nombreux mouvements de masse depuis la crise financière de 2008, trouvant souvent leur expression dans de nouvelles formations de gauche, la classe ouvrière n’a pas encore remporté de victoire décisive contre la classe dirigeante. Cela a permis à la réaction de prendre le dessus au cours de la période récente. Cependant, les forces de droite qui incarnent la décomposition de ce système n’ont pas non plus été en mesure de vaincre les masses laborieuses de manière décisive. Pour sortir de cette relative impasse et renverser la vapeur contre la droite, il sera nécessaire de reconstruire de puissantes organisations de la classe ouvrière, sur la base des leçons tirées des luttes récentes.
Le mouvement ouvrier et syndical
Le congrès a débattu de la réaffirmation actuelle du mouvement syndical au niveau international, notamment de la vague de syndicalisation et d’actions ouvrières aux États-Unis, de l’impact de la vague de grèves de 2022-23 en Grande-Bretagne et d’autres luttes en Allemagne, en Argentine, en Inde et ailleurs. Une commission spéciale sur notre travail au sein du mouvement syndical a mis en évidence dans plusieurs pays la volonté accrue des travailleuses et des travailleurs de lutter et de rejeter les mauvais contrats de travail proposés par les directions syndicales bureaucratiques.
La montée en puissance du mouvement syndical aux États-Unis a été au centre de plusieurs discussions. Les travailleuses et les travailleurs de Boeing ont obtenu une augmentation de salaire de 38% cet automne après avoir rejeté un accord négocié par la direction du syndicat. À leur tour, certains syndicats ont vu émerger de nouveaux dirigeants et dirigeantes syndicales de gauche, s’appuyant sur une section plus militante de membres et de leaders. Il s’agit d’une tendance qui se reflète également dans les deux plus grands syndicats britanniques. En même temps, de nouveaux groupes d’opposition de base se sont développés parmi certaines catégories de travailleuses et de travailleurs, comme au sein du syndicat américain des postes, où Socialist Alternative a joué un rôle important. Chez de nombreuses personnes, la volonté d’agir dans leur milieu de travail se mêle au soutien à des personnalités telles que Donald Trump, ce qui pose de nouveaux défis aux socialistes dans les syndicats.
Les participants et les participantes du congrès de l’ISA ont discuté de notre rôle dans les syndicats et de la manière dont nous nous situons par rapport à ces développements. Les discussions ont porté sur la construction d’une base de soutien pour les marxistes dans les milieux de travail, en particulier parmi les travailleuses et les travailleurs de la base, ainsi que sur la tâche de transformer les syndicats en organisations de combat de la classe ouvrière.
Moyen-Orient
Le mouvement de masse contre l’assaut génocidaire à Gaza et l’escalade de la guerre au Moyen-Orient est l’un des théâtres de conflit les plus importants au monde. Il a conduit au plus grand mouvement de masse international depuis des années. L’ISA s’est rapprochée de ce mouvement au cours de l’année écoulée en se joignant à des manifestations massives à l’échelle internationale ainsi qu’à des campements étudiants et en lançant un appel à l’action contre la guerre aux travailleuses et travailleurs syndiqués.
Une commission sur la situation au Moyen-Orient, le mouvement anti-guerre et nos interventions a discuté de la manière dont nous pouvons faire avancer ce travail au cours de la prochaine période. Nous avons aussi abordé le travail de notre section en Israël/Palestine, qui se bat sur le terrain pour un changement socialiste et la fin des massacres.
Programme de transition
Une partie cruciale du congrès a été la réaffirmation claire et l’affinement de notre compréhension de la méthode permettant de relier les luttes d’aujourd’hui à la nécessité d’une transformation socialiste de la société – celle du Programme de transition de Trotsky. Les discussions au sein de l’ISA au cours de la dernière période ont souligné l’importance d’une compréhension claire de la méthode transitoire pour mettre en avant une approche marxiste et révolutionnaire claire afin de faire avancer les luttes des travailleuses, des travailleurs, des jeunes et des personnes opprimées. Pour ce faire, les socialistes doivent être prêtes et prêts à intervenir avec audace dans des luttes plus larges tout en délimitant clairement notre propre profil et notre propre stratégie afin de convaincre une couche plus large de personne de la pertinence d’un programme marxiste.
Comme les camarades l’ont souligné, notre programme est enraciné dans notre compréhension de la «situation objective» – les développements plus larges dans l’organisation de la classe ouvrière, l’économie, le contexte politique, etc. Si la manière dont nous présentons nos revendications doit être basée sur les luttes et les revendications de la classe ouvrière et des personnes opprimées d’aujourd’hui, notre programme est aussi «scientifique», c’est-à-dire qu’il est fondé sur une analyse concrète de ce qui est nécessaire de réaliser dans la période actuelle. Il n’est pas simplement basé sur les idées qui sont populaires à un moment donné. Au cours de la période à venir, nous produirons davantage de matériel sur l’importance d’un programme de transition et sur l’élaboration d’un tel programme pour les mouvements d’aujourd’hui.
Une approche marxiste de la lutte contre l’oppression
Notre interprétation de la lutte contre toutes les formes d’oppression a été un autre aspect qui a caractérisé notre congrès, tout comme les nombreux débats et discussions au sein de l’ISA. Il a été convenu que nous devions continuer à approfondir notre compréhension marxiste de l’oppression de genre, y compris la lutte pour la libération des personnes trans, dans le cadre d’une session consacrée au féminisme socialiste.
D’importantes luttes pour l’autonomie corporelle et contre la violence fondée sur le genre ont eu lieu dans le monde entier – notamment des grèves et des manifestations de masse en Inde à la suite du viol et du meurtre d’une jeune femme médecin, des manifestations de milliers de personnes au Kenya contre les féminicides et des manifestations féministes de masse en Argentine contre le gouvernement réactionnaire de Milei. Mais aujourd’hui, la vague féministe se trouve également confrontée à une réaction de la droite. Dans ce contexte, une approche riposte féministe socialiste claire est plus essentielle que jamais.
Dans ce contexte, le congrès a discuté de la préparation de la Journée internationale de la femme le 8 mars 2025, alors que nous préparons une campagne internationale comprenant des déclarations communes et du matériel pour construire une lutte féministe socialiste contre la réaction de la droite et l’oppression des femmes et des personnes LGBTQ+.
Cependant, le féminisme socialiste, bien qu’il soit une partie cruciale intégrée de notre programme plus large, n’est qu’un des piliers de notre programme socialiste révolutionnaire visant à mettre fin à toutes les formes d’oppression enracinées dans ce système. La nécessité d’approfondir notre compréhension de l’oppression raciale, dans le cadre de la préparation aux luttes de cette période, a également été soulignée.
Nous avons également discuté de la manière dont nous pouvons renforcer dans la pratique la lutte de l’ISA contre l’oppression. La protection des membres au sein de notre mouvement a été un élément important des discussions de l’ISA au cours de la dernière période. Avoir une approche forte de la lutte contre toutes les manifestations d’oppression au sein du mouvement ouvrier et socialiste, dans le cadre de notre lutte pour unir la classe ouvrière dans toute sa diversité, est une priorité cruciale pour nous. Cela implique de dresser un bilan de ce travail, notamment en identifiant les erreurs et en s’efforçant d’améliorer notre pratique, ce qui était une tâche essentielle de ce Congrès mondial. Suite à ces discussions, le congrès a approuvé un certain nombre de mises à jour importantes de notre code de conduite international et a élu une nouvelle équipe de responsables de la protection des membres pour s’occuper de ce domaine de travail.
Construire une internationale révolutionnaire
À l’issue du Congrès mondial, l’ISA travaillera sans relâche au renforcement de ses sections dans le monde, ainsi qu’à leur intégration dans une organisation véritablement internationale, luttant pour un monde socialiste. Nous avons convenu d’approfondir la coordination autour de la campagne antimilitariste dans le contexte d’escalade du conflit des blocs impérialistes ainsi que de poursuivre le travail important de notre campagne de solidarité avec le Nigéria. Un nouveau comité international (qui dirige l’ISA entre les congrès mondiaux) a également été élu, intégrant une nouvelle génération de dirigeants et de dirigeantes.
Une priorité cruciale pour nous sera d’affiner notre compréhension marxiste des événements mondiaux et des méthodes nécessaires pour changer la société. Cela inclut la relance de notre revue politique internationale, ainsi que la poursuite des discussions au cours de l’année à venir. Ce congrès était, à bien des égards, la «première partie» d’un processus de discussion plus large, comprenant des événements internationaux en 2025 et un autre congrès mondial pour l’été 2026. À l’issue de ces discussions, nous aspirons à une clarté et à une unité politiques renouvelées, sur la base d’un débat ouvert, clair et démocratique à tous les niveaux de notre organisation. Une partie de ce processus sera l’élaboration et l’accord d’un programme international pour l’époque actuelle, enraciné dans les tâches clés auxquelles sont confrontés les révolutionnaires et les masses laborieuses dans leur ensemble.
Nos forces sont bien inférieures à ce qui est nécessaire pour lutter pour le changement révolutionnaire dont nous avons besoin. Cependant, sur la base d’une compréhension et d’une approche communes et claires, nous sommes convaincus que nous pouvons faire de nouveaux pas en avant alors que la classe ouvrière se réarme face à cette nouvelle ère de crise et de guerres impérialistes.
Nous publierons d’autres documents et rapports en temps voulu. Si vous souhaitez contribuer à la construction d’une force révolutionnaire internationale contre la crise capitaliste, la guerre et l’oppression, rejoignez-nous!
Empêchons l’assassinat d’activistes par l’État du Nigeria!
Ce jeudi 7 novembre se tiendra une série d’actions de solidarité et de points de presse dans trois villes canadiennes pour faire connaître la situation de 11 activistes et syndicalistes du Nigeria. Ils sont accusés notamment de sédition, un crime passible de la peine de mort. Leur seul «crime» est d’avoir contribué à l’organisation de manifestations de masse, en août dernier, contre l’augmentation vertigineuse du coût de la vie. Leur procès débutera le 8 novembre à Abuja.
En septembre, le gouvernement du président Tinubu a arrêté des centaines d’activistes syndicaux et communautaires ayant participé aux manifestations d’août contre la corruption et la dégradation du niveau de vie. Certains ont été torturés en prison.
Le dimanche 1er septembre, notre camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.
La monnaie nigériane, le naira, a perdu au moins 70% de sa valeur par rapport au dollar américain au cours de l’année dernière. Cela a augmenté considérablement le coût des denrées alimentaires et d’autres produits importés essentiels. Le gouvernement a augmenté le prix de l’essence, passant de 250 nairas le litre en mai 2023 à plus de 1 000 nairas aujourd’hui. L’essence est nécessaire pour alimenter les génératrices, indispensables en raison des coupures de courant régulières dans le pays. Même avant ces hausses de prix, plus de 40% des Nigérians et Nigériannes vivent sous le seuil de pauvreté.
Répression des syndicats
Le leader du Congrès des Travailleurs Nigérians (NLC), Joe Ajero, a été arrêté, l’empêchant ainsi d’assister au Congrès des Syndicats Britanniques. Les bureaux du NLC ont été perquisitionnés et vandalisés par la police nigériane.
Au Nigeria et à l’international, une vague de protestations a éclaté contre la répression gouvernementale et l’intention de l’État de procéder à une exécution judiciaire des 11 militants.
Des centaines de syndicats et d’organisations, dont le Syndicat des employées et employés du cégep du Vieux-Montréal (CSN), le Syndicat britannique des enseignants (NEU), le Syndicat national des enseignants universitaires du Brésil (ANDES), le Conseil du Travail de Vancouver, le Public Services International, Steve North (président d’Unison en Grande-Bretagne), la Conférence Internationale des Syndicats, Human Rights Watch et Amnesty International, ont écrit des lettres de protestation concernant ce cas.
Alternative socialiste, en solidarité avec les activistes syndicaux et communautaires nigérians, organise un point de presse avec des intervenants, le jeudi 7 novembre, à :
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- Montréal, 1000 avenue Papineau, à midi (heure de l’Est)
- Toronto, Simcoe Park, rue Front, à 14h (heure de l’Est)
- Vancouver, Place CBC, 700 rue Hamilton, à midi (heure du Pacifique)
Agissez maintenant en solidarité avec le mouvement ouvrier du Nigeria!
- Merci d’envoyer des lettres de protestation à la police et aux autorités.
- Merci de soutenir financièrement les démarches légales des arrêtés.
Envoyez vos courriels
Au bureau du président Tinubu
info@statehouse.gov.ng
info@osgf.gov.ng
À la police d’Abuja
pressforabuja@police.gov.ng
Envoyez vos dons par PayPal au:
ekonomi@socialisterna.org
Comment stopper l’austérité en santé
Le gouvernement Legault annonce des coupures majeures en éducation et en santé et invoque les bouc-émissaires habituels: le déficit et l’immigration.
L’austérité dans les cégeps n’est pas une fatalité
Le gouvernement de la CAQ a annoncé, en plein été, des compressions budgétaires majeures dans le réseau collégial. Les impacts se font déjà sentir. Comment combattre cette nouvelle vague d’austérité, alors que les syndicats du secteur public ne peuvent plus exercer de moyens de pression sérieux?
À la mi-juillet, le gouvernement Legault a décidé de couper plus de 400 millions $ dans l’enveloppe destinée au maintien des bâtiments collégiaux pour 2024-2025. Il s’agit d’une baisse de 22% par rapport à l’an dernier. Or, le réseau collégial du Québec a vu ses besoins financiers en entretien des immeubles doubler en trois ans, pour atteindre 700 millions $.
Le 31 juillet, les membres de la direction des cégeps – pour la plupart en vacances – ont reçu une lettre de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans laquelle elle leur impose un plafonnement des dépenses destinées à la réfection de leurs bâtiments et à l’achat de matériel. Plusieurs cégeps voient ainsi leur budget fondre de moitié au moment de la rentrée d’automne, alors que les dépenses ont déjà été approuvées par les conseils d’administration.
À cette période de l’année, les budgets sont déjà faits et les grands travaux, déjà entamés. L’été est le meilleur moment pour effectuer des travaux majeurs. Pour plusieurs établissements, les dépenses maximales sont déjà atteintes à la rentrée scolaire. Avec la nouvelle directive, de nombreux projets majeurs seront suspendus.
Cette annonce survient quelques mois à peine après le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public. Dans les corridors de cégep, on entend certains employés dire avec lassitude: «On dirait que le gouvernement nous fait payer le Front commun et notre maigre augmentation de salaire».
Cégeps délabrés
En mars dernier, des syndicats ont décrié l’état vétuste de la majorité des établissements collégiaux du Québec. Près de 65% des bâtiments du réseau sont considérés en mauvais état par le gouvernement. Des cégeps, comme celui de Saint-Laurent, ont fermé des pavillons par mesure de sécurité. D’autres établissements ont installé des «classes modulaires», c’est-à-dire des roulottes, pour compenser le manque d’espace.
De plus, de nombreux aménagements physiques sont déjà mésadaptés aux personnes à mobilité réduite. Les coupures affectent l’achat de matériel spécialisé pour les étudiants et les étudiantes avec un handicap ainsi que l’ensemble des services offerts qui vont au-delà de la pédagogie. Une technicienne en travail social nous a signalé le non-sens des demandes du gouvernement: «On a créé une politique en santé mentale à la demande du ministère, mais le même gouvernement est en train de nous enlever les moyens de la mettre en place! C’est complètement absurde!»
Inscriptions en hausse
S’additionne aux problèmes de financement des bâtiments collégiaux la plus forte hausse annuelle des inscriptions dans les cégeps du Québec (+5,3%) en 25 ans, selon la Fédération des cégeps. C’est surtout en région que les hausses sont les plus importantes: +10% dans les cégeps de Lanaudière, +7,1% dans ceux des Laurentides et +8,7% dans ceux de Chaudière-Appalaches. La présence d’étudiantes et d’étudiants étrangers en région explique principalement cette hausse.
À lui seul, ce groupe étudiant a augmenté de +14,4% en un an. La présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, a précisé au Devoir que son organisation a recruté des personnes immigrantes pour combler la «pénurie de main-d’œuvre», surtout pour les programmes en santé.
Par exemple, le Québec a recruté près de 1 000 infirmières en Afrique, notamment au Cameroun, au Maroc et en Côte-d’Ivoire, depuis les deux dernières années. Ce programme de recrutement a coûté 65 millions $.
Toutes ces nouvelles inscriptions exigent plus de locaux, plus d’équipement ainsi que davantage de personnel de soutien, professionnel et enseignant. Mais voilà que la CAQ coupe elle-même dans les investissements nécessaires à la formation collégiale, incluant pour les étudiantes et étudiants de l’étranger si «vitaux» à ses plans économiques.
Privatisation rampante
Pendant ce temps, le gouvernement débloque 54 millions $ sur trois ans à Alloprof pour le développement d’une nouvelle plateforme dédiée à l’apprentissage du français pour les élèves du primaire et du secondaire. Cette plateforme est utile à la fois pour les études et pour les parents qui accompagnent leurs enfants dans leurs devoirs. Mais le corps enseignant contractuel qui travaille pour cet organisme à but non lucratif privé n’est généralement ni syndiqué ni couvert par les conventions collectives de la fonction publique québécoise.
Investir de l’argent public pour des organismes éducatifs privés est une façon de privatiser le secteur de l’éducation petit à petit.
Les coupures dans les services n’entraînent pas la coupure des besoins pour autant. C’est ce qu’une technicienne en documentation d’un cégep de Montréal a rapporté: «D’habitude on commande des livres obligatoires pour les étudiants, que ce soit en littérature ou des livres de références en sciences pures. Ça pénalise directement les étudiants qui devront s’acheter les livres maintenant.»
Annulation de formations
À la mi-septembre, Québec a annulé plusieurs attestations d’études collégiales (AEC), dont cinq au Cégep du Vieux Montréal, qui ne s’inscrivaient pas dans les priorités de son Opération main-d’œuvre. On parle des formations en communication et études sourdes, en métiers d’art du patrimoine bâti, en gestion immobilière, en assurances, en médiation culturelle et en transformation des aliments.
Les personnes inscrites ont été avisées à la dernière minute. Cette annonce a un impact direct sur leur cheminement professionnel, sur les secteurs liés et sur les enseignants et les enseignantes qui se retrouvent sans cours à donner cette année.
Le gouvernement a tenté de réallouer ces ressources vers les programmes couverts par son Opération main-d’œuvre, dont l’objectif consiste à répondre aux pénuries dans des secteurs comme la santé et l’éducation.
Si le gouvernement souhaite réellement que les études collégiales contribuent à la formation de la main-d’œuvre de demain, il n’aura pas le choix d’investir! C’est aussi vrai pour des mises à jour des programmes, comme celui de sciences pures dont la refonte mise davantage sur les biotechnologies. Une technicienne en travaux pratiques raconte: «On a des outils désuets et on n’a même pas les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour appliquer la refonte du programme!»
Les autorités ne parlent pas d’austérité ou de coupures en éducation, mais de «réévaluation des services». Difficile de voir comment la désuétude des infrastructures ou le manque de matériel adapté aux programmes peuvent favoriser la formation de cette «main-d’œuvre». Les coupures risquent plutôt d’en pousser plusieurs hors du réseau collégial, vers le privé ou vers le marché du travail.
De l’argent, il y en a… pour les multinationales
On voit ici toute l’hypocrisie de la gestion capitaliste du réseau de l’éducation. D’un côté, le gouvernement pleure le manque d’infirmières et de personnel enseignant, mais coupe dans leur formation, dans les dépenses d’établissement collégiaux et signe des conventions collective qui garantisse l’appauvrissement des employé་es du secteur public.
De l’autre côté, le gouvernement octroie des milliards $ à des multinationales étrangères afin qu’elles exploitent à rabais les mines du Québec et les employé་es de la filière batterie (par exemple ceux et celles des usines d’anodes, de cathodes, de batteries et de véhicules électriques). Le gouvernement espère de potentielles retombées économiques positives dans un contexte de concurrence mondiale qui rend les marchés très volatils. On l’observe avec le ralentissement des activités de Northvolt au Québec.
Ce qui est certain à l’heure actuelle, c’est la pollution, les problèmes de santé et la baisse de la qualité de l’éducation au Québec.
Pour une riposte dans la rue et dans les urnes
La lutte pour une éducation publique gratuite, accessible et de qualité, de l’enfance à l’âge adulte, impose une lutte sérieuse non seulement contre cette vague d’austérité, mais contre toute la vision caquiste de la société.
Les espérances quant aux possibilités de voir les partis d’austérité capitaliste prendre d’eux-mêmes des décisions dans l’intérêt de la classe des travailleuses et des travailleurs sont vouées à l’échec. L’espoir de voir la CAQ opter pour un virage massif pour le système public est déphasé d’avec la réalité de ses six années de règne.
Toutefois, un grand mouvement contre l’austérité en éducation, mais aussi en santé et dans les services publics en général, qui regrouperait syndicats, associations étudiantes et groupes politiques seraient en mesure de faire reculer le gouvernement en utilisant les stratégies qui font mal à son économie.
On le voit avec les grèves dans les chemins de fer ou les ports: les gouvernements et les capitalistes sont terrorisés par leurs effets et répriment les actions syndicales immédiatement.
Plusieurs grands syndicats déploient actuellement des campagnes de relations publiques visant à faire pression sur le gouvernement en faveur du secteur public. La gravité de la situation nécessite d’aller beaucoup plus loin, ne serait-ce que pour «ralentir» les coupures.
Il est temps de créer des solidarités parmi toutes les couches de la classe travailleuse, dans le privé comme dans le public, et d’utiliser la force gréviste des uns et des autres pour empêcher les plans de nos ennemis communs, le patronat et ses gouvernements.
Les décisions se prennent dans une sphère où le mouvement syndical est absent: celui de la politique parlementaire. Il est temps de réaliser que sans des candidatures politiques issues des luttes populaires, les gouvernements auront toujours le gros bout du bâton pour dicter nos conditions d’études et de travail. Organisons-nous autant pour des actions directes que pour déloger les capitalistes du pouvoir politique!