L’austérité dans les cégeps n’est pas une fatalité

Le gouvernement de la CAQ a annoncé, en plein été, des compressions budgétaires majeures dans le réseau collégial. Les impacts se font déjà sentir. Comment combattre cette nouvelle vague d’austérité, alors que les syndicats du secteur public ne peuvent plus exercer de moyens de pression sérieux?

À la mi-juillet, le gouvernement Legault a décidé de couper plus de 400 millions $ dans l’enveloppe destinée au maintien des bâtiments collégiaux pour 2024-2025. Il s’agit d’une baisse de 22% par rapport à l’an dernier. Or, le réseau collégial du Québec a vu ses besoins financiers en entretien des immeubles doubler en trois ans, pour atteindre 700 millions $.

Le 31 juillet, les membres de la direction des cégeps – pour la plupart en vacances – ont reçu une lettre de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans laquelle elle leur impose un plafonnement des dépenses destinées à la réfection de leurs bâtiments et à l’achat de matériel. Plusieurs cégeps voient ainsi leur budget fondre de moitié au moment de la rentrée d’automne, alors que les dépenses ont déjà été approuvées par les conseils d’administration.

À cette période de l’année, les budgets sont déjà faits et les grands travaux, déjà entamés. L’été est le meilleur moment pour effectuer des travaux majeurs. Pour plusieurs établissements, les dépenses maximales sont déjà atteintes à la rentrée scolaire. Avec la nouvelle directive, de nombreux projets majeurs seront suspendus.

Cette annonce survient quelques mois à peine après le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public. Dans les corridors de cégep, on entend certains employés dire avec lassitude: «On dirait que le gouvernement nous fait payer le Front commun et notre maigre augmentation de salaire».

Cégeps délabrés

En mars dernier, des syndicats ont décrié l’état vétuste de la majorité des établissements collégiaux du Québec. Près de 65% des bâtiments du réseau sont considérés en mauvais état par le gouvernement. Des cégeps, comme celui de Saint-Laurent, ont fermé des pavillons par mesure de sécurité. D’autres établissements ont installé des «classes modulaires», c’est-à-dire des roulottes, pour compenser le manque d’espace.

De plus, de nombreux aménagements physiques sont déjà mésadaptés aux personnes à mobilité réduite. Les coupures affectent l’achat de matériel spécialisé pour les étudiants et les étudiantes avec un handicap ainsi que l’ensemble des services offerts qui vont au-delà de la pédagogie. Une technicienne en travail social nous a signalé le non-sens des demandes du gouvernement: «On a créé une politique en santé mentale à la demande du ministère, mais le même gouvernement est en train de nous enlever les moyens de la mettre en place! C’est complètement absurde!»

Inscriptions en hausse

S’additionne aux problèmes de financement des bâtiments collégiaux la plus forte hausse annuelle des inscriptions dans les cégeps du Québec (+5,3%) en 25 ans, selon la Fédération des cégeps. C’est surtout en région que les hausses sont les plus importantes: +10% dans les cégeps de Lanaudière, +7,1% dans ceux des Laurentides et +8,7% dans ceux de Chaudière-Appalaches. La présence d’étudiantes et d’étudiants étrangers en région explique principalement cette hausse.

À lui seul, ce groupe étudiant a augmenté de +14,4% en un an. La présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, a précisé au Devoir que son organisation a recruté des personnes immigrantes pour combler la «pénurie de main-d’œuvre», surtout pour les programmes en santé.

Par exemple, le Québec a recruté près de 1 000 infirmières en Afrique, notamment au Cameroun, au Maroc et en Côte-d’Ivoire, depuis les deux dernières années. Ce programme de recrutement a coûté 65 millions $.

Toutes ces nouvelles inscriptions exigent plus de locaux, plus d’équipement ainsi que davantage de personnel de soutien, professionnel et enseignant. Mais voilà que la CAQ coupe elle-même dans les investissements nécessaires à la formation collégiale, incluant pour les étudiantes et étudiants de l’étranger si «vitaux» à ses plans économiques.

Privatisation rampante 

Pendant ce temps, le gouvernement débloque 54 millions $ sur trois ans à Alloprof pour le développement d’une nouvelle plateforme dédiée à l’apprentissage du français pour les élèves du primaire et du secondaire. Cette plateforme est utile à la fois pour les études et pour les parents qui accompagnent leurs enfants dans leurs devoirs. Mais le corps enseignant contractuel qui travaille pour cet organisme à but non lucratif privé n’est généralement ni syndiqué ni couvert par les conventions collectives de la fonction publique québécoise.

Investir de l’argent public pour des organismes éducatifs privés est une façon de privatiser le secteur de l’éducation petit à petit.

Les coupures dans les services n’entraînent pas la coupure des besoins pour autant. C’est ce qu’une technicienne en documentation d’un cégep de Montréal a rapporté: «D’habitude on commande des livres obligatoires pour les étudiants, que ce soit en littérature ou des livres de références en sciences pures. Ça pénalise directement les étudiants qui devront s’acheter les livres maintenant.»

Annulation de formations

À la mi-septembre, Québec a annulé plusieurs attestations d’études collégiales (AEC), dont cinq au Cégep du Vieux Montréal, qui ne s’inscrivaient pas dans les priorités de son Opération main-d’œuvre. On parle des formations en communication et études sourdes, en métiers d’art du patrimoine bâti, en gestion immobilière, en assurances, en médiation culturelle et en transformation des aliments.

Les personnes inscrites ont été avisées à la dernière minute. Cette annonce a un impact direct sur leur cheminement professionnel, sur les secteurs liés et sur les enseignants et les enseignantes qui se retrouvent sans cours à donner cette année.

Le gouvernement a tenté de réallouer ces ressources vers les programmes couverts par son Opération main-d’œuvre, dont l’objectif consiste à répondre aux pénuries dans des secteurs comme la santé et l’éducation.

Si le gouvernement souhaite réellement que les études collégiales contribuent à la formation de la main-d’œuvre de demain, il n’aura pas le choix d’investir! C’est aussi vrai pour des mises à jour des programmes, comme celui de sciences pures dont la refonte mise davantage sur les biotechnologies. Une technicienne en travaux pratiques raconte: «On a des outils désuets et on n’a même pas les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour appliquer la refonte du programme!»

Les autorités ne parlent pas d’austérité ou de coupures en éducation, mais de «réévaluation des services». Difficile de voir comment la désuétude des infrastructures ou le manque de matériel adapté aux programmes peuvent favoriser la formation de cette «main-d’œuvre». Les coupures risquent plutôt d’en pousser plusieurs hors du réseau collégial, vers le privé ou vers le marché du travail.

De l’argent, il y en a… pour les multinationales

On voit ici toute l’hypocrisie de la gestion capitaliste du réseau de l’éducation. D’un côté, le gouvernement pleure le manque d’infirmières et de personnel enseignant, mais coupe dans leur formation, dans les dépenses d’établissement collégiaux et signe des conventions collective qui garantisse l’appauvrissement des employé་es du secteur public.

De l’autre côté, le gouvernement octroie des milliards $ à des multinationales étrangères afin qu’elles exploitent à rabais les mines du Québec et les employé་es de la filière batterie (par exemple ceux et celles des usines d’anodes, de cathodes, de batteries et de véhicules électriques). Le gouvernement espère de potentielles retombées économiques positives dans un contexte de concurrence mondiale qui rend les marchés très volatils. On l’observe avec le ralentissement des activités de Northvolt au Québec.

Ce qui est certain à l’heure actuelle, c’est la pollution, les problèmes de santé et la baisse de la qualité de l’éducation au Québec.

Pour une riposte dans la rue et dans les urnes

La lutte pour une éducation publique gratuite, accessible et de qualité, de l’enfance à l’âge adulte, impose une lutte sérieuse non seulement contre cette vague d’austérité, mais contre toute la vision caquiste de la société.

Les espérances quant aux possibilités de voir les partis d’austérité capitaliste prendre d’eux-mêmes des décisions dans l’intérêt de la classe des travailleuses et des travailleurs sont vouées à l’échec. L’espoir de voir la CAQ opter pour un virage massif pour le système public est déphasé d’avec la réalité de ses six années de règne.

Toutefois, un grand mouvement contre l’austérité en éducation, mais aussi en santé et dans les services publics en général, qui regrouperait syndicats, associations étudiantes et groupes politiques seraient en mesure de faire reculer le gouvernement en utilisant les stratégies qui font mal à son économie.

On le voit avec les grèves dans les chemins de fer ou les ports: les gouvernements et les capitalistes sont terrorisés par leurs effets et répriment les actions syndicales immédiatement.

Plusieurs grands syndicats déploient actuellement des campagnes de relations publiques visant à faire pression sur le gouvernement en faveur du secteur public. La gravité de la situation nécessite d’aller beaucoup plus loin, ne serait-ce que pour «ralentir» les coupures.

Il est temps de créer des solidarités parmi toutes les couches de la classe travailleuse, dans le privé comme dans le public, et d’utiliser la force gréviste des uns et des autres pour empêcher les plans de nos ennemis communs, le patronat et ses gouvernements.

Les décisions se prennent dans une sphère où le mouvement syndical est absent: celui de la politique parlementaire. Il est temps de réaliser que sans des candidatures politiques issues des luttes populaires, les gouvernements auront toujours le gros bout du bâton pour dicter nos conditions d’études et de travail. Organisons-nous autant pour des actions directes que pour déloger les capitalistes du pouvoir politique!

Manifestants contre l'invasion du Liban par Israël

Cessons d’armer Israël!

Après une année de massacre génocidaire à Gaza, le Moyen-Orient s’enfonce davantage dans l’abîme. Le gouvernement israélien pousse maintenant à une guerre régionale totale. Avec son invasion dévastatrice et brutale du Liban, il met toute la région à feu et à sang. Ici comme ailleurs, les gouvernements versent des larmes de crocodile sur les morts civils, tout en soutenant l’effort militaire d’Israël à fond.

Après un an de manifestations, allons plus loin!

Depuis près d’un an, nous avons manifesté par milliers, et par millions partout dans le monde, afin d’exiger la fin de la guerre génocidaire d’Israël. Mais elle n’a fait que s’intensifier.

Ces manifestations ont été historiques. Mais, il est clair qu’à elles seules, elles ne suffisent pas à forcer les gouvernements à retirer leur soutien à la guerre de l’État israélien. Les libéraux à Ottawa ou les caquistes à Québec représentent les intérêts de la classe dirigeante canadienne. Cette dernière est totalement soumise à l’impérialisme américain, dont la priorité absolue est de maintenir ses intérêts au Moyen-Orient. Cela signifie soutenir leurs alliés israéliens, y compris une attaque potentielle contre l’Iran, et continuer de fournir les armes, la technologie et les renseignements sur lesquels repose l’attaque de Benyamin Netanyahou. Rien de cela n’est fait en notre nom.

L’action de la classe ouvrière est nécessaire

Alors que les usines d’armement basées au Québec et ailleurs au Canada produisent des munitions pour la campagne meurtrière de l’État israélien, rien n’est fabriqué ou transporté sans le travail de la classe ouvrière. En menant des actions concertées, nous avons le pouvoir de mettre un terme à l’industrie de l’armement et à l’ensemble du système capitaliste.

Au Québec, tous les grands syndicats sont membres du Centre international de solidarité ouvrière (CISO). Ils endossent formellement sa déclaration d’octobre 2023 «demandant au gouvernement canadien la fin du commerce d’armes avec Israël». Cette décision doit être mise en œuvre immédiatement!

Les syndiqué∙es peuvent agir

La CSN et les Métallos représentent notamment les travailleuses et les travailleurs des usines de General Dynamics, une multinationale qui fabrique notamment des obus destinées à Israël. Certains syndicats sont ou étaient en période de négociation pour de nouveaux contrats de travail cette année, en plein génocide. Il s’agit du seul moment où des actions de grève peuvent être entreprises légalement. Au-delà des bonnes conditions de travail que ces personnes méritent, elles peuvent s’organiser pour arrêter la production d’armement et refuser de fournir de l’assistance aux opérations militaires sanglantes du gouvernement d’Israël.

Les débardeurs des ports de Québec et de Montréal sont aussi en période de négociation. IIs peuvent dès maintenant s’organiser pour refuser le transport des armes israéliennes, en particulier par les compagnies ZIM et Maersk, comme l’ont fait les débardeurs en Belgique, en Italie et en Afrique du Sud plus tôt cette année.

Nos syndicats ne doivent pas se contenter de faire loyalement pression sur le gouvernement libéral ou caquiste. Ce n’est qu’en luttant contre ces gouvernements que nous pouvons les forcer à agir. Nous avons eu un aperçu plus tôt cette année de la force du mouvement syndical avec les augmentations salariales – bien qu’insuffisantes – accordées par Québec aux syndiqué∙es du secteur public. Elles ont été concédées en raison des actions de grève.

L’ensemble du mouvement syndical doit soutenir de tout son poids les actions réellement en mesure de ralentir et de stopper la guerre au Moyen-Orient. Des actions de perturbations auraient un impact important sur les mégas contrats que les compagnies d’armement signent avec leurs acheteurs américains. Les gouvernements ne laisseraient pas faire les syndiqué∙es et révèleraient leur vrai visage, celui d’auxiliaires de l’impérialisme US. Passer de la parole aux actes nécessite de la créativité et le courage politique d’affronter la répression légale et policière.

Organisons-nous à la base

Organiser l’opposition de la classe ouvrière et mettre en œuvre une stratégie gagnante contre l’État signifie créer une pression de masse à partir des membres de la base. Il s’agit de se battre au sein de nos syndicats pour transformer les discours en action. Il s’agit pour le mouvement pro-Palestine d’établir des contacts solidaires avec les travailleuses et les travailleurs des secteurs stratégiques. Des actions directes massives des travailleuses et des travailleurs peuvent saper le rôle du Canada et du Québec dans l’alimentation de la machine de guerre et montrer la voie d’une solidarité effective avec la Palestine et les mouvements anti-guerre du monde entier.

Nous devons intensifier le mouvement au Québec et au niveau international contre la guerre d’extermination à Gaza et l’escalade guerrière de Netanyahu au Liban. Nous devons affronter et finalement renverser tous les gouvernements capitalistes et impérialistes qui nous mènent tout droit dans un monde de guerre. Au Moyen-Orient même, il existe une forte tradition de lutte, de la Palestine au Liban, en passant par le mouvement explosif Femme, vie, liberté contre le régime iranien.

Le mois dernier en Israël même, un mouvement de grève générale a exigé un cessez-le-feu et un accord d’échange d’otages. En dépit des horribles effusions de sang et de la vague de réaction nationaliste israélienne, des travailleuses et des travailleurs de confession juive, musulmane et d’origine arabe ont participé à la grève. Cela laisse entrevoir le potentiel qui existe toujours pour concentrer l’action de la classe ouvrière afin de menacer le capitalisme israélien chez lui.

Le seul moyen de mettre fin aux effusions de sang et de garantir une paix durable et démocratique consiste à construire une lutte unie des travailleuses, des travailleurs, des personnes pauvres et opprimées de toute la région contre les agressions impérialistes. C’est la force qu’il est nécessaire de bâtir pour créer un Moyen-Orient socialiste, où les droits de toutes les communautés nationales peuvent être garantis.

  • Pour des actions ouvrières contre la guerre et l’impérialisme! Les syndicats doivent appeler leurs membres à refuser de manipuler des armes et des technologies destinées à l’assaut génocidaire.
  • Pour la création d’une force politique indépendante de la classe ouvrière, basée sur les luttes réelles et se battant pour des politiques socialistes!
  • Pour la nationalisation de l’industrie de l’armement sous le contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses! Pour une transition immédiate vers une production socialement utile, sans perte d’emploi ou de salaire.
  • Pour une Palestine socialiste et indépendante, ainsi que pour un changement socialiste en Israël et dans toute la région! Pour un Moyen-Orient socialiste, la fin de la pauvreté et la défense des droits de toutes les communautés nationales.
Protestataires à l'Université de Haïfa

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza

Les camps et les appels au boycott contre l’assaut génocidaire à Gaza ont suscité une vague d’indignation mondiale. Des étudiants et des étudiantes se sont rassemblé⋅es pour protester, ce qui a inspiré des actions dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et en Europe.

En avril, avant le début de l’invasion meurtrière de Rafah, le mouvement international de solidarité avec les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza et d’ailleurs s’est intensifié et a pris de l’ampleur. Des étudiants et des étudiantes de l’Université Columbia à New York ont ​​installé le premier campement, dans le ventre de la bête de l’impérialisme américain. Cela a inspiré une vague d’actions de protestation à travers les États-Unis, l’Europe, l’Australie, l’Afrique du Sud, ainsi que le Moyen-Orient. Même parmi les étudiantes et les étudiants de Palestine, des deux côtés de la Ligne verte.

Parmi les nombreux exemples, les étudiantes et les étudiants en journalisme de l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI) de Manouba en Tunisie ont réussi à faire pression sur leur institution pour qu’elle coupe les ponts avec la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) allemande. Cela fait suite à la déclaration de la KSA, en octobre dernier, selon laquelle elle «se tient aux côtés d’Israël». Les étudiantes et les étudiants palestiniens de l’Université de Birzeit en Cisjordanie occupée ont établi leur propre campement. Et cela, malgré la répression de plus en plus intense par les forces d’occupation, ainsi que par l’Autorité palestinienne, depuis le 7 octobre.

La lutte a atteint les Palestiniens et les Palestiniennes de Gaza, en particulier les jeunes, qui ont exprimé leurs remerciements à celles et ceux qui se sont montrés solidaires et ont fait entendre leur voix. Cette vague a également été un facteur d’inspiration pour plusieurs étudiantes et étudiants palestiniens des universités israéliennes dans l’organisation de leurs propres actions sous une forte répression.

Alors que l’offensive génocidaire israélienne contre Gaza continue de provoquer de nouvelles horreurs chaque jour , il est impératif d’amplifier la pression pour mettre un terme aux massacres. Le bilan se chiffrerait à plusieurs dizaines de milliers de morts et de nombreuses personnes ont disparu sous les décombres. Il faut:

  • mettre fin à la guerre contre Gaza,
  • lutter pour une reconstruction massive,
  • éradiquer complètement l’oppression nationale et de l’expropriation des Palestiniens et des Palestiniennes.

Au-delà des bombardements incessants, de la famine et de la privation d’eau et de médicaments, le terrorisme d’État israélien a également ciblé la vie culturelle palestinienne. Les attaques ont anéanti toutes les universités de Gaza et ont endommagé ou détruit d’anciens sites culturels et archéologiques.

La destruction systématique des institutions éducatives de Gaza et le ciblage des universitaires illustrent l’assaut plus large contre la vie des Palestiniens et des Palestiniennes. Comme l’ont décrit les universitaires et les administrateurs d’université de Gaza dans une déclaration (29.5):

Notre infrastructure civile – universités, écoles, hôpitaux, bibliothèques, musées et centres culturels – construite par notre peuple pendant des générations, est en ruines à cause de cette Nakba continue et délibérée. Le ciblage délibéré de notre infrastructure éducative est une tentative flagrante de rendre Gaza inhabitable et d’éroder le tissu intellectuel et culturel de notre société. Cependant, nous refusons de permettre que de tels actes éteignent la flamme de la connaissance et de la résilience qui brûle en nous.

La déclaration appelle le mouvement de solidarité à soutenir cette résilience. Elle appelle à coordonner le soutien pour rouvrir efficacement les universités palestiniennes afin de reconstruire à long terme et répondre à la crise financière immédiate des universités et de leur personnel.

Actuellement, les campements sur les campus des États-Unis et dans le monde entier ont décidé de se disperser. Ce mouvement mérite un examen de ses réalisations et de ses revendications, ainsi que des leçons nécessaires pour avancer dans la lutte contre l’assaut génocidaire et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Répressions administratives et policières

De nombreux campements ont été confrontés à une répression violente, notamment à des brutalités policières, avec des arrestations musclées, dont des milliers aux États-Unis. Mais les protestataires ont aussi fait face à des sanctions administratives telles que des suspensions et des expulsions. Ces mesures répressives ont été contestées, notamment par des appels à l’amnistie pour les manifestants et les manifestantes.

Il est significatif que des professeur·es de l’Université de Columbia et de l’Université de Californie, par exemple, se soient organisé·es contre l’assaut barbare sur Gaza et pour défendre les manifestations étudiantes contre la répression. Le 10 juin , à la suite d’une décision de justice répressive, les milliers de travailleurs et travailleuses de l’Université de Californie syndiqué·es au sein de l’United Auto Workers (UAW) ont mis fin à leur grève qui durait depuis plusieurs semaines contre la répression des manifestations par l’administration. L’un des principaux catalyseurs de la grève a été la brutalité policière et l’arrestation de 210 manifestants et manifestantes, dont des travailleurs et travailleuses syndiqué·es au sein de l’UAW, le 2 mai. La grève, qui s’est étendue sur six campus de l’Université, a été la toute première mesure soutenue par un syndicat en soutien au mouvement étudiant. La section locale de l’UAW n’a pas laissé l’ordonnance du tribunal l’empêcher d’annoncer de nouvelles actions de protestation dans les jours qui ont suivi.

Les rassemblements et manifestations d’étudiantes et d’étudiants européens ont également été réprimés, notamment aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Des politiciennes et des politiciens réactionnaires de l’État de Berlin font pression pour rétablir une loi abrogée en 2021, autorisant l’expulsion pour des raisons disciplinaires. Cette loi, initialement adoptée à la fin des années 1960, était une mesure réactionnaire visant à réprimer les manifestations étudiantes contre la guerre du Vietnam et la réhabilitation des fonctionnaires nazis du gouvernement ouest-allemand de l’époque.

Les répressions ont révélé à de nombreux jeunes la vacuité de l’image de «libre-pensée» et de «progressisme» que ces institutions bourgeoises se targuent d’avoir. Le mouvement a une fois de plus mis en évidence le rôle qu’ont les universités au service des grandes entreprises. La répression policière a illustré ce rôle de manière frappante. Aux États-Unis, un groupe de capitalistes influents pro-sionistes a même été démasqué dans son intervention clandestine pour faire pression sur le maire de New York et les administrations universitaires afin qu’ils répriment les manifestations, comme l’a rapporté le Washington Post. Les appels à désinvestir et à divulguer les portefeuilles d’investissement soulignent l’absurdité des instituts de recherche et d’enseignement fonctionnant comme des entreprises. Ces appels devraient servir à rappeler au mouvement que la lutte pour la libération palestinienne est liée à la lutte contre le système capitaliste et impérialiste dans son ensemble.

Le mouvement a contribué à la radicalisation de couches de jeunes qui perçoivent l’hypocrisie de la «démocratie libérale occidentale». Les administrations universitaires se sont engagées à empêcher le mouvement de solidarité de populariser des revendications anti-establishment. Bien que le mouvement des campements soit actuellement dans une relative accalmie, il a fait preuve d’une ténacité impressionnante face à la répression – y compris en installant à nouveau le campement au moins trois fois à l’Université Columbia.

Comme nous l’avons déjà dit, dans certains cas, des concessions symboliques ont été obtenues. Par exemple, en Angleterre, le conseil du Trinity College de Cambridge, qui administre l’établissement, a voté pour se désinvestir de toutes les entreprises d’armement «d’ici l’été» (comme il l’a déclaré aux étudiants et étudiantes). D’autres universités affirment qu’elles prennent en compte les demandes, comme l’Université Brown aux États-Unis. Elle a accepté d’inviter des représentants étudiants à présenter leurs arguments pour que le fond de dotation désinvestisse des «entreprises qui facilitent l’occupation israélienne du territoire palestinien», en vue d’une décision de désinvestissement potentielle en octobre.

Des revendications importantes

La divulgation des fonds d’investissement universitaires soulève des questions importantes: pourquoi les universités sont-elles gérées comme des entreprises privées? Pourquoi des intérêts commerciaux et militaires étrangers sont-ils impliqués dans des recherches qui prétendent être impartiales? En creusant plus profondément, pourquoi le monde universitaire, à l’échelle internationale, reçoit-il des investissements et investit-il dans des entreprises impliquées dans la vente d’armes qui tuent en masse des gens ordinaires à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Ukraine, au Soudan, en Chine, en Iran et ailleurs? La recherche universitaire ne devrait pas être financée par des entreprises d’armement – ​​ni par celles qui permettent et encouragent la guerre génocidaire à Gaza, ni par celles qui alimentent l’agression militaire impérialiste et réactionnaire partout ailleurs.

Le désinvestissement est une demande immédiate qui, bien que généralement symbolique, est directement liée aux lieux de travail et d’études des étudiants, des étudiantes et du personnel. Cela permet de renforcer efficacement les mobilisations en faveur de l’action au sein des campus – en indiquant des gains immédiats potentiels. Cependant, l’argument souvent avancé en faveur du désinvestissement est le droit des étudiants et des étudiantes à «voir où va l’argent de leur propre frais de scolarité et à avoir leur mot à dire sur ce à quoi sert cet argent», comme l’ explique Victoria Hinckley, une organisatrice étudiante de l’Université de Floride du Sud. Il y a un risque que ce raisonnement devienne un geste superficiel, comme l’exprime Sam, un étudiant de l’Université McMaster et participant au campement:

Nous voulons nous assurer que notre université n’est pas complice d’un génocide – que l’université que nous fréquentons et l’argent que nous dépensons pour nos frais de scolarité ne contribuent pas à un génocide.

Ce sentiment est compréhensible, et il est important d’obtenir des concessions. Mais il peut aussi devenir un piège s’il n’est pas utilisé pour renforcer le mouvement plus large contre la guerre génocidaire et son soutien impérialiste américain, qui est le véritable enjeu. Pour les autorités universitaires, ces concessions limitées se résument à un «lavage de mains» moraliste, comme si le fait que l’institut «ne soit pas complice» était suffisant et qu’aucune autre action n’était nécessaire.

Cependant, il est clair que la plupart des participants et participantes aux campements ont l’intention d’avoir un impact significatif, comme le dit la coalition Divest de l’Université de Californie à Berkeley: «nous devons tirer parti de notre position unique au cœur de l’empire et du flux de capitaux mondiaux pour appeler à une Palestine libre». Chris Marsicano, chercheur sur les campagnes de désinvestissement, a fait valoir que l’impact possible du désinvestissement ne serait pas économique, mais politique. Il souligne que le gouvernement israélien a pris note des campements et des manifestations. Le gouvernement de coalition israélien de Netanyahou et de l’extrême droite a effectivement prêté attention aux manifestations, les qualifiant d’antisémites. Ce gouvernement vise à délégitimer l’opposition à l’assaut barbare sur Gaza et à se présenter cyniquement comme un défenseur du peuple juif, dans une tentative de renforcer sa faible popularité auprès de la population juive israélienne. Pourtant, les actions de désinvestissement ne pourraient en fin de compte qu’ajouter une pression politique limitée face au soutien indéfectible de l’impérialisme américain et occidental à l’occupation et à l’agression génocidaires israéliennes.

Pendant ce temps, l’offensive génocidaire se poursuit, avec des bombardements incessants et une famine forcée. Mais si de nombreux campements ont été réprimés et dispersés de force, certains ont volontairement été dispersés suite à des engagements des administrations universitaires, la fin des semestres étant une considération importante. Dans le cas de l’Université Brown, par exemple, le campement a pris fin avant même que l’administration de l’université ne décide de désinvestir ou non. Dans le cas du Trinity College, le campement a pris fin après que l’université ait désinvesti 61 735 £ (78 089 $) de la plus grande entreprise d’armement israélienne privée, Elbit Systems (qui produit 85% des drones et des équipements terrestres utilisés par l’armée israélienne).

Si cela montre que les campements peuvent obtenir certains gains, il s’agit néanmoins d’une somme symbolique tant pour les universités que pour l’entreprise. Elbit Systems a déclaré un chiffre d’affaires de 6 milliards $ en 2023, en hausse de 8,4% par rapport à 2022. Les institutions gardent secrets les détails complets de leurs avoirs. Le Washington Post a trouvé peu de signes d’investissement direct des institutions américaines dans les entreprises de défense israéliennes. Cependant, l’impact d’un désinvestissement de ces dernières serait limité dans le contexte du massacre de Gaza et de la lutte pour la libération palestinienne. La volonté de certaines administrations universitaires de se désinvestir remet donc en question l’ampleur de la menace que ces demandes représentent pour le statu quo.

La décision de désinvestir ne devrait pas être une raison suffisante pour mettre fin à un campement. La revendication centrale des manifestants et des manifestantes, qui est de mettre fin à l’assaut meurtrier contre Gaza, souligne la nécessité de construire la lutte au-delà du campus, dans le but de renforcer le mouvement de solidarité au sens large. Aux États-Unis, cela implique de faire pression et de formuler des revendications directes envers les municipalités, les États et l’administration Biden. On peut se lier à un mouvement plus large en suivant l’exemple du campement de Hackney au Royaume-Uni (le premier campement dans une municipalité urbaine – qui a récemment pris fin ) ou les grèves organisées par des dizaines d’étudiants et étudiantes à New York. Les campements pourraient «occuper» les centres-villes. Ils pourraient également contribuer à souligner la nécessité d’actions conjointes avec les syndicats, par exemple en coordonnant des actions ciblées contre les livraisons d’armes.

Plusieurs campements ont exigé des formes de boycott académique, allant jusqu’à la rupture totale des liens avec le monde universitaire israélien, y compris les projets de recherche et les programmes d’échanges étudiants. En Belgique, sous la pression, l’Université de Gand a rompu ses liens avec toutes les universités et les instituts de recherche israéliens, mettant fin à 18 projets en cours. En Espagne, certaines universités ont adopté des décisions de boycott général. La confédération des universités espagnoles (CRUE) a annoncé qu’elle allait couper les liens avec les universités et les instituts de recherche israéliens «qui n’ont pas exprimé un engagement ferme en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire», ainsi que renforcer la coopération avec les établissements d’enseignement supérieur palestiniens réprimés et lutter contre l’antisémitisme et l’islamophobie sur les campus. De profonds sentiments de répulsion aident à mobiliser autour de ces mesures de boycott. Cependant, si certaines demandes concrètes de boycott peuvent certainement jouer un rôle dans l’augmentation de la pression globale, leur impact matériel est généralement limité et, comme expliqué plus loin, leur impact politique peut varier considérablement.

Impact sur les campus israéliens

Le mouvement de solidarité internationale a contribué à inspirer des actions locales d’étudiantes et d’étudiants palestiniens sur les campus israéliens. Il a aussi suscité les craintes des administrations universitaires israéliennes quant à un isolement international (relativement) accru pour leur rôle complice dans l’oppression nationale et leur soutien à l’assaut génocidaire.

Youssef Taha, président de l’Union des étudiants arabes et organisateur d’Al-Tajammuʿ/Balad (un parti national libéral palestinien), a suggéré que «pendant que le monde les regarde, les universités israéliennes auraient du mal à montrer qu’elles répriment les étudiants [les universités] craignent un nouveau déclin et nous en profitons pour lancer des événements et des activités». Bien que la répression soit toujours en vigueur, les pressions internationales sur les institutions universitaires israéliennes ont certainement été l’un des facteurs qui ont influencé les administrations. Cela correspond à une crise généralisée du régime israélien et à une recrudescence générale des protestations dans la société israélienne.

Au sein de la population juive israélienne, le choc initial provoqué par l’attaque surprise du 7 octobre menée par le Hamas, qui a notamment entraîné le massacre de civils israéliens, est exploité par la classe dirigeante pour susciter une réaction nationaliste virulente. La répression de la dissidence a atteint des niveaux très élevés. Dans les milieux de travail et sur les campus israéliens, les administrations ont suspendu sans appel des étudiantes et des étudiants palestiniens, en rejetant catégoriquement toute voix dissidente, en particulier palestinienne, contre le massacre historique de Gaza.

Cependant, la profondeur de la crise a conduit à de profondes divisions au sein de la classe dirigeante israélienne et, simultanément, à l’éruption de la colère populaire. Une fois le choc initial passé, la colère grandit dans des couches importantes de la population juive israélienne contre le gouvernement israélien, l’extrême droite et en particulier autour de la question des otages. Cela signifie également que le gouvernement israélien, faible et impopulaire, était loin d’adopter une position similaire à celle du régime de Poutine en Russie, incapable de réprimer complètement la dissidence à l’intérieur de la Ligne verte.

Les institutions universitaires israéliennes sont entrées en conflit direct avec le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite. Le gouvernement de coalition actuel (qui n’inclut plus le parti de centre-droit de l’ancien général Gantz, qui a temporairement rejoint la coalition au nom des intérêts de la classe dirigeante après le 7 octobre) est extrêmement impopulaire et en désaccord avec la majeure partie de la classe dirigeante israélienne depuis son arrivée au pouvoir. Ainsi, avant le 7 octobre, le gouvernement a dû faire face à un mouvement de masse interclasse contre le plan de «coup d’État judiciaire», qui avait déjà entraîné les institutions universitaires israéliennes dans un conflit ouvert avec le gouvernement. Les tensions ont maintenant refait surface.

Le gouvernement israélien, désireux d’attiser le chauvinisme national, a sollicité l’aide du chef ultranationaliste de l’Union nationale des étudiants (affiliée à l’Union des étudiants européens). L’Union a lancé une campagne pour promouvoir une loi «antiterroriste» maccarthyste qui oblige les établissements universitaires à licencier les professeur·es qui s’expriment «contre l’État». Le non-respect de cette loi sera sanctionné par une suspension des budgets. Cette mesure a provoqué l’indignation. Les protestations étudiantes et les pressions exercées sur plusieurs associations étudiantes locales ont conduit ces dernières à retirer leur soutien à la loi. Les directions d’établissements universitaires se sont opposées à la loi, craignant qu’elle n’encourage les campagnes de boycott universitaire au niveau international. Elles craignent également une prise de pouvoir gouvernementale qui menace leur autonomie relative.

La combinaison des pressions internationales et du conflit interne avec le gouvernement israélien a poussé les administrations universitaires israéliennes à se présenter comme ayant des traditions «démocratiques». Ainsi, par exemple, le président de l’Université de Tel Aviv a publiquement demandé à la police de reconsidérer son refus et d’autoriser la cérémonie annuelle du Jour de la Nakba. L’université exploite ces actions à des fins de relations publiques internationales, dans le cadre d’une riposte aux initiatives de boycott, ainsi que pour nourrir une image «démocratique» du capitalisme israélien et de l’occupation en général.

C’est ce qui est arrivé à la professeure Anat Matar, qui a dû faire face à des réactions négatives après avoir exprimé ses condoléances pour Walid Daqqa, un ancien prisonnier palestinien décédé d’un cancer dans une prison israélienne (condamné par un tribunal martial pour responsabilité indirecte dans le meurtre d’un soldat israélien par le FPLP. Il a ensuite rejoint le parti Al-Tajammuʿ/Balad). Les ultranationalistes ont pris Matar pour cible et l’université a déclaré publiquement qu’elle «condamnait et dénonçait les déclarations» de Matar. Bien que l’université ait refusé de licencier Matar, elle a continué à la dénoncer. Pourtant, l’université a utilisé ce cas dans une déclaration contre les campagnes internationales de boycott, intitulée Rétablir la vérité: la vérité sur l’université de Tel Aviv. Dans cette dernière, l’université affirme qu’elle «défendait fermement le principe de la liberté d’expression même lorsqu’il s’agissait des questions les plus controversées» et que «pas un seul étudiant ou membre du personnel de TAU n’a été puni, ni aujourd’hui ni jamais, pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes».

L’Université de Haïfa a pour habitude de réprimer et d’empêcher les manifestations palestiniennes et anti-guerre sur le campus. Récemment, l’administration a toutefois éviter de réagir à une incitation ultranationaliste contre le professeur Asad Ghanem, lors d’un panel de discussion auquel il participait avec un responsable du Hamas. L’université a déclaré: «tant qu’il n’y a pas de violation de la loi, l’université n’intervient pas dans les questions liées aux activités civiles des membres de l’université».

Le 28 mai, l’Université hébraïque a été contrainte d’approuver une manifestation anti-guerre de 300 personnes dirigée par des Palestiniens et des Palestiniennes. Elle a eu lieu dans le cadre d’une journée d’action organisée par des étudiantes et des étudiants palestiniens sur plusieurs campus israéliens, dont une grève de protestation d’une heure, en réponse aux atrocités commises à Rafah.

Le même mois, la police a arrêté et interrogé la professeure palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian de l’Université hébraïque au sujet de ses études universitaires sur l’occupation. Cela a été le point culminant de l’un des pires cas de persécution et de harcèlement envers un membre du corps enseignant sur les campus israéliens. Shalhoub-Kevorkian a d’abord été suspendue par l’université après avoir participé à un podcast dans lequel elle critiquait la guerre génocidaire. La campagne de diffamation a impliqué les médias grand public, auxquels l’université a répondu de manière inédite en condamnant les conclusions des recherches universitaires de Shalhoub-Kevorkian

Cela n’a pas empêché l’Association israélienne des directions d’université, dans une réponse à la décision susmentionnée de la CRUE dans l’État espagnol sur d’éventuels boycotts, de déclarer:

Nous ne punissons pas nos étudiants ou les membres du personnel pour avoir exprimé des opinions pro-palestiniennes. Nous sommes des institutions qui accordent la priorité à la liberté d’expression et nous protégeons les droits de nos professeurs, de notre personnel et de nos étudiants à exprimer des idées qui remettent en cause le consensus dominant.

Le ton cordial et complaisant de la lettre reflète la crainte d’un isolement international accru.

Les universitaires d’Israël et l’oppression palestinienne

Dans une déclaration, les universités néerlandaises se sont positionnées contre les occupations de campus à des fins de protestation et expliquent pourquoi elles ne rompront pas leurs liens avec le monde universitaire israélien. Elles estiment qu’il est «important de ne pas isoler [politiquement] les scientifiques israéliens critiques». Pour elles, il s’agit simplement d’une excuse hypocrite alors qu’elles ne cherchent à prendre aucune mesure sérieuse contre l’oppression palestinienne.

Comme l’illustre la répression des campements, les institutions universitaires du monde entier agissent en définitive comme des serviteurs des intérêts des classes dirigeantes, piliers du système capitaliste, marginalisant les opinions dissidentes et perpétuant l’ordre social fondé sur l’exploitation et l’oppression via la «production de la connaissance». Par exemple, les institutions universitaires israéliennes, ainsi que leurs homologues qui soutiennent l’impérialisme américain, ont bien sûr été des vecteurs des politiques de la classe dirigeante, y compris de l’oppression nationale.

Maya Wind, une universitaire israélienne de gauche libérale qui appelle à un boycott généralisé des institutions universitaires israéliennes à l’échelle internationale, examine en profondeur le rôle des institutions universitaires israéliennes dans son livre, Towers of Ivory and Steel : How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom (2024). Elle décrit comment les universités israéliennes ont historiquement été intégrées aux politiques nationalistes d’oppression et d’expropriation de l’État israélien et, avant 1948, aux politiques des institutions sionistes centrales. De plus, Wind détaille comment «les universités israéliennes ont été planifiées et construites pour servir de piliers à l’ingénierie démographique régionale et à la dépossession palestinienne».

Cependant, la contribution de Wind souffre d’une méthode trop abstraite et passe à côté de conclusions généralisées, notamment en raison d’un manque général de compréhension du rôle plus fondamental du monde universitaire dans la société capitaliste de classe – qui n’est pas mentionné dans son livre. Cela affecte également les suggestions de Wind pour résoudre le problème, car elles sont enracinées dans des illusions libérales:

Les universités israéliennes pourraient cesser de servir d’échafaudage pour réprimer le mouvement palestinien de libération et se transformer en infrastructure qui ancre l’exploration et le débat universitaires libres pour tous ses étudiants. Les administrations pourraient offrir un soutien institutionnel et allouer des ressources à la recherche critique sur la violence raciale structurelle de l’État israélien et à l’étude des expériences palestiniennes de dépossession et d’oppression (p. 97).

Les universités peuvent-elles être reconstruites «de manière indépendante» pour se détacher simplement des politiques d’oppression nationale inhérentes à l’État capitaliste israélien? D’où viendraient les ressources nécessaires à une telle éducation contre l’oppression nationale? Comment une institution israélienne cherchant à mettre en œuvre pleinement le programme de Wind pourrait-elle faire face à une inévitable réaction de la classe dirigeante?

En réponse au livre de Wind, Barak Medina – ancien recteur de l’Université hébraïque, partisan du nationalisme sioniste libéral anti-Netanyahou et de la guerre contre Gaza – clarifie son rejet des critiques que Wind adresse aux politiques qu’il a lui-même défendues. Il décrit le monde universitaire israélien comme un bastion progressiste contre le gouvernement Netanyahou et affirme qu’une fuite potentielle des universitaires d’Israël dans le scénario d’un boycott international global ouvrirait la voie au renforcement de l’extrême droite israélienne: «Un monde universitaire israélien fort est crucial pour pousser Israël dans la bonne direction. Il doit être soutenu, pas attaqué».

Medina s’oppose au boycott du point de vue de l’establishment israélien et en tant qu’apologiste «libéral» des atrocités commises à Gaza. Mais les institutions universitaires israéliennes ne sont pas seulement constituées de fonctionnaires fortuné·es au service de la classe dirigeante et d’un personnel de direction de haut niveau.

Elles emploient également des personnes en recherche et en enseignement mal payées et sans sécurité d’emploi. Il y a le personnel administratif ordinaire ainsi que les travailleuses et travailleurs les plus exploités du campus: le personnel d’entretien, composé principalement de femmes immigrées et palestiniennes. Et puis il y a les étudiantes et les étudiants, celles et ceux issus de la classe ouvrière et de milieux pauvres, en particulier des diverses populations discriminées qui ont la vie plus dure. On parle des Palestiniennes et des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, qui malgré une augmentation des inscriptions allant jusqu’à 18% au cours de la dernière décennie, sont sous-représenté·es et systématiquement confronté·es à l’oppression nationale.

Cela ajoute un aspect important à la discussion sur les tactiques de solidarité internationale, y compris les actions de protestation et les types de boycotts qui peuvent être les plus utiles, notamment dans le contexte des institutions universitaires.

Si l’exigence d’une fin complète de l’oppression nationale des Palestiniens et des Palestiniennes est essentielle, prôner la rupture de tous les liens avec les institutions universitaires israéliennes, sous prétexte d’une demande maximaliste de renouvellement des liens une fois l’oppression nationale totalement renversée, repose sur l’hypothèse qu’aucune résistance efficace ne pourrait se développer au sein du monde universitaire israélien. Ce qui, comme nous l’avons vu, n’est pas vrai.

Un professeur de l’Université de Gand a publié des courriels qu’il a reçus d’universitaires israéliens qui plaident en faveur du boycott universitaire car, comme l’a écrit l’un d’eux: «Rien en Israël ne peut changer la position et les actions de son gouvernement, car nous vivons en réalité dans une dictature (qui a perdu toute humanité). Il est seulement permis d’espérer que la pression extérieure puisse changer quelque chose.» Cette expression de fatalisme face à la réaction agressive de la société israélienne passe sous silence les conclusions des expériences révolutionnaires dans la région contre les dictatures, ainsi que l’importance de l’aliénation massive d’Israël par rapport à Netanyahou et à l’extrême droite.

Tactiques de boycott et approche de lutte de classe

Une approche qui ne ferait pas de distinction entre l’administration, le personnel et les étudiants et les étudiantes, une approche qui s’efforce d’isoler la société israélienne dans son ensemble, aurait moins de chances de susciter l’intérêt des jeunes et de la classe ouvrière israélienne que la propagande de la classe dirigeante. Une telle approche, liée à l’idée que la population israélienne est principalement un bloc réactionnaire et doit être punie dans son ensemble, a également provoqué une recrudescence des «boycotts gris». Il s’agit des universitaires rejetant les collaborations et refusant d’écrire des recommandations, de réviser des articles ou de noter des thèses de doctorat et de maîtrise.

L’impérialisme américain est un catalyseur décisif de l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes. Il est responsable d’atrocités d’une ampleur extrême dans le monde entier depuis des décennies. Son poids décisif dans le système mondial explique pourquoi le boycott du monde universitaire ou de la société américaine ne montrerait pas la voie à suivre, contrairement à la révolte des étudiants et des étudiantes des États-Unis. Cette révolte a défié les politiques du gouvernement américain et inspiré les étudiants et les étudiantes du monde entier à suivre leur exemple.

Des exemples récents, comme la guerre de la Russie contre l’Ukraine, montrent que les sanctions nationales indiscriminées promues par les classes dirigeantes capitalistes – auxquelles le capitalisme israélien ne sera probablement pas confronté au sein du bloc impérialiste occidental – ne mettent pas fin à l’oppression et aux conflits. Au contraire, elles sont utilisées par ces régimes oppressifs pour promouvoir un plus grand isolement et une «mentalité de forteresse» dans leur pays, renforçant leur base sociale, tout en réprimant la dissidence. Les boycotts universitaires et culturels généralisés de plus en plus nombreux contre les Russes n’ont pas aidé l’opposition brutalement réprimée. De plus, les sanctions économiques ont, comme dans le cas de l’Iran, surtout infligé la misère aux masses pauvres et accru leur isolement avec peu ou pas d’effet sur les oligarques.

Le cas de la lutte historique contre l’apartheid en Afrique du Sud est souvent cité comme exemple de boycott efficace, y compris des institutions universitaires. Cependant, aucune section importante de la classe ouvrière n’aurait pu être poussée à adhérer à la propagande de la classe dirigeante en raison de mesures de boycott contre elle. Le facteur décisif dans le renversement du régime d’apartheid sud-africain a été la rébellion de la classe ouvrière noire, et non les sanctions et les pressions diplomatiques. La révolution contre le capitalisme de l’apartheid a été déroutée et, des décennies plus tard, l’héritage de l’apartheid en termes d’appauvrissement des masses noires perdure. Cette situation explique le déclin du soutien au Congrès national africain (ANC).

De manière similaire, le boycott historique d’Israël par la Ligue arabe n’a pas poussé le régime israélien à faire des concessions sur l’occupation et l’oppression des Palestiniens et Palestiniennes.

Les actions de solidarité internationale sont évidemment essentielles. Néanmoins, le principal moteur du changement – ​​qui peut être soutenu par des pressions «extérieures» sur le régime israélien – reste la lutte de libération des masses palestiniennes elles-mêmes. Elles représentent une menace plus sérieuse pour l’occupation israélienne que toute pression internationale, comme l’a notamment illustré la première Intifada. La lutte populaire de masse, dans le cadre de laquelle l’autodéfense armée serait contrôlée démocratiquement de manière plus efficace, s’est avérée bien plus productive qu’une focalisation étroite sur la résistance armée.

En même temps, les manifestations de solidarité internationale peuvent aider les forces isolées d’une véritable opposition de gauche dans la société capitaliste israélienne à faire avancer les luttes des masses israéliennes contre le gouvernement et la classe dirigeante. Pour être efficaces et ne pas devenir préjudiciables, ces manifestations doivent toujours se faire de manière à saper la propagande de la classe dirigeante selon laquelle les Israéliens et les Israéliennes doivent «s’unir» contre un monde «antisémite» hostile.

Des mesures de boycott concrètes et ciblées, liées à des revendications directes, peuvent contribuer à isoler les éléments les plus réactionnaires et à renforcer la pression générale en faveur de la mise en œuvre de ces revendications. Ces dernières devraient viser en particulier:

  • le gouvernement israélien, les entreprises, les organisations,
  • ainsi que les responsables universitaires, les administrations et les programmes

qui sont concrètement responsables de mettre en œuvre ou d’aider à mettre en œuvre

  • des atrocités à Gaza,
  • l’occupation israélienne et
  • l’oppression des Palestiniens et des Palestiniennes.

Les appels à un boycott académique ciblé doivent être examinés au cas par cas, en fonction des circonstances. Toute action doit viser à désigner les complices et à renforcer les divisions entre les administrations des institutions universitaires israéliennes d’un côté, et les travailleurs, les travailleuses, les étudiants et les étudiantes de l’autre. Ces actions doivent amplifier les voix anti-guerre, notamment celles des étudiants, des étudiantes et du personnel palestiniens qui luttent sur le terrain au sein de ces institutions. Les appels qui vont dans le sens d’un renforcement des liens internationaux et des canaux d’échange et de collaboration avec les éléments de l’opposition anti-occupation et anti-guerre au sein des campus israéliens doivent également être pris en considération.

En outre, des actions directes menées par des groupes organisés de la classe ouvrière au niveau international pour perturber le business as usual de l’impérialisme américain et occidental et de la classe dirigeante israélienne pourraient montrer la voie à suivre, en particulier si elles sont liées à un appel de classe aux travailleurs, aux travailleuses et aux jeunes d’Israël aliéné·es par le gouvernement Netanyahou et l’extrême droite. Cela inclut bien sûr les couches sociales des établissements d’enseignement supérieur israéliens.

Le contexte de protestations populaires qui éclate dans la société israélienne et les appels croissants à une grève générale pour un accord sur la prise d’otages, qui nécessiterait la fin de la guerre génocidaire à Gaza, impliquent un rôle progressiste potentiel de la classe ouvrière israélienne face au gouvernement israélien. Et cela, même si les forces de gauche sont actuellement faibles dans la région et dans le monde. Cela ne sous-estime en aucun cas la puissante offensive idéologique de la classe dirigeante israélienne, qui attise un chauvinisme national horrible. Cependant, cela met en évidence des contradictions et, en fin de compte, des divisions de classe au sein de la société capitaliste israélienne. Bien qu’elle ne soit pas le seul facteur, la classe ouvrière israélienne reste cruciale dans la lutte pour vaincre le capitalisme israélien et son oppression barbare inhérente envers les Palestiniens et les Palestiniennes.

Les appels à la grève générale dans les manifestations israéliennes font écho à une tendance plus large au niveau mondial et local. Il renvoie notamment à la grève générale de l’année dernière et la centralité de l’idée d’une grève dans le mouvement israélien (alors interclassiste) contre la tentative de «coup d’État judiciaire» du gouvernement. Les syndicats étudiants et même l’Union nationale des étudiantes et étudiants israéliens ont été poussés à prendre l’initiative d’une grève étudiante partielle «pour les otages» le 13 juin. Bien sûr, sa direction était réactionnaire et ne voulait qu’une mesure de façade dégoulinante de chauvinisme national. Néanmoins, la grève partielle s’est développée dans le contexte d’un mécontentement de masse généralisé croissant qui remet en cause le gouvernement israélien en général et pousse en particulier à un accord de cessez-le-feu. Parmi une grande partie de la population juive israélienne, cela est largement compris comme le seul moyen de récupérer les otages.

L’opposition d’une partie du corps étudiant et professoral israéliens aux attaques contre la liberté académique et la liberté d’expression a également été importante, bien que limitée. L’organisation Lutte socialiste (ISA en Israël-Palestine), intervient sur le terrain depuis le début dans les manifestations pour mettre fin à l’assaut génocidaire. Lutte socialiste a coopéré avec Academia for Equality, une organisation de plus de 800 universitaires juifs israéliens et palestiniens. Au cours de la première semaine suivant le 7 octobre, nous avons lancé conjointement une lettre ouverte qui a recueilli plus de 400 signatures d’étudiants, d’étudiantes et de membres du personnel, condamnant la chasse aux sorcières national-chauvine et appelant à la fin de la guerre. Academia for Equality a pris part à l’organisation de manifestations contre la guerre sur et hors des campus, et a œuvré à la défense des étudiants, des étudiantes et du personnel juifs palestiniens et israéliens contre la persécution politique. L’association a aussi participé à la lutte contre la désinformation sur le mouvement universitaire international. Chez Lutte Socialiste, nous avons fait de notre mieux pour mettre en avant des initiatives menées par nos délégués syndicaux au sein de l’Organisation des professeurs et chercheurs de l’Université de Tel Aviv contre la campagne de persécution politique. Nous avons contesté les manifestations de soutien à la guerre exprimées par les responsables syndicaux.

La voie à suivre

Le reflux de la vague mondiale de campements ne signifie pas un déclin de la colère des masses contre la barbarie quotidienne infligée à Gaza. Le mouvement international de solidarité a inévitablement connu des hauts et des bas, notamment en réponse aux développements sanglants de la crise de Gaza. Des sections du mouvement tentent de tirer les leçons de l’expérience à chaque phase. Les étudiants et les étudiantes font partie de ceux et celles qui continuent à participer dans le monde entier aux actions de protestation et aux manifestations pour mettre fin au bain de sang criminel. Aux États-Unis, en particulier, la nouvelle année universitaire commence en août et verra une reprise des actions de protestation de solidarité à un degré ou à un autre, dans le cadre d’un mouvement plus large. Ainsi, d’importantes questions de tactique, de stratégie et de programme politique continueront à nécessiter de plus amples discussions et débats.

Ce qui manque au débat pour donner du pouvoir au mouvement, c’est une approche socialiste et de lutte de classe. La simple et minimaliste demande urgente d’un cessez-le-feu immédiat nécessite évidemment la construction d’un mouvement plus développé et plus massif pour exercer des pressions plus globales, notamment par le biais de mobilisations de masse et d’actions syndicales organisées. Cette tâche est intrinsèquement liée à la remise en cause de l’impérialisme américain et occidental.

Les demandes de divulgation et de désinvestissement doivent être généralisées à la divulgation de tous les intérêts du capital, des régimes oppressifs et des offensives militaires impérialistes, ainsi qu’à leur élimination du monde universitaire. Cela devrait également être lié aux demandes d’expropriation et de transfert de propriété sous contrôle public et démocratique de la classe ouvrière. C’est elle qui devrait prendre le contrôle de toutes les entreprises de tout pays qui profitent des attaques meurtrières contre les Palestiniens et les Palestiniennes, et convertir ces entreprises à des fins socialement utiles.

Le fait même que le mouvement international massif et militant des campus n’ait pas été suffisant pour obtenir un cessez-le-feu, malgré sa durée, montre l’ampleur qu’un mouvement révolutionnaire beaucoup plus développé devrait prendre pour éradiquer complètement l’oppression nationale systémique des Palestiniens et des Palestiniennes. Cela est étroitement lié au renversement du capitalisme israélien et de l’impérialisme occidental, dans le contexte d’un changement socialiste dans la région.

Un programme socialiste, comprenant:

  • la fin complète de toutes les formes d’oppression nationale,
  • des droits égaux à l’existence et à l’autodétermination pour toutes les nations,
  • une vie digne, de bien-être et en sécurité,
  • la reconnaissance des droits des réfugié·es palestiniens et palestiniennes,
  • dans un Moyen-Orient socialiste,

est nécessaire pour pointer vers une véritable solution. La stratégie, les tactiques et les slogans mis en avant dans le mouvement international de solidarité devraient, au-delà de la solidarité et de la pression vitale pour un cessez-le-feu immédiat, refléter et aider à clarifier la direction nécessaire à prendre afin de trouver une issue aux atrocités vécues par les Palestiniens et les Palestiniennes de la région.

Protestataires pour le désinvestissement

Pourquoi «désinvestir» et comment gagner?

Dans le cadre de l’un des développements les plus audacieux du mouvement contre l’assaut israélien sur Gaza, des dizaines de milliers d’étudiants, d’étudiantes, de professeurs, de travailleuses et de de travailleurs ont occupé des campus universitaires dans tout le pays. Uni⋅es non seulement par leur opposition à la violence, les campements ont exigé que les universités rompent leurs liens financiers avec Israël, plus précisément que leurs fonds de dotation «désinvestissent» des entreprises qui font des affaires en Israël. Cette demande a été présentée de différentes manières par différentes parties du mouvement. 

Socialist Alternative demande l’arrêt de toute aide militaire américaine à Israël ainsi que le désinvestissement des fonds placés dans les institutions publiques et privées liées à l’occupation brutale des terres palestiniennes.

Ces demandes s’inspirent en partie des luttes passées pour le désinvestissement des combustibles fossiles, de celle contre le régime d’apartheid sud-africain ou de celle contre le complexe militaro-industriel pendant la guerre du Viêt Nam. Ce printemps, certains campements universitaires ont obtenu des concessions limitées de la part de l’administration de campus. Mais pourquoi le mouvement se concentre-t-il sur le désinvestissement des universités, et à quoi ressemble réellement le «désinvestissement» d’une université?

Les fonds de dotation universitaires ne rendent pas de comptes et sont inégaux

Derrière leurs tours d’ivoire, les universités sont de grandes entreprises. Outre les sommes exorbitantes qu’elles prélèvent des étudiantes et étudiants à titre des droits d’inscription, les universités disposent également d’énormes trésors financiers appelés «fonds de dotation». La valeur totale des dotations des universités américaines s’élève à plus de 839 milliards $, soit à peu près le budget prévu en 2024 pour l’ensemble de l’armée américaine. Ces montagnes d’argent sont censées compléter le budget de l’établissement et protéger l’enseignement supérieur contre les exigences du marché. Mais la réalité est tout autre.

Tout d’abord, les dotations de nombreuses universités privées proviennent de la fortune des marchands d’esclaves, des propriétaires de plantations, des voleurs et des profiteurs de guerre des débuts de l’histoire américaine. Les universités publiques ne sont guère mieux loties. Les deux universités les plus riches étant situées au Texas et tirant l’essentiel de leur fortune de l’exploitation du pétrole et du gaz. Les écoles n’ont jamais été et ne seront jamais exemptes de l’influence tordue de la cupidité capitaliste. En outre, il existe une incroyable disparité de richesse entre les écoles les plus riches et les plus pauvres. Les dix écoles les plus riches (dont huit sont privées) détiennent plus de 35% de l’ensemble des dotations des universités américaines. Les écoles les mieux dotées sont en fait des sociétés de gestion de portefeuilles d’actions auxquelles sont rattachées des salles de classe.

Ces riches universités gèrent leurs fonds de dotation en investissant dans l’immobilier et la bourse, cherchant à obtenir le meilleur retour sur investissement afin de pouvoir le consacrer à des centres de recherche prestigieux, à l’amélioration des infrastructures universitaires et (bien plus loin dans la liste) à l’octroi de bourses d’études. En outre, de nombreux établissements ne répertorient pas leurs investissements, ce qui signifie que la plupart des fonds de dotation sont de véritables boîtes noires, les corps étudiants et enseignants n’ayant aucun moyen de savoir d’où vient ou va leur argent.

De quoi avons-nous besoin pour obtenir le désinvestissement?

Une chose est extrêmement claire: les chanceliers et les conseils d’administration des universités ne divulgueront pas, ne désinvestiront pas et ne s’engageront même pas dans un dialogue sans une pression énergique. Les occupations et les campements sur les campus sont un bon début, mais ne suffisent pas à obtenir le désinvestissement. La plupart des victoires remportées jusqu’à présent en utilisant uniquement cette tactique ont été des «promesses de discuter du désinvestissement» et d’autres concessions aussi molles.

Pour obtenir un désinvestissement réel et concret, les mouvements étudiants doivent perturber le fonctionnement habituel des campus. Ils devront également travailler en étroite collaboration avec les travailleuses et les travailleurs universitaires, en particulier les étudiantes et les étudiants diplômés syndiqués ou organisés, afin d’arrêter l’enseignement sur le campus et de donner un poids réel à notre menace de ne pas relâcher nos efforts jusqu’à ce que les demandes du mouvement soient satisfaites. Ces efforts devront être coordonnés au niveau national, afin de rendre le mouvement plus résistant face à la répression policière. Une fois de plus, les travailleuses et les travailleurs des campus, par l’intermédiaire de leur syndicat national, peuvent jouer un rôle essentiel en reliant les différents efforts des campus à travers le pays.

Le désinvestissement doit également être ciblé pour être le plus efficace possible. Un désinvestissement général de «tout ce qui est israélien» peut alimenter des récits extrêmement faux sur l’antisémitisme et repousser les Israéliennes et les Israéliens de la classe ouvrière qui sont par ailleurs favorables à la fin de la guerre et de l’occupation. Un désinvestissement ciblé obligerait également les universités à se retirer des entreprises militaires américaines telles que Lockheed Martin et General Dynamics, qui soutiennent la guerre et en tirent profit. Un désinvestissement ciblé serait plus efficace et montrerait plus clairement aux travailleuses et aux travailleurs d’Israël que le désinvestissement est dirigé contre l’establishment israélien plutôt que contre eux et elles.

Nous devons aller plus loin que le désinvestissement

Le désinvestissement peut jouer un rôle important en ralliant les personnes qui étudient et qui travaillent sur les campus autour d’une revendication concrète pouvant être gagnée. Mais la réalité du désinvestissement est que, dans notre système capitaliste, pour chaque dollar universitaire retiré de la guerre et de l’occupation israéliennes, un autre dollar lucratif provenant d’ailleurs le remplacera. Il y a des limites réelles à ce que le désinvestissement peut accomplir.

Pour aller plus loin, les mouvements sur les campus devront s’associer à des luttes plus larges contre l’oppression et la guerre dans l’ensemble de la société. Plus important encore, les étudiantes et les étudiants peuvent jouer un rôle considérable dans les mouvements de la classe ouvrière qui luttent contre la guerre et l’exploitation inhérentes au capitalisme, que ce soit en Israël ou aux États-Unis.

Enfin, tout mouvement visant à mettre fin à la guerre et à l’exploitation devra être international. La force motrice centrale de la lutte pour la libération de Gaza, de la Cisjordanie et d’Israël sera l’action de masse des travailleuses et des travailleurs de la région, que ces personnes soient israéliennes ou palestiniennes. Un mouvement de la classe ouvrière au Moyen-Orient, dépassant les clivages religieux et nationaux et s’associant à un mouvement international, sera bien plus efficace pour faire avancer leur lutte que n’importe quelle action de désinvestissement venant de l’extérieur.

Des manifestants posent avec le drapeau du Bangladesh sur un canapé pillé dans la résidence de la Première ministre. Photo: REUTERS

Vague de grèves au Bangladesh après la chute du gouvernement

Le gouvernement capitaliste «intérimaire» prépare la répression.

La lutte de masse au Bangladesh est à un point décisif. Un mois après que le mouvement de masse a contraint la première ministre Sheikh Hasina à démissionner et à s’exiler, une confrontation se dessine entre une vague croissante de grèves ouvrières et le nouveau gouvernement. Le gouvernement «intérimaire» qui représente les propriétaires capitalistes d’entreprises multinationales prépare la répression.

«Le gouvernement intérimaire a annoncé des mesures sévères contre l’anarchie, alors qu’environ 200 usines ont suspendu leur production hier sur fond d’agitation ouvrière à Gazipur, Savar et Ashulia», a rapporté le Daily Star, le dimanche 8 septembre. Une réunion d’urgence des ministres, des chefs de police et des officiers de renseignement s’est tenue le même jour. «Des mesures sévères doivent être prises à l’encontre de certaines personnes afin de sauver les usines, les travailleurs et l’économie. Nous en avons discuté», a déclaré un conseiller du gouvernement aux médias.

Les grèves s’étendent

La semaine dernière a été marquée par une forte recrudescence des manifestations de travailleurs et de travailleuses dans l’industrie dominante de l’habillement, où les femmes sont majoritaires, mais aussi dans les usines pharmaceutiques et les fabriques de chaussures. Les grèves se sont propagées d’une usine à l’autre par des marches, des blocages de routes et des manifestations de masse devant les bureaux des entreprises et des autorités. Le mouvement et les méthodes sont clairement inspirés par le mouvement aux caractéristiques révolutionnaires de cet été.

De nombreuses entreprises ont fermé leurs usines, sur les conseils de la police. Au cours de la fin de semaine, «la police, l’armée et les gardes-frontières ont été déployés» pour assurer la reprise de la production. La police tente également «d’identifier et d’arrêter les personnes à l’origine des troubles». Le gouvernement et les entreprises accusent des «étrangers» d’en être à l’origine. Mais le conseiller du gouvernement admet qu’«il était difficile de distinguer les travailleurs des étrangers».

Un autre site web, bdnews24.com, a titré Qu’est-ce qui motive la soudaine augmentation des protestations des travailleurs de l’industrie de l’habillement au Bangladesh?, commentant que «tout à coup, les travailleurs de l’habillement font des demandes que personne n’a jamais entendues auparavant».

«Le groupe Sharmin, l’une des plus grandes usines de confection d’Ashulia, emploie environ 20 000 travailleurs. Après deux jours consécutifs d’attaques contre les portes de l’usine, celle-ci a été déclarée fermée. Une liste de 20 revendications a été soumise aux autorités de l’usine, la plupart d’entre elles étant nouvelles pour l’industrie.»

Salaires, congé de maternité et nationalisation

Sur d’autres lieux de travail, des listes de 10 à 15 revendications ont été présentées. Ces listes comprennent:

  • des augmentations de salaire de 15 à 20%,
  • des augmentations de salaire pour les heures supplémentaires et les équipes de nuit,
  • des indemnités de déjeuner et de transport,
  • des traitements médicaux,
  • le transport si un travailleur ou une travailleuse est malade,
  • un congé et une rémunération de maternité,
  • un avancement de grade pour les employé⋅es permanents ou permanentes tous les deux ans,
  • des primes et des jours de congé pour l’Aïd el-Fitr
  • la fin du harcèlement et des punitions dans le milieu de travail (y compris le fait d’être inscrit ou inscrite sur une liste noire).

L’un des principaux problèmes à l’origine des grèves est le non-paiement des salaires dans de nombreuses usines. Ces conditions ne sont pas nouvelles. La surexploitation brutale des travailleuses et des travailleurs du Bangladesh existe depuis des années. Elle constitue en fait la base du «miracle économique» du capitalisme bangladais, ayant attiré les multinationales. C’est l’impact de la lutte de masse qui a enhardi les travailleuses, les travailleurs et les masses pauvres à refuser d’accepter ces injustices plus longtemps et à s’engager sur la voie de la lutte militante.

L’augmentation du coût de la vie est à l’origine d’une nouvelle revendication réclamant davantage de travailleurs masculins dans l’industrie de l’habillement. Dans de nombreuses familles, les travailleuses du textile sont les seules à disposer d’un revenu. Cette demande souligne la nécessité de disposer de deux revenus.

Pour protéger les emplois dans une période de fermetures d’usines et de réductions d’effectifs, la revendication de nationalisations a été soulevée. Il s’agit d’une revendication essentielle dans un pays qui compte autant d’entreprises multinationales et de sous-traitants. Elle devrait être liée à la création d’organisations de travailleuses et de travailleurs capables de jeter les bases d’un contrôle de l’industrie par ces derniers et dernières.

Dans certains cas, les entreprises ont fait des promesses qu’elles n’ont pas tenues lorsque le travail a repris. En général, les capitalistes attendent leur moment et menacent les protestataires. Comme le rapporte un média, «Mohammad Hatem, président de l’Association des fabricants et exportateurs de tricots du Bangladesh, a déclaré que certaines revendications étaient “illogiques” […] “S’ils viennent avec de simples revendications, nous pouvons en discuter à la table, mais ils descendent plutôt dans la rue”, a déclaré Hatem, blâmant les “groupes d’intérêt” qui veulent nuire à l’industrie, sans donner d’autres détails.»

L’escalade

Au cours de la semaine dernière, les grèves et les manifestations ont continué de s’intensifier. Les travailleuses et les travailleurs exigent des réponses immédiates à leurs revendications et refusent de reprendre le travail malgré les menaces et les fermetures d’usines. L’expérience d’autres luttes ouvrières et mouvements de masse montre que cela ne peut pas durer indéfiniment – de nouvelles étapes dans la lutte sont nécessaires.

Le mouvement de grève doit être organisé et coordonné démocratiquement. Il n’y a pas seulement un risque d’intervention de la police. Plus grave encore, il n’y a pas d’organisation et de direction adéquates pour la classe ouvrière. Les syndicats ne regroupent que 5% de la main-d’œuvre du pays et sont dans la plupart des cas contrôlés par les deux principaux partis politiques pro-capitalistes (la Ligue Awami de Hasina et le Parti nationaliste du Bangladesh). Ils disent ouvertement qu’ils «n’ont pas les ressources» pour organiser des réunions dans les usines et certains dirigeants syndicaux ont remis en question le mouvement actuel.

L’absence de leaders expérimenté⋅es ainsi que d’une véritable organisation crée un vide qui peut être comblé par d’autres forces et semer la confusion. Par exemple, des politiciens corrompus se battent pour conserver leur influence, notamment sur le marché lucratif du «jhoot», c’est-à-dire la vente de déchets de tissus de vêtements. Il existe également des organisations non gouvernementales (ONG), souvent financées par l’étranger, qui ont la fâcheuse habitude de s’opposer à la «politisation» et de faire dérailler les luttes vers le «compromis».

Le mouvement de masse initié par les manifestations étudiantes contre le système des quotas s’est transformé en peu de temps en une révolte contre le gouvernement autocratique et corrompu, culminant avec la participation de centaines de milliers de personnes à la «Longue Marche vers Dhaka» le 5 août. Face à l’échec de la répression – bien que des centaines de manifestants aient été tués, plus de 20 000 personnes blessés et 11 000 arrêtées – les militaires ont conseillé à Sheikh Hasina de démissionner et les généraux ont mis en place un nouveau gouvernement afin de garder le contrôle de la situation pour le compte de la classe capitaliste.

Le nouveau gouvernement

Le mouvement étudiant a donné lieu à des confrontations physiques avec la police ainsi qu’avec les fiers-à-bras de l’aile étudiante de la Ligue Awami de Hasina. Des manifestations de masse ont incendié des postes de police, protesté devant les domiciles des leaders de l’Awami, défié les couvre-feux et le verrouillage de l’Internet et des systèmes de transport. Ces luttes explosives et l’apparence de victoire, du moins avec la défaite de l’aile la plus ouvertement réactionnaire du système capitaliste, ont clairement inspiré les manifestations actuelles de travailleuses et de travailleurs.

Les manifestations de masse du mouvement étudiant ont également interrompu la production de l’industrie de l’habillement du pays. Elle représente 85% des exportations et se classe au deuxième rang des exportations mondiales de textile, derrière la Chine.

La tâche du nouveau gouvernement est donc de «rétablir le calme» (c’est-à-dire le contrôle), a conclu le International Crisis Group (CPI), un groupe de réflexion de l’establishment capitaliste mondial. «Le gouvernement intérimaire devra rapidement restaurer la confiance dans l’économie et, en particulier, remettre le secteur de l’habillement – qui représente 85% des recettes d’exportation du pays – sur les rails.»

Le conseil donné aux militaires, qui ont organisé le nouveau gouvernement en très peu de temps, est que «sans le soutien des étudiants, le gouvernement intérimaire n’aurait eu qu’une crédibilité limitée et aurait même pu être confronté à de nouvelles manifestations». Le CPI poursuit : «ils ont également besoin d’une certaine expérience, ils ont nommé le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, pionnier du microcrédit et figure chevronnée de la société civile, pour diriger le gouvernement intérimaire». La CPI a également préconisé l’abolition de la règle constitutionnelle prévoyant l’organisation de nouvelles élections dans un délai de 80 jours. En fait, deux semaines seulement après le début de son mandat, Yunus a déclaré qu’il ne serait lié à aucun calendrier électoral et a souligné qu’il devait d’abord mener à bien des «réformes vitales».

Les luttes qui ont mis fin au régime de Hasina ont sans aucun doute donné confiance aux travailleuses et travailleurs. Mais la contradiction fondamentale de la «Révolution de juillet» est qu’en dépit de nombreuses caractéristiques extrêmement progressistes et importantes en termes d’organisation et d’héroïsme, la lutte a abouti – du moins pour l’instant – à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement souhaité par les capitalistes internationaux et nationaux. Il est là pour maintenir et restaurer l’ordre du système.

Tel qu’exigé par le mouvement, deux leaders étudiants ont rejoint le gouvernement. Ils l’ont fait en tant que ministres des postes, des télécommunications et de l’informatique ainsi que de la jeunesse et des sports. Cela a pour effet de donner au gouvernement une plus grande crédibilité auprès des masses. Parmi les autres ministres figurent un ancien général de brigade et un ancien gouverneur de la Banque du Bangladesh. Yunus dirige lui-même 27 ministères, dont ceux de la défense, de l’éducation, de l’alimentation, du textile et des femmes. Il ne s’agit pas d’un gouvernement de la Révolution de juillet, mais d’un gouvernement d’exploitation capitaliste continue. Le mouvement de masse ne doit pas se faire d’illusions. Elle doit lutter pour un gouvernement révolutionnaire basé sur la classe ouvrière et les masses pauvres.

La lutte de masse au Bangladesh a lancé un avertissement aux capitalistes et aux multinationales du monde entier. Elle est un signe des explosions sociales qui peuvent éclater dans toutes les parties du monde dans cette nouvelle ère de crise. Les racines de la révolte de masse sont communes à de nombreux autres pays:

  • forte inflation et hausse des prix,
  • emplois précaires,
  • longues heures de travail et chômage croissant,
  • gouvernement de plus en plus autoritaire.

L’impérialisme, par l’intermédiaire des multinationales, exploite depuis des décennies une classe ouvrière de plus en plus nombreuse au Bangladesh. Cependant, la forte croissance économique n’a en aucun cas profité aux travailleurs et aux travailleuses qui produisent les richesses. Le changement de gouvernement a donné un sentiment temporaire de liberté, mais n’a pas modifié les conditions fondamentales.

Une étape démocratique?

À l’instar de nombreux mouvements de protestation dans d’autres pays, une question apparemment restreinte – celle des quotas d’emploi – s’est rapidement transformée en un mouvement contre le gouvernement et les forces de l’État. Les revendications initiales contre les quotas ont été plus ou moins mises en œuvre lorsque le tribunal (c’est-à-dire le gouvernement) a reculé à la mi-juillet. Mais à ce moment-là, les revendications étaient dirigées contre la répression massive exercée par le gouvernement et les forces de l’État à l’encontre de manifestations initialement pacifiques. La principale revendication à partir de la fin du mois de juillet a été la démission du gouvernement, la libération des leaders étudiants arrêtés et l’arrestation des officiers de police responsables. Lorsque le gouvernement a proposé des pourparlers, la dynamique était telle que les leaders étudiants ont refusé d’y participer.

Le mouvement a également montré comment les revendications peuvent être mises en œuvre par la base, sans attendre le gouvernement ou les tribunaux. Le mouvement a exigé l’interdiction de la branche étudiante du parti au pouvoir, la Ligue Chhatra, mais il l’avait déjà chassé de nombreux campus, les déclarant Chhatra free. Le mouvement ne s’est pas limité aux universités et aux collèges, mais a également défilé dans les villes et bloqué les autoroutes et les voies ferrées.

Les manifestations du mois de juillet au Bangladesh ont présenté de nombreuses caractéristiques communes avec les révoltes d’autres pays. Elles ont été menées par des jeunes, des étudiants et des étudiantes, avec de nombreuses jeunes femmes en première ligne. Ils ont été rejoints, d’abord par le corps enseignant, puis par des avocats et des avocates ainsi que des couches plus larges de travailleuses et de travailleurs. La répression de l’État est rapidement devenue la question la plus importante, éclipsant les autres.

Ce mouvement a ébranlé la classe dirigeante. Les orientations suivantes ont été données par le mouvement étudiant du 3 août, un ultimatum pour la démission du gouvernement:

  • non-paiement des impôts et des factures de services publics
  • fermeture de toutes les institutions (tribunaux, bureaux)
  • appel à l’arrêt de tout travail dans les ports, les transports collectifs et les usines.

Il a même appelé à l’arrêt des transferts de fonds provenant de l’étranger, une source importante de revenus.

Après la victoire contre le gouvernement, même les forces de police tant détestées se sont mises en grève du 6 au 11 août dans le but d’éviter les représailles et de rejeter l’entière responsabilité de leurs actions sur le gouvernement.

Le mouvement au Bangladesh présente certaines des caractéristiques d’une révolution politique: un mouvement de masse qui chasse un gouvernement autoritaire. Toutefois, comme l’ont montré tant d’autres luttes historiques, il ne peut s’agir que du début d’un processus révolutionnaire.

Lorsque le président Hosni Moubarak a été renversé en Égypte en 2011, l’ISA a souligné la victoire et la force des masses. Mais elle a également mis en garde contre la contre-révolution dans le contexte de l’absence d’une alternative politique révolutionnaire. L’impérialisme et l’establishment militaire, qui constituent au Bangladesh une partie essentielle de la classe capitaliste, prépareront inévitablement une contre-révolution. La question de savoir si cela réussira dépend du degré d’organisation de la classe ouvrière en tant que force la plus révolutionnaire de la société. Cela dépend aussi du fait qu’elle soit armée d’une stratégie de combat et d’une direction socialiste consciente. Au Bangladesh aujourd’hui, cette tâche commence par la reconnaissance du fait que les travailleuses, les travailleurs, les étudiantes et les étudiants ne doivent pas soutenir le gouvernement intérimaire du dirigeant capitaliste Yunus, soutenu par les États-Unis, ni lui accorder leur confiance.

La leçon la plus importante pour les luttes révolutionnaires peut être tirée de la Révolution russe de 1917. La révolution de février a renversé le tsar détesté, créant un espoir massif de changement et de démocratie. Cet état d’esprit a même touché les leaders bolcheviks, dont Staline, qui a d’abord apporté un soutien «critique» au nouveau gouvernement provisoire. Aujourd’hui encore, les staliniens prônent une théorie étapiste, qui commencerait par une soi-disant «étape démocratique» préalable à une prétendue lutte pour le socialisme par la suite. Lénine, cependant, a souligné les limites de la révolution de février et la nécessité pour la classe ouvrière de construire son propre parti révolutionnaire et de prendre le pouvoir par l’intermédiaire de ses propres comités, les soviets, afin d’obtenir la paix, la terre et le pain. Le gouvernement provisoire, fondé sur le capitalisme et l’État tsariste, ne changerait pas fondamentalement la société et deviendrait plutôt, comme l’a prévenu Lénine, le «centre d’organisation» de la contre-révolution.

Aujourd’hui au Bangladesh, les travailleuses et les travailleurs devraient exiger la création d’une véritable assemblée constituante du peuple pour remplacer le Parlement national (la Chambre des nations), corrompue et dominée par l’élite. Une telle assemblée devrait avoir le pouvoir de prendre le contrôle des plus grandes entreprises dans le cadre d’une propriété publique démocratique ainsi que de mettre en œuvre des réformes sociales de grande envergure telles:

  • l’augmentation des salaires et des pensions,
  • la protection des emplois et des soins de santé.

Cela ne peut être gagné que si la classe ouvrière, soutenue par les étudiants, les étudiantes et les autres secteurs de la population, s’organise pour forcer la convocation d’un nouveau pouvoir de la base, à travers la création de comités d’usine de travailleurs et de travailleuses, de véritables syndicats de masse et d’un parti politique de la classe ouvrière.

Free Daniel Akande

Libérez Daniel Akande! Manifester n’est pas un crime!

Agissons pour exiger la libération de Daniel Akande et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la campagne de répression de l’État nigérian.

Le dimanche 1er septembre, le camarade Daniel Akande, membre du Movement for a Socialist Alternative (DSM, la section de l’Internationale Socialist Alternative au Nigeria), a été arrêté par la police à Abuja, la capitale du Nigeria. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne de répression menée par le gouvernement et la police à la suite des dix jours de manifestations de masse au début du mois d’août.

La répression et les arrestations se concentrent sur la capitale, Abuja, ainsi que sur les États de Kaduna et de Kano. Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis trois semaines, avec la fin de la manifestation #EndBadGovernancceProtest le 10 août. Parmi elles se trouvent des activistes et des socialistes.

Dix d’entre eux, dont Michael Tobiloba Adaramoye du DSM, ont été traduits en justice le 2 septembre. Les documents judiciaires (FHC/ABJ/CR/454/2024) indiquent que le régime du président Tinubu réclame la peine de mort pour chacun d’entre eux, car ils ont pris la tête des manifestations organisées par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes pour exprimer leur opposition à la faim et à la pauvreté croissante. Ils sont accusés à tort de trahison et de complot visant à renverser le gouvernement.

Les rapports indiquent que les personnes arrêtées sont torturées pour qu’elles donnent les noms d’autres militants. Cela a conduit à l’arrestation de Daniel Akande. Nous savons que d’autres camarades figurent sur la liste des personnes a arrêter par la police. Elle tente désespérément d’attraper d’autres personnes organisatrices et participantes aux manifestations.

Les syndicats sous attaque

La principale fédération syndicale, le Nigeria Labor Congress (NLC), et son président, Joe Ajaero, ont également été attaqués. Le bureau central a été perquisitionné et vandalisé par la police. La semaine dernière, lorsque Joe Ajaero a été convoqué par la police, le syndicat a menacé d’organiser une grève nationale s’il était placé en détention. Nous devons appeler les syndicats à ne pas abandonner les jeunes de la classe ouvrière arrêtés par la police, à défendre le droit de manifester en tant que droit démocratique et à mobiliser le soutien et organiser les actions de solidarité nécessaires pour libérer toutes les personnes qui ont été arrêtées. Il faut même insister sur l’indemnisation des familles de toutes les personnes tuées par la police et les agents de sécurité au cours des manifestations.

Les accusations portées contre les personnes arrêtées sont totalement infondées. C’est la position adoptée par le NLC lorsqu’il a été accusé de «financement du terrorisme». Les militants et militantes arrêté⋅es sont également accusé⋅es d’avoir reçu de l’argent de sources suspectes provenant de l’étranger. Le gouvernement a également accusé un certain M. Povey, citoyen britannique, d’être impliqué dans une tentative de coup d’État et l’a déclaré «recherché».

Cette campagne menée par l’État nigérian est fondée à la fois sur la crainte gouvernementale des manifestations et sur une tentative de coup de force visant à susciter la peur et à paralyser le mouvement sur le terrain. On ne sait pas encore jusqu’où elle ira, avec les procès, les condamnations, etc.

Lorsque Bola Tinubu est devenu président du Nigeria en mai de l’année dernière, le prix d’un litre d’essence était de 167 Naira (0.13$ CAN). L’augmentation du prix de 300% décrété par l’État, le fixant à 670 Naira (0.55$ CAN), n’a rien fait pour mettre de l’essence dans les stations-service. La pénurie actuelle a fait monter le prix du litre entre 800 et 1 200 Naira (0.66 et 1$ CAN) sur le marché noir, où le carburant est plus facile à obtenir que dans les stations-service!

Les prix des denrées alimentaires augmentent de la même manière. Le Naira est la deuxième monnaie la moins performante au monde. Une série de grèves, dont beaucoup ont été reportées par les directions syndicales, a contraint le gouvernement à augmenter le salaire minimum mensuel de 30 000 à 70 000 Nairas (25$ et 58$/mois). Cette mesure n’a pas encore été mise en œuvre et la majorité des gouverneurs de l’État ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de payer.

Le Movement for a Socialist Alternative (MSA), l’ensemble du mouvement syndical et les organisations sympathisantes mènent une campagne pour que les charges soient abandonnées et que toutes les personnes militantes détenues soient libérées.

Agissez maintenant pour la solidarité ! Envoyez des lettres de protestation à la police et aux autorités!

 

Envoyez-les:

Au bureau du président Tinubu

info@osgf.gov.ng

 

À la police d’Abuja

pressforabuja@police.gov.ng

 

Exemple de lettre 

Free Daniel Akande and all arrested!

On Sunday, 1 September, Daniel Akande, member of MSA (ISA in Nigeria) was arrested by police in Abuja, the Nigerian capital. We demand his immediate release, with all charges dropped.

We demand the release of all protesters arrested and held in custody since the #EndBadGovernanceProtest ended on August 10. In total hundreds have been arrested.

We are closely following events in Nigeria, where the huge price increases on fuel, transport and food caused mass protests this year, latest and largest in early August. We have also noted the new minimum wage not being implemented.

The response of the regime under president Tinubu has been increased repression against activists and labor, with completely unfounded charges.

We urge labor, left wing and democratic grassroot organisations to engage and spread information and protests for the immediate release of all arrested.

City and date:

Names and organisation:

Des membres de Lutte socialiste durant les protestations du 2 et 3 septembre en Israël

L’outrage des otages tués entraîne une grève générale historique

Les protestations de ces derniers jours en Israël ont atteint des proportions historiques. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche et une grève générale s’est déroulée ce lundi. Une décision de justice a mis fin prématurément à la grève. Le premier ministre Netanyahou s’est vivement opposé aux grévistes. Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un tract de nos camarades de Lutte Socialiste, la section de l’ISA en Israël/Palestine.

Après une grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours!

  • Stoppons la guerre maintenant!
  • Pour l’échange de tous les otages d’un côté contre tous les otages de l’autre!
  • Pour la reconstruction et le bien-être pour tout le monde!
  • Pour le renversement du gouvernement israélien sanguinaire!

L’assassinat des six personnes enlevées à la suite de la décision du «cabinet de la mort» israélien de perpétuer l’occupation du «corridor de Philadelphie» entre Gaza et l’Égypte a porté l’indignation générale de la société israélienne à son comble. Face à l’insistance du gouvernement minoritaire de Netanyahou et de l’extrême droite à torpiller un accord et à poursuivre la guerre – qui n’était pas destinée à défendre la sécurité de millions d’Israéliens et d’Israéliennes, mais bien les intérêts du régime d’occupation et la domination du capital, au prix de rivières de sang – l’indignation et la mobilisation de masse ont réussi à déclencher une grève générale sans précédent dans le contexte de guerre.

De la base de la classe travailleuse, à la fois juive et arabe, est né un mouvement de grève générale politique «non autorisé». L’élément déclencheur immédiat a été le torpillage illégitime des ministres du gouvernement sanguinaire d’un accord de cessez-le-feu, et donc d’un échange d’otages et de prisonniers. Les grévistes voulaient plutôt contraindre le gouvernement à signer un accord. Quelque 300 000 personnes ont afflué à Tel-Aviv, la plus grande manifestation depuis le 7 octobre 2023 et l’une des plus importantes jamais organisées dans la société israélienne.

Le président de la principale fédération syndicale israélienne Histadrut, Arnon Bar-David, a finalement succombé à la pression des masses. Il était jusqu’à très récemment totalement opposé à la mobilisation de la force organisée de la classe travailleuse en faveur d’un accord de cessez-le-feu. Cela s’est passé de la même manière que lors de la grève générale de mars 2023. Comme à l’époque, Bar-David n’a pas l’intention de mener une lutte sérieuse dans le but de renverser le gouvernement, mais plutôt de protester et de laisser la pression sortir, tout en se présentant comme le seul responsable de la prise de décision au nom de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs.

Certains capitalistes, profitant du fait que le ministre des finances Smotrich et le gouvernement sanguinaire sont occupés à répercuter les coûts économiques de la guerre sur les travailleurs et les travailleuses, ont exprimé leur soutien à la grève générale de protestation. Mais ils le font pour des raisons de «relations publiques» et parce qu’ils reconnaissaient que la grève était un moyen d’accroître la pression sur Netanyahou afin qu’il fasse preuve de souplesse sur la question d’un accord. Ultimement, ces capitalistes estiment nécessaire un cessez-le-feu dans l’intérêt de la stabilité. Ils étaient convaincus que la grève se limiterait à une opération de défoulement. Ils étaient donc prêts à y participer.

D’autres secteurs de la classe dirigeante israélienne craignent que la légitimation d’une grève générale politique contre le gouvernement, même dans le contexte de crise d’une guerre, se retourne contre eux dans le cadre de futures luttes sociales. Ainsi, le procureur général libéral Baharav-Miara, soi-disant champion de la «démocratie», s’est joint à Smotrich pour tenter de mettre fin à la grève en exigeant la délivrance d’une ordonnance anti-démocratique. Elle a effectivement été délivrée par le président du tribunal régional du travail de Tel-Aviv-Jaffa. Elle a ordonné la fin de la grève à 14h30, après 8 heures et demie de grève, dans une décision destinée à dissuader légalement toute future grève générale politique.

Le gouvernement ne bougera pas après une grève de protestation de quelques heures

Les travailleuses, les travailleurs et les jeunes se sont mis en grève et sont descendus en masse dans les rues pour changer une réalité horrible. Cet élan combatif pour un «accord dès maintenant» ne doit pas céder à un relâchement de la pression, à un retour à la routine et à l’idée que «rien ne peut être fait» face à la puissance de ce gouvernement sanguinaire.

Après cette importante grève d’avertissement, le gouvernement doit recevoir un ultimatum clair de deux jours de grève générale dans le cadre d’un plan d’escalade de la lutte. Entre-temps, les délégations et les syndicats devraient organiser les employé⋅es dans chaque milieu de travail pour renforcer les manifestations. Tous les syndicats doivent adopter un plan d’action clair et le soumettre aux personnes élues de la Histadrut pour discussions et adoption, ainsi aux organes similaires des autres syndicats et organisations.

Cette lutte appartient aux masses qui y participent. La mobilisation de masse nous a même permis d’aboutir à une grève générale. Aujourd’hui, les réunions (virtuelles ou en personne) dans les milieux de travail, dans les écoles et les campus, et parmi les groupes de protestation, peuvent contribuer à renforcer les discussions qui évaluent la situation afin de prendre des décisions démocratiques pour construire la lutte.

La lutte met également à l’ordre du jour la question de la fin de la guerre. Il est important de se méfier des voix de droite qui tentent de réduire l’horizon de la lutte à la question d’un accord qui n’a soi-disant rien à voir avec la poursuite de la guerre. Sans la fin de la guerre et le retrait des troupes de Gaza, la possibilité d’un accord est très faible. Et de toute façon, sans la fin de cette guerre de destruction, l’horrible spirale sanglante de ces derniers mois se poursuivra, à grands frais. Des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes, toute la bande de Gaza a été détruite et la quasi-totalité de la population a été déplacée sous des tentes. Des communautés en Israël et au Liban restent déplacées. Pendant ce temps, le gouvernement Netanyahu et l’extrême droite poussent vers une guerre régionale.

Par conséquent, cette lutte doit être dirigée sans équivoque contre la violence de la guerre – à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et dans toute la région – et contre le gouvernement capitaliste sanguinaire qui la dirige, et pour une alternative de changement socialiste face à l’occupation et à la domination sanglantes du capital.

Lutte socialiste demande :

  • Après cette grève d’avertissement, créons une dynamique pour une grève de deux jours comme étape d’un plan d’escalade de moyens de pression. Paralysons l’économie israélienne. Exigeons la fin de la guerre et le retour de tous les otages (All for All) dans le cadre d’une lutte générale contre le gouvernement capitaliste sanguinaire de Netanyahou et de l’extrême droite. Lutton contre leur agenda qui sert la domination du capital et du régime d’occupation. Pour le retrait complet de toutes les troupes de la bande de Gaza. Pour l’arrêt des attaques militaires et des colons en Cisjordanie. Pour l’arrêt de la politique d’assassinats et de bombardements. Refusons une guerre régionale sous les auspices des puissances impérialistes de l’Ouest et de l’Est.
  • Pour des manifestations et des grèves à travers toutes les communautés nationales, les campus et les milieux de travail. Luttons contre les tentatives de restriction du droit de grève. Oui aux actions de protestation et de grève de masse des deux côtés de la Ligne verte, dans toute la région et dans le monde entier pour mettre fin au massacre à Gaza. Pour des actions syndicales visant à arrêter l’armement d’Israël et des manifestations pour mettre fin au soutien politique, économique et militaire impérialiste des gouvernements et des entreprises du monde entier au massacre à Gaza. Oui au refus du service militaire au sein de la population israélienne pour protester contre la guerre. Oui à l’appel des syndicats palestiniens pour des actions de solidarité internationale et à des mesures organisationnelles pour aider à arrêter le carnage à Gaza. Oui aux manifestations et aux grèves de protestation palestiniennes, telles que la «grève de la dignité» de mai 2021, des deux côtés de la Ligne verte, dans le cadre d’une lutte de masse organisée démocratiquement par des comités d’action élus, y compris des aspects d’autodéfense organisée, pour la libération nationale et sociale.
  • Pour la fin de la persécution politique et de la violence policière de Ben-Gvir. Elle vise à protéger le gouvernement, à perpétuer l’oppression nationale et à «diviser pour mieux régner». Elle veut faire taire la lutte pour un «accord dès maintenant» et pour mettre fin à la crise de la guerre et aux massacres à Gaza. Non au retrait des libertés démocratiques et à la hausse de la persécution politique. Non à l’émission d’ordonnances d’urgence. Exigeons que des comités ouvriers et que toutes les organisations de travailleurs et de travailleuses protègent les personnes persécutées par la chasse aux sorcières nationaliste contre les opposants et opposantes à la guerre. Non à la campagne de persécution du syndicat national des étudiants et étudiantes: pour le blocage de la loi visant à faire taire les voix dans le monde universitaire.
  • Pour la fermeture du centre de détention et de torture au Yémen, le «Guantanamo israélien». Pour la fin de la détention massive de Palestiniens et Palestiniennes, y compris des enfants, avec ou sans procès militaires. Pour la fin des détentions administratives, de la torture et des mauvais traitements infligés aux prisonniers de Palestine. Pour la fin de la légitimation, par l’extrême droite, de la torture et du viol, dans le cadre d’un programme réactionnaire qui promeut l’oppression nationale extrême et le meurtre de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de l’oppression fondée sur le genre et le sexe, et contre l’imposition des inégalités et de la pauvreté.
  • Assurons plus de préparation aux mesures d’autodéfense lors des manifestations. Oui à la prise de mesures de sécurité indépendantes de la police, à l’organisation de l’autodéfense et au maintien de la paix entre les personnes manifestant contre le gouvernement capitaliste sanguinaire, la guerre et l’occupation. Oui aux comités de défense créés sur une base démocratique dans les communautés, et à la coopération intercommunautaire au niveau local et national. Oui au droit à l’autodéfense organisée des résidents et résidentes sous occupation militaire et en état de siège, y compris avec l’aide d’une sécurité armée, organisée démocratiquement par des comités de défense élus.
  • Pour la fin du carnage, pour la fin de la famine de masse et pour des investissements massifs dans la reconstruction de Gaza et de toutes les communautés aux frais des capitalistes. Pour le transfert massif de nourriture, d’eau potable, de produits de base et d’équipements médicaux sans frais pour les habitants et habitantes de Gaza dans le cadre d’investissements massifs dans la reconstruction sous le contrôle démocratique de ces derniers et dernières, aux dépens des capitalistes des pays qui ont financé la guerre. Pour l’expropriation des banques, des grandes chaînes et des infrastructures clés de l’économie israélienne et leur intégration dans le secteur public, sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs et travailleuses. Pour des investissements massifs dans l’indemnisation et la reconstruction des deux côtés de la barrière.
  • La paix passe par la lutte pour une transformation socialiste de la société. Pour la fin de cette guerre qui cherche à restructurer et à perpétuer la dictature du siège de Gaza, de l’occupation, des colonies, de la pauvreté et de l’oppression nationale extrême imposée à des millions de Palestiniens et Palestiniennes. Pour la fin de la domination du capital. Luttons pour une solution qui va à la racine, basée sur la fin de l’oppression nationale, l’égalité des droits à l’existence, à l’autodétermination et à une vie de dignité, de bien-être et de sécurité pour tout le monde. Oui à la lutte pour un État palestinien indépendant, démocratique, socialiste et doté de droits égaux. Oui à la lutte pour la démocratie et le changement socialiste en Israël et dans la région. Oui à deux capitales à Jérusalem. Pour la réalisation d’une solution juste à la question des personnes réfugiées par le biais d’un accord reconnaissant l’injustice historique et le droit au retour des personnes qui souhaitent revenir d’où elles ont été chassées, tout en garantissant une vie de prospérité et d’égalité à tout le monde.
  • Pour la solidarité internationale, dans les luttes des travailleurs, des travailleuses et des gens ordinaires à travers la région, dans le cadre d’une lutte pour le changement socialiste et la paix dans la région. Pour la création d’une confédération de pays socialistes de la région, qui promouvra la démocratie et la sécurité et utilisera les ressources clés, dans le cadre d’une propriété publique démocratique, pour le bien commun, tout en garantissant l’égalité des droits pour toutes les nations et toutes les minorités.
  • Pour la promotion de mesures visant à construire une alternative politique de classe, internationaliste et combative de gauche, sous la forme de partis de lutte larges des deux côtés de la Ligne verte. Pour une coopération des uns avec les autres dans la lutte contre la domination israélienne du capital et de l’occupation et pour un changement socialiste. Pour la coopération face aux politiques capitalistes nationalistes et à l’agression impérialiste qui défendent des régimes oppressifs et tout un système d’inégalité et de crises multiples, qui ont causé l’actuel bain de sang à Gaza.
Cheminots des Teamsters en grève

Solidarité avec les cheminots!

Le gouvernement canadien, avec l’appui du CCRI, a forcé les 9 300 cheminots, membres du syndicat des Teamsters, à reprendre le travail le 26 août. Cette mesure bafoue le droit démocratique des syndiqué⋅es à faire grève. Les travailleurs et travailleuses ont voté à 99% en faveur d’un mandat de grève en mai dernier. La Cour suprême du Canada a pourtant statué qu’ils et elles avaient le droit de faire la grève.

Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a ordonné le 22 août que le conflit soit soumis à l’arbitrage. Le 24 août, le CCRI a ordonné la fin des grèves au Canadien National (CN) et au Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) d’ici le 26 août.

Il s’agit d’une attaque contre tous les travailleurs et travailleuses. Si les employeurs bloquent les négociations et demandent ensuite au gouvernement d’intervenir, le droit de grève n’a plus aucun sens.

Le syndicat des Teamsters s’est conformé à la décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), mais il fera appel de la décision devant les tribunaux. Il a déclaré à juste titre que la décision «crée un précédent dangereux» et que «les droits des travailleurs canadiens ont été considérablement réduits aujourd’hui».

Il est important de se rappeler que les préoccupations du syndicat portent essentiellement sur les projets des entreprises de modifier les horaires et les modalités de travail, ce qui rendra le transport ferroviaire encore plus dangereux. Les trains transportent déjà de nombreuses marchandises à haut risque et déraillent parfois. C’est une préoccupation pour tous les Canadiens et Canadiennes, car les trains de marchandises circulent dans presque toutes les villes et villages du pays.

Le réseau ferroviaire canadien a été paralysé. Les deux sociétés, le CN et le CPKC, qui contrôlent les chemins de fer du pays, ont mis en lock-out leurs 9 300 travailleurs et travailleuses peu après minuit le 22 août, au moment où la grève des Teamsters débutait. Cette décision fait suite à des mois d’impasse dans les négociations. Les travailleurs et travailleuses, membres de la Conférence ferroviaire Teamsters Canada, ont voté à 99% en faveur d’une grève. Ce mandat écrasant démontre leur détermination à obtenir un contrat solide et à résister aux grandes sociétés ferroviaires.

Le gouvernement intervient dans les négociations

Les grandes entreprises ont demandé au gouvernement fédéral de soumettre le conflit au Conseil canadien des relations industrielles pour un arbitrage exécutoire, ce qu’elles ont refusé de faire avant le lock-out. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a demandé avec insistance aux deux parties de «parvenir à une entente . Le gouvernement a souligné que les travailleurs et les travailleuses ont le droit de faire la grève en vertu de la loi canadienne et que la meilleure approche est de mener de véritables négociations. Après avoir rencontré Teamsters Canada, le CN et la CPKC, la ministre du Travail a qualifié les négociations «d’une lenteur inacceptable».

Pourtant, 17 heures seulement après le début de la paralysie, le gouvernement a ordonné que le conflit soit soumis à un arbitrage exécutoire. Le gouvernement a agi comme le voulaient les employeurs et les grandes entreprises. Le syndicat avait refusé l’arbitrage exécutoire, qui donnerait l’illusion d’un «accord équitable pour les deux parties», mais qui donnerait très probablement aux compagnies ferroviaires ce qu’elles veulent.

Le lock-out aurait menacé considérablement les profits des grandes entreprises, car il touche presque tous les grands secteurs d’activité. Comme on pouvait s’y attendre, les gouvernements provinciaux, les chambres de commerce et les associations d’entreprises ont supplié le gouvernement fédéral d’agir, que ce soit par une loi de retour au travail, en déclarant le transport ferroviaire comme service essentiel, ou en recourant à l’arbitrage exécutoire. Les patrons sont unanimes pour ne pas demander aux sociétés ferroviaires de présenter une offre constructive, car les entreprises et leurs politiciens et politiciennes agissent dans l’intérêt de leur classe.

Le gouvernement de la Saskatchewan a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une loi de retour au travail. Plusieurs chambres de commerce ont demandé que les chemins de fer soient considérés comme un service essentiel. Cependant, les sociétés ferroviaires ne sont pas d’accord et le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a déclaré que le transport ferroviaire n’était pas un service essentiel.

Il semble que dès le départ, les compagnies ferroviaires espéraient que le gouvernement agirait en leur nom plutôt que de négocier sérieusement. Cette approche est similaire à celle des employeurs lors de la grève de l’an dernier dans les ports de la Colombie-Britannique. Toutefois, dans ce cas-là, les compagnies portuaires ont dû négocier une entente.

Les chemins de fer privilégient les profits à la sécurité

Le conflit de travail ne porte pas seulement sur les salaires, mais aussi sur des conditions de travail sécuritaires. Les compagnies ferroviaires ont fait passer la rentabilité avant la sécurité des employé⋅es et de tous ceux et celles qui vivent à proximité d’une voie ferrée. Cela comprend des changements dans le pointage de fin des heures de travail. Si les employé⋅es terminent leur travail plus tôt que prévu, ils et elles peuvent être réaffecté·es à de nouvelles tâches.

Les Teamsters ont souligné le danger que représentent des travailleurs et travailleuses fatigué·es. Dans le même temps, les entreprises veulent limiter les intervalles de 10 à 12 heures entre les quarts de travail. Les chemins de fer veulent s’assurer que les travailleurs et les travailleuses passent chaque instant de leur journée sur les voies, ce qui leur laisse à peine assez de temps pour dormir et se déplacer. De plus, il y peu de limites quant au moment où les employé⋅es peuvent être appelés pour une période de travail, ce qui accroît les risques de fatigue.

Les capitalistes se préparent à l’impact

On ne saurait trop insister sur le pouvoir dont disposent les travailleurs et les travailleuses du rail dans cette grève : des marchandises d’une valeur d’un milliard de dollars circulent chaque jour par train. Une grève ou un lock-out ferroviaire peut mettre un terme aux activités capitalistes habituelles, en raison de la nature de l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement canadienne. Et contrairement aux conflits ou aux grèves ferroviaires précédents, le CN et la CPKC ont tous deux mis en lock-out les travailleurs et les travailleuses en même temps.

Les deux entreprises ont commencé à réduire leurs approvisionnements en début de mois, en prévision d’un lock-out. Les messages creux des patrons du rail, qui accusent le syndicat d’être responsable de la fermeture, contredisent leurs propres actions. Les patrons se sont préparés à une confrontation.

De nombreuses industries ont tiré la sonnette d’alarme : les secteurs des engrais et de l’agriculture ont mis en garde contre les effets potentiels sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Le secteur de l’élevage a signalé les effets sur les viandes périssables. Les industries du chlore, utilisé pour traiter l’eau potable, allaient être touchées. Les industries non alimentaires, comme l’automobile, la médecine, les matières dangereuses et le fret allaient également être touchées.

Sur le plan international, les entreprises canadiennes craignent une détérioration des relations commerciales. Le président de l’Association canadienne de gestion du fret a déclaré que cette grève «est très néfaste pour notre réputation en tant que nation commerçante». De nombreuses entreprises ont des liens étroits avec les entreprises américaines et certaines craignent que des contrats soient supprimés en raison du lock-out. «D’un point de vue international, si vous perdez un contrat… qui sait s’il reviendra.»

Solidarité avec les cheminots

Les entreprises ont utilisé les effets d’une grève sur les travailleurs et travailleuses et les petites entreprises comme un argument dans l’espoir de mobiliser un soutien massif contre une grève. La réalité est tout autre.

Le président des Teamsters, Paul Boucher, a déclaré que les entreprises (le CN en particulier) «se soucient peu des agriculteurs, des chaînes d’approvisionnement ou des petites entreprises. Cette entreprise très rentable joue dur avec l’économie canadienne, faisant tout ce qu’elle peut pour remplir les poches de ses dirigeants et de ses actionnaires, peu importe les conséquences.»

Le CN et la CPKC privilégient les profits au détriment de la sécurité et des bonnes conditions de travail, préférant mettre les travailleurs et les travailleuses en lock-out et paralyser l’économie. Les travailleurs et travailleuses doivent être solidaires des cheminots et s’opposer à la cupidité des entreprises.

La décision du gouvernement libéral de soumettre le lock-out au CCRI pour arbitrage est un cadeau fait aux autres employeurs et une attaque contre les droits des travailleurs, des travailleuses et des syndicats. Chaque employeur sera tenté de mettre ses travailleurs et travailleuses en lock-out, en espérant que le gouvernement interviendra. C’est un problème qui concerne tous les syndicats.

L’issue de l’arbitrage pourrait constituer un défi pour les travailleurs et travailleuses si elle se prononce en faveur des patrons. Le syndicat a le pouvoir d’obtenir un bon contrat. Contrairement aux patrons, il est nécessaire à la gestion de la société. Pour gagner, il devra rester uni et fort.

Les cheminots ne doivent pas lutter seuls. La solidarité des autres travailleurs et travailleuses renforcerait leur pouvoir. Organisé·es et luttant ensemble, les travailleurs et les travailleuses ont le pouvoir de gagner. Solidarité avec les cheminots!

Pour la libération queer! Pas le capitalisme arc-en-ciel!

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