Vue aérienne de la dernière cellule d'enfouissement de l'entreprise, la cellule 5. Photo: Google Earth

Stablex : Tenir le Québec par le bout du nez

Vue aérienne de la dernière cellule d'enfouissement de l'entreprise, la cellule 5. Photo: Google Earth

Dans la nuit du 27 au 28 mars 2025, le gouvernement Legault a passé sous le bâillon le projet de loi 93, qui autorise Stablex à agrandir son site d’enfouissement de déchets toxiques par l’expropriation d’une partie de la Grande tourbière de Blainville. Pourquoi Stablex a-t-elle le bras aussi long, alors que ce projet antidémocratique et pollueur est dénoncé par un mouvement citoyen, la mairie locale et plusieurs parlementaires?

La nouvelle loi permet à Stablex de détruire des milieux humides et de déboiser un terrain municipal qui abrite une grande diversité d’espèces, dont certaines sont menacées. Les experts sont pourtant unanimes: la méthode d’enfouissement de Stablex est dépassée, mal adaptée aux conditions québécoises et insuffisamment surveillée.

Le risque majeur? Une infiltration de contaminants industriels dans la nappe phréatique, avec des conséquences environnementales irréversibles. En autorisant Stablex à poursuivre son activité sans réelle surveillance, le gouvernement met en péril l’écosystème, les terres agricoles et la santé des citoyens. Malgré cela, le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, a préféré donner explicitement son accord pour prioriser les intérêts économiques derrière le projet.

Pourquoi tant de précipitation?

Près de 600 entreprises, organismes et municipalités – dont presque toutes les entreprises manufacturières du Québec – utilisent les services de Stablex pour traiter leurs déchets dangereux. Le secteur manufacturier compte pour 15% du PIB québécois. Or, Stablex est la seule compagnie avec les certificats d’autorisation requis pour traiter leurs déchets dangereux. Elle détient un monopole technique au Québec.

Pour le directeur général de Stablex et la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, il pourrait y avoir une «crise des déchets» aussitôt qu’en 2027 si le projet de loi n’était pas adopté à toute vapeur. Lors de l’étude du projet, le BAPE a notamment établi que Stablex peut poursuivre ses activités jusqu’en 2030, et que près de 30% des déchets enfouis proviennent des États-Unis. Dans les faits, l’entreprise devait commencer ses travaux avant le 15 avril, en raison de la nidification des oiseaux dans la tourbière.

Pourquoi un nouveau terrain?

Stablex dispose déjà, depuis les années 80, d’un terrain prêt à répondre aux besoins d’enfouissement. Déjà à cette époque, l’entreprise a bénéficié d’assouplissements aux règles environnementales. Depuis, elle y a déversé des montagnes d’argile, détruisant des milieux naturels. Pour l’exploiter à nouveau, Stablex aurait à dépenser 100 millions de dollars additionnels, ce qu’elle refuse de faire prétextant sa proximité avec la ville. Pourtant, l’entreprise mère de Stablex, Republic Services, a engrangé des profits de plus de 3 milliards de dollars l’an dernier.

Le chat est sorti du sac lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 93. La député libérale Virginie Dufour a révélé que le coût d’enfouissement du vieux terrain serait de 72$/tonne, alors qu’il serait de 12$/tonne pour le nouveau terrain. De plus, le vieux terrain est exploitable jusqu’en 2040, alors que le nouveau terrain de la tourbière municipale l’est jusqu’en 2065. En bref, le nouveau terrain donné à Stablex est beaucoup plus rentable.

Une catastrophe environnementale et un précédent dangereux

Dans sa vision à court terme, François Legault et la CAQ ont choisi d’offrir un espace municipal de grande valeur écologique pour y enterrer des millions de tonnes de matières dangereuses –  laissant aux citoyens et citoyennes de Blainville le soin de gérer les conséquences dans le futur.

Stablex est dans une position de force, car elle représente une possibilité d’activité économique accrue dans un contexte difficile, ce que la CAQ veut encourager au maximum. C’est pourquoi la nouvelle loi permet au gouvernement d’outrepasser les décisions municipales et d’empêcher toute contestation judiciaire de ce projet.

Résister à Stablex, résister au capitalisme destructeur

Stablex affirme stabiliser les matières toxiques avec du béton, mais ce procédé ne fait en réalité que retarder la contamination. Une fois mélangés à l’eau, ses déchets doublent de volume, aggravant l’accumulation des résidus toxiques. Même si l’entreprise cessait d’importer de nouveaux déchets, son site nécessiterait une gestion ad vitam aeternam.

Les activités de Stablex doivent être arrêtées, à Blainville et ailleurs. La désobéissance civile s’impose désormais, car les poursuites légales sont impossibles et les démarches parlementaires sont terminées.

Les citoyens et les citoyennes de Blainville montrent déjà la voie: manifestations, blocages et occupations des routes utilisées par Stablex pour détruire la tourbière. L’appui des syndicats de la région, en plus de celui des employés de Stablex même, sera déterminant pour la suite des choses. Une opposition politique au conseil municipal actuel se développe également contre Stablex.

Une gestion pour la population et l’environnement

On ne peut pas laisser la gestion des déchets dangereux dépendre d’une seule compagnie prête à détruire l’environnement et la santé publique afin de maximiser les profits d’une poignée d’actionnaires étrangers.

Le Québec possède toutes les connaissances et les capacités pour développer ses propres méthodes de gestion des déchets, en respect des lois environnementales et sanitaires. Un gouvernement socialiste utiliserait ses pouvoirs d’expropriation sur Stablex, pas pour Stablex, afin de faire passer ses activités sous contrôle public, les encadrer démocratiquement et éventuellement les stopper. Il nous faut:

  • Mettre en place un véritable plan public et démocratique de gestion écologique des déchets, basé sur la réduction, le recyclage et le traitement sécuritaire.
  • Assurer une transparence totale sur les pratiques de stockage et de traitement des matières dangereuses.
  • Garantir des emplois décents ainsi que le replacement des travailleurs et travailleuses du secteur, avec des conditions de travail respectueuses de leur santé et de l’environnement.
  • Investir dans la recherche et le développement de solutions alternatives aux méthodes dépassées de Stablex, afin de protéger les générations futures.

N’acceptons plus les activités d’une filiale du géant américain Republic Services, une multinationale qui finance des mouvements politiques ultraconservateurs. Résistons aux projets de Stablex et aux gouvernements qui la défendent!


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