Autocollant I AM LUIGI

Pas de pitié pour le PDG assassiné, mais ça ne nous sauvera pas

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Pas de pitié pour le PDG assassiné, mais les assassinats ne nous sauveront pas. Il faut mettre fin au système de soins de santé à but lucratif.

Le 4 décembre au petit matin, dans le centre-ville de Manhattan, un homme armé et masqué a abattu Brian Thompson, 50 ans. Brian Thompson était le PDG d’UnitedHealthCare, la plus grande compagnie d’assurance maladie privée des États-Unis. Son meurtrier l’attendait alors qu’il quittait son hôtel pour une réunion d’actionnaires. Cinq jours plus tard, le 9 décembre, après une vaste chasse à l’homme, le meurtrier présumé a été capturé et identifié comme étant Luigi Mangione, 26 ans.

L’industrie de l’assurance maladie est une industrie parasitaire. Son seul but est de faire gagner des milliards de dollars aux riches en obligeant les travailleuses et les travailleurs à payer des sommes énormes pour des assurances qui refusent ensuite de couvrir une grande partie des soins médicaux réels. Les bénéfices annuels d’UnitedHealthCare (UHC) ont grimpé de près de 400% parce que l’entreprise rejetterait désormais près d’une demande médicale sur trois.

Thompson, en tant que PDG d’UHC, était un meurtrier de masse. Il a personnellement profité de la mort et de la souffrance de malades, de personnes mourantes ainsi que de la dette écrasante infligée à ces personnes et à leurs familles. Mais comme le capitalisme valorise le profit par-dessus tout, Thompson n’était qu’un monstre dans une maison pleine d’horreurs. Une autre sale gueule sans âme l’a déjà remplacé pour «perpétuer son héritage» en tant que nouveau PDG d’UHC.

Des millions de personnes se sentent désespérées de ne voir aucun moyen clair pour mettre fin aux souffrances que nous infligent les riches et les puissants. L’effusion de soutien à Mangione sur les réseaux sociaux montre que des millions d’entre nous rêvent d’un monde sans PDG. Mais nous ne pouvons pas faire de ce monde une réalité par des actes de violence individuels. Nous avons besoin d’une révolution de la classe ouvrière pour mettre fin aux soins de santé à but lucratif et construire une société qui ne fonctionne pas sur la base du profit, un point c’est tout. Destituer un PDG ne mettra pas fin à nos souffrances. Nous devons abattre tout son système.

Les soins de santé à but lucratif fonctionnent grâce au meurtre

Il n’est pas surprenant qu’UHC ait été pris pour cible. L’ensemble du secteur de l’assurance maladie est pourri et l’UHC est le pire des pires. La compagnie a un long historique de refus de soins médicaux nécessaires. Elle est évaluée à 561 milliards de dollars et a réalisé un bénéfice de 22 milliards de dollars en 2023. Brian Thompson a touché une indemnité de 10 millions de dollars cette année-là et a été poursuivi pour délit d’initié. Pendant que Thompson dirigeait UHC, la valorisation a presque doublé. La compagnie est une pionnière dans les nouvelles façons de refuser des demandes d’indemnisation grâce à l’intelligence artificielle. Elle est aussi passée maître dans l’art de faire perdre leur temps aux bénéficiaires et au corps professionnel de la santé en plus de détruire des vies pour le profit.

Cet événement a donné lieu à un flot incessant d’histoires d’horreur concernant l’assurance maladie de patientes, de patients et de médecins. Une femme de 20 ans est morte d’une infection des sinus après que sa demande d’assurance maladie a été perdue dans les formalités administratives. Cela a retardé son traitement jusqu’à ce qu’elle se rende aux urgences. Une patiente paralysée victime d’un AVC a vu sa rééducation interrompue après seulement 20 jours. Une amie de l’auteur s’est retrouvée avec une facture de 11 207,95$ pour un vaccin contre la rage après que son assurance ait soudainement été interrompue après qu’elle ait quitté son programme universitaire. C’est dans ce contexte que l’annonce officielle de la mort de Thompson par UHC sur Facebook a suscité plus de 90 000 réactions de rire et bien moins de réactions de toute autre nature.

L’industrie de l’assurance maladie fonctionne sur ce que Friedrich Engels appelait le «meurtre social». Le meurtre de millions de personnes non pas par la violence pure et simple, mais par le résultat de politiques capitalistes, en l’occurrence le déni, pour des raisons de profits, des soins de santé dont les gens ont besoin. Tous les profits de l’assurance maladie proviennent du fait que les primes sont plus élevées que ce qui est remboursé pour les soins de santé. Le but de toute assurance est simplement de répartir des coûts imprévisibles sur une population. Tous les profits collectés proviennent des prestations parasitaires payées par les personnes assurées.

Notre société capitaliste est bâtie autour de la maximisation du profit. Ainsi, chaque décision en matière de santé dans ce pays est d’abord prise par un médecin, puis remise en question par une compagnie d’assurance bureaucratique et avide de profit, sans expertise médicale ni connaissance du patient, dont l’incitation directe est de refuser autant de soins que possible. Chaque minute passée sur ces «débats» par les prestataires de soins, les travailleuses et les travailleurs du secteur des assurances ou les patientes et patients frustrés est un gaspillage contre-productif. L’industrie de l’assurance maladie dans son ensemble ne devrait pas exister. Tous ceux et celles qui y travaillent devraient être réemployé·es dans un emploi socialement utile, comme celui de fournir des soins de santé. Un programme gouvernemental à but non lucratif devrait assurer tout le monde avec un minimum de complexité et à faible coût.

Faire tomber tout le système

Ce statu quo est défendu par le Parti démocrate et le Parti républicain. Barack En 2008, Obama a fait campagne pour la présidence sur la question de l’assurance maladie publique. Après sa victoire, les démocrates ont contrôlé les deux chambres du Congrès pendant les deux premières années de son mandat. Mais Obama a refusé de mettre en œuvre le système de santé à payeur unique qu’il avait promis. Cela aurait décimé l’industrie de l’assurance qui finance les campagnes politiques des deux côtés de l’échiquier politique. Ce qui a été adopté à la place, c’est une maigre réforme connue sous le nom d’Obamacare. Lorsque Trump a ensuite menacé d’abroger l’Obamacare, les travailleuses et les travailleurs ont envahi les assemblées publiques à travers le pays pour exiger que la loi soit maintenue. Aucun des deux partis ne sera jamais prêt à s’attaquer aux profits des grandes compagnies d’assurance.

En raison de ce cercle vicieux de corruption et d’escroquerie, les États-Unis dépensent bien plus que n’importe quel autre pays pour les soins de santé, tout en obtenant des résultats bien pires que ceux des autres pays riches. En étouffant toute véritable alternative de gauche et en prétendant que tout va bien, les deux partis politiques de l’establishment sont tout aussi responsables de cette situation que les compagnies d’assurance maladie pour lesquelles ils travaillent.

Cet assassinat reflète la colère justifiée de millions de travailleuses et de travailleurs. Mais il reflète aussi la désorganisation généralisée et le pessimisme quant à la capacité des mouvements de masse à obtenir des changements. Les assassinats ne peuvent pas résoudre nos problèmes. Ils donnent à l’État capitaliste la justification d’accroître la surveillance et la répression. Le capitalisme peut toujours remplacer ses serviteurs. La violence politique individuelle encourage davantage les gens à attendre que quelqu’un d’autre vienne les sauver qu’elle ne les encourage à jouer un rôle actif dans la lutte collective.

Lorsque Bernie Sanders était candidat à la présidence, il a appelé à une assurance maladie universelle sous la bannière du Medicare For All. Cela a mobilisé des millions de personnes pour faire campagne en sa faveur. Cela a montré combien de personnes passeraient à l’action si elles voyaient une alternative politique viable. Malheureusement, il a refusé de rompre avec le Parti démocrate qui l’a immédiatement poignardé dans le dos au service de ses donateurs, comme ceux de l’industrie de l’assurance maladie. Et cela, même si la mise au rencard de Sanders a entraîné la défaite du Parti démocrate face à Donald Trump en 2016. En l’absence d’une campagne de masse pour une assurance maladie universelle, il n’est pas surprenant que certaines personnes se tournent vers des solutions désespérées comme la violence individuelle.

Nous avons besoin d’actions de masse et d’organisation collective, mais sur une base beaucoup plus radicale que les campagnes du Parti démocrate de Bernie Sanders. Pour arrêter tous les PDG avides, nous devons mettre fin au capitalisme. Dès maintenant, nous avons besoin d’un parti audacieux de la classe ouvrière, indépendant et opposé à tous les partis capitalistes. Un parti qui utilise les grèves et les actions de masse pour remporter des victoires comme la couverture universelle gratuite des soins de santé. Ce sont ces méthodes qui ont éradiqué les industries parasitaires et même renversé des empires corrompus dans le passé.

Un tel parti pourrait recruter des milliers voire des millions de jeunes en colère et les gagner à une approche plus efficace et moins autodestructrice que les assassinats. Nous nous devons à nous-mêmes et à nos collègues de construire un mouvement socialiste digne du désir ardent de changement ressenti par les jeunes et la classe ouvrière à travers l’Amérique.


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