Donald Trump entouré par les services secrets lors d'un rassemblement à Butler en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. Photo: Evan Vucci/AP

Tenter d’assassiner Trump aide la droite

Donald Trump entouré par les services secrets lors d'un rassemblement à Butler en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. Photo: Evan Vucci/AP

La tentative d’assassinat de Donald Trump, à laquelle ont assisté des milliers de personnes lors d’un rassemblement, a été extrêmement choquante. Mais pas nécessairement surprenante. 

Pour les millions de personnes qui s’opposent profondément aux politiques de plus en plus à droite de Trump, le désespoir grandit à l’approche du 5 novembre. C’est d’autant plus vrai que l’establishment démocrate enfonce la candidature catastrophique de Biden au fond de la gorge de l’électorat. Le Parti démocrate refuse maintenant de prendre des mesures décisives pour le remplacer1, même après son échec lamentable lors du débat du mois dernier.

Ces dernières semaines, les médias sociaux ont été envahis de messages mettant en garde contre le Projet 2025, un livre de droite rédigé notamment par plusieurs collaborateurs de Trump. Il détaille les plans d’une prise de pouvoir présidentielle autoritaire et d’une attaque massive contre les syndicats, les personnes opprimées et la gauche. Trump 2.0 sera plus organisé, plus à droite et plus dangereux pour les personnes opprimés, les travailleuses et les travailleurs que la première présidence Trump.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les médias n’ont pas encore révélé les motivations du tireur qui a tenté de tuer Donald Trump lors d’un rassemblement à l’extérieur de Pittsburgh. Un jeune homme utilisant une arme à feu pour exprimer son angoisse ou sa rage n’est, tragiquement, pas nouveau dans ce pays qui est inondé d’armes à feu, d’angoisse et de rage. Ce qui est nouveau, ou du moins nouveau au cours des dernières décennies, c’est la violence politique à l’encontre d’un candidat à la présidence. Cela nous rappelle la réaction de Malcolm X à l’assassinat de John F. Kennedy quant à l’effet boomerang de ses politiques: « Les méfaits passés d’une personne reviennent l’atteindre négativement »2. La calamité que représente l’élection présidentielle de 2024 reflète la profonde crise politique et sociale du capitalisme américain.

Quelle que soit la motivation spécifique du tireur, le terrorisme individuel est contre-productif et doit être totalement combattu par les travailleurs, les travailleuses et les jeunes de gauche. Il ne changera pas le cours politique de la droite. Il justifiera le renforcement de la répression et sèmera la confusion dans de larges couches de la population au lieu de les mobiliser.

Ce remake de la course présidentielle opposant l’extrême droite à la classe capitaliste libérale et à leurs porte-drapeaux gériatriques respectifs ressemblait jusqu’ici à une plaisanterie de très mauvais goût. Mais elle pourrait maintenant se transformer en cauchemar. Trump, toujours en quête de spectacle même lorsqu’il vient d’être touché par une balle d’AR-15, sera considéré comme un héros par l’aile droite. Et encore plus qu’avant, grâce à son poing provocateur brandi lorsqu’il a été évacué précipitamment de la scène, le visage ensanglanté. Il est difficile d’imaginer un contraste plus frappant qu’avec un Biden confus et ayant perdu ses moyens. Trump, qui bénéficie d’une attention positive alors que Biden a mis sa campagne en pause, est complètement aux commandes à l’approche des élections de novembre.

Le noyau dur de la base de Trump, déjà immergé dans de fausses théories du complot, sera encore plus excité contre la «gauche radicale». Les groupes d’extrême droite connus pour leur violence, comme les Proud Boys, ont été temporairement repoussés après que l’État les ait poursuivis en justice à la suite de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2020. Mais ils sont apparus lors des récents rassemblements de Trump. Il existe un risque réel que l’extrême droite organisée et les groupes fascistes soient galvanisés par cette attaque contre Trump, à la fois dans les urnes et potentiellement dans les rues. La droite au Congrès utilisera la fusillade pour justifier l’adoption de mesures répressives à l’encontre des protestataires de gauche et des syndicats. La polarisation politique, qui est déjà une caractéristique majeure de la société, va encore s’accentuer dans un contexte de tensions accrues.

Ce qui fonctionne ou non dans la lutte contre la droite

Il est important de faire le point sur les tactiques qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas marché pour repousser la droite et l’extrême droite, ici et à l’étranger, à la fois lorsqu’elles sont au pouvoir et lorsqu’elles se mobilisent dans les rues. L’aile libérale de la classe capitaliste s’en est prise à Trump avec le Russiagate, l’affaire des pots-de-vin et plusieurs autres affaires judiciaires en cours depuis le 6 janvier 2020. Mais non seulement aucune de ces tactiques n’a eu l’impact souhaité par les libéraux, mais elles n’ont abouti qu’à une augmentation des dons de la part de la base de Trump. Avec la récente décision de la Cour suprême selon laquelle les présidents bénéficient d’une immunité présumée pour tout acte officiel, il n’est pas évident de savoir jusqu’où peuvent aller les procès intentés contre lui. Les démocrates et les partis similaires au niveau international ne peuvent pas arrêter Trump et l’extrême droite. Au contraire, leurs politiques ouvrent la voie à la réaction.

Ce qui a permis de repousser l’agenda de Trump au cours de son premier mandat, c’est l’action de masse dans les rues et le refus de travailler des travailleurs et des travailleuses de secteurs clés. Après l’entrée en vigueur de la loi interdisant l’entrée au pays de personnes musulmanes (imposée par Trump une semaine seulement après le début de son mandat), des manifestantes et des manifestants se sont précipités dans les aéroports du pays. À l’aéroport JFK de New York, les chauffeurs et chauffeuses de taxis ont organisé un arrêt de travail. Avant la fin de la nuit, un juge de Brooklyn a suspendu l’ordre présidentiel, et l’administration Trump a été contrainte de revenir sur son interdiction des détenteurs de cartes vertes originaires de pays musulmans.

Dans un épisode qui a montré le pouvoir potentiel de la classe ouvrière, l’arrêt des activités  gouvernementales en 2018-19 par le gouvernement Trump, la plus longue de l’histoire, a pris fin après que la dirigeante du syndicat des agents et agentes de bord, Sara Nelson, a brandi le spectre d’une grève générale. Quand les agents et agentes de l’Administration de la Sécurité des Transports (TSA) ainsi que les contrôleuses et contrôleurs aériens ont arrêté le travail en organisant leur absence (sick-out), cette menace a totalement bouleversé, en quelques minutes, les horaires et les profits des compagnies aériennes commerciales.

Ce sont les travailleurs, les travailleuses et les jeunes qui, en menant une action collective par le biais de manifestations et de grèves, ont le plus réussi à faire reculer le programme de Trump au cours de son premier mandat. Ce ne sont ni le parti démocrate au Congrès ni les actes individuels de violence ou de terreur. Un autre exemple a été le rassemblement de masse de 40 000 personnes à Boston en 2017 pour empêcher l’extrême droite de défiler. C’était suite à l’horrible nuit de Charlottesville, en Virginie, où la manifestante Heather Heyer a été brutalement tuée par un suprémaciste blanc. À la suite de la tentative d’assassinat de Trump, si l’extrême droite organise des rassemblements et des marches et que des sections de la gauche ne parviennent qu’à organiser de petites contre-manifestations, le risque de nouvelles violences sera réel. Comme toutes les expériences historiques l’ont montré, partout dans le monde, c’est une action de masse qui est nécessaire.

Comme un second mandat de Trump est désormais probable, il faut créer de nouvelles organisations larges de lutte – indépendantes du Parti démocrate – pour combattre la droite. Les syndicats doivent se préparer à se mobiliser contre les attaques de l’extrême droite qui vont s’abattre sur les personnes migrantes, LGBTQ+, les activistes de gauche et les syndicats eux-mêmes.

Alternative Socialiste est totalement opposée aux tactiques de terreur individuelle comme la tentative d’assassinat d’un milliardaire exploiteur et bigot comme Donald Trump. Non pas pour des raisons morales, mais parce que c’est une impasse politique et stratégique. Les travailleurs, les travailleuses et les jeunes se sont déjà battus avec succès contre Trump.

Maintenant nous devons le faire avec un niveau plus élevé d’organisation et de coordination. L’extrême droite organisée est dépassée par les millions de personnes qui s’opposent aux attaques contre les personnes migrantes, opprimées et les syndicats. Comme l’a écrit Léon Trotsky, le leader de la Révolution russe, en 1911, le terrorisme individuel «déprécie le rôle des masses», qui sont la force réelle pour arrêter la droite. Le rôle des masses sera le facteur clé qui déterminera si une deuxième présidence Trump sera en mesure de faire passer son programme de droite vicieux ou s’il sera bloqué.

Pas de temps à perdre

La tentative d’assassinat aura tendance à enhardir Trump et la droite et à affaiblir l’establishment démocrate. Ce dernier peut difficilement continuer à condamner l’évolution de Trump vers l’autoritarisme en même temps qu’il fait des déclarations en faveur de Trump. À présent, les directions syndicales et les autres dirigeants et dirigeantes progressistes devraient entamer une riposte contre la droite en organisant des rassemblements contre Trump et en faveur d’une véritable alternative de gauche aux Démocrates.

Le projet de Bernie Sanders et d’autres démocrates de gauche de réformer le Parti démocrate a été un échec cuisant. Il s’est maintenant transformé en son contraire, alors que Sanders s’obstine à soutenir Biden malgré tous les faits qui indiquaient la défaite probable de Biden avant même la tentative d’assassinat. L’administration Biden, avec son cortège de promesses non tenues et ses tentatives pathétiques de convaincre un électorat surmené, sous-payé et endetté que l’économie va bien et que «l’Amérique est déjà grande» (America is already great), a été le plus grand bâtisseur du trumpisme et de la droite.

La classe ouvrière a besoin de son propre parti politique, indépendant des partis Démocrates et Républicains dominés par les capitalistes. Un nouveau parti qui lutte pour un programme pro-ouvrier et anti-guerre, qui s’attaque également à l’oppression anti-immigration, raciste, sexiste et anti-LGBTQ+. Un pas important dans cette direction serait que des dirigeantes et les dirigeants syndicaux progressistes comme Shawn Fain et Sara Nelson rompent avec le Parti démocrate et appellent le reste du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux à les rejoindre. Un premier pas concret serait que Fain et Nelson convoquent une conférence réunissant les syndicats et les organisations progressistes pour discuter de la construction d’une alliance pour combattre la droite et prendre des mesures pour former un nouveau parti politique.

Nous appelons à un vote de protestation en novembre pour la candidature présidentielle indépendante de gauche la plus forte, Jill Stein ou Cornel West. Mais malheureusement, aucune d’entre elles n’est claire sur la nécessité d’un nouveau parti de masse. Néanmoins, les travailleurs, les travailleuses et les jeunes ne devraient voter pour aucun des deux partis du capitalisme. Ils sont la source de toute exploitation et oppression, et le terreau fertile pour la croissance de l’extrême droite.

Les assassinats n’offrent aucun moyen d’avancer. Nous avons besoin d’une révolution pour démanteler le système malade du capitalisme, nous débarrasser des serviteurs capitalistes comme Trump et Biden et transformer la société dans une optique socialiste.


Notes
1. Article écrit le 15 juillet avant que Biden ne soit incité à quitter pour être remplacé par Kamala Harris comme nouvelle candidate démocrate
2. Citation exacte de Malcolm X :  » The chickens come home to roost ».


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