Jean-Luc Mélenchon à la tribune du NFP
L’extrême droite n’a pas obtenu la majorité lors des élections législatives françaises qui se sont déroulées sur les deux fins de semaine du 30 juin et 7 juillet. Le plus grand groupe au parlement est désormais l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire.
Lors des élections européennes du début juin, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a eu une forte poussée, effrayant le président Macron et déclenchant son annonce soudaine d’élections générales. Les partis de gauche, dont La France Insoumise (LFI), les partis Socialiste et Communiste ainsi que les Verts, se sont unis derrière un Nouveau Front populaire (NFP). Ils ont convenu d’un programme commun et de ne pas se dresser les uns contre les autres afin de s’opposer aux politiques anti-ouvrières de Macron et d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir.
Macron, le grand perdant
Le grand perdant de ces élections est Macron lui-même. Comme Rishi Sunak en Grande-Bretagne, Macron va regretter d’avoir convoqué des élections d’été! Son parti, Renaissance, censé être un parti de centre, est en réalité un mouvement de droite qui a été écrasé par l’extrême droite et la gauche. Il a perdu un tiers de ses sièges. Le Premier ministre de Macron, Gabriel Attal, a démissionné.
La société française est en crise. Il y a cinq ans, le pays a été secoué par les grèves et les barrages routiers du mouvement des Gilets jaunes qui réclamait une baisse des taxes sur les carburants, une augmentation du salaire minimum et un impôt sur la fortune. Il y a deux ans, la tentative de Macron de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans a donné lieu à 18 mois de grèves et de manifestations avant d’être finalement promulguée, mais uniquement par décret présidentiel. Les travailleuses et les travailleurs des secteurs privé et public, les propriétaires de petites entreprises ainsi que les agricultrices et les agriculteurs ont tous été durement touché·es par la flambée du coût de la vie. Ces personnes ont été choquées par l’arrogance et la suffisance de Macron et de ses copains bien nantis.
Le RN a cherché à capitaliser sur ces questions et a tenté de rejeter la responsabilité sur les personnes immigrées et musulmanes. Mais beaucoup sont d’origine nord-africaine et vivent en France depuis des générations. Elles subissent les pires effets des politiques de Macron. En réponse, Macron a, comme on pouvait s’y attendre, viré à droite.
Le coût de la vie
Mais le principal moteur de la montée en puissance du RN est le coût de la vie. Il est ressenti de la manière la plus aiguë dans les vastes étendues de la campagne française où les villages et les petites villes sont en déclin, où les transports publics sont désastreux ou inexistants et où le prix de l’essence est paralysant. Le discours raciste sur les boucs émissaires du RN n’a jamais apporté de solutions à la crise sociale en France. Mais son caractère anti-ouvrier est devenu plus clair depuis le déclenchement des élections. Dans un effort pour courtiser les grandes entreprises, le RN a commencé à tergiverser sur leur engagement à renverser la détestée réforme des retraites de Macron. Le chef parlementaire du RN, Jordan Bardella, s’est contenté de déclarer «nous verrons».
La LFI de Jean-Luc Mélenchon est le groupe le plus dynamique du NFP. Il a réussi à faire pression au sein de l’alliance pour un programme commun qui n’est pas si différent de celui du Parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn. Il comprend un salaire minimum plus élevé, un âge de la retraite plus précoce et un impôt sur la fortune. Cela leur a valu la haine des capitalistes français, qui ont mené une campagne venimeuse, notamment par l’intermédiaire des organes d’information appartenant au milliardaire et magnat des médias Bolloré. Ils ont lancé des allégations d’antisémitisme à l’emporte-pièce et totalement injustifiées.
Alors que le RN n’est pas le choix traditionnel ou préféré de la plupart de l’establishment capitaliste français, de larges pans du grand capital craignaient Mélenchon bien plus que Le Pen. Le Financial Times a rapporté le 18 juin que : «Les patrons des grandes entreprises françaises s’empressent de nouer des contacts avec l’extrême droite de Marine Le Pen, après avoir reculé devant le programme radical d’impôts et de dépenses de l’alliance de gauche rivale lors des élections législatives anticipées dans le pays».
Avertissement : la gauche doit rester ferme face à l’establishment capitaliste
Le moribond Parti socialiste, l’équivalent pro-capitaliste des partis «sociaux-démocrates» et travaillistes à travers l’Europe, a été entraîné vers la gauche par la montée de LFI et le départ de certains de ses éléments les plus à droite qui ont rejoint le bloc gouvernemental de Macron. Même l’ancien président français, François Hollande, a accepté de se présenter pour le NFP, bien que son bilan anti-ouvrier durant ses années de pouvoir n’ait guère été un atout électoral. LFI a eu raison de tenter de galvaniser la gauche contre la menace de l’extrême droite. Mais les travailleuses, travailleurs et les jeunes doivent s’organiser et se mobiliser pour s’assurer qu’aucune concession n’est faite aux forces pro-establishment qui chercheront à domestiquer le NFP pour le mettre au service de la «gouvernabilité» capitaliste du nouveau parlement français.
Ce qui se passe maintenant est très incertain. Aucune force n’est en mesure de former une majorité gouvernementale claire. Jean-Luc Mélenchon de LFI a exigé à juste titre que Macron (qui, en vertu du système électoral français «présidentiel», a le pouvoir de nommer le Premier ministre) nomme un Premier ministre NFP pour mettre en œuvre son programme. Mais cela est bien sûr hautement improbable. La constitution française interdit également toute nouvelle élection dans les 12 mois. Cela entraîne une immense pression de la part de l’establishment capitaliste pour la formation d’une majorité parlementaire. Macron pourrait chercher à rassembler une coalition capitaliste passant au-dessus de la tête de l’électorat français, en faisant appel aux socialistes et aux Verts, par exemple, pour qu’ils se séparent de Mélenchon et se joignent à lui dans la constitution d’une majorité.
Un tel gouvernement ne ferait que voir l’extrême droite continuer à gagner des voix et des sièges en vue des élections présidentielles de 2027. Elle ne peut pas être vaincue par des alliances électorales et des manœuvres parlementaires. Elle ne peut être vaincue que par un mouvement de masse rangé derrière un programme qui se dresse clairement contre le système capitaliste en crise et pour une alternative socialiste. C’est en construisant un tel mouvement que LFI pourra s’appuyer sur cette étonnante victoire électorale et se préparer à dépouiller une fois pour toute l’establishment capitaliste de son pouvoir.
LFI est la force motrice de la gauche. Mais, comme certains partis capitalistes, elle est dirigée par une figure de proue, Mélenchon, et doit encore adopter une structure qui permettrait une pleine participation et imputabilité envers les membres.
Pour construire le mouvement dont la classe ouvrière française a besoin dans cette situation, LFI devrait lancer un parti de lutte de masse doté d’un programme de changement socialiste intransigeant, capable d’unir dans l’action toutes les personnes qui travaillent, celles dans l’agriculture, les personnes migrantes et les jeunes.