Des navires de guerre russes à Cuba

La frégate Amiral Gorshkov de la marine russe arrive au port de La Havane, à Cuba, le 24 juin 2019. Photo: Ramon Espinosa

Une flotte de navires de guerre russes a accosté à La Havane, à Cuba, le 12 juin dernier. Elle a été accueillie par l’armée américaine et canadienne, une manœuvre inédite qui représente une nouvelle escalade de tensions dans le contexte de la Nouvelle guerre froide.

En signe de «relations amicales» entre la nation des Caraïbes et la Fédération de Russie, quatre navires russes ont visité l’île durant cinq jours. Mais ces navires ont aussi été accueillis par des troupes canadiennes et américaines déployées pour suivre leurs mouvements. Les États-Unis ont même déployé un sous-marin à propulsion nucléaire à leur base navale de Guantánamo, à Cuba, en guise de démonstration de force. Pendant ce temps, à La Havane, le détachement russe a été accueilli par une salve de 21 coups de canon, une cérémonievisant à lancer leur semaine d’exercices militaires dans les Caraïbes. 

De telles visites ne sont pas rares. Cet exercice – et la réponse américaine qui a suivi – sont d’une nature qualitativement différente à d’habitude. Ils représentent une escalade dans la Nouvelle guerre froide qui oppose Washington et l’OTAN à Moscou et Pékin. Cette escalade ne sort pas de nulle part. Elle fait suite à des années d’ambitions impérialistes croissantes et de polarisation entre les superpuissances mondiales. Des exercices militaires du même genre sont aussi organisés par Pékin dans la mer de Chine méridionale.

Cuba à l’ère du désordre

Les réalités du désordre économique mondial affectent aussi Cuba. Selon le Granma, le journal officiel du Parti communiste de Cuba, le pays a besoin d’une réorganisation économique pour s’adapter à la situation mondiale. Il est incontestable que l’embargo américain sur ce pays contribue démesurément aux difficultés économiques et à l’isolement de Cuba. Les tensions inter-impérialistes accrues, les guerres commerciales et le découplage économique ont également eu un impact économique indéniable sur Cuba et sur le soutien qu’elle reçoit de l’étranger.

Dans un effort pour améliorer sa situation économique, Cuba a longtemps suivi la coalition des pays du BRICS, dirigée par la Chine. Le BRICS se présente comme le contrepoids économique et géopolitique des pays du G7. Ces derniers mois, Cuba a non seulement réaffirmé ses liens avec les BRICS, mais s’est également vanté du renforcement des liens économiques avec l’Iran et la Biélorussie, deux alliés des impérialismes chinois et russe.

La pression opportuniste en faveur d’un renforcement des relations entre Cuba et les opposants à l’impérialisme occidental (principalement américain) n’a fait que se renforcer au fil des ans. Depuis la renaissance du capitalisme en Chine et la dissolution de l’Union soviétique, l’État ouvrier cubain, déformé par sa bureaucratie mais tenace, s’est retrouvé de plus en plus isolé économiquement. Cependant, les tensions croissantes entre les blocs inter-impérialistes ont renouvelé l’intérêt de la Chine et de la Russie pour l’île, située à seulement 144 km de la côte américaine.

En plus de permettre à la Russie d’amarrer des navires de guerre pour narguer les États-Unis, le Parti communiste de Cuba a eu le plaisir de côtoyer Vladimir Poutine. Il décrit Cuba comme un «partenaire clé de la Russie en Amérique latine». En ce qui concerne la Chine, le pays a salué les récentes visites d’État et se vante du réchauffement des relations entre les deux pays. Le Granma décrit explicitement les deux nations asiatiques comme des alliées dans la lutte contre l’hégémonie occidentale.

Pour comprendre le positionnement de Cuba, il est important de connaître l’origine et le processus de formation des deux grands blocs économiques actuels. 

D’une guerre froide à une autre

Durant les décennies qui ont suivi l’effondrement de l’URSS en 1991, l’économie mondiale a connu une évolution en dents de scie. Les capitalistes du monde entier se sont emparés des marchés nouvellement accessibles dans l’ex-URSS et dans le bloc de l’Est. Ils ont fait des fortunes insondables en sacrifiant les services publics et en privatisant les entreprises publiques.

L’exploitation de ces nouveaux marchés a entraîné une certaine stabilité dans les pays impérialistes du bloc de l’Ouest. Mais comme le capitalisme doit sans cesse dégager de la valeur et du profit, le «répit économique» réalisé aux dépens des anciens pays soviétiques a été de courte durée.

Les travailleuses et les travailleurs de Grande-Bretagne, de France, des États-Unis, du Canada et du Québec ont à leur tour commencé à ressentir la pression. Les gouvernements capitalistes ont importé chez eux les nouvelles politiques d’austérité, de privatisation et de libéralisation afin d’accélérer le transfert de richesses vers le haut. En l’absence d’une classe ouvrière organisée et prête à se battre pour mettre en échec ces politiques, un néolibéralisme agressif a fait exploser les inégalités économiques.

La crise financière de 2008 a ébranlé le système capitaliste mondial et a poussé les plus grandes économies du monde au bord de l’effondrement. La Grande Récession et les tentatives de la classe dirigeante de «réparer» leur économie au détriment des travailleuses et des travailleurs ont alimenté la polarisation politique, les sentiments nationalistes et la résurgence de l’extrême droite. 

Pendant la récession mondiale, le capitalisme chinois s’est retrouvé en deuxième position comme principal challenger de l’impérialisme américain en raison de l’intervention de son État dans l’économie.

Mais la pandémie de COVID-19 a mis un frein à l’essor rapide de la Chine. La nouvelle période de ralentissement économique ne peut plus être sauvée par le rôle stabilisateur de la Chine. Couplée aux autres crises capitalistes, c’est l’inauguration de l’Âge du désordre. En désespoir de cause, les gouvernements capitalistes font intervenir leur État d’une manière sans précédent dans l’économie afin d’empêcher un effondrement économique total. Cette nouvelle situation met en évidence la capacité des gouvernements à agir quand ils le souhaitent, tout en exposant l’incompétence meurtrière de la classe capitaliste face à une crise sanitaire, climatique et économique mondiale.

L’économie post-pandémique se retrouve confrontée à la rupture des chaînes d’approvisionnement, aux guerres commerciales et à la relocalisation des industries alors que les États-Unis et la Chine dissocient leurs économies. Pendant ce temps, les capitalistes dépensent des sommes d’argent sans précédent pour la préparation et la défense militaire, alors que les guerres impérialistes en Ukraine et à Gaza continuent de faire des ravages et menacent de s’étendre.

Contre tous les impérialismes!

Les dirigeants chinois et russes se positionnent de manière chauvine comme les gardiens du monde contre l’impérialisme américain et épousent une rhétorique creuse et pseudo-révolutionnaire. En réalité, ils ne représentent que l’envers de la même médaille impérialiste

Les travailleuses et les travailleurs ne peuvent avoir confiance en aucune puissance impérialiste. Peu importe le bloc auquel elles appartiennent. Pour les impérialistes, les intérêts de la classe capitaliste passeront toujours en premier (et toujours aux dépens de la classe ouvrière). À l’ère du désordre, il est essentiel que les travailleuses et les travailleurs mènent la lutte pour défendre leurs propres intérêts de classe de manière indépendante afin de mettre fin à l’embargo, aux guerres et commencer la construction d’une véritable économie ouvrière pour un monde socialiste!

  • Contre tous les camps impérialistes! Les impérialismes russe et chinois ne sont pas des contrepoids progressistes à l’impérialisme occidental!

  • Contre l’escalade guerrière! Les travailleuses et les travailleurs doivent agir collectivement pour empêcher toute escalade de la guerre. Pour des grèves, des piquets et des occupations d’industries militaires et de transport contre les capitalistes qui nous poussent au bord du désastre!
  • Pour le contrôle ouvrier démocratique des industries militaires et de transport! De la même manière que les travailleuses et les travailleurs peuvent mettre fin au massacre impérialiste grâce à l’action collective, nous pouvons également contrôler les industries qui permettent les massacres et les organiser pour le bénéfice de la classe ouvrière, pas pour la guerre!
  • Contre l’embargo! Le blocus impérialiste de Cuba doit prendre fin! La lutte des travailleuses et des travailleurs de Cuba nécessite l’organisation et la solidarité de toutes celles et ceux du monde entier! La revitalisation de la démocratie ouvrière à Cuba ne peut réussir sans une lutte mondiale!
  • Pour la défense des acquis de la révolution! Pour une véritable démocratie ouvrière de la base, pour le remplacement du pouvoir de la bureaucratie!

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