Usine Northvolt à 7G$ : à qui ça profite?

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, s’en prend désormais à toute personne s’opposant au projet de construction de la méga usine de batteries de Northvolt, à McMasterville. Même le premier ministre François Legault y est allé d’une mise en scène méprisante – pomme, orange et banane à la main – pour rabaisser les opposants et opposantes. Pourquoi se portent-ils tant à la défense de ce projet et de cette compagnie?

Le 28 septembre dernier, les premiers ministres canadien et québécois ont lancé le plus gros projet privé de l’histoire du Québec. Les deux paliers de gouvernement ont allongé 7 milliards $ pour la construction d’une méga usine de fabrication et de recyclage de batteries lithium-ion par la compagnie suédoise Northvolt, à cheval entre McMasterville et Saint-Basile-le-Grand.

L’annonce s’est faite au moment où le gouvernement Legault maintenait son intransigeance dans les négociations qui l’opposaient aux 600 000 travailleuses et travailleurs du secteur public. Mais ce n’est pas tout. Le projet Northvolt bénéficie aussi de passe-droits légaux.

Au diable l’environnement, le profit avant tout

Le projet de Northvolt a échappé à une évaluation, avec étude d’impact, du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Le gouvernement caquiste a modifié un règlement en février 2023 pour lui offrir ce privilège.

De plus, aucune période d’information ou de consultation publique n’a précédé l’annonce du feu vert donné par Québec. Ça part mal pour la soi-disant «acceptation sociale» sur laquelle les partis et les différents groupes de pression tentent de faire reposer l’appui au projet. Selon un sondage Pallas Data, 68% des Québécois et Québécoises voudraient un BAPE pour le projet de Northvolt. Toutefois, un peu plus de la majorité des personnes répondantes sont en faveur du projet.

En 2023, une biologiste du gouvernement avait déjà déterminé que la grande biodiversité des milieux humides serait détruite si la construction d’un autre grand projet projet (de domiciles, par la compagnie MC2) allait de l’avant sur le même site. Cette analyse a pris presque trois ans à être réalisée.

Mais les justifications scientifiques ont soudainement pris le bord avec Northvolt. En 2024, la même biologiste a réalisé un rapport pour donner son aval au projet de Northvolt, une construction trois fois plus grande en superficie et pouvant causer deux fois plus de dommages que le projet domiciliaire de MC2. Cette fois, elle a pris seulement quatre mois pour rendre sa décision.

Pendant ce temps, le propriétaire de la compagnie MC2 est mort de rire. Il a acheté le terrain pour 20 millions $ et l’a revendu 240 millions $ à Northvolt. Il ne faut pas s’étonner de voir le gouvernement tasser du revers de la main la pertinence du BAPE dans ces circonstances. 

Impact environnemental et pollution

Dans tous les cas, le BAPE n’a aucun pouvoir réel, si ce n’est que de déterminer si un projet économique est vert pâle, vert foncé ou brun. La compagnie s’est engagée à planter des arbres afin de «diminuer» son impact environnemental. Mais planter des arbres pour remplacer des milieux humides, c’est comme se faire ajouter un troisième poumon pour remplacer les deux reins qu’on vient de se faire arracher: ça ne prolongera pas la vie. Il serait pertinent de sortir une orange, une pomme et une banane pour l’expliquer au gouvernement québécois. 

La production de batteries en elle-même génère de la pollution. On peut mettre de l’avant que les batteries produites sont recyclables à plus de 90%. Dans le futur, ce taux pourrait passer à 100%. Mais il reste quand même un certain taux de matière résiduelle toxique qui se retrouvent dans les sites d’enfouissement. L’extraction du lithium, composante importante de la batterie, est pour sa part très polluante. Si la batterie ne semble pas tant polluer dans sa fabrication et son recyclage, l’extraction de ses matières premières demeure un enjeu majeur pour l’environnement. 

Le Québec est à peine capable de recycler 10% de son plastique. Pensez-vous vraiment que les gouvernements capitalistes investiront d’eux-mêmes les sommes requises pour traiter les déchets toxiques de la filière batterie?

Northvolt, pas si verte

Si vous pensez que Northvolt est l’apôtre d’un capitalisme vert des plus prometteurs pour l’environnement, détrompez-vous! Loin de nous en Suède, là où ses usines sont déjà implantées, Northvolt se balance bien des règles environnementales. On a appris en février 2024 qu’une plainte officielle a été déposée à la police suédoise contre les «activités environnementales non autorisées» des laboratoires de Västeras dans le comté de Västmanland. Northvolt a même reconnu avoir déversé une quantité de lithium non réglementaire dans les eaux usées. La multinationale n’est ni blanche comme neige, ni verte comme l’herbe.

Dans un monde capitaliste, l’appât du gain ne disparaît pas simplement avec les «vieilles technologies» comme la voiture à essence. Pour une compagnie privée de production et de recyclage de batteries, l’objectif est d’augmenter sans cesse cette production. Il faut donc qu’il y ait toujours plus de véhicules électriques sur les routes et davantage de minerai extrait et transformé. 

La présence de Northvolt implique donc un approvisionnement accru en matières premières nécessaires à la construction de batteries. Voilà pourquoi Québec donne sa bénédiction à différents projets miniers, faisant miroiter de grandes retombées économiques tout en minimisant les risques environnementaux. C’est le cas de projets comme celui de Nouveau Monde Graphite qui exploite une mine de graphite à ciel ouvert dans la ville de St-Michel-des-Saints

C’est toujours les mêmes éloges des dirigeants politiques: plus d’emplois, plus de gens qui vont venir vivre dans la ville et donc plus de revenus pour la municipalité. Cependant, la méthode d’enfouissement des résidus miniers que l’extraction du graphite génère n’a pas été complètement analysée par le BAPE. Mais cela ne fera pas ralentir ce projet payant souhaité par la CAQ. Payant pour qui au juste?

Emplois et retombées économiques : un écran de fumée

La promesse de 3 000 emplois bien rémunérés que Northvolt met de l’avant fait rêver. Pourtant, les médias n’arrêtent pas de nous rabattre les oreilles avec la «pénurie de main-d’oeuvre», surtout depuis la pandémie de COVID-19. Comment la multinationale réussira-t-elle à combler ses 3 000 postes?

À l’usine de Skellefteå, dans le nord de la Suède, la pénurie d’employé⋅es expliquerait un retard de production dans cette ville qui compte plus de 32 000 personnes. Ce retard a déjà fait perdre plusieurs centaines de millions de dollars à la compagnie. L’usine prévue en Montérégie aura une capacité de production quatre fois plus grande que celle de Skellefteå. Ensemble, les villes de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville comptent presque 23 000 personnes.

La «pénurie de main-d’oeuvre» est d’abord due à un manque d’emplois décents. Les travailleurs et travailleuses sont là, mais ne veulent plus travailler à des salaires de misère. C’est pour cette raison que le gouvernement «ouvre les valves» d’immigration temporaire corvéable à souhait pour combler les postes. Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas pu s’empêcher de lancer une réflexion hypocrite: «Espérons qu’ils vont apprendre le français et qu’ils vont vouloir demeurer au Québec».

Les problèmes de logement et de transport sont déjà sur la table. Des enjeux pour lesquels Northvolt ne déboursera pas un sous. Mais le gouvernement investit rapidement  pour satisfaire les besoins d’infrastructures publiques des multinationales (égouts, autoroutes). Ce n’est pas le cas pour les besoins de la population en termes de services publics (école, santé, francisation). 

Dans le scénario où la multinationale offrira des emplois avec de bonnes conditions, le problème de «pénurie de main-d’oeuvre» retombera sur les épaules des petites et moyennes entreprises de la région. Comme elles offrent de faibles salaires, elles risquent de voir leurs employé⋅es opter pour Northvolt et faire banqueroute. C’est un peu déshabiller Paul pour habiller Jean.

Droits territoriaux autochtones

Dans le dossier de la mine à ciel ouvert de St-Michel-des-Saints, 160 emplois sont promis pour la région. Les Atikamekws qui se trouvent sur le territoire exploité par la minière de graphite n’ont toujours pas convenu d’une entente sur une redevance convenable pour leur communauté. Ces personnes auront-elles la chance d’accéder à ces emplois? 

Le Canada est considéré comme un des paradis fiscaux miniers les plus accessibles de la planète. Les compagnies paient de ridicules redevances au Québec, même en comparaison avec les provinces canadiennes voisines. Le principal actionnaire privé de la minière Nouveau Monde Graphite, le groupe Pallinghurst, est associé à plusieurs entités enregistrées dans des paradis fiscaux.

De nombreuses villes du Québec ont fleuri du jour au lendemain à cause des minières. Elles sont tombées dans la misère quelques décennies plus tard après avoir été exploitées, polluées puis abandonnées par les multinationales.

La construction d’une méga usine de batteries en Montérégie ne profitera qu’à une chaîne de multinationales étrangères: de Northvolt aux minières en passant par les constructeurs automobiles américains et européens. Ce projet favorise aussi le pouvoir des élu⋅es qui en font la promotion grâce aux «retours d’ascenseur».

Le mirage de la voiture électrique

Avec les conflits au Moyen-Orient ou en Ukraine, il est de plus en plus stratégique pour les pays occidentaux de trouver des alternatives énergétiques aux sources de pétrole et de gaz naturel qu’ils ne contrôlent plus. Le «virage vert» des compagnies automobile vers les véhicules électriques n’est pas le résultat d’une prise de conscience écologique ou de pression de la population. Avoir des millions de véhicules électriques sur les routes ne changera rien aux dangers écologiques de l’étalement urbain ou au développement du réseau autoroutier réalisé aux dépens du transport en commun. 

Ces entreprises sont bassement intéressées à occuper un lucratif marché émergent. Et elles doivent le faire rapidement afin de concurrencer la production de batteries et de véhicules électriques chinois. Les gouvernements alliés des États-Unis, comme celui du Québec, sont prêts à toutes les courbettes et manigances pour attirer ces compagnies sur leur territoire.

Voilà pourquoi les caquistes et les libéraux fédéraux donnent, sans débats, des dizaines de milliards de dollars à des multinationales comme Northvolt, Stellantis, Volkswagen, Honda, Dow Chemicals ou BHP.

Or, les plans d’électrification du parc automobile demandent un apport d’électricité au-delà de la capacité actuelle. Hydro-Québec est déjà forcée de revoir ses prévisions de consommation d’électricité en raison de la popularité des véhicules électriques.

Le gouvernement Legault souhaite que 2 millions de véhicules électriques roulent sur les routes québécoises d’ici 2030. Pas surprenant que le nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, ait annoncé un gigantesque projet de centrales hydroélectriques et d’éoliennes pour ajouter jusqu’à 9000 mégawatts de puissance dans son réseau. Le tiers de cette puissance servira uniquement à charger les véhicules électriques anticipés.

De plus, le ministre Fitzgibbon veut légaliser la vente d’électricité entre compagnies privées, ce qui marquerait la fin du monopole de distribution d’Hydro-Québec. Comme à l’ère de Maurice Duplessis, ces projets livrent nos ressources et notre développement au plus offrant.

Toujours plus d’argent public… pour le privé

Tous les gouvernements confient notre développement économique au privé. C’est-à-dire qu’ils laissent les multinationales s’installer pour défendre leurs intérêts et leurs profits moyennant des promesses d’emplois ou de redevances. Si on veut renverser la situation, il faut mettre sous contrôle public et démocratique tous les secteurs stratégiques de la société, y compris le transport. Il faut les gérer selon les besoins des travailleurs, des travailleuses et de l’environnement.

Par exemple, Nova Bus, une filiale du Groupe Volvo, a reçu une subvention de 15 millions $ du fédéral en 2021 pour financer son virage électrique. Deux ans plus tard, Nova Bus a obtenu un contrat de 2,1 milliards $ pour construire les autobus électriques destinés aux 10 sociétés de transport collectif du Québec. En février dernier, Québec lui a donné 19,1 millions $ de plus pour l’aider à augmenter sa cadence de production. Ça n’a pas empêché la compagnie de mettre à la porte 125 employé⋅es.

Le gouvernement se vante d’être celui qui investit le plus dans le transport en commun. Mais ses investissements remplissent les poches de multinationales. Les sociétés de transport doivent elles-mêmes payer Nova Bus en plus d’assumer leurs déficits d’exploitation (c’est-à-dire nous refiler la facture). Mais la ministre des Transport et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, s’en lave les mains. Pour elle, chacun «doit gérer sa fougère et trouver ses propres solutions».

Rendu à un tel engloutissement d’argent dans les poches de Nova Bus, mieux vaut nationaliser l’entreprise afin de garantir une réelle pérennité des emplois et un contrôle rationnel de notre argent.

Un vrai modèle de société écologique et pour la classe ouvrière

Plutôt que d’offrir 7 milliards $ à Northvolt, cet argent pourrait servir à lancer un programme de modernisation et d’électrification des transports en commun publics pour les 10 prochaines années. Au lieu de la congestion des véhicules électriques, c’est un bon réseau de bus, de trains, de métros et de tramways nationalisés qui nous attendrait. 

Un tel programme fournira de bons emplois syndiqués à travers le Québec. Il causerait beaucoup moins de dommages à l’environnement que l’augmentation du nombre de voitures, quel que soit leur mode de propulsion. Il utiliserait moins d’espace. Il nécessiterait moins d’extraction de minerais, exigerait beaucoup moins de batteries, etc. Bref, c’est la seule véritable transition écologique qui soit sensée, pertinente et cohérente. 

Les voitures continueront à jouer un rôle dans les zones rurales ou pour les déplacements urbains spéciaux. Des services d’autopartage, de covoiturage ou de taxis intégrés aux réseaux de transport en commun pourraient répondre à ce besoin. La plupart des voitures passent leur temps garées, à ne rien faire, si ce n’est que gaspiller de l’espace.

Au lieu du système privé à but lucratif d’aujourd’hui, la société devrait disposer de services universels basés sur les besoins des gens. Ce ne sont pas seulement les matériaux utilisés par le capitalisme ou la pollution qu’il crée qui sont à l’origine des problèmes environnementaux. Ces problèmes sont causés par un système économique qui pousse à une production infinie pour un profit infini et un gaspillage infini.

Il est temps de construire une société fondée sur les intérêts des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse. Ces personnes sont les véritables créatrices des richesses, des biens et des services dont nous avons besoin. Il n’y a qu’une seule alternative qui peut assurer le développement de la vie et l’humanité sur l’ensemble de la planète, et c’est une alternative socialiste!


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