Fonctionnaires fédéraux en grève

Le mercredi 19 avril dernier, plus de 100 000 travailleuses et travailleurs ont commencé leur grève en organisant des piquets dans au moins 250 milieux de travail.

Le vendredi 7 avril, 35 000 travailleuses et travailleurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ont voté en faveur d’actions de grève en prévision des pourparlers de médiation qui doivent avoir lieu plus tard ce mois-ci. Le jeudi 13 avril, ces fonctionnaires fédéraux ont été rejoints par leurs 120 000 collègues de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Ces travailleuses et travailleurs sont connus sous le nom de groupe du Conseil du Trésor. Ces personnes administrent des programmes, font du travail de communication, des fonctions de bureau, du traitement de données et bien plus encore. La sous-composante de l’AFPC, le Syndicat des employés de l’Impôt (SEI), a déclaré dans un communiqué que les membres ont voté «massivement» pour la grève – tout comme le reste des unités de négociation – et seraient en position de grève légale à compter du 14 avril. Le syndicat réclame des augmentations de salaire, plus de flexibilité sur le travail à distance et une meilleure sécurité de l’emploi et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le syndicat demande une formation pour lutter contre la discrimination au travail, mais l’employeur refuse d’accepter.

Les membres du syndicat n’ont pas de convention collective depuis le 31 octobre 2021. La frustration s’est accrue à mesure que la partie patronale a fait traîner les négociations.

«La saison des impôts est arrivée. Faire la grève n’est jamais notre premier choix. Mais l’obtention d’un solide mandat de grève nous donne maintenant le levier dont nous avons besoin pour conclure un contrat juste et décent», a déclaré Marc Brière, président du SEI. Rien n’est certain dans ce monde sauf la mort et les impôts, disait Benjamin Franklin il y a 200 ans. La partie sur la mort reste assez vraie, mais cette année, plusieurs Canadiennes et Canadiens pourraient bénéficier d’une sorte de répit temporaire en matière d’impôts. Une grève pourrait potentiellement perturber la déclaration de revenus, dont la date limite est le 1er mai 2023.

Les employé·es de l’État fédéral, en particulier celles et ceux impliqués dans la perception des impôts, ne sont généralement pas tenus en haute estime. Ils n’égaleront probablement jamais les infirmières dans l’estime du public. Mais nous devrions nous demander où en seraient nos systèmes de santé et d’éducation s’il n’y avait pas les travailleuses et travailleurs qui collectent l’argent pour les financer. Au début de la pandémie, les gens étaient dans les rues et sur leurs balcons en train de frapper des casseroles et des poêles pour rendre hommage au personnel de santé, et à juste titre. En même temps, il y avait des héroïnes et des héros méconnus. Des milliers de membres de l’AFPC de Service Canada et de l’Agence du revenu du Canada (ARC) se sont porté·es volontaires pour quitter leurs fonctions habituelles et faire la transition vers les nouveaux postes qui ont été créés pour accélérer la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Des milliers de membres de l’AFPC ont travaillé sans relâche, après le lancement de la PCU en avril 2020, pour traiter plus de 3,8 millions de demandes au cours des cinq premiers jours. Les dépôts de prestation ont commencé à arriver dans les comptes bancaires des travailleuses et travailleurs licenciés en aussi peu que deux jours.

Le site Web de l’AFPC décrit un membre du syndicat d’un centre d’appels de l’ARC à Calgary qui aidait des milliers de personnes par téléphone depuis son bureau à domicile. 

Il faisait partie d’un centre d’appels virtuel — soutenu par plus de 2 000 membres syndiqué·es provenant d’autres parties de l’ARC redéployées volontairement. Les heures d’ouverture ont été prolongées dans la soirée jusqu’à 23 heures pour garantir que les questions et les préoccupations du public concernant la PCU soient traitées rapidement.

Justin Trudeau aime se présenter comme un ami des travailleurs et travailleuses. Lors de sa première campagne électorale en 2015, il a déclaré : 

J’ai une vision fondamentalement différente de Stephen Harper quant à notre fonction publique. Là où il voit un adversaire, je vois un partenaire. Je crois que pour avoir une fonction publique appréciée des Canadiens et source de fierté pour ses membres, elle doit être appréciée par son gouvernement. Cela commence par – et nécessite – le respect des droits du travail des fonctionnaires et la confiance en leur capacité à fournir des services efficaces, indépendants et professionnels aux Canadiens.

Moins d’un mois après que Trudeau a été élu premier ministre, il a pris la parole lors d’une réunion du Congrès du travail du Canada (CTC). Il est ainsi devenu le premier premier ministre en exercice à le faire depuis 1958. Il a assuré aux directions syndicales présentes qu’il donnerait suite aux promesses du Parti libéral faites durant la campagne pour abroger la législation antisyndicale. Ce qu’il a fait. Il leur a aussi dit qu’il avait réalisé que «le Travail n’est pas un problème, mais une solution». Néanmoins, deux ans plus tard seulement, son gouvernement a introduit une loi de retour au travail qui a forcé la fin des grèves tournantes dans lesquelles les travailleuses et les travailleurs de Postes Canada étaient alors engagés. Trudeau a déclaré que son gouvernement devait agir pour protéger les petites entreprises et le gagne-pain des Canadiennes et Canadiens. Il a simplement fait le sale boulot pour Postes Canada.

Les fonctionnaires fédéraux ont considérablement élargi leurs engagements au travail durant la pandémie, alors qu’ils et elles étaient alors sans contrat de travail depuis des années. Les employé·es de Service Canada et de l’ARC n’ont pas eu d’augmentation de salaire depuis environ trois et quatre ans, respectivement. De plus, la menace de privatisation plane au-dessus de leurs têtes. En 2021, l’ARC a externalisé environ 130 emplois à un entrepreneur tiers pour répondre aux questions générales entourant alors les prestations d’urgence, en dépit du fait que le coût de la sous-traitance est plus élevé et moins efficace que l’utilisation d’employé·es de la fonction publique.

Selon Chris Aylward, président national de l’AFPC 

Le coût de la vie a atteint des sommets jamais vus depuis 40 ans, et les gens en arrachent. Chaque jour, nous constatons que notre dollar ne va pas loin à l’épicerie ou à la pompe à essence. Aujourd’hui, les membres de l’AFPC envoient un message clair qu’ils ne seront pas tenus pour acquis, qu’ils ne prendront pas plus de retard et qu’ils sont prêts à se battre pour des améliorations.

Les travailleuses et travailleurs de l’AFPC méritent tout notre soutien. Une victoire pour les fonctionnaires fédéraux serait une victoire pour tout le monde.


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