Ce qui est dû à East Palestine : la Norfolk Southern doit payer!

Le mois dernier, un projecteur a été braqué sur la Norfolk Southern, une entreprise milliardaire de transport ferroviaire de classe I. Les décennies d’austérité budgétaire de la direction de la compagnie ont participé à créer l’une des pires catastrophes chimiques de l’histoire américaine

De nombreux articles ont détaillé le cirque politique qui est tombé sur East Palestine après le déraillement du 4 février dernier: la visite de Trump, l’incompétence de Buttigieg, les difficultés de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA). Tout cela est important. Mais ce que tous les comptes rendus ont laissé dans l’ombre, c’est la manière dont la catastrophe a bouleversé la vie des milliers de personnes de la communauté et ce qui les attend pour les années à venir.

«Nous ne savons pas ce qui se passe, m’a dit une femme alors que je quittais la pharmacie Rite-Aid d’East Palestine la semaine dernière. C’est ce qui est si effrayant».

Des politiciens, des avocats et des activistes en tous genres sont venus en ville pour offrir des conseils allant de l’huile de serpent aux suggestions médicales importantes. Mais tout cela n’a apporté que la confusion pour les membres de la communauté qui disent ne pas savoir en qui avoir confiance. 

À la recherche de réponses

Des milliers de personnes d’East Palestine et des communautés environnantes se sont rassemblées dans l’auditorium de l’école secondaire locale le 24 février pour entendre la militante de l’environnement Erin Brockovich et une équipe d’avocats. Avant que Brockovich ne monte sur scène, l’ambiance était électrique. Deux salles de débordement – remplies à ras bord – ont été aménagées. Presque tout le monde avait un bloc-notes et un stylo en main, prêt à noter les réponses à leurs questions. Mais comme cela est sans aucun doute arrivé des dizaines de fois à cette communauté au cours du dernier mois, les gens sont repartis sans être plus près d’une solution.

De temps en temps, quand l’un des avocats prenait un moment pour reprendre son souffle, des questions jusque-là retenues explosaient dans la foule. «Où puis-je faire tester mon sang?» «Les tests seront-ils gratuits?» «Qu’en est-il des dioxines?»

Même si une loi étrange de l’Ohio empêche les avocats de répondre directement aux questions lors d’un forum public, il est peu probable que les réponses auraient été satisfaisantes de toute façon.

L’une des choses que les avocats ont soulignées à maintes reprises était l’importance de tests réguliers de sang et d’urine, en particulier pour mesurer l’exposition aux dioxines.

«Vous regardez pour le potentiel d’exposition aux dioxines pendant cinq à dix ans», a déclaré à la salle Robert Bowcock, un expert bien connu en matière d’eau. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les dioxines sont très toxiques et «peuvent causer des problèmes de reproduction et de développement, endommager le système immunitaire, interférer avec les hormones et causer des cancers.»

Les avocats ont insisté sur le fait que pour ouvrir des recours légaux contre Norfolk Southern dans l’avenir, les résidents et les résidentes devront prouver par des tests de sang et d’urine datés qu’il y a des niveaux élevés de substance chimique toxique dans leur corps.

Eh bien, c’est là que les choses deviennent encore plus horrifiantes pour cette ville ouvrière. Selon le Département de la santé communautaire du Michigan, les tests sanguins pour les dioxines sont difficiles d’accès et peuvent être très coûteux. La clinique de santé communautaire mise en place après le déraillement ne fournit aucun test sanguin ou d’urine, et les laboratoires les plus proches ne semblent pas tester les dioxines.

Alors que les avocats et les activistes sont tous d’accord pour dire que cette communauté devra se battre intensément pour obtenir justice, ce qu’ils ne disent pas, c’est ce que ce combat exigera réellement. Pour obtenir une fraction de ce qu’il leur revient, les gens d’East Palestine devront lancer une campagne puissante pour s’opposer à la Norfolk Southern. Une campagne organisée autour d’un ensemble concret de revendications avec un plan pour mener la campagne à l’échelle nationale.

La Norfolk Southern préférerait maintenir ce combat devant les tribunaux, où ils peuvent compter sur leur armée d’avocats et de politiciens vendus. La communauté d’East Palestine doit mener ce combat dans les rues, en se liant avec les communautés d’autres villes le long des voies ferrées. Ces endroits pourraient être le site de la prochaine catastrophe, à moins que la Norfolk Southern ne soit arrêtée.

Ce qui est dû à la communauté

Au cours des deux dernières années, la Norfolk Southern a connu des augmentations de plus de 10% de son chiffre d’affaires annuel. En 2021, l’entreprise a engrangé 12,75 milliards $. En 2022, ses profits – le montant qu’elle conserve après avoir payé toutes ses factures – étaient de 8,65 milliards $.

Elle a largement assez d’argent en banque pour répondre aux besoins de cette petite communauté. Si elle ne peut pas se permettre de nettoyer le problème qu’elle a elle-même causé, elle devra être placée sous propriété publique démocratique avec le reste de l’industrie ferroviaire. Voici ce que nous devons lui demander, ainsi qu’à notre gouvernement :

Protéger notre santé

  •         Une clinique de santé équipée et publique doit être créée dans la ville pour fournir des tests de sang et d’urine gratuits, réguliers et complets pour une durée indéfinie. Elle doit inclure des tests pour les dioxines. Elle pourra être payée par la création immédiate d’un fonds de santé transparent et facilement accessible à East Palestine, payé à 100% par la Norfolk Southern, mais supervisé par les experts de la santé de la communauté.
  •         L’exposition au chlorure de vinyle est associée à un risque accru d’angiosarcome. Les personnes qui habitent à East Palestine ont besoin de tests sanguins de routine pour vérifier le fonctionnement de leur foie. Toutes les personnes résidentes devraient avoir un accès complet et régulier à une équipe d’oncologues et de neurologues pour surveiller tout symptôme potentiel résultant de l’exposition aux produits chimiques nocifs.
  •         La population d’East Palestine devrait immédiatement bénéficier d’une couverture Medicare à vie. Par une clause de la Loi sur les soins abordables (Affordable Care Act), les victimes de catastrophes environnementales sont éligibles à la couverture Medicare, mais seulement après que le président ait déclaré l’état d’urgence dans la région. Joe Biden devrait prendre cette mesure immédiatement.
  •         Même avant cette catastrophe, les hôpitaux de la région d’Akron étaient sous pression financière. Nous avons besoin d’hôpitaux publics pleinement financés et d’une transition vers un système de santé Medicare for all, afin que les personnes résidant à East Palestine n’aient pas à naviguer dans la toile compliquée des assureurs privés, des prestataires et des pharmacies pour obtenir les soins dont elles ont besoin.

Assurer la sécurité de nos maisons

  •         Nous avons besoin d’une commission de surveillance communautaire élue pour gérer toutes les mesures correctives à la suite de cette catastrophe. Cela comprend la direction régulière de tests de contamination ainsi que la supervision de tous les plans de nettoyage.
  •         Les tests doivent être effectués par des chercheurs sans lien avec la compagnie. Ils doivent être pleinement rémunérés et disposer de tout l’équipement nécessaire pour tester l’air, les puits d’eau et la poussière collectée à l’intérieur des maisons d’East Palestine ainsi que le sol à l’extérieur.
  •         Les pratiques d’aération médiocres de Sulphur Run et Leslie Run (les deux ruisseaux qui traversent le centre-ville et qui sont couverts de résidus toxiques) devraient être immédiatement arrêtées. La Norfolk Southern doit payer pour un système d’aération sécuritaire, sous la supervision d’experts indépendants, qui permet de débarrasser l’air des produits chimiques toxiques avant d’être relâché.
  •         La Norfolk Southern devrait faire appel à des équipes professionnelles de nettoyage des matières dangereuses afin d’effectuer régulièrement et gratuitement un nettoyage intensif de toutes les maisons, petites entreprises et bâtiments publics. Cela doit inclure le remplacement régulier et gratuit de tous les systèmes de filtration d’air.
  •         Si des contaminants dangereux sont retrouvés à l’intérieur d’une maison, les gens qui y vivent devraient immédiatement être hébergés sans frais et de manière temporaire dans un logement de haute qualité.
  •         Les villes de la région sont maintenant confrontées au risque que des matières dangereuses d’East Palestine soient éliminées dans leur communauté. La Norfolk Southern ne devrait pas être autorisée à déverser silencieusement des déchets toxiques. Les communautés devraient être pleinement informées de tous les risques associés à l’élimination des déchets dans leur ville et devraient avoir leur mot à dire sur l’endroit et la manière dont les déchets sont éliminés.

Le droit de quitter East Palestine

Une maison de East Palestine à côté d’un ruisseau contaminé

La réalité de cette situation est exceptionnellement sombre. Avec consternation, la plupart des personnes qui habitent à East Palestine en sont arrivées à la conclusion que leur meilleure chance d’éviter une maladie chronique est de quitter la ville. Cela signifie déraciner toute leur vie et quitter la terre sur laquelle beaucoup de leurs familles ont vécu depuis des générations. Tragiquement, ils ont raison. Une grande partie des dommages de ce déraillement, et de la dissimulation qui a suivi, a déjà été faite et ne sera probablement pas résolue avant des décennies.

Sur un groupe Facebook de la communauté, une femme d’East Palestine a écrit: «Pour la plupart d’entre nous, le problème revient à une question d’argent. Tu quittes ta maison et ton travail, puis quoi, tu recommences si tu as un compte en banque énorme, mais la plupart des gens n’en ont pas[sic]».

La Norfolk Southern doit offrir à chaque famille de la communauté une offre de rachat robuste leur permettant de partir si elles le souhaitent.

  •         70 % des personnes habitant East Palestine possèdent leur maison. Selon RedFin, le prix moyen d’une maison à East Palestine en janvier était de 126 000 $. La Norfolk Southern devrait être contrainte d’offrir aux propriétaires un minimum de plus du double de la valeur pré-crash des maisons d’East Palestine.
  •         De nombreux habitants et habitantes d’East Palestine sont des propriétaires de petites entreprises qui seront contraints de fermer leurs activités. Beaucoup d’autres seront contraints de quitter leur emploi en raison de la relocalisation ou de problèmes de santé chroniques. La Norfolk Southern devrait donner 1 million $ à chaque famille d’East Palestine pour faire face aux coûts de revenus perdus, en plus du rachat de leur maison.
  •         Après l’achèvement des rachats, les terres devraient devenir une propriété publique par le biais d’une expropriation, plutôt que de devenir la propriété de la Norfolk Southern.
  •       La Norfolk Southern ne devrait pas être autorisée à négocier, à huis clos, individuellement avec chaque ménage. Elle doit présenter une offre de rachat solide à l’ensemble de la communauté. Nous sommes beaucoup plus forts et fortes lorsque nous nous battons côte à côte!

Prévenir ces catastrophes

Le «nettoyage» de Norfolk Southern à East Palestine a aggravé les choses. Leur système d’aération de l’eau (vu ci-dessous) envoie des produits chimiques toxiques dans l’air sans mécanisme pour les éliminer.

Les voies ferrées de la Norfolk Southern parcourent 34 300 km à travers le pays, se faufilant à travers des communautés ouvrières du Tennessee au New Jersey. Selon l’Administration fédérale des chemins de fer, la Norfolk Southern enregistre en moyenne 163,6 déraillements et 2,9 libérations de matières dangereuses chaque année. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’un accident aussi désastreux ne se produise dans une autre communauté ouvrière.

  •         Il devrait y avoir des séances d’information régulières dans les communautés pour informer les gens des matières dangereuses transportées dans leur ville. Les communautés devraient voter sur les mesures de sécurité à mettre en place pour les protéger.
  •         Fin de toutes les pratiques de Precision Scheduled Railroading visant à réduire les coûts. Nous avons besoin d’un système de fret pleinement doté en personnel, y compris la fin des équipages de train à une ou deux personnes. Rétablissons des normes de sécurité telles que le blocage minutieux des trains, lorsque les wagons lourds sont positionnés plus à l’avant. Cela nécessiterait, entre autres, un personnel qualifié d’inspection des voitures dans les terminaux de train.
  •         Nous avons besoin d’une refonte du programme fédéral Superfund actuellement défaillant. Le Superfund a été mis en place par l’EPA pour inspecter et nettoyer les sites contaminés par des matériaux dangereux. Dans sa forme originale, il était financé par une taxe sur les fabricants de pétrole et de produits chimiques. Cependant, sous l’administration Clinton, cette taxe a expiré. Depuis 2001, la plupart des nettoyages de sites dangereux ont été payés par les contribuables ordinaires. Biden a réintroduit la taxe en 2021, bien que le montant en dollars soit encore beaucoup trop faible. Les industries polluantes devraient être fortement taxées pour financer pleinement un programme Superfund qui serait supervisé par des experts environnementaux et par les communautés touchées par des catastrophes chimiques dangereuses.
  •         Nous avons besoin d’une taxe majeure sur toutes les industries polluantes pour financer une transformation verte de l’industrie et de l’infrastructure aux États-Unis. Cela pourrait créer des millions d’emplois syndiqués.
  •         Cette catastrophe a montré pourquoi les chemins de fer ne devraient pas être entre des mains privées, gérés pour le profit plutôt que pour les besoins. La frénésie de réduction des coûts des dernières décennies est exactement ce qui a produit cette catastrophe. Si la compagnie ne peut pas se permettre de réparer les dommages qu’elle a causés, alors elle devrait passer sous propriété publique afin d’être supervisée et gérée par les travailleuses et travailleurs du rail. Ces personnes sont celles qui ont averti des dangers pendant des années.

La lutte qui est nécessaire

Socialist Alternative et Workers Strike Back ont assisté à la réunion publique du 24 février à East Palestine, parlant avec la communauté de quel type de lutte sera nécessaire pour faire payer Norfolk Southern.

Armés d’une compréhension claire de ce qui leur est dû, les gens d’East Palestine devraient lancer une campagne tous azimuts pour faire payer la Norfolk Southern. Une première étape consisterait à organiser une réunion publique pour voter sur un ensemble de demandes et une stratégie d’escalade de moyens de pression comprenant des manifestations régulières et même des actions directes. Une campagne comme celle-ci peut s’inspirer d’autres campagnes environnementales de terrain comme la lutte de Standing Rock contre le pipeline Dakota Access.

Une initiative similaire a déjà été prise par la River Valley Organizing, une organisation communautaire locale, qui a récemment publié une liste de cinq revendications après avoir organisé une réunion publique très animée fin février. Il s’agit d’une excellente étape qui devrait devenir la base d’une campagne véritablement démocratique, avec la participation active de la communauté. Une telle campagne devrait sans aucun doute être liée aux diverses affaires judiciaires en cours, car les poursuites judiciaires seront une partie cruciale de la reddition de la Norfolk Southern. Mais le processus juridique peut prendre des années, voire des décennies, pour être résolu, alors que les dommages auront déjà été causés dans la communauté. Et malheureusement, dans de nombreux cas, les tribunaux portent des jugements dans l’intérêt des grandes entreprises.

Pour qu’une telle campagne réussisse à faire payer la Norfolk Southern, il sera important qu’elle soit liée à la lutte continue des travailleuses et des travailleurs du rail qui luttent contre les pratiques dangereuses qui ont conduit à ce déraillement. La colère publique contre la Norfolk Southern à la suite de cette catastrophe a déjà contraint la compagnie à céder aux demandes de journées de maladie supplémentaires pour les employé⋅es. Les travailleuses et travailleurs du rail devraient se lier à la communauté d’East Palestine dans une lutte contre la négligence de la Norfolk Southern.

Socialist Alternative et Workers Strike Back feront tout ce qu’ils peuvent pour soutenir cette communauté dans leur lutte.


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