Les exécutions ne mèneront pas à la stabilité du régime

Les 6, 7 et 8 décembre derniers, un appel à la grève générale a été lancé sur les réseaux sociaux en Iran. Cet appel a été bien suivi dans une cinquantaine de villes du pays, essentiellement par des petits commerces et des bazars de taille moyenne. Malgré la répression, les Iraniennes et Iraniens poursuivent la lutte pour leur liberté. Selon des documents internes du régime, elles et ils sont 84% dans la population à soutenir les manifestations et à y voir une solution au marasme social dans lequel le régime des mollahs les a plongés. Face à cette détermination, ce dernier a décidé de franchir une étape avec l’exécution le 8 décembre de Mohsen Shekari, un manifestant de 23 ans arrêté à la fin du mois de septembre. D’autres mises à mort ont ensuite suivi.

Depuis que la contestation populaire s’est étendue à tout le pays, le régime des mollahs s’est attelé non seulement à réprimer la lutte sociale dans la rue, où plusieurs centaines de personnes ont été tuées, mais aussi toute solidarité y compris dans les cours de justice.

« Globalement, il faut être inscrit au tribunal révolutionnaire pour pouvoir être désigné comme avocat. Un certain nombre d’entre eux voulaient défendre les contestataires et se sont inscrits au début des manifestations : ils ont tous été arrêtés », explique Chowra Makaremi, anthropologue au CNRS. « Ils ont grossi la masse des plus de 19 000 disparus ou détenus », indique-t-elle pour l’émission 28 minutes d’Arte. Les avocats commis d’office restants sont à la solde du régime et charge leur « client » pour en assurer la condamnation. Les tribunaux sont ainsi réduits à un théâtre grotesque dont on connaît d’avance le dénouement.

Redynamiser la lutte par l’extension de la grève

Comparé au début du mouvement, il y a moins de manifestations. C’est normal après plus de quatre mois. Mais les mobilisations se poursuivent tout de même, tout particulièrement dans le Baloutchistan et le Kurdistan iranien. Au Kurdistan, la population était déjà organisée quasi clandestinement sur la question des femmes, de l’écologie, de la langue kurde,…

Les grèves ont jusqu’ici essentiellement concerné les écoles et universités du pays, avec quelques pas encore trop timides vers des entreprises. Il est tout particulièrement crucial que le combat intègre le personnel du très important secteur pétrochimique (propriété d’État officiellement ou officieusement en étant propriété de la milice pro-régime des Gardiens de la révolution), industrie-clé pour la survie du régime. Quelques raffineries et usines ont déjà suivi le mouvement dans le sud du pays.

En Iran, l’espoir est bien vivant et on le transmet clandestinement via les réseaux sociaux ou encore par des organisations qui se font discrètes face à la répression: des comités de quartiers organisent et invitent à la manifestation, des médecins et des membres du personnel soignant s’organisent clandestinement pour soigner les manifestantes et manifestants, des syndicalistes appellent à la grève…

«Le régime cherche à supprimer le mouvement de protestation par la violence, les arrestations massives et les exécutions. Cette répression a déjà fonctionné par le passé, mais c’est une solution à court terme, car les problèmes de fond ne vont pas disparaître simplement avec la dispersion des manifestants», a analysé Alex Vatanka (Middle East Institute, basé à Washington) pour le journal L’Orient-Le Jour. Le régime est ébranlé, mais il pourra s’accrocher au pouvoir tant qu’il n’y aura pas de force alternative visible capable de prendre le pouvoir et d’exproprier les principaux leviers de l’économie des mains des élites dirigeantes. L’organisation de comité de lutte ouvriers, étudiantes et étudiants organisé·es démocratiquement est clé pour riposter contre la répression et commencer à prendre le pouvoir localement – dans les villes et les quartiers, sur les lieux de travail et dans les écoles – et assurer qu’un futur changement de régime ne soit pas récupéré par l’impérialisme, américain par exemple.


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