Bannière électorale de 2022

Québec solidaire: la stagnation du réformisme libéral petit-bourgeois

Bannière électorale de 2022

Durant la dernière année et demie, QS a réussi à se positionner comme la seule opposition parlementaire crédible face à la CAQ. L’alliance de classe entre la CAQ et QS durant la période d’urgence sanitaire n’a pas été perçue comme une trahison ni par le mouvement ouvrier ni par la vaste majorité de la classe ouvrière. Toutefois, QS et son chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, sont maintenant perçus comme ayant intégré les institutions parlementaires.

QS a profité de la période préélectorale pour faire des sorties médiatiques sur des revendications importantes pour la classe ouvrière, tels le salaire minimum à 18$/h, le gel des loyers ou divers appuis à des grévistes. Plusieurs député⋅es ont participé à des mobilisations locales ou convoqué des assemblées populaires (ex. sur le 3e lien à Québec, le nickel à Limoilou, l’arsenic à Rouyn ou le logement à Montréal). Toutefois, ces sorties et activités partisanes n’ont eu qu’une visée publicitaire et électoraliste.

L’approche de QS par rapport aux mouvements sociaux et syndicaux a toujours été celle de «l’autonomie des luttes», puis de leur «convergence» en temps de mobilisation. Il s’agit de laisser chaque mouvement institutionnel opérer «sa» propre lutte (ex. droit au logement par les comités logement) sur «son» propre territoire (ex. organisation communautaire dans les quartiers). Lors d’actions symboliques par exemple, la «convergence» s’opère à travers l’appui passif des autres groupes, au mieux par une solidarité logistique. Ce qui converge réellement, ce sont les intérêts apolitiques et individualistes des bureaucraties conservatrices des groupes communautaires et syndicaux.

Dans le cadre d’une lutte sociale, QS n’assume ainsi qu’un rôle de courroie de transmission strictement parlementaire. Par exemple, les liens les plus étroits entre le mouvement ouvrier et QS semblent se résumer aux relations entre les directions des centrales syndicales et l’action du député Alexandre Leduc. QS partage avec les directions syndicales actuelles une approche réformiste de relation publique et de lobbying sur les gouvernements bourgeois et le patronat.

Considérant être capables de réaliser ce travail de lobbying plus facilement en faisant partie des gouvernements au pouvoir, plusieurs syndicalistes de haut rang se sont présenté⋅es et fait élire sous la bannière des partis capitalistes lors des dernières élections municipales, fédérales et provinciales. Ces ex-syndicalistes trahissent ainsi le mouvement ouvrier en passant des institutions ouvrières à celles des partis du patronat.

Du côté des groupes communautaires, leurs directions demeurent hostiles sinon indifférentes envers QS. QS a bien tenté de faire de l’organisation communautaire à travers sa campagne sur le climat (Ultimatum 2020 en 2019-2020) ainsi que celle sur le logement (en 2021-2022). Malgré leurs défauts et leur annulation, ces campagnes représentaient un pas dans la bonne direction. Les microbureaucraties des groupes communautaires les ont plutôt interprétées comme de l’ingérence, plus préoccupées à maintenir leur chasse gardée (entendre subventions) que d’élargir les luttes avec de nouvelles forces. Les collaborations ont été impossibles.

Durant les quatre dernières années, le travail des 10 député⋅es solidaires n’est à l’origine d’aucune victoire significative pour la classe ouvrière. En conséquence, le parti ne s’est pas positionné comme une force sociale capable de lutter pour défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses. La majorité de la classe ouvrière a peu intérêt à investir un parti qui ne mène pas une lutte résolue et conséquente pour ses besoins immédiats et historiques. Les échecs de QS à apporter des changements significatifs lui ont fait perdre son image de parti anti-establishment. QS constitue toutefois le choix moral «le moins pire» – comme pour le Parti québécois – pour la couche de la classe travailleuse qui tient à voter à gauche.

La stratégie électorale 2022 adoptée par la direction nationale et l’aile parlementaire de QS a beaucoup misé sur une image «modérée» (ni populiste ni révolutionnaire), des candidatures «vedettes» (enracinées dans le système) et un discours de main tendue aux entreprises privées. Le programme et le discours public de QS se sont cristallisés autour des logiques de l’utilisateur-payeur, de l’accès à la propriété et du développement éthico-écologique de la «classe moyenne». S’attaquer à la propriété des compagnies polluantes ou des grands propriétaires est désormais hors de question.

QS et son aile parlementaire participent le plus possible au parlementarisme libéral bourgeois. Les préparatifs à l’ouverture de la 43e législature en donnent de nouveaux exemples. QS a fait volte-face quant au refus de ses député⋅es de prêter serment au roi du Royaume-Uni. Contrairement aux députés du PQ, les solidaires ont alors pu siéger durant les deux semaines de la session parlementaire. En revanche, le PQ a gagné son pari: le serment a été aboli et ses députés sont les seuls à avoir été jusqu’au bout sur cet enjeu.

L’action parlementaire de QS l’a exposé comme un parti de gestion du capitalisme, tout comme les vieux partis qu’il dénonce. Le porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois (GND), a été cristallin sur cette approche: «Une fois les élections passées, notre rôle change (…). On essaie de faire des propositions qui sont le plus susceptibles possible d’être reprises par le gouvernement». QS limite sa pratique au réformisme libéral et se positionne comme le porte-parole de certaines couches petites-bourgeoises. Cette pratique explique en grande partie sa stagnation électorale en 2022 (+1 élu) et son recul électoral (-15 000 voix).

Mettre de l’avant une approche transitoire

La situation économique, politique et sociale empire pour la classe ouvrière. Les attaques contre nos conditions de vie et nos droits s’accentuent. QS et les autres partis libéraux «progressistes» municipaux échouent face à des gouvernements et un patronat qui détiennent tous les leviers économiques et politiques. À l’Assemblée nationale, la stratégie de QS consiste à «exiger» que le gouvernement fasse les choses autrement. Il est absolument inutile et irréaliste d’exiger quoi que ce soit de sérieux de la part du gouvernement caquiste. La CAQ n’est pas au pouvoir pour assurer les besoins de la classe travailleuse.

Pour contrer le réformisme de la direction solidaire, il est essentiel de mettre de l’avant des slogans et des revendications transitoires qui s’attaquent à la propriété capitaliste afin de financer des services publics gratuits, par exemple. De manière complémentaire, nous devons faire valoir le rôle central des méthodes d’action de masse extraparlementaires de la classe travailleuse pour remporter des victoires.

Ce type de solutions participent à faire émerger les antagonismes de classes et à poser la question de la prise du pouvoir par notre propre classe sociale. Contre un ennemi encore plus puissant qu’avant, nous devons construire un rapport de force réel, autant économique que politique. Pour y arriver, nous avons besoin qu’un parti ouvrier massif prenne le pouvoir et applique des politiques socialistes.

Le Québec n’a jamais connu de gouvernement dédié uniquement à la défense des intérêts de la classe ouvrière. Aucun gouvernement ni même aucune opposition travailliste, sociale-démocrate, socialiste ou communiste n’a déjà siégé à l’Assemblée nationale.

La nécessité d’un parti ouvrier de masse 

La polarisation politique actuelle n’atteint pas le niveau auquel des masses de gens se joindraient à un groupe de cadres révolutionnaires comme AS. Les solutions réformistes libérales seront encore à l’essai aux prochaines élections. Néanmoins, les classes populaires sont prêtes à aller politiquement plus loin et plus vite que le propose QS. Ce phénomène s’observe avec l’appui électoral au Parti conservateur du Québec (PCQ) et les bons scores des candidatures municipales indépendantes plus radicales. De plus, l’absence d’alternatives politiques de classe à gauche explique en partie les taux d’abstention électorale relativement élevés.

QS n’est pas un parti des travailleurs et des travailleuses et il ne le deviendra pas. Les tendances politiques hégémoniques dans le parti refusent une approche basée sur l’organisation des luttes ouvrières contre les intérêts des classes dominantes. S’il était propulsé au pouvoir demain matin, QS serait incapable de réaliser son programme de changement social réformiste, étant donné qu’il n’attaquerait pas la grande propriété.

À ce stade-ci, appeler à bâtir une organisation ouvrière de masse a uniquement une portée propagandiste. Nos forces sont trop réduites pour porter un tel projet sur nos épaules sans nuire à nos efforts de construction. Dans un contexte de montée de la lutte des classes, avec l’existence de mouvements de masses réels, la situation sera davantage propice à cette option. Il pourrait y avoir des forces ouvrières volontaires à organiser la prochaine étape, soit l’expression politique démocratiquement organisée des gens en lutte.

L’absence d’une approche pro-classe ouvrière dans les partis actuels ouvre toutefois une fenêtre d’opportunité pour des candidatures socialistes indépendantes comme les nôtres. Notre expérience à Verdun a montré qu’il est possible de construire notre parti tout en donnant une expression politique militante aux luttes sociales.

Cristallisation petite-bourgeoise à la direction

Lors des élections 2018, QS se présentait comme «le parti des travailleuses et des travailleurs» en s’opposant à ceux des capitalistes. Le populisme de gauche de certaines de ses députées a résonné auprès du «monde ordinaire». Depuis, le leadership du parti a opéré un tournant organisationnel centralisateur ainsi qu’un virage politique vers le nationalisme économique capitaliste «vert». QS s’est résolument tourné vers les couches petites-bourgeoises urbaines pour consolider sa base sociale. QS propose désormais un réformisme radical petit-bourgeois qui vise à bénéficier d’abord aux «classes moyennes».

Or, la petite-bourgeoisie n’est pas une force sociale en mesure de diriger une société. Cette classe intermédiaire est perpétuellement instable. Elle ne doit son existence qu’aux personnes qui sont ballottées par les flux et reflux entre les deux pôles sociaux historiques: la bourgeoisie et le prolétariat. Par exemple, 35% des entrepreneurs québécois voient leur nouvelle entreprise fermer au terme de leurs cinq premières années d’existence. Et la situation ne fait qu’empirer. La petite-bourgeoisie ne contrôle que les secteurs économiques les moins profitables et survit des miettes laissées par les monopoles. Il s’agit d’une classe sociale en perpétuelle situation de faiblesse comparée à la bourgeoisie. La petite-bourgeoisie est également réticente aux luttes de la classe ouvrière, car elles attaquent son petit capital économique et culturel. La position de faiblesse de la petite-bourgeoisie fait en sorte qu’aucun grand parti de pouvoir ne cherche son soutien, sinon pour un appui d’appoint. La direction de QS – tout comme celle du PCQ – a fait le pari de rallier le vote de la petite-bourgeoisie laissée pour compte.

Ce tournant constitue le triomphe politique de la tendance majoritaire au sein de la direction et de l’aile parlementaire solidaire. La vieille garde ex-maoïste issue des groupes communautaires et d’Option citoyenne a définitivement été supplantée par la nouvelle génération de technocrates nationalistes ambitieux dirigée par GND et sa bande.

Une couche d’apparatchiks des milieux syndicaux et communautaires, des universitaires ainsi que des carriéristes en communication politique ont imprimé leurs intérêts radicaux-libéraux au parti. Ces opportunistes bougent latéralement d’une bureaucratie à l’autre, d’un parti à l’autre, du milieu des médias ou de la gestion à celui des parlementaires. L’exemple le plus flagrant de transmutation au sein de la même classe sociale est le partage d’équipes et de candidatures politiques entre QS et les partis réformistes libéraux au pouvoir à Montréal, Longueuil ou encore Sherbrooke.

Pour repousser ces opportunistes, notre approche consiste depuis des années à encourager les associations locales à s’impliquer dans les luttes concrètes, à stimuler la démocratie des instances et à stimuler la formation politique des membres de la base.

Un membership instrumental

Or, l’adaptation du réformisme de QS à une nouvelle période de crise s’est accompagnée par une centralisation bureaucratique de ses méthodes organisationnelles dans tous les aspects du parti. Cette tendance s’est opérée aux dépens du pouvoir politique des membres. Débutée en 2019, la première tentative d’auto-organisation militante de terrain (Ultimatum 2020) a été abandonnée unilatéralement par la direction du parti en pleine pandémie. Cela a marqué un retour à la situation historique du «militantisme» solidaire: lorsque les membres jouent un rôle dans les luttes de leur communauté, c’est sans s’afficher politiquement et pour le compte d’autres organisations.

Sous l’impulsion de la campagne Nos quartiers ne sont pas à vendre d’AS, la direction de QS a lancé en vitesse, au printemps 2021, une campagne logement destinée officiellement à «mobiliser les communautés contre les spéculateurs immobiliers». Elle n’a toutefois pas atteint cet objectif. Des méthodes d’organisation de terrain top-down similaires à celles des bureaucraties syndicales conservatrices ont été utilisées afin d’instrumentaliser la mobilisation des membres pour des visées électorales et publicitaires. La campagne a été abandonnée lors du début des investitures provinciales (début 2022). Il est probable que la volonté de nous contrecarrer ait aussi été une considération de la direction.

Au niveau de la vie démocratique interne, le contrôle de la direction nationale sur le parti est plus fort et stable que jamais. Durant les dernières années, l’équipe autour de GND a orienté la culture démocratique du parti vers une série de consultations des membres sans pouvoir réel sur la structure ni les orientations du parti. QS s’est aussi doté de nouvelles régies internes élaborées au sommet. Ces codes et politiques risquent d’être instrumentalisés pour étouffer les critiques légitimes en les qualifiant d’attaques personnelles ou d’atteintes au parti et à ses valeurs.

Perte de militants et militantes de la base

En plus des épisodes de blâmes et d’expulsions de collectifs, la dégénération de la vie interne de QS a poussé une vague de militants et de militantes à le quitter. La démotivation et les échecs à contrer la centralisation du pouvoir et le réformisme puisent leurs racines dans le faible niveau de conscience de classe parmi les membres de QS.

La perte de militants et de militantes est aussi la conséquence de l’absence d’un pôle marxiste révolutionnaire fort au sein de QS. Même après plus d’une décennie à occuper la plupart des postes politiques clés, l’action des mandélistes (Gauche socialiste) n’a pas réussi à orienter le parti vers la classe travailleuse. Les victoires obtenues dans l’élaboration du programme de QS ont finalement été noyées par son éclectisme. Comme le programme propose tout et son contraire, toutes les tendances peuvent s’en réclamer. Mais même si QS avait accouché du meilleur programme possible, la pratique des soi-disant marxistes dans QS n’a qu’à de rares occasions dirigé le parti vers les luttes des travailleurs et travailleuses. Ainsi, il ne s’est jamais développé de véritable base ouvrière dans QS capable de faire contrepoids à sa direction réformiste. Le courant réformiste petit-bourgeois et nationaliste n’a donc jamais eu à se débarrasser d’une telle base pour se hisser au pouvoir. Ce que les directions droitistes des anciens partis sociaux-démocrates et travaillistes ont dû faire.

En définitive, les membres n’organisent pas de luttes sociales grâce à QS et n’ont pas d’objectifs de victoire autres qu’électoraux. Par conséquent, l’expérience de la lutte de terrain et de la formation politique n’amènent pas les membres à remettre en cause la logique réformiste de la direction. Cette dernière, qui verrait sa propre influence menacée par ce type d’éducation pratique, n’a aucun intérêt à en faire une priorité, au contraire.

L’initiative de formation théorique de l’École buissonnière à partir du printemps 2020 a montré qu’aucun espace théorique n’est laissé aux militants et militantes de la base par la direction. Aucune suggestion des collectifs ou des réseaux militants n’a été acceptée. L’angle des formations et des ateliers est celui de la «sensibilisation» des gens aux idées de gauche comme facteur de changement social, pas de construction d’un rapport de force ni d’un rapprochement des membres avec les groupes en lutte dans les milieux jeunes et syndicaux.

La composition sociale du membership de QS semble s’être transformée avec le cours politique actuel. Le profil des membres semble s’apparenter davantage à celui de ses appuis électoraux. Ces derniers sont concentrés chez les jeunes professionnel⋅les aisé⋅es des quartiers embourgeoisés francophones de Montréal, Québec et Sherbrooke. La mince couche de la classe travailleuse qui vote pour QS n’est ni active dans le parti ni sollicitée pour le faire vivre.

L’échec du rassemblement de l’aile socialiste de QS

Malgré le fait que les instances de QS sont truffées de syndicalistes, ces personnes n’utilisent pas leur position pour rapprocher le monde syndical du monde politique, ou ne savent pas comment y arriver. En conséquence, le parti a une très faible base de soutien dans le mouvement ouvrier. Aucun syndicat n’a appuyé ouvertement QS aux dernières élections, contrairement à celles du passé. Le comité intersyndical de QS est une coquille vide incapable d’organiser et de mobiliser hors de certains cercles très restreints d’activistes.

D’après nos estimations, l’appui aux propositions et candidatures socialistes (de 20% à 30%) durant les dernières années donne un aperçu du rapport de forces entre les tendances politiques dans QS. Les idées socialistes sont minoritaires et éclectiques. Les membres qui les soutiennent le font d’une manière formelle (ex. propositions en instance) ou théorique (ex. matériel de propagande). AS est le seul groupe à appliquer concrètement ses idées dans des luttes.

Après six ans d’existence, le Réseau écosocialiste (censé rassembler les anticapitalistes et écologistes dans QS) s’est sabordé en 2019, l’année des mobilisations historiques pour le climat. Ses membres ont ensuite tenté de créer la Nouvelle organisation socialiste (NOS), en excluant AS et la Riposte socialiste, déjà actifs dans QS. Cette tentative de rassemblement autour de figures intellectuelles déconnectées des luttes a échoué lamentablement en même temps que l’ISO s’écroulait aux États-Unis (leur source d’inspiration). L’errance des gens sympathiques à DSA, au Secrétariat unifié de la 4e Internationale et à l’ISO au Québec a finalement débouché sur la refondation d’un groupe éclectique – Révolution écosocialiste – en 2021. Ce groupe est inactif et sans cohérence politique. Comme la NOS, il est incapable de formuler une stratégie productive d’intervention dans QS.

Seuls les gens d’AS et de la Riposte socialiste défendent des positions de classe dans QS. La Riposte propose uniquement une approche propagandiste maximaliste basée sur l’argumentation et l’éducation théorique. AS effectue aussi sa propagande, mais la double de campagnes de terrain dans lesquelles les membres de QS peuvent acquérir de l’expérience politique concrète et utile pour la classe ouvrière.

Dans un article publié le 27 novembre 2021, nous avons appelé les socialistes dans QS à participer aux investitures puis à défendre les idées et les méthodes socialistes. Nous avons donné l’exemple avec l’investiture de RBR contre la présidente de QS, Alejandra Zaga-Mendez (AZM), dans Verdun. Cette course a été l’affrontement politique le plus direct entrepris par l’opposition socialiste face à la direction actuelle. Certaines personnes issues de Révolution écosocialiste nous ont franchement aidés. Une membre de La Riposte s’est contentée de parasiter les événements publics avec sa propagande maximaliste.

La direction de QS a toutefois utilisé tous les privilèges de leur position bureaucratique pour faire élire des personnes favorables à ses orientations politiques lors des assemblées d’investiture. Aucune candidature oppositionnelle n’a triomphé, bien que certaines courses très serrées aient réussi à polariser les membres. Dans Maurice-Richard, Raphaël Rebelo a perdu par 5 voix face à Haroun Bouazzi. Dans Viau, Hassoun Karam a perdu avec 43% des voix. Dans Verdun, notre candidate RBR s’est inclinée avec 30% des voix face à AZM.

Cette situation a poussé plusieurs activistes à quitter QS, dont l’ensemble du comité de coordination de Maurice-Richard. La démobilisation des activistes s’observait déjà avant la période électorale, malgré une hausse du membership sur papier en raison des élections à venir. QS a connu son summum d’activité en septembre 2022 et les associations locales risquent de se désarticuler durant les prochains mois. Il n’est pas inhabituel d’avoir des associations moribondes dans les circonscriptions gagnées.

L’occasion ratée des élections 2022

Durant les élections de l’automne 2022, QS a fait le calcul de se proposer comme l’alternative modérée, morale et écologiste à Legault, au centre de l’échiquier politique. La classe travailleuse a largement ignoré QS en raison du manque de considération concrète du parti pour les enjeux ouvriers, en particulier l’effondrement des conditions de vie. Elle a massivement choisi de donner une nouvelle chance à la CAQ. Sa couche la plus radicalisée a opté pour le seul parti ayant maintenu un discours anti-establishment radical, le PCQ. Tant que QS s’en remettra à l’expertise sociale de la petite-bourgeoisie, le parti sera incapable d’organiser les forces vives de la contestation sociale.

Le discours et la pratique réformiste de QS rendent impossible la construction d’un rapport de force contre la bourgeoisie et ses pions politiques. Sans attaquer la propriété privée, QS ne peut proposer de solutions réalistes à la perte du pouvoir d’achat, à la pénurie de logements abordables ou à l’austérité dans le secteur public. Le parti mise sur des positions politiques abstraites et générales qui visent à exposer QS comme ayant une éthique supérieure aux autres partis, ce qui est de peu d’intérêt pour la vaste majorité de la population.

L’exemple le plus clair est celui de la défaite de la candidate solidaire sortante de Rouyn-Noranda–Témiscamingue face au candidat de la CAQ, un lobbyiste de la Fonderie Horne. QS a fait abstraction de la situation matérielle de la classe ouvrière de Rouyn-Noranda. Le parti a plutôt articulé une approche idéaliste et moraliste antipollution. La population n’était pas prête à sacrifier son gagne-pain le plus important au nom de la santé publique et de l’environnement. QS n’a eu ni le soutien des travailleurs et travailleuses de la fonderie ni le soutien de la population. En refusant de s’attaquer à la propriété de Glencore en proposant la nationalisation de la fonderie, QS a reproduit la ligne gouvernementale qui oppose emplois à lutte climatique. Pourtant, Glencore est une des plus grandes multinationales du monde. Elle a amplement les moyens de construire les infrastructures nécessaires à réduire la pollution.

Dans nos précédents documents de CN, nous avons envisagé que QS – malgré son agenda réformiste – demeurerait le seul véhicule politique provincial perçu comme un terreau potentiel de luttes contre les classes dominantes et leurs partis. L’élection de 11 député⋅es solidaires montre une confiance maintenue par une certaine couche de la classe ouvrière envers QS. Toutefois, le maintien de la CAQ et la montée du PCQ sont les punitions que subit QS pour sa propre incapacité à rejoindre largement la classe travailleuse québécoise.

Les parlementaires solidaires peuvent faire beaucoup pour le mouvement ouvrier. Par exemple, publiciser les luttes sociales au parlement et dans les médias de masse. Lors des travaux sur la réforme de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, par exemple, Alexandre Leduc a servi de relais pour les demandes des syndicats opposés au projet de loi. Le député s’est présenté comme un syndicaliste et il a fait traîner les travaux pour arracher certains amendements. Bien qu’utile, ce travail demeure insuffisant pour gagner. Cet enjeu n’a pas été transformé en occasion de lutte ni au sein de QS ni au sein de la classe ouvrière. Un projet de loi très imparfait a été adopté à la session parlementaire suivante.

De nombreuses opportunités d’organisation se sont présentées à QS et continuent de se présenter. Or, le parti se limite habituellement à un discours éthique formé dans un esprit de collaboration de classe. En définitive, QS s’est cristallisé comme un parti qui n’est ni issu de la classe ouvrière ni perçu comme capable d’amener ses revendications vers des victoires.


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