Folie meurtrière au Qatar : La FIFA et ses alliés sont responsables

Ils doivent dégager de notre sport

Des conditions abominables de travail, de salaire et de vie pour les travailleuses et travailleurs migrants ; mais aussi une négation complète des droits des femmes et une chasse aux personnes LGBTQIA+, qui risquent la prison voire la mort ; et le coût écologique colossal des constructions et de l’utilisation des stades : cette édition du Mondial masculin de football a de quoi provoquer la colère.

Des conditions de travail dignes de l’esclavage sous une chaleur torride, avec passeport saisi et pour un salaire de misère (parfois non payé), des conditions de logement et de nutrition exécrables : c’est le quotidien de centaines de milliers de travailleuses et travailleurs venu·es principalement d’Asie du Sud/Sud-Est et d’Afrique du Nord-Est. Depuis 2010, ils sont au moins 10 000 à avoir trouvé la mort sur base des chantiers du Mondial.

Selon la FIFA, sans cette Coupe du monde, les droits des travailleuses et travailleurs migrants n’auraient pas été amélioré. C’est faux. Même si le système de la « kafala » – assurant en grande partie ce statut de quasi-esclavage – a été réformé puis aboli sous la pression, en pratique quasi rien n’a changé, y compris certains non-paiements des rémunérations. Comme le résumait un journaliste sportif de RMC : « on a fait un pas en avant de 10 centimètres, bravo… ». Pire, en poussant (par une corruption massive) pour organiser l’événement au Qatar, la FIFA-mafia a de fait collaboré durant 12 ans à cette campagne meurtrière à grande échelle, pour devoir construire de A à Z et dans les temps toute l’infrastructure nécessaire.

Corruption, alliance avec des régimes autoritaires, investissements à contresens des besoins sociaux : de vieilles habitudes de la FIFA. Entre l’Italie fasciste en 1934 et le régime qatari en 2022, citons notamment l’édition 1978 organisée en pleine dictature militaire en Argentine ; celle de 1982 dans l’Etat espagnol, après la mort de Franco mais dont la candidature a été choisie en 1966, en pleine période franquiste ; celle de 2018, dans la Russie de Poutine (attribuée en même temps que le Qatar)…

Et les protestations ont souvent subi une répression brutale et meurtrière, comme au Brésil en 2014 quand grèves et manifestations réclamaient que l’argent du Mondial soit utilisé socialement et non pour le prestige de la clique autour de la présidente Dilma Roussef. Profit et prestige, c’est le ‘core business’ de la FIFA et de ses alliés politiques.

Une discussion qui comporte le danger de la division raciste

Nombre de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (ou originaire de), voient ce débat avec un œil contrasté. Car toute cette discussion s’accompagne de tentatives d’instrumentalisations, notamment par une partie de l’extrême droite qui y voit un moyen d’attaquer arabes et/ou musulmans en amalgamant l’ensemble de ces populations avec le régime criminel et réactionnaire qatari. Celui-ci essaie d’ailleurs d’en profiter, en essayant de « rassembler » les populations de la région autour de leur événement.

Ainsi, à la compréhension de l’aberration de l’organisation de cette édition par le Qatar se mêle le sentiment d’être à nouveau victime de racisme : cette édition du Mondial de football est aujourd’hui particulièrement critiquée, alors que le régime qatari est loin d’être le premier Etat autoritaire et réactionnaire à organiser l’évènement.

En 22 éditions depuis 92 ans, c’est la première fois que cette région du monde accueille cet évènement mondial majeur, malgré les nombreuses candidatures de pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord dans le passé – et de la part de pays ayant une bien plus grande légitimité footballistique que le Qatar, et une base de stades et d’infrastructures adaptées. Mais ils n’avaient pas les dollars et le gaz qataris, qui font briller les yeux de la FIFA et des dirigeants politiques à travers le monde.

Sur le plan écologique, une discussion existe pour dénoncer la climatisation des stades. Il est à noter qu’elle comporte une immense hypocrisie quand on connait la tendance à tout climatiser dans certains pays capitalistes avancés, et compte-tenu du fait que pratiquer du sport dans des pays chauds implique forcément de devoir trouver ce type de solutions. Ainsi, aussi sur cette question, le débat peut se teinter de caractères racistes. L’aberration complète de cette édition du Mondial provient en fait surtout de la construction de toute l’infrastructure nécessaire, dans un pays où une grande partie de celle-ci se retrouvera sans utilité après seulement un mois de service. L’absurdité écologique du système capitaliste ne s’arrêtera pas là, en témoigne par exemple la récente décision de l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver 2029 en Arabie saoudite.

Le régime qatari, la FIFA et ses alliés sont responsables…

Pour leur (quasi-) inaction face aux scandales, les footballeurs des sélections nationales sont parfois montrés du doigt comme faisant partie du problème ; de même que les supporters qui comptent suivre leur passion, où que soient organisées les compétitions. Ils ne sont pourtant ni responsables, ni complices. Le régime qatari et la FIFA sont les responsables de cette hécatombe et du drame écologique qui l’accompagne ; leurs complices sont nos dirigeants politiques et footballistiques qui ont au mieux laissé faire, au pire contribué activement.

C’est notamment ce que révèlent les enquêtes concernant l’attribution de cette Coupe du monde fin 2010, et le rôle qu’ont joué principalement les fédérations européennes de football. Par exemple, via ce rendez-vous quelques jours avant l’attribution, qui a réuni le président français Nicolas Sarkozy, le président de l’UEFA et ancienne gloire du football français Michel Platini et deux hauts dirigeants qataris, où était sur la table tant le vote pour le Qatar que le rachat du PSG par le régime qatari, ainsi que d’autres investissements financiers.

Aujourd’hui plus encore qu’à l’époque, le Qatar pèse lourd : le gel des relations avec la Russie suite à la guerre en Ukraine pousse de nombreux Etats à devoir augmenter leur relations avec le Qatar, deuxième producteur mondial de gaz naturel. Froisser des alliés, ça ne fait pas partie des « valeurs » des dirigeants politiques capitalistes.

… pas les footballeurs et les supporters

Comme souvent, footballeurs et supporters font les frais de décisions prises loin au-dessus de leurs têtes sans leur consentement. Et beaucoup de supporters se demandent légitimement s’ils et elles ont le droit de suivre leur passion cet hiver. Mais de tels boycotts n’auront aucun impact sur la situation et l’avenir au Qatar et pour notre sport ; ils comportent en plus le risque de la division avec la culpabilisation des supporters qui décident de regarder les matchs.

Des supporters, mais aussi des activistes politiques, syndicaux et associatifs : beaucoup se sont dès 2010 opposés à l’attribution de cette édition. Dans les années suivantes, plusieurs scandales de corruption concernant Russie 2018 et Qatar 2022 ont entraîné la décapitation des plus hauts dirigeants de la FIFA et d’autres instances du football. Mais les têtes ont vite repoussé. Et l’actuel président de la FIFA Gianni Infantino a embrassé la même cause, lui qui a décidé de déménager au Qatar et qui disait début mai que le travail sur les chantiers du mondial a donné de la « dignité » et de la « fierté » aux travailleuses et travailleurs migrants…

Si des idées de boycott sont aujourd’hui envisagées, c’est en l’absence d’une vaste campagne d’opposition à l’échelle mondiale contre la tenue de cette édition au Qatar, qu’auraient pu mener conjointement organisations syndicales et associations de défense des droits humains et de lutte contre le dérèglement climatique, en tentant d’impliquer footballeurs (amateurs et de haut niveau) et autres sportifs et sportives, ainsi que bénévoles du secteur, supporters et collectivités locales.

Aujourd’hui, de larges couches de la classe travailleuse et de la jeunesse n’acceptent plus les oppressions, l’approfondissement de la crise climatique et qu’une poignée d’ultra-riches puisse décider d’investissements de prestige quand la misère et la mort sévissent. Les critiques contre les organisateurs du Mondial en sont l’expression.

Débarrassons le football de la FIFA et du big business

La FIFA repose sur un pactole de plusieurs milliards de dollars, un pactole qui contraste avec l’absence de moyens dont l’énorme majorité de clubs, bénévoles, footballeuses et footballeurs, et fans souffrent à travers le monde. Les sommes folles transférées au sommet du football mondial, et qui ne concernent qu’un petit pourcentage de footballeurs et footballeuses, témoignent, elles, de la perversion de la pratique du sport et des compétitions sportives par le système capitaliste, dont la FIFA et d’autres instances du sport sont les sous-produit inévitables.

Les moyens financiers existants doivent être utilisés pour le vrai sport, en développant les infrastructures de base et la formation, tant pour celles et ceux qui prennent le football et le sport comme loisir que pour développer une vraie compétition, saine, dans un esprit amical, sans autre enjeu que le sport. Mais il faut aussi s’assurer que la gestion et le contrôle des clubs sportifs et des fédérations soient entre nos mains : reprenons notre sport de leurs mains !

La lutte pour arracher l’avenir du football des mains de la FIFA doit débuter. Elle devra être collectivement menée et être le sous-produit footballistique du combat général pour mettre à bas le système capitaliste et mettre sur pied une société qui réponde aux besoins sociaux et écologiques de tous et toutes.


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