ÉPI et surcharge de travail : la lutte des travailleuses de la santé continue!

Bien que le terme «ange gardien» ne fasse plus les manchettes, on continue de prêter aux travailleuses du secteur de la santé et des services sociaux un esprit de sacrifice associé à leur «vocation». Ce type d’approche gestionnaire sexiste justifie tous les abus des employeurs et du gouvernement, que ce soit les priver de masques N95, les exposer à la surcharge de travail ou au temps supplémentaire obligatoire.

Depuis plus de deux ans, la crise sanitaire à des conséquences terribles pour les travailleurs et travailleuses, surtout celles du réseau de la santé et des services sociaux. Ce sont en grande majorité les travailleuses qui supportent le poids d’un réseau mal financé et qui sert de déversoir aux conséquences de la crise sanitaire. Ce sont surtout des travailleuses qui ont payé le prix d’une gestion pandémique téméraire et orientée vers la protection du profit.

Les soignantes se font refuser le N95

Le refus des employeurs de fournir aux travailleuses la protection respiratoire suffisante (le masque N95) a entraîné des éclosions et une multiplication des cas de COVID-19. Ce refus a exposé les travailleuses à un danger extrême. Les données scientifiques sont claires à l’effet que le N95 est nécessaire pour se protéger de la COVID-19 qui se transmet de manière aérosol. Avant le printemps 2021 pourtant, les masques N95 étaient distribués au compte goûte. Les gestionnaires du réseau martelaient que le masque de tissus ou le masque de procédure (chirurgical) était suffisant. Certains mentaient sciemment. 

Dans les faits, la raison pour laquelle les employeurs refusaient de distribuer le N95 à plus grande échelle était la pénurie, et non les évidences scientifiques sur leur efficacité. Une des causes de cette pénurie est le refus du gouvernement, pour des raisons économiques néolibérales, de constituer une réserve d’équipement de protection individuelle (ÉPI) et de l’entretenir. D’un point de vue capitaliste, constituer une réserve de masque «au cas où» n’est pas sexy. Du point de vue des travailleuses et des usagers du réseau, c’était un minimum absolument nécessaire.

Après la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, l’Agence de la Santé publique du Canada a mis sur pied une réserve stratégique comprenant de l’équipement de protection individuel. Mais des décennies de compression budgétaire ont entraîné le déclin de la réserve et le gaspillage de millions de pièces d’ÉPI périmées. Le résultat le plus funeste est la réponse ratée à la pandémie de COVID-19. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour réclamer qu’un fournisseur public assure un approvisionnement direct en réserves fraîches d’ÉPI aux établissements de santé. Cela réduirait le gaspillage d’argent, de matériel et l’extorsion des compagnies d’équipements médicaux privées.

La surcharge de travail

Une étude menée par l’Institut national de santé publique du Québec durant la 2e vague de la COVID-19 révèle un haut niveau de détresse psychologique chez les soignantes du réseau. Parmi les causes, on note effectivement la peur de contracter le virus et d’infecter ses proches. Mais aussi la crainte de ne pas pouvoir offrir des soins de qualité. Cette crainte est liée à la surcharge de travail. Pour les travailleuses du réseau de la santé, cette surcharge de travail n’est pas près de s’estomper. Avec l’allègement des mesures sanitaires dans la société et la montée du discours politique normalisant l’idée de «vivre avec le virus», le danger est que le réseau de la santé devienne le secteur sacrifié qui permet le retour à un fonctionnement «normal» de l’économie capitaliste. Les retards engendrés par l’annulation ou le report de rendez-vous médicaux (délestage) – comme des chirurgies – devront être rattrapés. Les travailleuses s’exposent donc à un risque accru d’épuisement, alors même qu’elles n’ont pas eu la chance de récupérer après deux années d’enfer. La fréquence du recours au temps supplémentaire obligatoire (TSO) qui a explosé dans les dernières années risque de se maintenir et de s’accentuer si rien n’est fait.

Pour lutter contre la surcharge de travail, des gestionnaires et des technocrates ne manqueront pas de pondre des recettes magiques en organisation du travail, LEAN et compagnie. Mais pour les travailleuses, le remède est simple: un réinvestissement massif dans le réseau de santé et de services sociaux. L’argent existe, mais il faut avoir le courage politique d’aller le chercher dans les poches des grandes compagnies. Il faut avoir le courage d’affronter les Big Pharma et les grands groupes immobiliers afin de faire passer des secteurs entiers de production (ex. ÉPI, vaccins, tests de dépistage) et de services (ex. CHSLD, résidences pour personnes âgées, agence de placement de personnel) sous contrôle public et démocratique.

Garantir des emplois publics, syndiqués et planifiés selon les besoins – pas les profits –  permettra une amélioration durable des conditions de travail des employées et l’amélioration des conditions de vie générales de la population. Alors une campagne de recrutement massive sur la base de ces nouvelles conditions de travail pourra avoir l’effet escompté. En ce sens, la revendication d’un réinvestissement massif dans les services publics est une revendication féministe et socialiste.

Dans l’immédiat, les travailleuses mènent déjà la lutte sur le terrain. Elles se mobilisent actuellement sur les enjeux de santé et sécurité du travail et encore récemment, organisaient des débrayages (sit-in) pour dénoncer le TSO.

La lutte continue!

Les travailleuses veulent la justice et la solidarité, pas de belles paroles. La reconnaissance symbolique comme le discours sur les «anges gardiens» présent dans la propagande patronale du gouvernement a fait son temps depuis un bon moment. La nouvelle négociation du secteur public devra en être une féministe et faire écho de ces enjeux. Les mobilisations actuelles autour de la santé et sécurité du travail et contre le TSO doivent être pensées en termes de vecteur d’organisation pour et par les travailleuses elles-mêmes. Une approche socialiste féministe de la prochaine négociation signifie que les travailleuses continuent d’organiser leurs luttes à la base et s’en servent pour construire le rapport de force nécessaire pour changer radicalement la société québécoise, pour la gérer selon nos besoins et nos intérêts.


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