Bannière géante de la CLASSE durant la manifestation du 22 mars 2012

Pour un mouvement étudiant démocratique et socialiste!

Bannière géante de la CLASSE durant la manifestation du 22 mars 2012

Il y a 10 ans, en 2012, le Québec a vécu la plus grande mobilisation étudiante de son histoire. Depuis, le mouvement étudiant s’est essoufflé et est tombé dans une impasse. Avec le spectre de nouvelles hausses et les effets de l’inflation, il est urgent de reconstruire une association étudiante militante et démocratique sur tout le territoire québécois.

En 2011-2012, le gouvernement libéral de Jean Charest tente d’augmenter les frais de scolarité de 325$/année sur sept ans. En campagne contre les hausses depuis plusieurs années, les associations étudiantes nationales organisent la riposte. Des centaines de milliers d’étudiants et d’étudiantes affrontent le gouvernement pendant huit mois! Cette mobilisation revendique notamment la gratuité scolaire, la justice sociale et défend la démocratie étudiante. Contre vents et marées, la jeunesse québécoise a démontré que la solidarité pouvait mettre à mal un gouvernement.

Ce mouvement de grève étudiante historique a réussi à bloquer la hausse annoncée. La Grève étudiante de 2012 a permis aux personnes étudiant actuellement à temps plein d’économiser 1 700$/an. Le mouvement force aussi la tenue d’élections anticipées et précipite la défaite électorale du gouvernement libéral en septembre 2012.

Pour remporter ces victoires, le mouvement a su s’organiser démocratiquement et efficacement. Depuis, le mouvement étudiant s’est essoufflé et est tombé dans une impasse. Avec le spectre de nouvelles hausses et les effets de l’inflation sur la jeunesse, il est urgent de reconstruire la principale force militante de la jeunesse. La nécessité d’avoir une organisation combative large et démocratique organisée partout sur le territoire du Québec apparaît clairement autant pour les questions liées aux changements climatiques qu’à celles portant sur les conditions de vie étudiante.

La situation étudiante se dégrade

Le contexte de pandémie n’a pas arrêté le système capitaliste de creuser les inégalités ou d’exploiter l’environnement. Les personnes qui étudient, travaillent ou sont à la retraite sont affectées par une crise du logement historique et un salaire minimum indécent de 13,50$ (qui passera le 1er mai 2022 à 14,25$) dont le pouvoir d’achat diminue au fur et à mesure que le coût de la vie augmente. En 2017, selon l’Unité de travail pour l’implantation du logement étudiant (UTILE), 70% des étudiantes et des étudiants consacraient plus de 30% de leur revenu au paiement d’un loyer. Aussi, 62% des étudiants et étudiantes gagnent moins de 20 000$/an.

Selon les chiffres de l’État québécois, une personne étudiante à temps plein (30 crédits) doit payer les «droits» de scolarité qui s’élèvent à 2 623$ par session (sans parler des autres dépenses reliées) et 8 186$ pour celles qui proviennent de l’international. Un parcours scolaire de 120 crédits est donc de 10 492$, sans compter les autres frais reliés aux fournitures scolaires, aux dépenses nécessaires à la vie puis à l’endettement. Le logement et l’éducation apparaissent sont des dépenses de plus en plus importantes et lourdes pour les personnes aux études provenant de la classe ouvrière, c’est-à-dire de la portion majoritaire de la population.

Une lutte à réarticuler

Les étudiants et les étudiantes ont le droit d’avoir accès à une éducation publique, gratuite et de qualité. Ces personnes, comme le reste de la population, ont aussi le droit d’avoir accès à  du logement réellement abordable et adapté à leur réalité. Pour cela, il faut s’organiser à travers nos associations étudiantes, débattre le plus largement possible, prendre des décisions démocratiques et lutter sur des enjeux concrets!

Lors du Printemps 2012, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)1 – aux côtés de laquelle se trouvaient la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) – a incarné l’aile radicale et combative du mouvement étudiant. En raison de ses affiliations au niveau collégial et universitaire, l’ASSÉ était redevable à plus de 70 000 membres. Malgré ses défauts, cette organisation massive a réussi à canaliser un potentiel militant historique. Pendant ses 18 années d’existence, l’ASSÉ a probablement été la plus démocratique, radicale et large association de tous les mouvements sociaux québécois. Cette association étudiante nationale a permis d’organiser de nombreuses formations politiques ainsi que des campagnes de terrain sur de nombreux enjeux.

En 2015, un mouvement de grève étudiante s’est formé en réaction aux coupures dans les services publics effectuées par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Ce dernier a marqué le Québec pour avoir appliqué des mesures d’austérité encore jamais vues. Parallèlement, le mouvement syndical organisait lui aussi des grèves d’importances historiques contre l’austérité.

Un courant décentralisateur fatal

Dans cette foulée, la création de comités spontanés Printemps 2015 (P15) a désorienté l’ASSÉ. Ces comités P15 étaient un réseau décentralisé de militants et de militantes principalement basé dans les cégeps et universités de Montréal. Ces comités n’avaient aucun compte à rendre aux associations étudiantes et prétendaient être sans direction. Les personnes officieusement à la tête de P15 constituaient toutefois une opposition ultragauchiste à la direction de l’ASSÉ et plusieurs militaient activement pour sa dissolution. Les comités P15 n’ont fini que par regrouper les personnes les plus radicales autour de principes valables, mais abstraits.

Après la mobilisation étudiante du 23 mars au 6 avril 2015, le mouvement s’est épuisé. La solidarité avec le mouvement syndical ne s’est pas été réalisée. La crise politique interne n’a pas été réglée. Au congrès de l’ASSÉ d’avril 2015, la tendance «décentralisatrice» de P15 a réussi à faire destituer tous les membres de l’exécutif national. Ces luttes internes ont mené à plusieurs suspensions et désaffiliations d’associations étudiantes.

En 2016, c’est pendant la mobilisation pour la rémunération des stages que les Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) ont fait leurs apparitions. Les CUTE ont récupéré les lambeaux de P15 et continué de faire concurrence à l’ASSÉ. Allant plus loin que P15, les CUTE ont théorisé leur approche décentralisatrice et leur volonté de détruire l’ASSÉ. À l’automne 2016, ils ont joué un rôle important dans la grève des stages menée par des étudiantes en psychologie. La grève de trois mois s’est soldée par le gain d’une compensation pour l’internat.

La lutte pour la rémunération des stages a ensuite repris en 2019. Cette mobilisation a touché des dizaines de milliers de personnes étudiantes, particulièrement des femmes. Or, ni P15 ni les CUTE n’ont duré dans le temps. Les CUTE se sont dissous en 2019, tout comme l’ASSÉ, créant un vide organisationnel et militant qui n’a jamais été comblé depuis. Des luttes de pouvoir internes et des affrontements dogmatiques autour d’une certaine vision du féminisme intersectionnel ont eu raison de l’ASSÉ.

Une réactivation difficile

Depuis, les actions militantes étudiantes se répartissent entre divers groupes militants jeunes. Les groupes comme La Planète s’invite à l’université, Extinction Rebellion et la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES) participent à la politisation, voire à la radicalisation des jeunes cherchant à se mobiliser. Ces divers groupes de pression ont pu incarner une avenue militante pour les jeunes d’avant la pandémie. Nous avons vu le potentiel de mobilisation de la jeunesse, des travailleurs et des travailleuses lors de la Grande mobilisation du 27 septembre 2019 où 300 000 à 500 000 personnes se sont déplacées dans les rues de Montréal.

Mais ces groupes décentralisés sans réelles structures démocratiques ont un potentiel limité. Leur puissance d’action stagne faute de cohérence politique et d’un ancrage solide et démocratique parmi les étudiants et étudiantes. Elles font également l’erreur de tout miser sur une stratégie de relations publiques avec les médias pour faire pression sur la classe dominante.

La pandémie et la gestion de François Legault n’ont pas joué en faveur de la vie associative et des groupes étudiants. C’est pourquoi, si nous voulons assurer une pérennité aux luttes étudiantes et obtenir des victoires, il faut centraliser nos efforts et nos coordinations de façon démocratique. De plus, il ne suffit pas d’avoir une telle organisation, mais d’avoir aussi des objectifs clairs, stimulants, réalisables avec un potentiel de mobilisation du corps étudiant. C’est de cette façon que l’on peut bâtir des campagnes de terrain.

Pour une organisation démocratique, combative et socialiste!

Nous retenons du mouvement de 2012 que les étudiants et les étudiantes ne se sont pas mobilisé⋅es en un claquement de doigts. Les associations étudiantes ont dû sensibiliser, débattre et mobiliser leur base pendant des années pour faire accepter les mandats de grève et les faire respecter massivement.

L’après 2012 a été frappé par des tensions internes dans l’ASSÉ et l’arrivée de comités autonomes rivaux, encore plus éloignés des membres des associations étudiantes que ne l’était l’ASSÉ.

Nous avons vu durant les dernières années que la jeunesse n’est pas apolitique. Plusieurs enjeux l’interpellent : la transition écologique, les luttes des femmes et des personnes LGBTQIA+, les luttes antiracistes, la lutte pour le logement étudiant, la lutte pour des services publics gratuits, accessibles et de qualité, etc. Ces enjeux sont portés par la jeunesse québécoise et celle du monde entier!

Les revers économiques de la pandémie covidienne puis le déclenchement de la guerre en Ukraine vont accélérer les contradictions du système économique capitaliste. Cela veut dire que la classe ouvrière, les femmes, les personnes marginalisées et racisées ainsi que les personnes étudiantes précaires seront affectées en premier lieu. Le Québec n’y échappe pas. Cela se traduit par de l’inflation, l’augmentation du coût de la vie.

Que ce soit pour obtenir un salaire minimum digne, l’égalité des femmes et des personnes marginalisées, du logement public et étudiant ou assurer la transition écologique dans l’intérêt de la majorité de la population, il ne faut que compter sur nos propres moyens! Ce sont les enjeux cruciaux sur lesquels les associations étudiantes doivent se prononcer et mobiliser leurs membres!

Seules des associations étudiantes démocratiques et combatives se regroupant et s’organisant à l’échelle nationale, supportées par un parti de masse muni d’un programme socialiste dans l’intérêt des travailleurs et des travailleuses, seront capables d’obtenir des victoires politiques conséquentes et durables pour l’ensemble de la société québécoise et de l’environnement.

Nous méritons mieux que l’agenda des capitalistes! Venez y travailler en rejoignant Étudiant.es socialistes!


1 Lors de la grève étudiante, l’ASSÉ a participé à la formation d’une coalition temporaire de lutte contre la hausse des frais de scolarité, la CLASSE (Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante ). Celle-ci a animé le Printemps 2012 jusqu’à sa dissolution en novembre 2012.


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