Maman, pourquoi tu pleures? Santé mentale et maternité

Le documentaire Maman, pourquoi tu pleures? aborde l’enjeu méconnu des problèmes de santé mentale des femmes lors de leur grossesse. C’est un sujet pertinent considérant leurs effets sur les familles du Québec. Mais les solutions individualistes proposées dans le documentaire pour surmonter ces problèmes ratent la cible.  

Depuis la fin janvier, le documentaire Maman, pourquoi tu pleures? est disponible sur différentes plateformes. Son idéatrice, Jessica Barker, a pour objectif d’explorer le spectre de la santé mentale périnatale et d’en finir avec l’idéal romantique de la maternité. Le sujet est abordé à travers le récit de mères ayant rencontré des défis de taille.

Le sujet du documentaire est important et d’actualité. Au Québec, on estime qu’une femme sur cinq souffre d’un trouble de santé mentale pendant ou après la grossesse. Les charges hormonales ainsi que le stress lié à la parentalité sont les principales causes nommées dans les documents de l’INSPQ. À noter qu’un homme sur dix est aussi affecté par la dépression périnatale. L’importance de parler de cet enjeu est souvent mise de l’avant dans le documentaire. Mais, est-ce suffisant?

Bénéficier d’une aide professionnelle (travail social, psychologie, psychothérapie, psychoéducation, soins infirmiers, etc.) accessible et gratuite est sûrement plus adapté au problème. Pour l’obtenir, lutter pour un système de santé et de services sociaux qui réponde réellement aux besoins des femmes, des parents et des familles est indispensable. Les pistes de solutions du documentaire ne vont toutefois pas dans cette direction.

Le poids d’un système sur les épaules des femmes

Les témoignages du documentaire  sont percutants. Ils s’inscrivent dans une série d’autres témoignages sur la santé mentale qu’abordent les grands médias depuis quelque temps. Faire du sport, bien manger, prendre des marches, faire des siestes et oser parler de ce qui ne va pas, voilà des solutions qui nous sont proposées. 

Autant pour notre santé mentale que pour l’organisation de la famille, la responsabilité est mise sur les épaules des familles. Que faire lorsqu’on remarque qu’une voisine n’y arrive pas? Qu’elle semble fatiguée, sans ressource? Sommes-nous en mesure de l’aider? En avons-nous la force et les compétences? La volonté, l’écoute et la solidarité ne peuvent remplacer les outils d’intervention d’une personne professionnelle.

La parentalité est source de stress. L’inconnu, les changements dans le mode de vie ou encore le manque de sommeil affectent les pères et les mères. Pour les femmes s’ajoutent d’autres stress. Il y a déjà l’impact de la grossesse et de l’accouchement sur le corps. S’ajoutent à cela la charge hormonale et le poids des attentes envers leur rôle de mère. La Dre Tuong Vi Nguyen, psychiatre au Centre Universitaire de Santé McGill l’exprime dans le documentaire: «On s’attend que les mères gèrent la famille, l’organisation de la famille». 

L’état de santé physique et psychologique de la mère ne la concerne pas uniquement. Elle influe sur la vie de toute une famille. Tant que les femmes n’auront pas les mêmes salaires que les hommes ou que les garderies ne seront pas suffisamment accessibles et abordables, nous ne pourrons pas nous extirper du cycle des problèmes de santé mentale reliés à la grossesse.

Ce documentaire a fait grand bien à des femmes et à des familles qui se sont retrouvées dans les témoignages partagées. Entendre que c’est normal, finalement, et que ça fait partie de l’aventure permet de se sentir moins seules et de ne pas culpabiliser. 

Inclure la santé mentale dans l’accompagnement de la mère tout au long de la grossesse et même après l’accouchement, c’est l’objectif du programme Grande ourse du CHU Ste-Justine. Avec des tests adaptés et des entretiens, le personnel soignant est en mesure d’évaluer les besoins et de déceler les signes avant-coureurs de la dépression, de l’anxiété ou d’autres problèmes de santé mentale. Pourquoi ce programme n’est pas répandu à l’ensemble des CIUSSS du Québec? Voilà un autre effet de l’austérité sur la vie des femmes.

 La parentalité : un enjeu de société

La parentalité n’est pas un projet de neuf mois. Il dure toute la vie. En ce sens, la maternité est un enjeu collectif. L’enfant à naître ira à la garderie, puis à l’école. Peut-être cette personne ira-t-elle aux études supérieures. Elle sera probablement salariée et locataire. Elle aura besoin des services publics. Elle fera partie du monde et ne sera pas limité à sa bulle familiale.

C’est pourtant sur les épaules de celle-ci qu’on déverse le devoir de s’occuper de tout sous prétexte qu’avoir un enfant est un choix. Une société avec un modèle familial atomisé n’a qu’un objectif : en tirer le plus grand profit. Comment? En payant moins les femmes, en privatisant les services de soins, de santé mentale et d’éducation à l’enfance dont elles bénéficient – pour ne nommer que ces méthodes.

On doit sortir de cette dynamique. On doit sortir de ce système qui défavorise les femmes systématiquement pour maximiser le profit d’une minorité de riches. Si avoir un enfant est réellement un choix et non une obligation, il ne devrait pas être synonyme d’appauvrissement, de détérioration de sa santé mentale et économique.

 Le stress est d’abord économique

La santé mentale des mères comme celle de l’ensemble des travailleurs et travailleuses est un enjeu de santé publique. Il doit être géré collectivement, sans dépendre ni de la charité des fondations ni des services payants des compagnies privées ni des promesses creuses des élites politiques.

Les sources de stress sont souvent liées à nos conditions économiques. La facture de l’université qui vient à échéance en pleine période d’examens. Le loyer devant être payé en même temps que la passe d’autobus et les autres comptes. «Lâcher prise» est rarement une solution concrète. Promouvoir la santé mentale pour l’ensemble des femmes et des familles vient avec un lot de revendications sociales plus larges: l’accessibilité et la gratuité de tous les soins et services de santé, la gratuité scolaire, un salaire minimum décent et indexé au coût de la vie, un gel des loyers, la construction de logements publics abordables adaptés aux personnes âgées, étudiantes et aux familles.

Se battre pour améliorer l’indépendance économique des femmes, c’est favoriser leur santé mentale et celle de toutes les familles. À l’inverse, les attaques des gouvernements pour privatiser les services publics ou les assauts des employeurs sur les conditions de travail entraînent un retour aux rôles traditionnels. Comme il n’est plus rentable de travailler pour si peu, les femmes retournent à la maison s’occuper gratuitement des membres de leur famille. 

 On n’a rien à attendre d’un système qui nous use, qui vient gruger nos économies et nos énergies pour enrichir une poignée de capitalistes. Pour des familles épanouies et en santé, nous devons construire une société basée sur un autre modèle que celui du profit. Une société qui développe ses services et ses projets démocratiquement en fonction des besoins et des ressources disponibles. Une société qui prend uniquement en compte les intérêts des personnes qui étudient, qui travaillent et qui sont à la retraite. Si cela a du sens pour vous, entrer en contact avec nous pour bâtir la lutte pour un socialisme féministe!


par
Mots clés , , .