Un an plus tard, les travailleurs ne sont pas mieux lotis avec Joe Biden

Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir d’éloigner le pays de la droite, des millions de personnes sont confrontées à la menace imminente d’un raz-de-marée républicain lors des élections de mi-mandat, les midterms.

Lors d’une conférence de presse marquant la première année de mandat du président démocrate Joe Biden, un journaliste a demandé: «L’inflation est en hausse, votre législation nationale phare est bloquée au Congrès et, dans quelques heures, un effort au Sénat pour traiter de la législation sur la réforme électorale va échouer. Le COVID-19 continue de coûter la vie à 1500 Américains et Américaines chaque jour et les divisions de la nation sont aussi vives qu’il y a un an. Avez-vous fait des promesses excessives au public américain?» Joe Biden a simplement répondu: «Je n’ai pas fait de promesses excessives.»

C’est très loin de l’état d’esprit de la plupart des Américains et Américaines. La moitié déclarent se sentir «frustré·es» et «déçu·es» par la présidence de Biden. Si l’élection de 2024 avait lieu aujourd’hui, 60% des Américains et Américaines ne voteraient pas pour Biden. Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir de détourner le pays de la droite, des millions d’Américains et Américaines sont confronté·es à la menace imminente d’un raz-de-marée du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain) lors des élections de mi-mandat.

Joe Biden a été élu par des électeurs et électrices qui avaient davantage confiance en lui que dans Trump pour gérer la pandémie de manière adéquate. Pourtant, durant l’année 2021, il y a eu plus de cas de COVID, plus de décès et moins d’aide pour faire face à la pandémie qu’en 2020. Aujourd’hui, selon le fameux institut de sondage Gallup, l’inquiétude face à la pandémie n’a jamais été aussi forte qu’avant le déploiement des vaccins: 58% des personnes interrogées estiment que la situation s’aggrave. Au cours de la troisième année de la pandémie, l’aide fédérale s’épuise, ce qui, ajouté à la pression d’une inflation record depuis 40 ans, crée un stress économique insoutenable pour les travailleurs. En fait, l’inflation a dépassé le COVID-19 en tant que principale préoccupation des Américain·es. L’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’essence fait un trou dans le portefeuille des gens, mais Biden refuse de prendre le problème au sérieux.

Une femme du Nevada interrogée par CNN a résumé les sentiments de beaucoup: «Je ne veux pas dire ça, mais quand Donald Trump était là, ce n’était pas du tout comme ça.»

L’incrédulité de Biden face à cette situation est encore plus exaspérante que ses échecs. Nouveaux variants, obstruction au Congrès et inflation: qui donc aurait pu prévoir tout ça? Quasiment tous ceux et celles qui font attention.

Le plan de sauvetage américain de 1900 milliards de dollars adopté en mars 2021 a apporté un soulagement crucial aux travailleurs et travailleuses et aux familles. Des millions de personnes ont pu se faire vacciner au début de 2021. Mais au moment du barbecue du 4 juillet organisé par la Maison Blanche pour célébrer l’indépendance du Covid, il manquait 7,4 millions de vaccins à l’objectif de Biden. À ce moment-là, le variant Delta était déjà en route, et il n’a pas fallu longtemps pour que la «lune de miel Biden» s’arrête net.

Parallèlement, les États-Unis ont refusé de s’attaquer sérieusement à la distribution de vaccins de qualité à l’échelle mondiale, ce qui, si rien n’était fait, n’allait faire qu’accroître le nombre de variants. Au lieu d’utiliser le Defense Production Act comme il l’avait promis pour produire des tests en masse, Biden a déclaré la guerre aux non-vacciné·es. Alors que les personnes vaccinées et non vaccinées attendaient dans les files d’attente pendant des heures et parcouraient les étagères vides pour trouver des kits de test, l’attachée de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, a ridiculisé l’idée d’envoyer les tests directement dans les foyers.

Le chômage et les différentes aides sociales sont à sec tandis que Joe Biden a renoncé à sa promesse d’annuler une partie de la dette étudiante, déclarant au contraire que la reprise du remboursement de la dette était une priorité absolue de son administration (41 millions de personnes bénéficient actuellement d’un moratoire sur le remboursement de leur dette étudiante, NdT).

Le programme «Build Back Better» de Joe Biden proposait des programmes sociaux extrêmement populaires devant être financés par l’imposition des riches. Pourtant, en octobre, seuls 10% des personnes interrogées déclaraient connaître les détails de ce plan, qui aurait pu inclure des congés payés parentaux, des programmes d’éducation préscolaire universels, des collèges communautaires gratuits, un élargissement de l’éligibilité à Medicare et des mesures pour le climat. Suite à l’opposition des sénateurs démocrates conservateurs de Virginie-Occidentale Joe Manchin et de l’Arizona Kyrsten Sinema, en novembre, la grande majorité des programmes qui auraient aidé les travailleurs et travailleuses avaient été supprimés. Aujourd’hui, Biden et la direction du parti démocrate parlent de réduire encore plus le paquet de mesures et d’en supprimer jusqu’au nom. L’objectif est de créer une nouvelle législation qui réponde à toutes les exigences du baron du charbon Joe Manchin: avant tout, «pas d’assistanat».

L’abyssale stratégie des démocrates

Au beau milieu d’une poussée du variant Omicron et alors que sa cote de popularité n’a jamais été aussi basse, la vice-présidente Kamala Harris a déclaré lors d’une interview: «Il est temps pour nous de faire ce que nous avons fait, et ce temps, c’est tous les jours.» Elle a raison – dans le sens où chaque jour, les démocrates se tirent une balle dans le pied. Il n’est pas difficile de voir où les choses pourraient aller à partir de là. Vingt-six démocrates se retirent de la Chambre. Alors que les démocrates se dirigent vers un désastre de mi-mandat avec pratiquement rien à montrer comme concrétisation de leurs grandes promesses, ils feront probablement campagne sur des proclamations alarmistes concernant les «menaces existentielles pour notre démocratie». Il est absolument vrai que les droits démocratiques sont attaqués dans les États dirigés par les Républicains. Mais si c’est tout ce que les Démocrates ont à dire, ce sera assez difficile à vendre.

L’ère Trump a montré l’ampleur des dégâts que le parti républicain peut faire avec ne serait-ce qu’un pouce de pouvoir pour faire passer en force des réductions d’impôts pour les riches, publier des décrets de droite, remplir la Cour suprême de cinglés ultraconservateurs. Et depuis que les démocrates sont au pouvoir, les plus grandes menaces pour les travailleurs et travailleuses proviennent des législatures d’État de droite.

Pourquoi ne déclarent-ils pas la guerre à Sinema et Manchin?

Nous sommes censés croire que l’invincibilité divine des sénateurs démocrates conservateurs Sinema et Manchin est la seule raison pour laquelle nous ne pouvons espérer aucun gain législatif de cette administration. Plus récemment, l’incapacité à faire avancer la réforme cruciale du droit de vote a donné un ton lugubre à la Journée Martin Luther King. Les Démocrates ont utilisé une discipline de parti rigoureuse pour réprimer la gauche. Les menaces que les dirigeants de la Chambre des représentants ont proférées à l’encontre d’Alexandria Ocasio-Cortez pour qu’elle change son vote négatif en vote positif concernant le financement du Dôme de fer israélien pourraient être également appliquées à Sinema et Manchin. La campagne qui a poussé les élu·es de gauche réunis dans «The Squad» (la brigade) à faire l’éloge de l’administration Biden et à s’aligner sur la direction du parti pourrait être reproduite.

Il serait également possible d’utiliser l’autorité des structures du parti. Tous ces textos et courriels ennuyeux du Comité national démocrate demandant de l’argent pourraient plutôt être des appels à la pression publique sur Manchin et Sinema pour qu’ils adoptent le programme des Démocrates. Plusieurs budgets de plusieurs millions (DSCC, Senate Majority PAC) pourraient faire de même. D’innombrables outils existent, mais les Démocrates ne les utilisent pas. Pourquoi? parce qu’ils ne le veulent pas.

Les progressistes comme Bernie Sanders ont commencé à parler des défis que représentent Sinema et Manchin. Mais même avec ces deux-là hors du chemin, qu’est-ce qui empêcherait un·e autre élu·e de devenir le nouveau «méchant»? Il suffit que le lobby des entreprises les courtise et que les dirigeants démocrates tendent l’autre joue. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre ne se présente aux élections avant 2024, alors que, pour autant que nous sachions, nous pourrions être sous une majorité républicaine et cela ne ferait guère de différence.

Une alternative de gauche audacieuse est la seule issue possible

Dire que le bilan des démocrates «ouvre la porte» au populisme de droite est un euphémisme. Les échecs de l’administration Biden sont une marque géante et clignotante pour les populistes de droite et l’extrême droite que les travailleurs et travailleuses ont désespérément besoin de changement. Pour la gauche, il s’agit soit de sombrer avec le navire en perdition des Démocrates, soit de se réunir et de se soulever pour offrir une alternative. Si nous ne sommes pas honnêtes sur la dure réalité de ce que le leadership démocrate a signifié pour les travailleurs et travailleuses, et sur la futilité du vote de «moindre mal», la frustration et la déception ne feront qu’exacerber la menace de la droite, et non alimenter le mouvement pour ce dont nous avons vraiment besoin.

Il ne pourrait être plus clair que pour réformer le parti démocrate, il faudrait le transformer à un niveau fondamental par une révolte de la base au sommet. Les candidatures qui refusent l’argent des entreprises et s’engagent à adopter une approche combative pour les revendications de la classe ouvrière devraient défier les démocrates capitalistes à tous les niveaux, parallèlement à une révision complète des structures antidémocratiques du parti. Si la «réforme du parti» nécessite une telle bataille acharnée, pourquoi le faire au sein du parti démocrate, qui dispose d’outils intégrés pour saboter les campagnes de gauche comme celle de Bernie et punir son flanc gauche? Construire notre propre parti de gauche est la seule voie rationnelle à suivre.

Alors que la cote de popularité de Biden a baissé dans tous les domaines, les frustrations des jeunes et des travailleurs et travailleuses ont été les plus prononcées. C’est à eux et elles que la gauche peut s’adresser en proposant une alternative politique. La formation d’un large parti de gauche pour sauver les travailleurs et travailleuses de l’échec de la stratégie démocrate et de la droite n’a jamais été aussi urgente.


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