La droite tente de destituer Kshama Sawant, la riposte est à hauteur de l’enjeu

La riposte contre la tentative de destitution de Kshama Sawant (membre de Socialist Alternative et élue au conseil de la ville de Seattle) atteint son apogée alors que les bulletins de vote ont été envoyés aux électeurs et doivent être complétés avant le 7 décembre.

Pourquoi la droite veut-elle se débarrasser d’elle? La réponse est simple. Depuis son élection en 2014, elle et ses camarades de Socialist Alternative se sont battu·es avec ténacité pour les droits des travailleuses et travailleurs à Seattle et au niveau international. Elle fut la figure de proue de la campagne pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure à une époque où l’on attaquait la revendication en la qualifiant d’utopique et d’irréaliste. Mais la mesure fut arrachée par la lutte et appliquée à Seattle. C’était la première grande ville des États-Unis à procéder de la sorte, ce qui a directement servi d’inspiration à celles et ceux qui se battaient ailleurs pour la même cause.

En 2020, elle a contribué à la victoire de la campagne « Taxez Amazon ». Résultat : l’entreprise, dont le siège principal est à Seattle et qui est réputée pour le faible niveau d’imposition qu’elle paie partout où elle est présente, devra verser 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie pour financer des logements abordables et des projets d’infrastructure durables dans la ville.

Kshama Sawant a également provoqué la colère du lobby de l’immobilier de Seattle en obtenant des lois novatrices sur les droits des locataires, comme l’obligation pour les propriétaires de donner un préavis de 6 mois avant d’augmenter les loyers. Les personnes contraintes de déménager reçoivent dorénavant une aide au relogement pendant trois mois et les expulsions hivernales sont interdites. Elle a également défendu le contrôle des loyers.

Kshama Sawant fut encore la combattante la plus constante contre la brutalité policière et le racisme structurel. Elle a ouvert la voie à la première interdiction en Amérique de l’utilisation de gaz lacrymogènes et d’autres armes de « contrôle des foules » et a assuré le transfert de dizaines de millions de dollars du financement de la police vers des logements abordables.

Comme si cela ne suffisait pas déjà, les grandes entreprises la redoutent parce qu’elle n’est pas une politicienne carriériste qui passe son temps à faire des compromis et à privilégier les coulisses du pouvoir : elle utilise sa fonction pour construire des mouvements de lutte et y impliquer les couches larges de travailleuses et de travailleurs.

Il n’est donc pas surprenant que les entreprises aient réuni d’énormes sommes d’argent pour faire campagne contre Kshama. Rien que cette année, celles-ci ont accumulé un trésor de guerre de 2 millions de dollars pour les élections de Seattle. Parmi les partisans les plus actifs de la campagne de révocation figurent les propriétaires d’entreprises et des personnes telles que Morgan Battrel, vice-président senior d’Amazon, et John Schoettler, responsable de l’immobilier mondial d’Amazon.

Parmi les ennemis traditionnels des socialistes de Seattle figure le Seattle Times, journal qui fait ouvertement campagne pour la révocation de Kshama Sawant parce que « entre autres crimes », elle est la première élue qui ait jamais été impolie! Bien sûr, ce qui leur déplaît vraiment, c’est que Kshama est une défenseure infatigable des travailleuses et des travailleurs. Le journal a publié cette semaine un éditorial contre Kshama, truffé de préjugés sexistes et de condescendance envers la classe ouvrière.

La procédure de destitution par vote – la première jamais organisée en décembre – est conçue pour garantir un faible taux de participation, c’est-à-dire pour s’assurer que les habitantes et habitants des zones les plus pauvres ne votent pas. La période de vote est interrompue par la grande fête de Thanksgiving, ce qui prive les partisans de plus de temps pour faire campagne. On s’attend à ce que, dans les jours précédant le 7 décembre, de nouvelles attaques et calomnies soient lancées pour tenter de saper le soutien à Kshama.

Les « comités d’action politique » (PAC) sont utilisés aux États-Unis comme un moyen de canaliser des fonds pour soutenir ou s’opposer à des candidats. Ils sont censés avoir une limite supérieure de 1000 $ pour les dons d’un individu. La droite a mis en place différents fonds pour s’opposer à Kshama et tente maintenant de faire supprimer la limite de 1000 $. Le dernier en date, intitulé « A Better Seattle », a récolté plus de 130 000 dollars auprès de sociétés immobilières et de méga-donateurs de Trump. Dans les prochains jours, cet argent sera injecté pour tenter d’obtenir la révocation de Kshama.

Une partie de l’équipe de militant·es de Socialist Alternative à Seattle.

Mais le combat continue! Malgré le terrain difficile sur lequel les socialistes de Seattle doivent se battre pour cette élection, ils et elles sont déterminé·es à tout mettre en œuvre pour obtenir une nouvelle victoire. Seattle n’est pas connue pour son beau temps et la campagne a même lancé un appel pour collecter 5 000 dollars afin de « se préparer pour l’hiver » en équipant les militant·es d’auvents, de bâches, de ponchos, de lanternes, de gilets réfléchissants, de vestes étanches et bien d’autres choses encore afin que les bénévoles soient aussi sûrs et secs que possible.

D’énormes équipes de campagne vont à la rencontre des électrices et électeurs pour leur expliquer les enjeux de cette lutte et les persuader de se rendre aux urnes afin de rejeter cette tentative de destitution raciste et sponsorisée par les grandes entreprises. Le weekend dernier, par exemple, un « méga-canvass » du district 3, que Kshama représente, a été organisé. Des milliers de personnes ont discuté de l’attaque antidémocratique que cette tentative de rappel représente contre le mouvement Black Lives Matter et de l’avantage que représente la conseillère Kshama Sawant à la mairie pour les travailleuses et les travailleurs. Des centaines de personnes se sont portées volontaires pour participer à ces événements. Même pendant la campagne, Kshama continue de soutenir celles et ceux qui se battent pour leurs droits. Elle a notamment soutenu activement la récente grève des charpentiers de Seattle.

La campagne de solidarité de Kshama a permis de réunir un fonds de lutte massif – plus de 840 000 dollars. Cette somme a été collectée non pas auprès d’un petit nombre de riches donateurs, mais auprès de plus de dix mille personnes. Diverses structures syndicales ont également organisé des événements de collecte de fonds.

Les soutiens affluent. Plus de vingt organisations syndicales ont soutenu Kshama, et beaucoup, beaucoup plus de militantes et militantes et de membres individuels. Les travailleuses et travailleurs des soins de santé, de l’enseignement, de la restauration, de la distribution et de la construction sont les plus représenté·es. Ils et elles sont rejoint·es par des groupes et organisations locales. Des personnalités de gauche telles que Noam Chomsky ont également appelé à soutenir Kshama.

Le journal de Seattle The Stranger s’est lui aussi fermement prononcé contre cette procédure de rappel. Il déclare : « Lorsque vous mettrez la main sur ce bulletin de vote, ouvrez l’enveloppe, remplissez la bulle « Recall No », glissez-la dans la boîte de dépôt la plus proche avant le 7 décembre à 20 heures, puis maudissez la campagne Recall Sawant pour cette foutue perte de temps et d’énergie. »

Les Democratic Socialists of América (DSA) se mobilisent également pour soutenir la campagne, comprenant que si Kshama est battue, il y aura d’autres attaques contre d’autres élus socialistes. Les partisans de Bernie Sanders signalent maintenant qu’ils reçoivent eux aussi des messages de Bernie leur demandant de s’opposer à la tentative de révocation.

Les grandes entreprises peuvent penser qu’elles peuvent éliminer la seule marxiste élue des États-Unis – mais elles vont devoir se battre pour y parvenir.


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