Crise climatique : comment pouvons-nous gagner?

La crise climatique en cours est le signe le plus clair, parmi beaucoup d’autres, que ce système doit disparaître. « L’Organisation météorologique mondiale a indiqué mercredi que la crise climatique a engendré des conditions météorologiques extrêmes qui ont tué plus de 2 millions de personnes au cours des 50 dernières années, avec des dommages économiques de plus de 3 600 milliards de dollars. Les chercheurs ont constaté que le nombre d’événements météorologiques extrêmes a été multiplié par cinq par rapport à 1970. » (Democracy Now le jeudi 02/09/2020)

Cette déclaration réaffirme la sensation que nous voyons, entendons, lisons et vivons dans notre vie quotidienne de plus en plus fréquemment: la situation est désastreuse et elle va empirer. La crise climatique se déroule depuis des années. Elle s’accélère, provoquera inévitablement des destructions sans précédent de notre vivant et conduira à des catastrophes climatiques encore plus graves si nous ne changeons pas radicalement de cap dans les années 2020. Sous le capitalisme, des scénarios cauchemardesques avec des émissions accrues entraînant une augmentation de 3 à 5 degrés de la température moyenne mondiale et une élévation du niveau des mers de plusieurs mètres, sont presque garantis. Cela signifie la conversion de grandes parties de notre planète en zones non compatibles avec la civilisation humaine.

Il y a encore de l’espoir

Cependant, il y a aussi de l’espoir : selon le dernier rapport du GIEC, le réchauffement de la planète peut être limité si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites à la vitesse et à l’échelle nécessaires. Mais pour que cela soit possible, il faut un changement de système révolutionnaire. S’il s’agit sans aucun doute d’un défi majeur, résoudre la crise climatique dans les limites du capitalisme est carrément impossible.

Les gouvernements et les institutions capitalistes, de plus en plus conscients qu’ils doivent au moins donner l’impression d’essayer de faire quelque chose de grand (et de gagner beaucoup d’argent dans le processus), vont sans aucun doute céder à la pression et mettre en œuvre de nouvelles politiques, y compris une intervention massive de l’État similaire à celle observée pendant la pandémie. Mais tout cela ne sera tout simplement pas assez important, ni assez rapide, pour obtenir le changement dont nous avons besoin dans les années 2020.

Les lois de l’accumulation sans fin du capital et de la concurrence, ainsi que de la division et des antagonismes nationaux, font partie de l’ADN du système, elles ne sont pas sujettes à débat et les classes dirigeantes n’hésitent pas à les faire respecter par la violence si nécessaire. Ces contradictions du capitalisme se dressent comme des murs géants sur le chemin du progrès pour sauver le climat.

Il n’y a pas d’autre solution : comme nous l’avons affirmé tout au long de cette brochure, si nous voulons sauver l’humanité de la barbarie et de la catastrophe climatique, nous devons remplacer le système capitaliste destructeur par un système démocratiquement socialiste dans lequel la production, la distribution et l’ensemble de l’économie sont planifiés en fonction des besoins des personnes et de l’environnement, sous le contrôle démocratique et le gouvernement d’en bas.

Une question de classe

Les gens ne sont évidemment pas tous touchés de la même manière par les effets de la crise climatique: les riches peuvent s’offrir des générateurs privés pour sécuriser leur approvisionnement en électricité, isoler correctement leurs maisons contre la chaleur et le froid ou s’éloigner des zones particulièrement touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. Les super-riches ont même leurs bunkers privés en Nouvelle-Zélande pour tenter d’échapper à l’apocalypse climatique.

La classe ouvrière et les pauvres, en revanche, n’ont pas ce choix. Au contraire, les travailleurs (en particulier les personnes de couleur, les femmes et les groupes marginalisés) sont touchés de manière disproportionnée par la crise climatique, alors qu’ils ne contribuent qu’à une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cependant, le côté positif est que ce sont également ces mêmes personnes – la classe ouvrière mondiale et les opprimés – qui ont à la fois le pouvoir et l’intérêt de défier et finalement de renverser ce système.

Amis et ennemis

Soyons clairs sur ce point: ce n’est pas l’activité humaine dans l’abstrait, le fait qu’il y ait « trop de gens », ou nos choix de consommation qui sont à l’origine de la crise climatique, c’est le système capitaliste. Ce système, qui repose sur l’exploitation des gens et de la nature, engendre la pauvreté, les déplacements de population et les guerres, le racisme et le sexisme, ainsi que d’innombrables autres maux sociaux. Ce système et ses classes dirigeantes sont nos ennemis ! Reconnaître pleinement ce fait est la première étape très importante pour trouver une stratégie gagnante – nous devons savoir distinguer nos amis de nos ennemis.

Cependant, ce n’est pas toujours évident: la crise climatique mettant en danger les profits des capitalistes et la pression du mouvement augmentant, de nombreuses entreprises, gouvernements et politiciens ont commencé à appeler à l’action climatique. Par exemple, lors d’un discours à la Maison-Blanche le 2 septembre 2021, le président américain Biden a déclaré : « Ces derniers jours, l’ouragan Ida, les incendies de forêt dans l’Ouest et les crues soudaines sans précédent à New York et dans le New Jersey nous rappellent une fois de plus que ces tempêtes extrêmes et la crise climatique sont là. » Dans le même discours, il a toutefois précisé : « C’est pourquoi nous n’attendons pas d’évaluer l’impact total que la tempête aura sur la production de pétrole et les raffineries. Nous agissons déjà, rapidement, pour augmenter la disponibilité du gaz [essence] et relâcher la pression sur les prix du gaz dans tout le pays. » Biden intensifie également la guerre froide avec la Chine, en instrumentalisant la crise climatique.

Le capitalisme vert ne peut pas résoudre la crise climatique. Il vise plutôt à accéder à de nouveaux marchés, à obtenir un avantage concurrentiel – le « vert » est un argument commercial – et aussi à tenter de restaurer la légitimité du système, de regagner la confiance de la jeune génération. C’est une tactique de diversion dans la lutte désespérée pour protéger le système. On tente de nous vendre l’illusion qu’un prétendu capitalisme éthique et vert pourrait mettre fin à la crise climatique et que tout ce que nous devons faire est de faire pression pour des réglementations plus strictes et de réduire nos empreintes carbone individuelles en faisant les bons choix de consommation. Qu’il soit déguisé en vert, rose ou arc-en-ciel, le « capitalisme woke » ne vise pas à résoudre les problèmes brûlants de la crise climatique, du sexisme ou de l’homophobie et de la transphobie. Il vise plutôt à coopter les mouvements et les critiques du système et à renforcer la légitimité du pouvoir capitaliste qui s’effrite.

La solidarité de la classe ouvrière, pas le capitalisme vert

Si nous devons bien sûr toujours nous battre pour des améliorations ici et maintenant, nous devons être conscients que ces améliorations sont le résultat de luttes d’en bas et que toutes les victoires que nous obtenons seront bientôt menacées à nouveau tant que le capitalisme existera. Nous devons défendre une combinaison de revendications audacieuses, des méthodes de lutte et un programme qui, ensemble, peuvent mener au-delà du système actuel, exposant ainsi les mensonges du « capitalisme vert ». Le récit « le climat contre l’emploi » ou l’argument selon lequel la « surpopulation » est le moteur de la crise climatique, par exemple, sont des hommes de paille erronés et dangereux qui visent à diviser la classe ouvrière. Nous devons répondre à ces mensonges en construisant l’unité et la solidarité de la classe ouvrière la plus large possible, pas seulement dans l’abstrait, mais de manière concrète. Nous devons construire l’unité de la classe ouvrière, c’est un point de référence central lors de l’élaboration de nos revendications et de nos slogans, ainsi que lors de l’organisation de manifestations et d’actions plus importantes.

Dans de nombreux cas, nous avons déjà vu des jeunes unir leurs forces et construire la solidarité dans le mouvement pour le climat. De nombreux militants pour le climat ont également participé aux manifestations de Black Lives Matter, à la solidarité avec les réfugiés et aux manifestations du 8 mars, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Aux États-Unis, le Sunrise Movement s’est officiellement mobilisé pour les manifestations de Black Lives Matter, et récemment, l’activiste climatique indienne Disha Ravi, Greta Thunberg et d’autres ont soutenu le mouvement de protestation et de grève des agriculteurs indiens.

La prochaine étape consiste à construire ce même esprit de coopération et de solidarité en relation avec le mouvement syndical et ouvrier, car c’est lorsque nous nous organisons en tant que classe ouvrière que nous avons le pouvoir d’arrêter la machine capitaliste de fonctionner. Grâce à des actions de grève organisées collectivement, nous pouvons créer le type de pression politique et économique qui peut imposer de grands changements.

Pour un mouvement de grève militant

Nous avons vu l’importance des grèves économiques des travailleurs lors des récents soulèvements au Belarus, au Chili, au Myanmar, en Colombie et dans de nombreux autres pays. Il en va de même pour le climat : lutter et faire grève pour la protection de l’environnement et de l’écologie ainsi que pour des améliorations sociales est la méthode la plus puissante pour gagner le changement. Les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, telles que la journée de travail de 8 heures, le droit de vote des femmes et les droits démocratiques dans de nombreux pays, n’ont pas été obtenues en étant « pas trop radical » et en faisant appel aux médias et aux décideurs politiques, mais par des actions collectives de grève et de protestation.

La construction d’un mouvement de grève combatif qui lie les revendications climatiques et les autres revendications sociales ne se fera pas principalement par le biais de réunions stratégiques avec les directions des syndicats (dont la plupart n’ont pas été à la hauteur de la lutte pour les travailleurs et travailleuses au cours de la dernière période), mais avant tout en s’engageant et en soutenant les organisations de base existantes et les militants et militantes de la classe ouvrière qui mènent déjà des luttes, par exemple dans le secteur social et des soins de santé.

Nous, et l’ensemble du mouvement pour le climat, devons soutenir, nous engager et essayer de relier les luttes ouvrières dans différents secteurs économiques et pays, et faire pression sur les syndicats pour qu’ils agissent. Nos premiers pas dans cette voie, même s’ils sont modestes, seront d’une grande importance.

En fin de compte, nous devons construire des grèves internationales intersectorielles pour le climat visant à améliorer les conditions de travail, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à faire payer les véritables pollueurs. Tout comme les grèves scolaires de 2019 se sont répandues comme une traînée de poudre, l’idée de véritables grèves générales pour les travailleurs et la planète peut devenir plus viable dans la prochaine vague du mouvement.

La classe ouvrière peut prendre le pouvoir et sauver la planète

Sur la base de son rôle dans la production et de son poids dans la société, la classe ouvrière a le pouvoir de prendre le contrôle des secteurs économiques clés tels que l’agriculture, l’énergie, le transport et la mobilité, et le social et les soins de santé, par le biais de la propriété publique et du contrôle démocratique. L’histoire l’a montré à plusieurs reprises : si l’on ne retire pas la propriété des moyens de production des mains privées pour en faire une propriété publique sous contrôle et gestion démocratiques de la classe ouvrière, la gestion des entreprises et de la production ne changera pas fondamentalement de cap.

Dans de nombreux pays européens, les « comités d’entreprise » et les organes représentatifs des travailleurs et traveilleuses se sont développés à partir des luttes ouvrières militantes et révolutionnaires après la Première Guerre mondiale. En Autriche, par exemple, les conseils ouvriers (calqués sur les « soviets » de la révolution russe) se sont formés pendant les grèves de janvier 1918, en tant qu’organisations de masse en dehors des portes de l’usine. Lorsque le SDAP (parti ouvrier social-démocrate) a ensuite tenté de les établir sur le lieu de travail, il s’agissait d’une « concession à la bourgeoisie, qui avait peur que les travailleurs et travailleuses, qui occupaient déjà les usines, ne les exproprient », comme l’a déclaré un responsable syndical autrichien. Ainsi, au lieu de prendre le contrôle de la production, ces organes représentatifs des travailleurs et travailleuses se sont institutionnalisés, abandonnant au fil du temps toute idée de changement radical. Aujourd’hui, ils limitent largement leur travail à la défense des droits et des intérêts des travailleurs et travailleuses au niveau de l’entreprise, dans le cadre juridique donné, et forment le « lien entre la main-d’œuvre et la direction », comme le décrit la Chambre du travail autrichienne.

Il ne s’agit pas de diminuer ici le rôle crucial que les délégués syndicaux doivent jouer dans la lutte pour les droits des travailleurs et travailleuses et l’organisation des luttes ouvrières, mais simplement d’avertir des limites de toute idée de « contrôle ouvrier » durable dans un cadre économique capitaliste. Rester dans le cadre capitaliste officiel et « respecter les règles » ne domptera pas la cupidité des entreprises, mais cela va certainement dompter le militantisme des luttes ouvrières.

Parfois, la classe ouvrière organisée devient si forte qu’elle contrôle de facto certains domaines de la société (ce que les marxistes appellent aussi le « double pouvoir »), mais cela ne peut pas durer longtemps. L’un des deux camps, la classe capitaliste ou la classe ouvrière, finira par prendre le dessus. Nous devons préparer et construire le pouvoir et l’organisation de la classe ouvrière. La classe ouvrière peut et doit renverser les États capitalistes et les remplacer par des États ouvriers socialistes et démocratiques.

Les tendances actuellement dominantes dans le mouvement pour le climat n’ont cependant pas encore tiré les conclusions nécessaires. Bien que beaucoup exigent un changement de système ou appellent même à une révolution, ils n’ont pas pleinement saisi ce qui est réellement nécessaire pour y parvenir. De nombreux points de référence du mouvement, qu’il s’agisse d’activistes individuels ou d’organisations telles que Green New Deal Rising, ont de très bonnes revendications, d’une grande portée, concernant par exemple les investissements verts et les programmes d’emploi, et ils savent que l’on ne peut pas faire confiance à la classe dirigeante.

Cependant, lorsqu’il s’agit de savoir comment obtenir ces revendications, ils retombent souvent dans des stratégies de type ONG, se contentant de préconiser de faire pression sur les élus en dénonçant leur inaction. Si de telles campagnes peuvent assurément susciter l’attention nécessaire du public et peuvent également politiser certains jeunes, nous devons aller plus loin. Le mouvement pour le climat doit se concentrer davantage sur le soutien et l’engagement dans les luttes syndicales existantes depuis la base, afin de construire un front uni militant entre les groupes de justice climatique et le mouvement syndical et ouvrier, capable d’imposer les changements nécessaires et de défier le système dans son ensemble.

Pour lutter pour les changements révolutionnaires qui sont nécessaires et combattre efficacement la crise climatique et les nombreux autres maux sociaux, nous devons construire des mouvements de masse et une organisation révolutionnaire avec un programme clair pour relier les luttes, combattre le capitalisme et transformer la société. Pour gagner le changement de système à l’échelle mondiale, une telle organisation doit être construite au niveau international, c’est pourquoi Alternative Socialiste Internationale (ISA), une organisation de travailleurs et travailleuses et de jeunes, lutte activement pour une transformation socialiste de la société dans plus de 30 pays.

Pour obtenir le changement révolutionnaire nécessaire pour mettre fin au capitalisme, à la destruction de notre planète et à toutes les formes d’oppression, rejoignez l’ISA!


Article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.


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